Intervention de Jérôme Cahuzac

Commission des affaires sociales — Réunion du 11 octobre 2012 : 1ère réunion
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 — Audition de M. Jérôme Cahuzac ministre délégué chargé du budget

Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget :

Marisol Touraine complétera en effet mon propos.

Le PLFSS est un projet de rétablissement d'un certain nombre de politiques de solidarité, avec les mesures concernant les victimes de l'amiante, les agriculteurs, les régimes de retraite, l'hôpital, le secteur médico-social, les personnes âgées... Les budgets correspondants ne sont pas frappés par l'effort de redressement qui impose, dans d'autres secteurs de l'action publique, une progression nulle en valeur. Il ne s'inscrit pas moins dans l'objectif de rétablissement des comptes voulu par le Président de la République et mis en oeuvre par le Gouvernement qui assume parfaitement cette priorité.

Le déficit cumulé des comptes sociaux sur la période 2002-2011 s'élève à 160 milliards d'euros. Malgré les transferts à la Cades, l'Acoss porte encore une dette de 20 milliards d'euros environ, dette qui va s'aggraver l'an prochain. Parce que cela n'est pas tolérable, ce PLFSS propose à la fois des mesures de recette et des mesures d'économie.

Première mesure d'économie, la progression de l'Ondam pour 2013, affichée à 2,7 % par rapport au montant exécuté de 2012, n'est en réalité que de 2,5 % par rapport à la précédente loi de financement. Cette progression est également inférieure aux 2,8 % enregistrés en exécution entre les exercices 2011 et 2012. La comparaison ne nous est pas défavorable. Incontestablement, des économies supplémentaires sont faites. Mais elles ne suffisent pas à rétablir les comptes : le déficit prévisionnel du régime général pour 2012 s'établit à près de 20 milliards, au lieu de 17,4 milliards initialement prévu. Il s'agit de réduire ce montant par un effort d'environ 4 milliards par rapport à l'objectif initial, c'est-à-dire de 5,8 milliards par rapport à l'exécution, qui s'ajoute aux mesures déjà décidées à l'occasion du PLFR de cet été.

Tout d'abord, par solidarité entre les générations, il sera demandé aux retraités imposables (environ les deux tiers d'entre eux) une contribution de 0,15 % sur leur pension, pour un rendement d'environ 400 millions d'euros. La contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) sera affectée en 2013 au Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Sans contribuer directement à la prise en charge de la dépendance, elle concernera tout de même les anciens - la solidarité ici est à la fois intergénérationnelle et entre retraités, elle est donc défendable.

En équité, nous demandons un effort important au régime social des indépendants (RSI). Les administrateurs de ce régime l'ont accepté et ont émis un avis favorable à l'adoption du PLFSS, ce qui est remarquable et témoigne d'une attitude responsable. Le système de cotisation des indépendants était le dernier à prévoir un plafonnement à partir de 180 000 euros. La suppression de ce plafond dégagera environ 500 millions d'euros, c'est un effort considérable, et consenti.

Nous alignons aussi le régime de cotisation des auto-entrepreneurs sur celui des métiers avec lesquels ils sont en concurrence : artisans, commerçants inscrits au registre, qui ont des obligations assurantielles et réglementaires dont peuvent s'affranchir les auto-entrepreneurs. Ces derniers conservent deux avantages : de très grandes facilités déclaratives et l'absence de cotisation minimale.

Il y aura des gagnants (environ cinq cent mille), puisque nous divisons par deux la cotisation minimale des indépendants sans pour autant soumettre à CSG les revenus en-deçà d'un certain niveau et, bien sûr, des perdants (environ huit cent mille), puisque nous déplafonnons totalement les cotisations.

Le bon sens inspire également deux mesures d'équité. Les gérants majoritaires qui se rémunèrent en dividendes pour un montant dépassant 10 % des fonds propres verront cette rémunération frappée des cotisations sociales qu'on applique aux revenus salariaux. Ensuite, les frais professionnels, pris en compte pour le calcul du bénéfice d'une entreprise, sont déduits pour le calcul de l'assiette sociale. Nous supprimons cette deuxième déduction.

Le rendement de l'ensemble de ces mesures concernant le RSI sera d'environ 900 millions d'euros.

Certaines dispositions concernent les régimes de retraite. La CNRACL verra sa cotisation augmenter de 1,35 % car, si rien n'est fait, ce régime ne pourra servir les pensions jusqu'à la fin de l'année prochaine. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour les élus locaux, mais nous devons assumer cette décision - comment envisager de mettre ce régime en insolvabilité ? Et il n'est pas exclu que nous devions prendre de nouvelles mesures pour 2014.

