La rédaction initiale de Muguette Dini, dans laquelle c'est la victime qui décide du moment d'engager la procédure, est exemplaire de la juridiciarisation de la société, de cette idée que la justice doit tout et qu'elle peut tout réparer - alors que le but du procès n'est pas réductible à la réparation de la victime, il est aussi de réparer une atteinte à la société, à l'ordre social : c'est même le sens profond des délais de prescription. Le dernier rapport annuel de la Cour de cassation en fait état dans une étude sur l'ordre public : des magistrats, anciens présidents de cours, y disent qu'avec l'allongement des délais de prescription, on en est réduit à « parole contre parole » en salle d'audience et que les victimes, faute de preuves, ne sont pas reconnues. La question du report temporel est donc celle-ci : jusqu'à quand doit-il aller ? Et c'est sur ce point précis que notre rapporteur nous fait une proposition raisonnable : un délai de trente ans après la majorité, sans aller trop loin, est suffisant pour mieux tenir compte des traumatismes des victimes et il sera utile, aussi, dans certains cas où la procédure judiciaire elle-même est source de retard, au risque de voir tomber le couperet de la prescription ; voyez par exemple l'affaire des disparus de l'Yonne, où ce sont des lourdeurs procédurales, un changement d'affectation, un dossier perdu, qui ont fait perdre du temps, obligeant la Cour de cassation à des rattrapages pour éviter la prescription.
Le groupe UMP a donc considéré que ce délai de 30 ans à compter de la majorité était une solution équilibrée : nous voterons les amendements de notre rapporteur. L'équilibre, cependant, ne doit pas faire oublier qu'au fond il n'y a pas de solution parfaitement satisfaisante... Quoiqu'il en soit, ce délai plus long est de très loin préférable à l'imprescriptibilité, que je ne voterai jamais pour autre chose que les crimes contre l'humanité. Songez qu'il y a des délais de prescription en matière de crimes de guerre et de bien d'autres actes abominables : il faut respecter une cohérence, ou bien on met à bas notre tradition juridique et, finalement, l'ensemble de notre code pénal et de notre code de procédure pénale.