Intervention de Jean-Louis Bal

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 11 juin 2014 : 1ère réunion
Transition énergétique — Audition de M. Jean-Louis Bal président du syndicat des énergies renouvelables ser

Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables :

Je vous remercie pour votre invitation. Le Syndicat des énergies renouvelables compte parmi ses membres les grands industriels du secteur de l'énergie que sont Areva, Alstom, Schneider, Total, ainsi que les grands énergéticiens : EDF, GDF, Enel, E-ON... Mais il comprend aussi et surtout 75 % de petites et moyennes entreprises qui assurent une grande partie des emplois.

Le Grenelle de l'environnement a fixé un objectif de 23 % d'énergies renouvelables dans la consommation d'énergie finale, à comparer avec un niveau de 9 % en 2005, des objectifs étant précisés pour chaque filière. En 2012, l'objectif intermédiaire de 14 % a pratiquement été atteint, mais notre analyse, largement partagée, est que ce résultat est dû pour une grande partie aux progrès des biocarburants, dont le rythme de progression ne peut être extrapolé. Nous estimons que, en l'état actuel des politiques menées, le niveau des énergies renouvelables sera seulement de 17 % en 2020.

Les modes de soutien doivent en premier lieu abandonner de cette tendance au stop and go qui a tout particulièrement affecté la filière solaire photovoltaïque.

Il est vrai que les coûts de production ont considérablement baissé pour le solaire photovoltaïque et ont été optimisés pour l'éolien, mais dans le même temps la fiscalité comme les coûts de raccordement au réseau électrique ont augmenté, ainsi que le coût et la longueur des procédures administratives et environnementales. Ainsi la réalisation d'un projet éolien prend-elle sept à huit ans en France, contre deux à trois ans en Allemagne. L'accumulation des contraintes, qui a commencé en 2001 lors de l'instauration du premier tarif d'achat éolien, a atteint son sommet avec le Grenelle II qui a soumis les éoliennes à la procédure des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), à celle des zones de développement de l'éolien et à la règle d'une taille de parc minimale de cinq mâts.

Au total, la puissance installée annuellement, après un maximum en 2011, est tombée aujourd'hui à 600 MW. Ce rythme n'est pas suffisant pour atteindre l'objectif de 19 000 MW fixé par le Grenelle de l'environnement pour l'éolien terrestre.

La seule filière en avance sur ses objectifs est le solaire photovoltaïque, parce que l'objectif lui-même était modeste : fixé à 5 400 MW, il devrait être atteint dans les deux ans. Nous considérons que cet objectif devrait être largement réévalué car le photovoltaïque est quatre à cinq fois moins cher aujourd'hui qu'il y a cinq ans. De plus la filière française a besoin d'un marché pour se développer.

S'agissant de la biomasse solide pour la production de chaleur, elle a bénéficié du fonds Chaleur qui a eu un effet très positif. Il a financé de nombreux projets depuis 2009, permettant la substitution de 1,1 tonne équivalent pétrole (tep) pour 1 milliard d'euros d'investissements de l'État. Il en résulte un coût de la tonne de CO2 évitée très bas, de l'ordre de 15 à 16 €.

Nous incluons l'éolien offshore dans les énergies marines. Celui-ci a fait l'objet de deux appels d'offres. La durée de réalisation des projets permet de prévoir que 1 000 MW, au mieux, seront installés vers 2020, mais une dynamique industrielle est lancée et il faut la mettre au crédit de l'action publique.

L'énergie hydrolienne est la plus avancée des autres énergies marines. Une expérimentation est en cours à Bréhat et l'Ademe a lancé un appel à manifestation d'intérêts (AMI) pour des fermes pilotes. C'est l'amorce d'une filière industrielle, dont il ne faut toutefois pas attendre de vraies retombées industrielles et commerciales avant la fin de la décennie.

L'énergie de la houle, l'énergie thermique des mers, l'éolien flottant sont encore au stade de la recherche et développement. La technologie SWAC (sea water air conditioning), présente un intérêt particulier en outre-mer, où elle est utilisée pour des projets de réseaux de froid et de climatisation.

Nous attendons plusieurs orientations du projet de loi sur la transition énergétique.

Il devra fixer de nouveaux objectifs à l'horizon 2030. La ministre a ainsi évoqué une cible de 32 % d'énergies renouvelables, soit 40 % pour la production d'électricité, 38 % pour la production de chaleur et 15 % dans le secteur des transports. Pour atteindre ces objectifs, le projet de loi devra fixer une trajectoire et un mode de pilotage efficace, y compris au niveau régional, en associant les professionnels.

Le projet de loi devra aussi donner de la visibilité au système de soutien aux énergies renouvelables. Nous sommes convaincus qu'il faut évoluer vers une plus grande place laissée au marché et on peut ainsi envisager d'instaurer une prime par rapport au prix de marché, mais il faudra rassurer les industriels avec une garantie sur le niveau de rémunération. L'évolution devra être programmée.

Nous préconisons aussi une profonde simplification des procédures. Une autorisation unique devrait valoir pour les projets d'énergies renouvelables, filière par filière, alors que se superposent aujourd'hui le permis de construire, l'autorisation ICPE, les autorisations au titre du défrichement, au titre de la loi sur l'eau... Le délai de caducité des autorisations devrait aussi être prolongé, dans la limite de dix années, car on rencontre des cas où une autorisation expire alors que les autres n'ont pas encore été obtenues. Les délais des recours devraient être identiques pour toutes les autorisations et la durée de leur instruction devrait être encadrée. Un certificat de projet devrait également geler la réglementation à la date du dépôt de dossier.

Toujours dans le cadre de la simplification, l'accès des énergies renouvelables au réseau électrique devrait être facilité. Concernant les énergies marines, nous proposons de confier la compétence de premier recours aux cours administratives d'appel afin de supprimer un niveau de recours. Nous souhaitons aussi que, dans le cadre du projet de loi de finances, le fonds Chaleur soit pérennisé à la hausse et que la fiscalité soit stabilisée, voire réduite.

Enfin, la recherche et développement doit rester une priorité. Les filières ont en effet besoin d'un marché domestique, mais doivent aussi demeurer compétitives pour rester innovante sur les marchés mondiaux, que l'on évalue à 250 milliards de dollars annuels.

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