Intervention de Ronan Dantec

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 17 décembre 2014 : 1ère réunion
Transition énergétique pour la croissance verte — Table ronde de think tanks

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

La question de la planification énergétique française dans le contexte européen est revenue de manière systématique dans l'ensemble des interventions. Ce qui se joue aujourd'hui, c'est bien la capacité de l'État à retrouver une stratégie et une planification énergétiques qu'il a perdues au fil du temps, depuis les années 1970. C'est un point qui pourrait relativement faire consensus parmi différentes familles politiques : entre gaullistes et écologistes, on doit pouvoir se retrouver autour d'une telle idée.

Je souligne toutefois, pour avoir suivi la question d'extrêmement près en tant que président du groupe de travail sur la gouvernance du débat national sur la transition énergétique, qu'on a failli avoir une planification sur trois ans, ce qui était évidemment totalement ridicule ! On est passé à dix ans, révisable tous les cinq ans. C'est là le rythme politique. C'est probablement encore insuffisant. Une planification à vingt ans, révisable tous les dix ans, serait plus logique, mais je pense que personne ne reviendra en arrière sur le fait de confier à l'État une capacité de stratège. L'idée d'un comité d'experts à côté du lieu de la décision figurait bien dans les conclusions du débat national et du groupe de travail dont j'assumais la présidence. Cette proposition est toujours sur la table. Je pense qu'il faut remettre la planification au coeur du débat.

Cela signifie que ce sont l'État et la représentation parlementaire qui reprennent la main, et non un ou deux opérateurs énergétiques, à qui on a délégué la planification française depuis un certain nombre d'années.

S'il existe bien un enjeu en matière d'énergie fossile, il ne faut pas croire qu'il n'en existe pas pour ce qui est de l'énergie électrique. Le système électrique français est vieillissant, fondé sur un parc nucléaire qui approche les quarante ans. On n'est pas certain qu'il soit techniquement capable de durer. En Europe, certaines centrales s'arrêtent de fonctionner à cet âge. Des investissements massifs sont donc à prévoir dans les dix prochaines années. Il ne faut pas considérer que l'enjeu électrique est moins important que l'enjeu relatif à l'énergie fossile.

En matière électrique, on doit faire entrer le système français dans le système européen. On a, pour ce faire, des difficultés énormes, le premier ayant été conçu hors du second. C'est extrêmement compliqué, même si cela peut permettre de réaliser des économies très importantes sur le plan de la sécurité. Il s'agit de plusieurs centaines de millions d'euros. J'espère donc que le Sénat renforcera la capacité de planification énergétique de la France...

Le groupe de travail a énormément insisté sur le rôle des collectivités territoriales. C'est un enjeu essentiel, qui repose sur le couple intercommunalité-région. Il existe un élément de planification régionale, avec des schémas de développement économique, mais c'est bien à l'échelle de l'intercommunalité que va se faire le gros du travail et que l'on va trouver la capacité d'agir.

L'enjeu majeur immédiat est de faire en sorte que les collectivités s'engagent, surtout dans le contexte financier que nous traversons. Sortir les collectivités de leur endettement est une question centrale. Ségolène Royal avait répondu positivement à ma question lors de son audition : il faut que l'on trouve un mécanisme pour avoir, en lien avec la BEI, une capacité d'investissements. L'argent est disponible, mais on ne l'utilise pas. Si on réussit à trouver ce modèle, certaines collectivités pourront s'investir et générer énormément d'activités économiques, ainsi que des recettes fiscales, même pour elles-mêmes.

La formule magique n'est guère évidente à trouver par rapport au code des collectivités. Si l'un de vous y parvient, nous sommes preneurs !

La question de l'obligation de travaux est effectivement au coeur du rôle politique. Où met-on le curseur entre obligation et simplification ? C'est là toute la question ! Sans obligation, pas de planification. Ce qui fonde un grand pays développé par rapport à un pays émergent, c'est sa capacité d'obligation. C'est là que se fait la différence. Il faut ensuite étudier les obligations qui rapportent et celles qui ne rapportent pas.

L'obligation de rénovation énergétique au moment des travaux est une bonne réponse. Sans elle, on ne peut créer des volumes suffisants pour déboucher sur des filières économiques et sortir de la dépendance.

Revenir sur cette notion serait une erreur tragique, de même qu'il est tragique pour l'avenir de favoriser le diesel. En France, cette question constitue un tabou. Les politiques, comme le Gouvernement, considèrent que l'emploi est plus important que les vingt à trente mille morts prématurées par an qu'annoncent toutes les enquêtes épidémiologiques. Le choix de la puissance publique est assumé : on préfère favoriser la filière économique plutôt que de préserver la santé publique.

Toutefois, le diesel étant aujourd'hui considéré comme dangereux, les Français s'en détournent. On ne préserve donc pas la santé publique, et on n'en tirera aucun avantage économique, faute d'avoir su anticiper les nécessaires évolutions de la filière ! Il s'agit d'un mal typiquement français : on est incapable de s'engager dans les transitions et de retarder les échéances. C'est là tout le conservatisme français. J'espère que le Sénat, au moment de la discussion de la loi, ne se fera pas le défenseur du diesel !

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