je vous remercie de me permettre d'intervenir devant votre commission, dans le cadre de l'examen du projet de budget de la défense pour 2013 et vous confirme que le plaisir est pour moi renouvelé à chaque audition.
Effectivement, le programme 146 est un programme cogéré, ce qui au début apparaissait un peu baroque dans le cadre de la LOLF, mais qui, à l'expérience, se révèle tout à fait satisfaisant. La cogestion entre l'état-major des armées et la DGA fonctionne bien.
Je vous présenterai succinctement un point de situation de l'exécution du budget de l'année 2012, puis le projet de budget 2013. Enfin, j'évoquerai en conclusion, quelques perspectives pour après 2013.
L'été 2012 a été consacré à préparer la transition vers la nouvelle Loi de Programmation Militaire (LPM), en préservant la marge de manoeuvre la plus large possible dans un cadre budgétaire contraint.
Nous contribuons aussi activement aux travaux du Livre blanc dont les orientations stratégiques seront les fondements à cette prochaine LPM.
Pour ce qui est de l'exécution 2012, en application des mesures arrêtées cette année le niveau d'engagement sur le programme 146 pour l'équipement des forces de la mission défense, est ramené à environ 7,3 milliards d'euros en fin d'année.
Parmi les principales commandes de l'année, on peut citer :
- la réalisation de radio tactiques sécurisées CONTACT, qui vise à équiper les Forces armées en postes radio tactiques de nouvelle génération, pour succéder aux PR4G ;
- l'adaptation du sous-marin nucléaire lanceur d'engin, « Le Triomphant », au missile M 51, dans la continuité de la mise en service de ce missile sur le bâtiment « Le Terrible », en 2010 ;
- la rénovation de trois avions ravitailleurs KC 135 ;
- cinq systèmes de drones tactiques SDTI-Sperwer, qui viendront compléter la dotation de l'armée de Terre.
La tendance vertueuse d'un faible nombre de demandes en Urgence Opérations se confirme nettement cette année avec seulement quatre nouvelles demandes représentant moins de 4 millions d'euros. Cela montre la pertinence des choix que nous avons faits avec les états-majors de forces, dans la conception de nos systèmes d'armes. Cela atteste aussi de la rigueur mise pour décider du recours à cette procédure.
Parmi les principales livraisons de 2012, je note pour la dissuasion : la poursuite des livraisons des missiles M 51 au rythme prévu et, dans le domaine conventionnel :
- un Bâtiment de Projection et de Commandement (BPC) pour la marine ;
- la mise en service opérationnelle de la première frégate multimissions (FREMM) « l'Aquitaine » attendue d'ici la fin d'année ;
- six hélicoptères NH-90 ;
- quatre hélicoptères Tigre ;
- cent véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) ;
- deux cent Petits Véhicules Protégés (PVP) ;
- 4 036 équipements du fantassin FELIN ;
- onze Rafale - dont le premier avion de série équipé d'un radar à antenne active (unique en Europe) ;
- deux nouveaux systèmes de missiles sol-air MAMBA - SAMP/T (sol-air moyenne portée - terre) ;
- enfin, la capacité de renseignement est renforcée par la rénovation d'un Transall Gabriel - avion qui a été précieux pour préparer l'engagement en Libye pour le recueil du renseignement électromagnétique,
- la livraison de sept nouvelles nacelles de reconnaissance RECO-NG qui équipent le RAFALE.
Les livraisons se poursuivent donc au rythme attendu. Pour revenir à l'exécution budgétaire : les besoins de paiements sur le Programme 146, hors titre 2, sont estimés à environ 11,6 milliards d'euros.
Les ressources sont envisagées à hauteur de 9,8 milliards d'euros, en escomptant la levée des 480 millions d'euros de réserve budgétaire et en incluant 936 millions d'euros de ressources extra budgétaires issues de la vente des fréquences.
Le report de charge en fin d'année est donc évalué à 1,7 milliard d'euros soit environ deux mois de paiement, en supposant la levée de la réserve budgétaire, ce qui constituera une aggravation d'environ 200 millions d'euros du report de charge par rapport à fin 2011.
Pour ce qui concerne les études amont commandées à l'industrie, sur le programme 144, le niveau des engagements a été préservé. Nous estimons qu'il atteindra environ 720 millions d'euros en fin d'année, dont 53 millions pour le dispositif RAPID et le soutien aux pôles de compétitivité.
