Vous avez indiqué que vous collaboriez avec des partenaires d'autres pays, notamment l'Espagne. Est-ce par choix ou par nécessité ? Nous savons qu'une partie des recettes exceptionnelles, notamment celles tirées de la vente des fréquences hertziennes, ne seront pas au rendez-vous et que cela appelle des solutions de substitution comme les sociétés de projets. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ces sociétés de projets ? Quelles en seraient les implications pour l'armée de l'air ?
Général Denis Mercier. - En ce qui concerne le MCO, le taux de disponibilité de 40 % est une moyenne, le parc d'aéronefs étant composé de matériels différents. Ainsi, depuis quelques mois, la disponibilité du Rafale est bonne, permettant d'assurer les opérations et l'entraînement de manière satisfaisante. Ce n'est pas le cas de toutes les flottes. Mais la sous-activité est un paramètre plus pertinent que la sous-disponibilité. Ce qui importe, même si la disponibilité se trouve de temps en temps diminuée, c'est de pouvoir maintenir à la fois les opérations extérieures et l'entraînement. L'engagement en OPEX, compte tenu de la priorité qui lui est donnée, peut en effet conduire à dégrader l'activité en métropole. En OPEX, la disponibilité des matériels est supérieure à 85 % et permet de réaliser toutes les opérations essentielles demandées.
La sous-disponibilité des matériels résulte d'un sous-investissement d'un milliard d'euros hérité des précédentes programmations. Pour y remédier, nous avons obtenu une augmentation en volume (+4,3%) de l'entretien programmé du matériel, qui nous permet de maintenir la sous-activité à 20 %. En complément, nous nous efforçons d'avoir de vrais leviers d'action, comme le plan demandé à la SIMMAD, appelé « Cap 16 », qui vise à renégocier l'ensemble des contrats existants sous un angle différent. C'est ainsi que tous les contrats optroniques sont regroupés dans un contrat unique avec Thales. Les nouveaux contrats ont une dimension transverse et génèrent des économies d'échelle. L'installation de la SIMMAD à Bordeaux a permis la création de plateaux techniques avec les industriels qui s'y trouvent, permettant des échanges et la recherche de solutions. Les industriels comme Thales et Dassault ont également ouvert des guichets sur les bases aériennes, grâce auxquels il est possible de commander selon les besoins, donc de faire moins de stocks et d'économiser. Il existe quelques difficultés avec les hélicoptères et avec les avions patrouilleurs Atlantique de la Marine. Il faut aussi que nous soyons attentifs au rôle du SIAé.
En ce qui concerne les réductions des effectifs, nous allons y procéder, conformément à la LPM. La difficulté concerne en grande partie les officiers. Sur les 6 000 que compte l'armée de l'air, 1 500 relèvent du personnel navigant, sans fonction d'encadrement. En trois ans, le nombre de nominations de généraux de brigade a été divisé par deux, le nombre de colonels a diminué de 30 %, celui de lieutenant-colonel de 20 % et pour la première fois, 30 % de l'effectif d'une promotion de l'école de l'air ne passera jamais le grade de lieutenant-colonel. Nous en sommes là et on nous demande encore plus d'efforts. La baisse de moral est forte chez les officiers. Pour nous adapter, au lieu d'avoir une progression de la carrière des officiers en forme de pyramide inversée, nous tendons vers une progression en forme de « Y » : nous maintenons un recrutement de qualité relativement important et nous préparons les jeunes recrutes à l'idée que certains effectueront leur deuxième partie de carrière dans la défense et d'autres à l'extérieur. C'est ainsi que des stages en entreprises sont organisés à l'école de l'air. Des passeports de compétences « aux normes civiles » sont en train d'être mis en place. Et la formation continue est davantage tournée vers le monde de l'entreprise, avec par exemple des stages dits de « réserve inversée » permettant de mettre des officiers à la disposition des entreprises. C'est un autre modèle qui se met en place. Les jeunes officiers le comprennent assez bien. La difficulté subsiste avec ceux qui sont aujourd'hui lieutenants-colonels et qui ne sont pas préparés à cette évolution. Il est nécessaire de traiter leur situation au cas par cas.
En ce qui concerne les drones, nous avons aujourd'hui 4 Harfang et 2 Reaper, la capacité du Reaper étant nettement supérieure. Il est envisagé d'acquérir un troisième Reaper prochainement et un troisième système aérien de trois Reaper dès que possible, la LPM prévoyant 4 systèmes de 3, soit 12 aéronefs au total. En ce qui concerne les opérations à distance des drones, nous les avons testées, cela fonctionne bien mais nous avons décidé de ne pas les utiliser, non pour des raisons d'éthique, mais parce que nous préférons pouvoir apprécier les conditions localement. Je souligne que le pilotage des drones à distance est tout aussi contraignant pour les pilotes, qui sont mobilisés 24 heures sur 24. On ne gagnerait pas forcément d'argent à utiliser des drones depuis Cognac plutôt que depuis l'Afrique. Concernant le dépyramidage, je le répète, la contrainte pour les officiers est trop forte, je ne suis en mesure de réduire le nombre des officiers que de 180 par an. Et c'est déjà trop.
A propos des restructurations, il s'agit avant tout de faire de la densification. La fermeture de la base aérienne de Dijon, très emblématique pour l'armée de l'air, a été douloureuse, mais elle était pertinente car sa piste était trop enclavée. Le commandement des forces de soutien de l'armée de l'air et le commandement des forces organiques de l'armée de l'air seront fusionnés et transférés à Bordeaux, où sont déjà implantés la SIMMAD et de nombreux industriels de l'aéronautique. Désormais l'armée de l'air n'aura plus qu'un seul commandement organique (CFA, commandement des forces aériennes), un commandement des forces aériennes stratégiques (CFAS) et un commandement opérationnel (CDAOA, commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes). Par ailleurs, les deux autres unités que sont le CPA20, qui est un commando parachutiste de l'armée de l'air, et l'école de formation des fusiliers commando de l'air, seront regroupées dans un centre unique de formation militaire installé à Orange dans les locaux de la Légion étrangère. Ce regroupement génère des économies notables pour la défense en comparaison aux réaménagements qui auraient été nécessaires pour rénover les locaux respectifs de ces deux unités. La dissolution de la base aérienne de Balard s'inscrit dans le projet d'installation de l'état-major des armées sur ce site. Le transfert des escadrons d'avions de transport Casa de la plateforme aéronautique de Creil vers la base aérienne d'Evreux répond à un souci de regroupement des flottes de transport. Après ces restructurations, il ne restera plus grand-chose à restructurer au sein de l'armée de l'air. On demande beaucoup au personnel qui est las des réformes. Nous souhaitons une stabilisation à compter de 2018.
En ce qui concerne la base d'Istres, l'infrastructure pour les MRTT fait partie du projet. Elle sera réalisée en plusieurs phases, dans la mesure où les MRTT montent en puissance progressivement.