Intervention de Pierre Musseau

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 17 décembre 2014 : 1ère réunion
Transition énergétique pour la croissance verte — Table ronde de think tanks

Pierre Musseau :

L'efficacité énergétique est sans doute le secteur où les montants des investissements sont les plus importants en fonction des objectifs que nous nous fixerons. Aujourd'hui, la Commission européenne s'est fixé un objectif de 27 % d'ici 2030 ; il pourra atteindre 30 % s'il est révisé à la suite de la COP21, notamment en termes climatiques et énergétiques.

Les outils qui se trouvent dans le projet de loi sur la transition énergétique sont très intéressants. Le budget carbone va permettre de décliner des objectifs climatiques par secteur, ce qui n'était pas encore fait de manière suffisamment précise. Les moyens à mettre en place devront également être indiqués, dont les investissements. Les économies d'énergie sont sans doute un secteur où les investissements peuvent être lancés massivement, avec des retombées économiques significatives et des bénéfices en matière d'emploi, de réduction des dépenses publiques, de gains sanitaires et sociaux pour un certain nombre d'investissements, et de compétitivité industrielle.

Si on le décline par secteur, le projet de loi prévoit un certain nombre de leviers pour soutenir l'investissement dans les transports, le bâtiment et l'industrie.

Dans les transports, les besoins d'investissements portent aujourd'hui notamment sur les infrastructures de transport en commun, qui constituent sans doute une priorité. Il faut également les bénéfices socio-économiques attendus, et ne pas oublier des investissements moins lourds, mais avec des retombées importantes, comme des voies réservées pour les bus en entrée de ville, ainsi que M. Jancovici l'a rappelé.

Le projet de loi fixe aussi un certain nombre d'obligations en matière de renouvellement de véhicules propres ; il prévoit de favoriser des mesures de réglementation, afin d'inciter progressivement à acheter de véhicules moins polluants. Il ne faut pas oublier de soutenir les investissements dans le domaine de la recherche et du développement, un certain nombre d'incertitudes demeurant au sujet des motorisations.

N'oublions pas, enfin, les investissements dans les formes urbaines : si l'on veut réussir à faire des économies d'énergie à long terme, il faudra réussir à rapprocher les logements des emplois, et prévoir des politiques de planification urbaine qui prennent en compte ces enjeux de mixité, pour favoriser progressivement une réduction des déplacements contraints. Il faut donc avoir une cohérence entre les politiques d'aménagement et les objectifs des politiques énergétiques.

Pour ce qui est des bâtiments, deux approches sont nécessaires, et il faut bien les différencier. Le soutien à la rénovation de logements doit en particulier cibler les logements du parc social public et privé. Il est également nécessaire de diffuser de nouvelles technologies performantes. Comme cela a déjà été dit, on ne pourra le faire qu'en incluant la performance énergétique dans les travaux, dont certains sont déjà réalisés de manière massive. Leur rythme s'est toutefois réduit en raison de la crise. Il faut trouver les moyens de stimuler la rénovation. Il existe déjà des obligations pour inclure la performance énergétique dans les travaux de rénovation classique. Il faut aller plus loin et définir des obligations de rénovation énergétique, qui pourraient stimuler les marchés de la rénovation énergétique.

On a évoqué le projet présenté par The Shift Project et la fondation Nicolas Hulot concernant le patrimoine public. Il est certain que le plan Junker constituera un levier majeur pour soutenir l'investissement des collectivités locales, qui disposent d'un patrimoine où existe un gisement d'économies d'énergie particulièrement rentable, qu'il faut pouvoir soutenir. La mobilisation des outils financiers qui seront mis en place dans le plan de la Commission européenne, via la Banque européenne d'investissement (BEI), devra être réalisée avec une grande attention.

Enfin, l'efficacité énergétique dans l'industrie doit servir des objectifs de politique industrielle en prenant en compte les enjeux de compétitivité ; dans certains cas, des choix pourront être faits pour soutenir des secteurs intensifs en énergie, mais il faut aussi veiller à améliorer la compétitivité de nos industries les plus intensives en énergie via l'efficacité énergétique.

Je souligne ici l'importance de la planification à travers les outils proposés dans le projet de loi, comme la stratégie bas carbone, les budgets carbone et la planification pluriannuelle de l'énergie.

Il faut considérer cette planification comme un levier en faveur de l'investissement. L'investissement en matière de transition énergétique représente à la fois un levier de sortie de crise et un moyen de démontrer notre crédibilité par rapport aux enjeux du climat, et à la COP21.

Nous insistons également sur le fait que l'ensemble des dispositions proposées dans ce projet de loi, qu'il s'agisse d'améliorations de la réglementation, d'incitations ou de nouvelles obligations, peut stimuler l'investissement dans les différents secteurs et constituer un effet de levier qui aide à la relance de l'économie. Il ne faut pas craindre d'accroître ces obligations, ni de développer de nouvelles incitations, comme la possibilité de moduler les droits de mutation, si l'on peut démontrer que ces mesures seront favorables à l'investissement.

Enfin, puisque nous sommes au Sénat, je conclus en insistant sur l'urgence de relancer l'investissement local. Vous savez sans doute qu'il existe de grandes inquiétudes à ce sujet. La transition énergétique peut constituer un levier pour soutenir et redresser cet investissement, à condition de veiller à une meilleure gouvernance.

M. Gossement a cité les évolutions des compétences qui figurent dans les lois de décentralisation et dans le projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République. Il faut veiller à une articulation à deux niveaux pour la transition énergétique, la planification régionale et les intercommunalités. Celles-ci doivent pouvoir monter en puissance et articuler l'ensemble des politiques liées à la transition énergétique. Elles doivent mobiliser des compétences en matière de planification urbaine, de logement et de développement économique.

La région doit les accompagner sur le plan du développement économique, de la formation professionnelle, et favoriser la lutte contre les effets « silos » que l'on rencontre aujourd'hui dans les collectivités locales, afin d'avoir de véritables stratégies d'investissement au service de la transition énergétique.

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