Les besoins de paiements sont estimés à 756 millions d'euros, ce qui conduirait à un solde de gestion de 85 millions dans l'hypothèse de la levée des 40 millions de réserves.
La situation budgétaire se tend donc un peu plus à la fin d'année 2012. Ce qui était prévisible.
Les efforts de chacun ont porté leurs fruits sur le fonctionnement du progiciel Chorus et nous avons pu constater cette année une bascule de gestion remarquable. Grâce à Chorus, le montant des intérêts moratoires recensé à ce jour est de seulement 5,6 millions d'euros.
Concernant la maîtrise des coûts et des délais dans la conduite des opérations d'armement, la tendance à l'amélioration se confirme. Fin 2011, la hausse moyenne des devis des opérations d'armement est restée négative (-0,07 %) pour un plafond de +1,5 % fixé dans le PAP et les délais de réalisation ont aussi tenus les objectifs : + 1,7 mois pour un plafond de 2,25 mois.
Sur 2012, les plafonds, qui ont été resserrés par rapport à 2011, devraient également être respectés.
Ces améliorations s'inscrivent dans un processus plus général d'évolution de la DGA et notamment d'investissement dans le domaine de la qualité. Nos pratiques pour l'élaboration et le suivi des contrats ont ainsi été reconnues en juin dernier au niveau le plus élevé du modèle CMMI (niveau 3). La qualité est un investissement que nous considérons fondamental.
Elle est d'autant plus nécessaire avec la mise en oeuvre des restructurations de la revue générale des politiques publiques (RGPP).
Actuellement, l'effectif de la DGA est de 10 500 équivalents temps plein employés (ETPE), en ligne avec la trajectoire prévue. Par rapport à 2011, nous aurons réduit nos effectifs de 4 % en fin d'année, permettant de réduire notre masse salariale de façon analogue.
Les redéploiements s'achèveront cette année, avec les fermetures administratives du LRBA à Vernon, de l'ETAS à Angers et du GESMA à Brest. Cela sans pertes de compétences techniques irrémédiables.
A la fin de l'année 2013, si nous continuons sur cette voie, notre format aura atteint la cible fixée par la RGPP. Nous aurons alors atteint la limite d'optimisation du fonctionnement de la DGA : nous ne pourrons pas aller au-delà sans revoir les missions de la DGA.
Pour ce qui concerne l'industrie, en 2012, la seule opération a été le rapprochement entre THALES et SAFRAN qui s'est concrétisé, sur la filière optronique, par la création d'une Joint Venture commerciale.
Au-delà des grands groupes, nous sommes aussi pleinement impliqués auprès des PME. Nous suivons ainsi particulièrement près de trois cent d'entre elles disposant de savoir faire critiques. Nous les accompagnons dans leur développement, en partenariat avec les acteurs régionaux, ou encore soutenons financièrement leur capacité d'innovation avec le dispositif RAPID.
Sur le plan européen, la relation franco-britannique demeure bien-sûr un pilier fort de notre stratégie. Le cadre bilatéral a permis d'avancer rapidement sur la préparation de nouveaux programmes, notamment dans le domaine des drones annoncés par le ministre en juillet : sur le Watchkeeper pour lequel nous venons de signer un acte contractuel pour en faire l'expérimentation, et sur le démonstrateur FCAS -future combat air system pour lequel nous avons lancé la première phase d'études de levées de risques. Notre coopération dans les UCAS (unmaned combat air system) est, pour le Royaume-Uni comme pour nous, fondamentale pour le maintien des compétences de nos avionneurs de combat. Nous avons aussi un projet important dans le domaine de la guerre des mines, sur la base d'un concept innovant.
Cette relation n'est pas exclusive et nous continuons à rechercher de façon pragmatique des coopérations avec nos autres partenaires comme l'Allemagne ou l'Italie notamment, ainsi qu'avec la Pologne, à l'initiative du ministre de la défense dans le cadre du Triangle de Weimar ou de Weimar +.
Concernant l'exportation, la situation actuelle est maussade. Nous n'atteindrons pas le chiffre de l'an dernier non seulement parce que le marché se rétrécit mais également du fait que les Américains, qui préparent avec beaucoup d'activisme le repli de leur budget de la défense, sont présents sur tous les marchés, notamment en Asie.
