J'insisterai plus spécialement sur quatre points, concernant la fiscalité, le bâtiment, la mobilité et la démocratie.
La fondation Nicolas Hulot est relativement satisfaite du texte adopté par l'Assemblée nationale. Nous avions fait une trentaine de propositions, dont beaucoup ont déjà été intégrées dans ce texte.
Il reste cependant beaucoup de choses à préciser et à améliorer, voire à intégrer.
Je veux insister, dès le début de mon propos, sur l'article relatif à la fiscalité, qui fixe l'objectif d'un élargissement progressif de la part carbone de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).
Cette part carbone a été mise en place en France en 2014. Les tarifs ont été fixés jusqu'en 2016. Il nous paraît essentiel de faire figurer dans le projet de loi, qui fixe de grands objectifs à long terme, un objectif d'évolution de cette fiscalité, alors que le prix du baril baisse fortement.
Les travaux conduits précédemment par de nombreux groupes d'experts fixaient un objectif de 100 euros par tonne de CO2 en 2030. C'est un levier puissant pour favoriser l'innovation et la réduction des émissions. Il s'agit d'un élément important, que nous vous demandons de réintégrer dans l'article concerné.
Le Comité pour la fiscalité écologique avait établi des propositions en ce sens l'année dernière ; il va être bientôt relancé pour continuer à travailler sur ce sujet.
Un autre point consiste à permettre aux collectivités locales d'expérimenter un certain nombre d'outils, comme celui de l'écotaxe. Il s'agit de mesures liées à la pollution de l'air, qui pourront être mises en place après le développement d'un système d'identification des véhicules polluants.
Pour ce qui est du bâtiment, deux priorités n'ont pas été traitées complètement. La première consiste en un grand plan de rénovation énergique des bâtiments de l'État ou du parc tertiaire public.
Ce projet de loi pourrait pour le moins mentionner l'obligation pour le Gouvernement de présenter un rapport détaillant sa stratégie en matière de rénovation du parc de l'État à l'horizon de 2050.
La précarité énergétique constitue un autre point important. Des objectifs chiffrés existent. Il faut préciser les moyens d'y arriver, qui ne sont pas très clairs pour le moment. Nous avons l'impression que la politique mise en oeuvre est insuffisante pour atteindre ces objectifs. On a du mal à progresser, et la précarité énergétique se développe.
J'aimerais insister aussi sur un sujet pris en compte dans ce projet de loi, celui de la mobilité. Vous avez la chance de bénéficier des travaux qui ont été conduits dans le cadre de la conférence environnementale 2014, où une table ronde a été consacrée à ce sujet. Je sais que M. Nègre y assistait. Beaucoup de propositions intéressantes y ont été formulées ; elles donnent des pistes pour enrichir ce texte.
Certaines avancées ont été réalisées en matière de véhicules propres. Les obligations destinées à certaines flottes privées sont intéressantes.
Un point semble assez facile à mettre en oeuvre. Il s'agit de l'obligation renforcée pour les collectivités de s'équiper en véhicules propres. Elle remonte à la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie (LAURE). Elle n'est pas contraignante et n'a jamais été assortie de sanctions. Nous proposons d'introduire une sanction financière minime, dont le résultat serait affecté à un fonds pour le développement des véhicules propres.
La conférence environnementale 2014 a mis en relief les problèmes liés au diesel. Le discours du Premier ministre à ce sujet a été très allant, et les collectivités prennent également des initiatives en ce sens.
Deux points restent selon nous à préciser dans ce texte, qui introduit une prime à la conversion. Les modalités d'octroi de cette prime ne sont pas suffisamment définies. Pour sortir du diesel, on a besoin d'une politique sociale. Beaucoup de personnes en situation de mobilité précaire possèdent des véhicules diesel. Cette politique doit les concerner. Or, cette mesure n'atteint pas sa cible ; elle devrait être accordée sous conditions de ressources afin de permettre à ceux qui en ont le plus besoin d'acheter des véhicules d'occasion plus performants, de type Eurocat.
