Intervention de Géraud Guibert

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 17 décembre 2014 : 1ère réunion
Transition énergétique pour la croissance verte — Table ronde de think tanks

Géraud Guibert :

Nous vous remercions tout d'abord de nous avoir conviés à cette table ronde. Cela n'a pu se faire à l'Assemblée nationale. Or, nous pensons que cela peut être utile...

Un mot de présentation de la Fabrique écologique, qui constitue une création récente ; celle-ci remonte en effet à un peu plus d'un an et a pour principale caractéristique d'être pluraliste et transpartisane. Elle a, tant dans son conseil d'administration que dans son conseil d'orientation, des représentants des entreprises, des ONG, des syndicats, mais aussi des représentants des différents partis politiques de l'arc républicain. C'est donc une création assez originale, où siègent les responsables de la majorité et de l'opposition.

Elle exige par ailleurs une grande rigueur et une large objectivité dans le suivi de ses travaux. Nous avons mis en place un certain nombre de procédures de validation pour les garantir.

Enfin la volonté d'innovation vis-à-vis de l'articulation entre l'expertise et la concertation avec les populations est très forte. Nous en sommes à notre huitième note et sommes sur un rythme de six à huit notes par an correspondant à ces caractéristiques.

S'agissant du sujet qui nous occupe, nous avons mené trois catégories de travaux, dont les premiers portaient sur la décentralisation énergétique. Il s'agissait d'un groupe de travail très large, représentant l'ensemble des acteurs. Tout cela se trouve sur notre site Internet.

En deuxième lieu, nous avons réalisé un travail sur la rénovation thermique des logements, avec toute une série d'acteurs. Une note a été publiée il y a quelques mois à ce sujet.

Enfin, avec Arnaud Gossement, nous avons coprésidé un groupe de travail destiné à examiner le projet de loi sur la transition énergétique et avons, à cette occasion, proposé une douzaine d'amendements significatifs sur le projet de loi tel qu'il a été déposé à l'Assemblée nationale.

Seule une partie de ces amendements a été reprise. Nous ferons un point rapide avec vous sur les points qui nous paraissent importants à signaler à ce sujet.

Je désirerais formuler deux remarques introductives, qui me paraissent importantes. En premier lieu, nous sommes dans un contexte extrêmement mouvant, marqué depuis quelques semaines par une très forte baisse du prix du pétrole, qui est passé de 110 dollars à moins de 60 dollars le baril.

Toute la stratégie de transition énergétique peut être marquée par cette évolution du prix du pétrole, qui a certes pour conséquence de rendre moins rentable, voire non rentable, un certain nombre de productions de gaz de schiste ou de schistes bitumineux, au Canada ou ailleurs, mais qui peut aussi porter un coup de frein important à la stratégie de transition énergétique par le biais des prix et de la diminution de l'incitation à entreprendre des travaux d'économie d'énergie.

On a connu la même situation dans les années 1980. Il est nécessaire de renforcer un certain nombre d'outils : si on ne fait rien, on prépare en effet le choc pétrolier suivant. La stratégie dans son ensemble, y compris la stratégie climatique, est fortement handicapée par l'évolution du prix du pétrole.

Le second aspect sur lequel toute la Fabrique écologique a travaillé concerne le fait qu'il manque selon nous une réflexion à propos du cadrage macroéconomique de la transition énergétique. La transition énergétique est une stratégie qui vise à remplacer des flux de matière et d'énergie par un capital et des investissements supplémentaires. La question de savoir comment faire en sorte d'arriver à un niveau d'investissement plus important se pose donc inévitablement dans nos économies.

Des réflexions ont été menées, mais ce sujet reste présent ; il doit faire l'objet de discussions, car il est aujourd'hui encore extrêmement mal réglé.

En matière d'isolation thermique des logements, une série d'amendements ont été proposés et retenus par l'Assemblée nationale ; ceux-ci figurent actuellement dans le projet de loi. Je suis moi-même élu local : nous connaissons tous, sur nos territoires, le problème que constituent les « passoires énergétiques ». Il faut distinguer les quelques millions de personnes en situation difficile, du fait d'une facture énergétique de plus en plus élevée, de celles qui, en outre, vivent dans des logements indécents. On ne les a pas identifiés, mais cela peut concerner plusieurs centaines de milliers d'individus.

De ce point de vue, le texte introduit un critère énergétique relatif aux logements décents. C'est un élément important, mais insuffisant. Selon nous, un dispositif d'identification est nécessaire, un certain nombre de personnes venant solliciter des aides en cas de défaut de paiement de leur logement. Le dispositif actuel ne tient pas suffisamment compte des travaux qui pourraient être réalisés a minima pour éviter que cette aide ne se prolonge année après année. En effet, un volume limité de travaux pourrait permettre d'améliorer certaines situations.

Nous avons fait une proposition d'amendement, le premier stade étant celui de l'identification des situations concernées. C'est un sujet relativement important ; il commence à être traité, mais insuffisamment selon nous.

Le second sujet concerne la gouvernance. Compte tenu de l'évolution technique, les énergies décentralisées vont inévitablement se développer, mais à un rythme différent. Certaines vont le faire de façon décentralisée, ce qui pose un problème de cohérence vis-à-vis de leur développement, du fait de l'architecture du réseau électrique, même si certaines débouchent sur la chaleur et, vis-à-vis du modèle énergétique français. Celui-ci paraît néanmoins devoir être sauvegardé si l'on veut conserver les atouts que constituent la péréquation et la continuité du service public.

La base de notre réflexion a donc consisté à parvenir à concilier cette nécessaire décentralisation énergétique avec les grandes caractéristiques du système français.

Aujourd'hui, le système est totalement déresponsabilisant, les collectivités locales, en particulier les régions, étant chargées, par l'intermédiaire de la réalisation de schémas territoriaux, du développement des énergies décentralisées ou renouvelables, sans aucune articulation entre ce qu'elles peuvent entreprendre dans ce domaine et les conséquences que cela peut avoir sur les réseaux, ou en termes de contribution au service public de l'électricité, dont chacun sait que le volume a augmenté très rapidement ces dernières années.

Comment rendre de la cohérence au système ? Si l'on n'y parvient pas, quelques grandes métropoles prendront un jour en main la distribution d'électricité et d'énergie, de manière inadaptée, alors que l'on sait que la solidarité entre l'urbain et le rural est nécessaire.

La ligne de réflexion que nous avons proposée met en avant un système équivalent à celui auquel recourt la SNCF pour ses TER. Les régions, autorités organisatrices des énergies décentralisées, à la fois pour la production et l'ajustement du réseau de distribution, passeraient convention avec l'opérateur national ERDF pour mettre ces orientations en oeuvre, tout en prenant financièrement en charge l'adaptation du réseau à la distribution, grâce à une part du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE).

Le projet de loi nous paraît à cet égard insuffisant, la programmation pluriannuelle de l'énergie, nouveauté de ce projet de loi, étant une stratégie totalement descendante. C'est pourquoi nous avons proposé des amendements destinés à y intégrer les schémas des régions, à la faveur d'un dialogue entre les régions et l'État, afin de parvenir à une programmation pluriannuelle de l'énergie prenant en compte les stratégies énergétiques régionales.

Nous avons également proposé des amendements afin que des régions, voire des autorités locales, puissent par exemple prendre financièrement en charge le raccordement au réseau, afin de permettre progressivement davantage de cohérence dans le domaine des énergies décentralisées.

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