Brice Maillé, durant deux ans, a conduit un travail de concertation assez poussé avec la totalité des acteurs concernés par la partie technique en matière d'obligations de travaux et de rénovation. Vous trouverez sur notre site Internet le rapport de ce groupe de travail. Il précise la façon dont on entend segmenter les logements individuels et collectifs, ce que l'on fait des immeubles haussmanniens où habitent les décideurs, etc.
On y trouve également une analyse économique ainsi que des recommandations répondant pour partie à ce qui a été dit sur le risque juridique. Celui-ci peut s'évacuer très largement grâce à des obligations de moyens dans la réglementation. Il n'existe donc pas de contrôle de conformité ex post, qui pourrait donner lieu à des actions...
Une question a été posée à propos de l'Allemagne. Ce pays a investi 300 milliards d'euros pour passer de 4 % à 22 % d'électricité d'origine renouvelable, la biomasse représentant de mémoire 6 % ou 7 % de ce total. Les modes intermittents stricts éoliens et photovoltaïques représentent respectivement 7 % et 6 %, soit un total de 13 %. Sur les sept dernières années, le contenu en CO2 du kilowattheure énergétique utilisé en Allemagne n'a pas bougé.
L'Allemagne a par ailleurs mobilisé un million d'hectares pour cultiver du maïs destiné à alimenter les méthaniseurs, ce qui est de mon point de vue une hérésie ! Ils ont fait la même erreur que les Américains avec le bioéthanol. On serait bien inspiré de ne pas faire de même. Il y a beaucoup mieux à réaliser avec le méthane si on en produit à la ferme, à commencer par l'utiliser comme combustible pour les tracteurs : cela me paraît plus intelligent que de produire de l'électricité !
Une remarque a été formulée à propos du fait que nous étions hors sol. Je n'ai pas de contribuables, mais j'ai des clients : c'est aussi une espèce capricieuse. De temps en temps, cela force à avoir les pieds sur terre ! En effet, ce n'est pas The Shift Project qui me fait vivre !
J'ai une règle de gestion à vous proposer en matière de transition énergétique : toute mesure imaginée doit être évaluée à l'aune du pétrole ou du gaz que cela permet de ne pas importer, à service rendu identique, par rapport aux économies réalisées en flux de trésorerie, ou capital expenditures (CAPEX). On se rend compte que les énergies renouvelables électriques sont la dernière des choses à faire avec cet indicateur. À l'inverse, le méthane pour les tracteurs arrive en haut de la liste des priorités. L'isolation des bâtiments également.
Cette règle de gestion bénéficie d'un énorme avantage : dès que vous économisez un million d'euros d'importation de pétrole et de gaz, à service rendu équivalent, vous avez créé vingt emplois, même si on ne sait pas où ils sont ! C'est une règle de trois très simple. En remplaçant une énergie domestique par une autre, à salaire identique, on ne crée aucun emploi !
Sans s'aventurer dans le long débat très intéressant sur l'État, l'Europe et les collectivités locales, j'aimerais faire une remarque générique : la liberté va avec une obligation de résultats, et inversement ! Plus les gens réclament qu'on les laisse libres de faire ce qu'ils veulent, plus il devient légitime de leur dire que le résultat que l'on attend est celui-là et non un autre ! On ne va pas résoudre ici l'éternel controverse entre planificateurs, libéraux, Girondins et Jacobins, mais plus on revendique de libertés, plus on est comptable du résultat. C'est pour moi une question de bon sens ! C'est la règle de management de n'importe quelle entreprise : si on oblige les gens, ils sont moins comptables du résultat que dans le cas où on leur fixe une obligation à laquelle ils doivent se tenir !
Enfin, je ne vois aucune raison que le contexte économique s'améliore du point de vue du PIB, du fait de sa dépendance à l'énergie. J'y vois même une excellente raison pour que les choses continuent à aller en sens inverse ! Tant qu'il n'existe pas de plan porteur pour l'avenir, ce sont les extrêmes que l'on verra monter. Les promesses irréalistes les renforcent. C'est ce que l'on constate partout en Europe. Dire la vérité aux gens est aujourd'hui utile. Ce n'est pas un luxe : c'est absolument indispensable !
Dans un contexte de ressources contraintes, on est obligé de choisir. Si on n'associe pas la population aux choix et à leur hiérarchisation, les choses se déroulent moins bien. Toutefois, ce n'est pas parce qu'on associe la population aux choix que l'on doit empiler toutes les revendications pour contenter chacun ! Ce n'est malheureusement plus possible. On découvre que le monde est fini, pour reprendre une citation qui remonte aujourd'hui à quelques décennies.
J'insiste sur le fait que toute mesure doit être aujourd'hui pensée non pas à moyens croissants, mais plutôt à moyens décroissants, et que la seule manière d'y échapper est de flécher l'endettement que l'on ne remboursera peut-être pas vers des investissements indispensables, afin que le pays augmente sa capacité à fonctionner avec de moins en moins d'énergie fossile.
Ces investissements peuvent être réalisés. Cela ne relève pas nécessairement du budget général. On n'est pas non plus tenu de les faire supporter par les seules collectivités : les ménages et les entreprises peuvent également en assumer une partie, à condition qu'on ne leur demande pas tout à la fois.