Notre appréciation globale sur le projet de loi n'a pas évolué au regard des débats engagés à l'Assemblée nationale. Ce projet s'inscrit dans la continuité des réformes précédentes. La mesure emblématique de cette réforme réside dans l'allongement de la durée de cotisation requise pour l'obtention de la retraite à taux plein.
Cet allongement nous posait déjà problème lors des réformes précédentes, et d'autant plus aujourd'hui lorsque nous considérons la situation de l'emploi. Par ailleurs, la durée d'activité sur une vie ayant tendance à baisser depuis déjà plusieurs décennies, on se demande comment, à l'âge d'ouverture des droits - si tant est qu'il demeure le même qu'aujourd'hui - les salariés, notamment les plus jeunes, obtiendront les durées de cotisation requises.
Compte tenu de la dégradation de l'emploi, on peut penser que les 43 années nécessaires, à partir des générations 1973, ne seront pas atteintes, ce qui abaissera très sérieusement les niveaux des pensions. La conjugaison des deux facteurs pris en compte pour le calcul des pensions - la durée requise pour le taux plein et le coefficient de proratisation - entraînera des pensions beaucoup plus faibles à l'avenir, si les choses continuent à évoluer ainsi. C'est la raison de notre hostilité à ce projet.
Si l'allongement de la durée est conséquent, il n'a pour le moment pas encore produit tous ses effets. Les générations qui partent aujourd'hui à la retraite, notamment les hommes, ont des durées d'activité relativement longues. Elles le sont toutefois moins que celles de leurs ainés : il y a une vingtaine d'années, il était commun de rencontrer des salariés ayant 43, 44, 45 ans d'activité. A l'époque, on leur demandait 150 trimestres.
Les générations actuelles, lorsqu'elles arriveront à la retraite, auront des durées de cotisation plus courtes du fait de la progression de la précarité et d'un facteur quant à lui plus positif, à savoir l'allongement de la formation initiale, et donc l'entrée plus tardive dans une activité professionnelle.
Nous pensons que si ce mouvement d'allongement de la durée de cotisation requise se poursuit, nous assisterons à un abaissement massif du niveau des retraites.
D'autres phénomènes viennent concourir à cette détérioration, parmi lesquels la dégradation salariale. Pour faire de bonnes retraites, il faut en effet de bons salaires. Vous connaissez position de la CGT sur ce point... On doit donc travailler à améliorer les droits, mais aussi les salaires. On le voit de manière évidente s'agissant des femmes, dont la situation salariale est extrêmement défavorable. Si l'on oeuvrait en faveur de l'égalité salariale, on améliorerait les retraites des femmes de manière conséquente, ainsi que la situation des comptes des régimes : mieux on est payé, plus on cotise !
C'est notre principal point d'opposition à cette réforme...
D'autres éléments sont, selon nous, contestables, comme le report de la revalorisation des pensions au 1er octobre. J'entends dire que cette mesure sera transparente et sans aucun effet sur les pensions des futurs retraités. C'est faux ! Selon nos calculs, un tel report représenterait un manque à gagner de neuf mois, soit, pour une prévision d'inflation de 1,75 % en 2016, 170 euros sur l'année pour une pension de 1 000 euros. Ceci peut engendrer des difficultés importantes chez des retraités dont la situation est précaire.
Quelques dispositions paraissent aller dans le bon sens, comme sur la pénibilité, mais en réalité, on reste loin du compte.
Les salariés concernés ne vivent d'ailleurs pas très bien ces annonces. Lorsqu'ils ont entendu que la pénibilité allait enfin être prise en compte, certains ont pu penser que cela allait leur permettre d'améliorer leur situation. Les plus âgés pensaient qu'ils allaient pouvoir partir plus tôt. Or, ceux qui vont pouvoir se constituer un compte pénibilité vont le faire pour une échéance à dix, vingt, ou trente ans. Ceux qui ont la cinquantaine, et qui commencent à voir leur santé se dégrader, ne pourront, dans le meilleur des cas, bénéficier d'un départ anticipé que d'un ou deux trimestres. C'est quasiment insultant !
Le fait que l'on ne soit plus dans un dispositif médicalisé est une très bonne chose, mais il faut des mesures conséquentes ! La CGT propose qu'un salarié exposé à une pénibilité durant plus de vingt ans puisse bénéficier d'une anticipation de cinq ans, sur la base de la retraite à 60 ans. Nous sommes toujours restés attachés à cet âge. Cela représente un départ à 55 ans, voire moins dans certains métiers, comme les égoutiers, qui cumulent pénibilité et insalubrité, et qui ont des espérances de vie très courtes.
Certaines dispositions sont intéressantes dans leur philosophie, mais demandent à être sérieusement améliorées.
Nous déplorons de sérieuses insuffisances en matière de financement. Ce n'est pas l'augmentation des cotisations de 0,3 point pour les salariés qui va régler les problèmes, d'autant qu'elle pèse sur eux seuls ! Il a en effet été immédiatement annoncé que, s'agissant des employeurs, l'augmentation des cotisations seraient compensée par une baisse des cotisations d'allocations familiales. Pour les employeurs, il s'agit donc d'une opération blanche ! On nous parle de projet équilibré, d'un financement qui passe par l'effort de tous, mais ce n'est pas le cas !
Une augmentation des cotisations de 0,3 point est, de notre point de vue, totalement insuffisante. Il faudrait, selon la CGT, y associer bien d'autres mesures, comme la modulation des cotisations patronales et la mise à contribution des revenus financiers.