Le Gouvernement s'est engagé à étudier ces solutions, mais il nous paraît important d'insister sur cette démarche, qui constitue une mesure de lutte contre la précarité énergétique dans le domaine de la mobilité.
Une proposition de loi de la sénatrice Aline Archimbaud sur le diesel souligne, dans son article 2, l'important écart qui existe entre les émissions réelles des véhicules diesel neufs, dont les performances se sont beaucoup améliorées, et les véhicules de même type plus anciens. Par ailleurs, un écart sérieux apparaît entre les émissions réelles mesurables sur la route et celles évaluées sur banc d'essai, lors des tests d'homologation.
Un certain nombre d'études ont démontré l'existence d'écarts importants en matière d'oxydes d'azote (NOx), sur lesquels il conviendrait de se baser pour conduire les politiques publiques, comme l'a par ailleurs souligné l'ADEME. Il est en effet aberrant que des politiques comme le bonus-malus se basent sur des tests dont on sait qu'ils ne correspondent pas à la réalité ! Ce projet de loi pourrait y remédier.
Un consensus est apparu dans le cadre du débat sur la transition énergétique à propos de l'effet de la baisse des vitesses de dix kilomètres par heure sur route. Cette proposition est née lors de la Conférence environnementale 2014. Il nous paraît important de réintroduire dans ce texte la nécessité de réaliser une étude faisant le point sur les bénéfices environnementaux et les impacts socio-économiques d'une telle mesure.
Le texte se donne par ailleurs pour objectif de développer les plans de mobilité pour les entreprises de plus de cent salariés, ce qui constitue une très bonne chose. La nécessité de définir les plans de mobilité est également apparue lors de la Conférence intergouvernementale 2014. Comment les construit-on au sein de l'entreprise, en lien avec les collectivités locales ? Cela nécessite d'être précisé, en cohérence avec les conclusions de la Conférence environnementale 2014...
Quant aux performances des véhicules, il nous paraît important d'afficher des objectifs français de performance des véhicules, en termes d'émissions de CO2 et de particules. Certaines directives européennes fixent en effet des objectifs pour 2020, mais il est prévu de les repousser à plus tard. La position de la France à ce sujet est assez inquiétante, et il serait bon de fixer des objectifs nationaux. On sait en effet qu'il existe un lobby allemand important destiné à ne pas avancer sur ce sujet au niveau européen. Le texte pourrait préciser ce point.
Enfin, s'agissant de la gouvernance et de la démocratie, nous sommes favorables à une certaine transparence de la programmation pluriannuelle de l'énergie, à la mise en place un comité d'experts pluralistes, dont la composition reste à préciser, et à la relance des comités citoyens, afin de continuer à développer la pédagogie en matière de politique énergétique.
Certains sujets portant sur la participation et la gouvernance sont bien plus vastes. Le discours du Président de la République en la matière est apparu assez engageant. Un chantier va s'ouvrir à ce sujet, du moins l'espérons-nous. Nous pensons qu'une loi sur la participation du public et la démocratie participative est nécessaire. Il ne faudrait pas qu'on légifère par ordonnance, comme propose de le faire le projet de loi Macron, mais que ces travaux puissent aller plus loin , en poursuivant ceux menés dans le cadre de la modernisation du droit de l'environnement.
Certaines propositions concernant le commissaire enquêteur ont été faites dans le cadre du rapport Tuot sur la réforme du code minier : des groupes d'enquête à durée déterminée pourraient gérer les appels d'offres relatifs aux projets d'infrastructures, évitant ainsi les conflits d'intérêt et définissant les modalités de participation à des projets sensibles. Ces pistes sont à creuser et nous y reviendrons par la suite, en dehors de ce projet de loi.
Nous avons réalisé deux publications, l'une sur la mobilité et la précarité, l'autre sur la mobilité et la question des territoires périurbains et ruraux, dont les problématiques sont très différentes. Beaucoup de propositions y figurent : elles pourraient être intégrées à ce texte.