Deux autres régimes doivent bénéficier de subsides supplémentaires. Celui des électriciens et des gaziers, d'abord, avec l'augmentation d'une taxe créée par la majorité précédente au moment de la privatisation, quand l'Etat a repris les engagements hors bilan en matière de retraite. Pour servir les prestations aux ayants droit de ce régime, il est nécessaire de relever la fourchette législative du taux sur le tarif de distribution du gaz. Quant aux professions libérales, c'est aussi avec l'accord des administrateurs de leur régime d'assurance vieillesse que le taux de cotisation monte de 8,63 % à 9,75 % afin de garantir le versement des pensions.

Deux taxes comportementales, enfin, touchent tous les Français : une hausse du droit d'accise sur la bière et une réforme de la structure de la fiscalité du tabac. Tous les Français sont concernés par les politiques de prévention, tous seront, le cas échéant, sollicités. La hausse du droit d'accise, de 3 à 8 centimes par degré par hectolitre, est importante en pourcentage, mais le montant reste raisonnable en valeur absolue : il est deux fois supérieur en Grande-Bretagne ou en Irlande, quatre fois supérieur aux Pays-Bas, qui ont d'autres traditions. L'effet prix joue, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle les brasseurs s'émeuvent. Ce n'est pas de gaîté de coeur que l'on prend ces mesures d'un grand clacissisme. Les mesures sur le tabac procèdent surtout d'un souci d'efficacité en matière de hausse de prix : la structure de la fiscalité du tabac en France est originale comparée à celle de nos voisins européens. Quand les prix du tabac augmentent, les droits augmentent davantage pour les produits les plus chers. La consommation se reporte alors vers les moins chers d'où un moindre impact en termes de santé publique, comme en termes de recettes. Il nous faut donc harmoniser la structure de la fiscalité sur le tabac avec celle de nos voisins, en augmentant davantage la part proportionnelle que la part spécifique, ce que nous proposons de faire à partir du 1er juillet. Ainsi, les futures hausses de prix - car il y en aura - produiront leur plein effet. De même, nous commençons à corriger la fiscalité sur le tabac à rouler : elle est moins forte que sur les cigarettes, ce qui crée un déport de consommation vers ce tabac pourtant plus nocif. Aussi faisons-nous passer de 60 à 62 % les droits sur ce tabac, afin de commencer à rattraper le taux de droit commun de 75,25 %. Nous ferons le reste du chemin dans un autre PLFSS.

Je n'oublie pas l'harmonisation de l'assiette des assureurs à la C3S et l'alignement sur la définition du chiffre d'affaires retenu pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), cette mesure de cohérence.

Avec le carried interest, des gestionnaires de fonds, dès lors qu'ils mettent au moins 0,25 % de la mise, bénéficient d'une part allant jusqu'à 20 % des profits résultant des investissements ainsi réalisés, à condition toutefois d'avoir conservé leurs titres pendant plusieurs années. Un forfait social à 20 % pourrait être un peu lourd ; il reviendra au travail parlementaire de préciser les choses, car il ne s'agit pas de compromettre un système dont notre économie a besoin : dès lors que les gestionnaires ne mettent pas de fonds propres, les autres investisseurs ne font rien.

Deux autres mesures en équité : il n'y a pas de raison que le forfait social sur les ruptures conventionnelles ne s'applique qu'à partir de deux plafonds annuels de la sécurité sociale, il s'appliquera donc également en deçà. L'assiette de la taxe sur les salaires sera alignée sur celle de la CSG : effort assez conséquent mais cohérent puisqu'il faut harmoniser les différentes fiscalités, au moins en termes d'assiette.

La suppression de l'option forfaitaire pour la cotisation des employeurs de salariés à domicile a fait couler un peu d'encre. Pourtant, l'avantage fiscal des employeurs n'est en rien modifié et le plafonnement global des niches ne produira ses effets qu'en 2014. Ce dispositif de déduction fiscale a été imaginé par un gouvernement de gauche, majoré par un gouvernement de droite, modifié par un gouvernement de gauche puis par un gouvernement de droite, et il est assumé par le gouvernement actuel. Il fait consensus sur son principe, même si ses modalités d'application peuvent être discutées. Ce que nous modifions, ce sont les modalités de cotisation des employeurs, car le droit d'option total entre une cotisation sur la réalité du salaire versé et une cotisation sur un forfait correspondant au Smic aboutit à ce que la majorité choisisse la cotisation au forfait. Or ce n'est pas l'intérêt des employés, puisque les cotisations les concernant sont souvent établies sur une base inférieure à leur rémunération réelle. Cette forme de négation de leurs droits sociaux ne nous paraît pas acceptable. Nous demandons aux employeurs de cotiser sur la réalité du salaire versé, sans toucher pour autant à leur avantage fiscal.

Enfin, les élus locaux devront désormais cotiser sur la réalité de leur indemnité, mais avec une franchise à 18 000 euros car en deçà, les élus concernés, souvent des maires de petites communes rurales, accomplissent un travail qui s'apparente à du bénévolat. Au-delà en revanche, il est équitable de demander aux élus locaux de cotiser sur la réalité de leur indemnité.

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