Venons-en au Projet de loi de finance 2013. Comme le dit la plaquette, il s'agit bien d'un budget de transition.
Ce budget s'inscrit en attente des orientations du Livre blanc et de la LPM à venir.
A l'instar de la mission défense, l'équipement des forces est soumis à la stabilisation en valeur de son budget. Cette stabilité des ressources du programme 146 est encore permise grâce aux ressources issues des ventes de fréquences. Mais celles-ci seront épuisées après 2013.
Cette stabilisation marque en réalité une inflexion dans la trajectoire budgétaire des opérations d'armement qui s'écarte désormais nettement de la référence de la précédente LPM.
Elle intègre, par ailleurs, des économies importantes par rapport aux ressources prévues sur 2013 : - 500 millions d'euros de ressources sur le P 146.
Au total, les ressources prévues pour le P146 pour 2013 sont de 10,0 milliards d'euros dont 1 milliard d'euros de ressources extra budgétaires.
Dans les hypothèses actuelles, le report de charge fin 2013 serait porté au niveau important de 1,9 milliard d'euros.
Les besoins d'engagement, dans les orientations actuelles, sont de 12,3 milliards d'euros.
Concernant les études amont, sur le programme 144, la priorité de la R&T, voulue par le ministre de la défense, est réaffirmée, avec des ressources de paiements à hauteur de 752 millions d'euros ce qui représente une croissance de 10 % par rapport à 2012. L'innovation et le soutien aux PME sont en effet des leviers essentiels pour la relance de l'économie nationale.
Concernant les commandes, les engagements ont été calés au juste nécessaire en attente des choix de la prochaine LPM.
Parmi les principales commandes, nous prévoyons :
- la réalisation du MRTT, l'avion multirôles de ravitaillement en vol et de transport ;
- 4 400 postes CONTACT ;
- Le premier système de drone MALE intermédiaire ;
- La réalisation du missile moyenne portée MMP ;
- La rénovation de l'ATL2 ;
- Le contrat de services en Partenariat Public Privé, de bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers BSAH ;
- La préparation de l'Arrêt Technique Majeur n°2 du Porte-Avions CdG ;
- et quelques 220 armements AASM (armement air-sol modulaire).
Les livraisons quant à elles, se poursuivront au même rythme qu'en 2012. Pour l'essentiel elles permettront de continuer le renouvellement de la composante océanique de dissuasion avec l'adaptation du SNLE « Le Vigilant » au missile M 51 et son lot de missiles. Elles renforceront les capacités d'intervention, avec onze avions Rafale, quatre hélicoptères Tigre, quatre vingt trois VBCI, le dernier VHM -Véhicule Haute Mobilité et 4 036 nouveaux équipements FELIN. Les livraisons permettront également la montée en puissance de la défense anti-aérienne grâce à deux systèmes MAMBA-SAMP/T, 43 missiles ASTER ainsi que 335 missiles Mistral rénovés. Elles appuieront la maîtrise de l'information avec un nouveau Transall Gabriel rénové, trois systèmes de drones SDTI ainsi que divers systèmes d'information et de communication. Enfin elles renforceront les capacités de projection et de mobilité avec le premier avion de transport A400M, trois nouveaux avions de transport CASA 235, 72 Porteurs Polyvalents Terrestres ; 12 hélicoptères NH-90.
Au-delà de 2013, les orientations sont à bâtir dans une perspective budgétaire contrainte.
Cette perspective, dans l'hypothèse d'une stabilisation en valeur des ressources budgétaires de la Mission Défense par rapport au niveau de 2012, est défavorable aux équipements.
Cet impact est d'autant plus fort qu'il survient à une période de croissance des besoins de la dissuasion nucléaire, pour le renouvellement des composantes.
L'effet ciseau de cette situation affectera les ressources qui pourront être attribuées aux programmes à effets majeurs (PEM) conventionnels.
Quoi qu'il en soit, les choix qui sont à faire dans les mois à venir devront redéfinir une vision stratégique en cohérence avec les ressources budgétaires accessibles et prêter attention à l'outil industriel, c'est-à-dire essentiellement les bureaux d'études, mais aussi dans une moindre mesure la production, car si on ne produit pas, à la fin on ne sait plus concevoir.