Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 29 janvier 2015 à 9h00
Débat sur le thème : « la france dispose-t-elle encore du meilleur système de santé au monde ? »

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

… malgré une alimentation très riche, à laquelle s’ajoute parfois par une forte consommation d’alcool et de tabac.

L’OCDE a publié également en 2013 son panorama de la santé. Selon ce dernier, le système de santé en France demeure performant et efficace. En effet, il continue d’assurer l’une des meilleures prises en charge des coûts de santé de la population parmi les pays de l’OCDE. Toutefois, toujours selon l’OCDE, la pérennité de notre système pourrait être menacée par un renouvellement insuffisant de la population médicale.

Si 90 % des Français pensent que notre système de santé offre des soins de qualité, 39 % d’entre eux avouent, malheureusement, avoir déjà renoncé à des soins en raison de leur coût. Les Français pensent que notre système de santé doit être amélioré afin de répondre aux besoins de l’ensemble de la population.

Entre le nombre de personnes renonçant à se soigner par manque de moyens et les inégalités socioprofessionnelles dans l’accès aux traitements, le système français semble être en perte de vitesse. Nous sommes confrontés à un véritable paradoxe : notre système de santé est considéré comme l’un des plus performants, mais notre pays est, Europe de l’Ouest, celui où les inégalités sociales et territoriales sur le plan de la santé sont les plus marquées.

Ces inégalités, auxquelles il faudra apporter des réponses, revêtent plusieurs aspects.

Tout d’abord, l’offre de soins est répartie de façon inégalitaire sur l’ensemble du territoire français, notamment si l’on considère le temps d’accès à un généraliste : globalement, il s’allonge dans les zones rurales, les professionnels se concentrant dans les zones urbaines. Du reste, les déserts médicaux se multiplient, à la campagne mais aussi dans les banlieues.

Dépassements d’honoraires, allongement des listes d’attente, difficulté de trouver un médecin le soir ou le week-end : tel est le quotidien des Français. Bien entendu, les dépassements d’honoraires constituent un obstacle important à l’accès aux soins.

Nous observons également de larges inégalités en matière de santé et de mortalité, inégalités qui, malheureusement, ne font que s’accroître. La France est le pays où les inégalités en matière de santé sont les plus fortes entre les sexes, les catégories sociales et les zones géographiques. Les plus instruits, les membres des professions les plus qualifiées et les ménages les plus aisés bénéficient d’une espérance de vie plus longue et se trouvent en meilleure santé. Les patients issus de milieux favorisés ont 1, 5 à 2 fois plus de chances de guérir que les autres. De même, le taux de prématurité varie du simple au triple en fonction du niveau scolaire de la mère.

Les inégalités apparaissent précocement puisque, dès l’école, on détecte des différences dans la prise en charge des troubles de la vue, des caries dentaires et dans l’apparition du surpoids.

Les inégalités en matière de mortalité selon la catégorie sociale placent également la France en situation peu favorable par rapport à d’autres pays européens comparables. Par exemple, l’espérance de vie d’un ouvrier de 35 ans est inférieure de sept ans à celle d’un cadre.

Selon un rapport de la DREES – direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques –, si l’état de santé des Français apparaît globalement bon, le taux de mortalité prématurée, c’est-à-dire avant 65 ans, reste l’un des plus élevés de l’Union européenne.

Toutes ces inégalités peuvent s’expliquer par une politique de santé principalement axée sur la performance médicale plutôt que sur la promotion de la santé. Notre pays obtient de très bons résultats dans certains domaines – maladies cardiovasculaires, espérance de vie aux âges élevés – mais, comparé à de nombreux pays, il obtient de mauvais chiffres en termes de mortalité prématurée, notamment en raison du manque de prévention et de dépistage.

Ainsi, la politique sanitaire en France demeure, malheureusement, encore trop axée sur le curatif.

Face à toutes ces inégalités, la prévention peut jouer un rôle important. Elle doit devenir une priorité en matière de santé publique.

Par ailleurs, la crise économique que nous connaissons actuellement renforce la nécessité de réfléchir sur ces inégalités et commande la mise en place de politiques publiques permettant de garantir à l’ensemble de la population une certaine égalité en matière de santé.

Telle catégorie de population ne doit pas être, plus qu’une autre, victime de certaines affections, et c’est là tout le rôle de l’éducation sanitaire. De plus, celle-ci serait source d’économies.

Selon les estimations des scientifiques, nous pouvons craindre pour les prochaines années, par exemple, une hausse des maladies chroniques telles que les cancers, le diabète, l’obésité ou les maladies cardiovasculaires. La Fédération internationale du diabète annonce une augmentation de 55 % du nombre de diabétiques en France d’ici à 2025. Une politique de prévention adaptée, menée sur le long terme, permettrait de faire des économies en anticipant sur ces évolutions.

Bien souvent, ces maladies sont devenues la cause de décès prématurés avant 65 ans. Les deux tiers, environ, de ces décès prématurés seraient évitables par une action préventive efficace. Aujourd’hui, certains facteurs de risque sont bien identifiés : tabac, nutrition, alcool, expositions professionnelles, environnement, produits illicites On peut donc mieux appréhender et agir sur ces risques.

La promotion de la santé implique d’intervenir sur l’ensemble des éléments déterminants à cet égard : les conditions de vie, les facteurs héréditaires et les comportements personnels, l’environnement économique, social et culturel.

Les politiques de santé doivent être menées en intelligence avec les autres politiques publiques.

La prévention mérite de devenir une priorité en matière de santé publique. À cet égard, je me réjouis qu’elle fasse l’objet d’un grand volet spécifique dans le projet de loi de santé que nous présentera prochainement Mme la ministre de la santé. Nous devons en effet développer une véritable culture de la santé, en faisant comprendre que celle-ci se bâtit progressivement tout au long de la vie.

Je souhaiterais maintenant évoquer la situation des maternités dans notre pays.

Aujourd’hui, la sécurité des naissances demeure imparfaite dans un certain nombre de situations. En effet, les décrets de 1998, seize ans après leur parution, ne sont pas pleinement respectés.

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