Intervention de Alain Richard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 28 mai 2014 : 1ère réunion
Délai de prescription de l'action publique des agressions sexuelles — Examen des amendements

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Je fais le même constat que Jean-Jacques Hyest, mais pour parvenir à une conclusion inverse.

Qu'est-ce que la prescription ? C'est un élément-clé de l'outil de régulation sociale qu'est le code pénal - lequel, lointain successeur de la loi du talion, définit l'équilibre entre les sanctions de la société contre les crimes et les limites posées à l'action judiciaire. Tout n'est pas sanctionné : un avocat général à la Cour de cassation me confiait récemment que sur les quelque dix mille infractions punies par le droit pénal, on en punissait effectivement à peine deux cents... Un premier foisonnement à contrôler, c'est donc bien d'abord celui des textes que nous adoptons sans se soucier de leur cohérence avec l'ensemble : c'est le rôle du code pénal.

Or, l'allongement du délai de prescription n'est pas un outil d'aggravation de la peine, mais la reconnaissance de ce que l'action publique continue d'être pertinente au-delà du délai actuel : pour être rationnel, il faut se prononcer au vu de ce seul critère ; or, ce n'est pas dans cette perspective que se place cette proposition de loi. Vouloir reculer le point de départ du délai de prescription, c'est encore autre chose : il s'agit alors de savoir si ce départ plus tardif sera, ou non, utile à l'établissement des faits. Mais pour allonger le délai de prescription dans une matière pénale, il faut se demander si, grâce au délai supplémentaire, on sera plus sûr de parvenir à la manifestation de la vérité. Est-ce le cas en matière de violences sexuelles : est-on plus certain d'obtenir des certitudes sur la commission des faits, trente ans après, qu'en matière de crime de sang ? C'est l'inverse à mon avis. Et c'est pourquoi je crois qu'introduire une telle dérogation, ce serait instaurer un désordre dans notre code pénal.

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