Le pôle énergie de Terra Nova a publié plusieurs notes sur les sujets qui nous occupent, comme les marchés de l'électricité, la transition énergétique en Allemagne, la politique gazière européenne, la rénovation énergétique des logements, le marché du carbone, la précarité énergétique, la question des investissements...
Nous vous proposons d'insister sur la question des investissements. Le constat que nous faisons rejoint celui de M. Jancovici : aujourd'hui, notre croissance économique est très fortement liée à la consommation d'énergie. Depuis la révolution industrielle, l'énergie alimente la croissance, nos modes de vie et notre confort.
Peut-on découpler la consommation d'énergie de la croissance économique ? On ne sait pas bien répondre à cette question. En effet, les modèles que l'on essaye de mobiliser pour évaluer les politiques publiques ont deux failles principales : en premier lieu, ils analysent très mal la dépendance passée entre énergie et croissance économique ; en second lieu, ces modèles sont basés sur le passé, même s'ils le comprennent mal. Or, le défi qui s'offre aujourd'hui à nous est d'inventer un nouveau modèle dans lequel on sait bien vivre dans un monde fini, et où extrapoler le passé pour évaluer l'avenir n'est absolument pas pertinent.
On est donc assez démuni. Le choix qui est devant nous est détaillé dans le projet de loi : il s'agit de réduire nos consommations d'énergie de 50 % à l'horizon de 2050, avec une étape intermédiaire de 20 % à l'horizon 2030. Cet objectif est selon nous l'objectif primordial de ce projet de loi. Je suis sûre qu'il fera débat et impliquera d'agir à tous les niveaux, notamment celui des investissements. C'est le point principal sur lequel nous allons insister.
Aujourd'hui, un relatif consensus se dégage à l'échelle européenne pour dire qu'il convient de relancer l'économie par l'investissement, le sujet de l'énergie étant prioritaires.
Il appartient à la France, à la suite des annonces faites par la Commission européenne fin novembre, de placer la transition énergétique au centre de ses projets d'investissement. Elle doit s'en emparer de matière efficiente, rechercher un impact maximum en termes de création d'emplois et de valeur, mais aussi de réduction des importations d'énergies fossiles, qui pèsent fortement dans notre balance commerciale. Chaque euro public investi doit viser l'efficience et, si possible, se fixer un objectif positif pour les comptes publics.
Cet investissement doit s'intéresser à la production d'énergie l'offre et à la demande l'efficacité énergétique.
Le projet de loi comporte des éléments intéressants en matière de production d'énergie. Il ne faut pas oublier que l'énergie ne représente pas que de l'électricité, mais aussi de la chaleur. Les investissements dans ce secteur sont importants.
Un récent rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime à environ 2 000 milliards d'euros les investissements nécessaires en Europe, entre 2014 et 2035, dans le secteur de l'énergie. C'est donc significatif. C'est à peu près 20 % de plus que ce qui s'est fait durant la dernière décennie.
Ces investissements sont importants et doivent être pilotés par la décision collective. Ils ne seront pas réalisés par les marchés. Aujourd'hui, les marchés, en particulier ceux de l'électricité, ne permettent pas d'envoyer des signaux économiques suffisants pour générer ces investissements. C'est normal : ces marchés ont été construits dans une logique d'optimisation et de mise en concurrence de court terme des moyens de production, qui étaient déjà amortis. Ils n'ont pas été conçus pour permettre des investissements longs dans le secteur de l'énergie.
Il est nécessaire, pour les pouvoirs publics, de définir les investissements souhaitables, de mettre en place les dispositifs nécessaires pour que ces investissements se réalisent, et d'adapter les marchés pour qu'ils puissent servir les décisions collectives.
Ces décisions doivent être prises en tenant compte du fait que les objectifs de la transition énergétique sont multiples et parfois antagonistes. Il faut assurer l'indépendance énergétique et la sécurité énergétique du pays, garantir une certaine efficience économique de la production d'énergie, et préserver l'environnement. Tous ces facteurs doivent être pris en compte. Il faut fixer des buts à chacun d'eux. Nous devons être en mesure de décliner notre mix énergétique en quantifiant le développement des capacités de production, filière par filière, et en les révisant de manière régulière, ainsi que cela a été proposé par la programmation pluriannuelle de l'énergie.
Il ne faut pas se laisser détourner par des signaux de marché de court terme. Les marchés ne sont qu'un moyen, non un objectif. Il faut au contraire se fixer des buts de manière raisonnée et quantifiée, et mettre ensuite en place les structures nécessaires pour que ces objectifs se réalisent.