Varsovie a constitué, dès le départ, une Conférence intermédiaire ; il n'y avait donc pas énormément à en attendre. Il est important de le dire, afin de ne pas être déçu. La Conférence clé reste bien Paris, en 2015, dans le cadre d'un cycle de négociations qui s'est ouvert à Durban, et qui doit s'achever dans notre capitale.
C'est le deuxième cycle de négociations, après le cycle Bali-Copenhague, qui s'est achevé à Cancun, après le blocage de Copenhague. A la différence de Copenhague, on est sorti, dans le pré-accord de Durban, de la logique du protocole de Kyoto, dans laquelle les pays développés devaient faire des efforts et assurer le droit au développement des pays en voie de développement (PEV).
A Durban, l'idée s'est imposée que les grands pays émergents, dont la Chine, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre (GES), ne peuvent s'abstenir d'efforts si l'on veut atteindre les objectifs. Or, les PEV du Groupe des 77 (G 77), ainsi que la Chine, tiennent au maintien du protocole de Kyoto, où il ne reste globalement plus que les Européens, ceux-ci représentant 17 % des émissions mondiales. Autant dire que ce n'est pas dans ce cadre que l'on peut significativement réduire les émissions !
Il s'agit d'arriver, à Paris, à un accord relativement contraignant ; toutes les conférences, jusqu'à Paris, doivent donc progresser sur la méthode, et conforter, conférence après conférence, les pré-accords. Toute la question est de savoir si l'on arrivera à l'ouverture de la conférence de Paris avec un accord abouti, ou si l'on en sera encore à des années-lumière.
Les grands enjeux de Varsovie ont tourné autour du calendrier et du financement, ces deux points étant liés. Les choses se sont assez mal passées, les pays qui s'étaient engagés sur le fonds vert de 100 milliards de dollars à Copenhague n'ayant pas mis l'argent annoncé sur la table. On en est même extrêmement loin !
Cette absence de financement a entraîné le retour du bloc des PEV, et a permis à la Chine d'apparaître comme leur porte-parole et un défenseur du climat, et de dire, à la tribune, qu'elle comprenait les organisations non gouvernementales (ONG) qui quittaient la Conférence. Or, l'accord de Durban avait abouti grâce à un axe entre les pays africains et l'Europe. Deux ans après, on est revenu à la situation de Copenhague !
Les grands pays émergents ont donc remis l'accord de Durban sur la table, ne s'estimant pas concernés par les mêmes engagements que les pays développés, d'où la difficulté de trouver, avant la Conférence de Paris, un compromis sur une date de finalisation des propositions de réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Il a finalement été décidé que les pays en situation le feraient au premier trimestre 2015, et les autres plus tard. Ceci va rendre la préparation de la Conférence de Paris difficile.
L'autre point important, mis en lumière par le récent typhon qui a balayé les Philippines, réside dans l'idée qu'il faut un nouveau mécanisme financier de pertes et dommages, au-delà du fonds d'adaptation décidé à Cancun. Il s'agit d'un mécanisme peu clair, puisqu'on pourrait considérer que les pertes et dommages font partie de la lutte contre le changement climatique.
La Conférence a bloqué, dans les dernières heures, sur le fait de savoir si ce mécanisme était considéré comme faisant partie de l'accord de Cancun - et donc des financements - ou s'il se situait en dehors de celui-ci. Les Européens n'ayant pas tenu l'engagement financier de Copenhague, le bloc Sud s'est reformé, avec la Chine comme porte-parole. Cette question du financement va revenir. Elle est assez complexe.
Quelques autres éléments sur Varsovie. La présidence polonaise a organisé, en parallèle, un sommet mondial du charbon - qui n'a d'ailleurs pas été un grand succès - et a, en cours de négociation, rétrogradé son ministre de l'environnement au poste de secrétaire d'Etat au climat ! Cependant, une journée organisée pour la première fois dans le segment de haut niveau, dédiée aux villes, aux régions, aux départements et aux Etats, a été officiellement ouverte par Ban Ki-moon, permettant de mettre en scène le rôle des collectivités territoriales dans l'action contre le réchauffement climatique.
Je suis porte-parole de l'Organisation mondiale des villes, cités et gouvernements locaux unis (CGLU) dans ces négociations climatiques. Par rapport à l'action que nous menons avec les réseaux de régions, il y a eu une vraie progression, concrétisée dans le texte adopté. C'est notamment la première fois que figure un paragraphe complet sur le rôle des villes et des autorités subnationales. Un événement spécifique, à Bonn, en juin prochain, permettra d'étudier la façon d'intégrer la capacité d'action des territoires dans le modèle climatique à venir.
C'est en quelque sorte notre troisième victoire. Nous avions pour la première fois obtenu, dans le préambule de l'accord de Cancun, la mention des autorités locales, et, plus important, un mécanisme de financement des villes du Sud, dans le cadre du Mécanisme de développement propre (MDP), dont la méthodologie a été approuvée à Durban. C'était là un accès direct au financement de la ville durable pour les villes du Sud. Nous avons malheureusement perdu le MDP, du fait de la chute du cours de la tonne CO2 en Europe.
Il faut se donner les moyens de partager les bonnes pratiques, afin que les territoires fassent plus, puisque c'est, à l'échelle mondiale, la première possibilité de réduction des émissions de CO2. Cela crédibilise notre stratégie, en tant que réseau, à travers la déclaration de Nantes, grâce à l'accès direct à l'ensemble des financements qui seront décidés à Paris, et l'engagement d'agir sur nos territoires à la hauteur des enjeux.
Je trouve que le Gouvernement agit de manière intéressante, en essayant, dès le départ, d'associer l'ensemble des acteurs de la scène française à l'action diplomatique, et de faire en sorte que Paris ne soit pas une simple Conférence sur les engagements des Etats. Si on reproduit le modèle de Copenhague, on risque d'avoir les mêmes résultats. Il faut donc tenter de mettre en oeuvre un agenda positif, en associant l'engagement des Etats à la dynamique horizontale mondiale des secteurs.
Cet agenda a été présenté par Laurent Fabius. Le Sénégal est candidat pour 2016, et la négociation, à Paris, se fera entre le Pérou, la France le Sénégal. L'agenda positif a en fait été assez mal reçu, la Chine et quelques autres pays estimant qu'il s'agissait là d'un prétexte permettant aux Etats de ne pas prendre d'engagement contraignant et de contourner la négociation.
La France, par la voix de Laurent Fabius, s'est engagée. Paris 2015 ne constitue pas qu'une négociation sur le climat. En effet, il faut que la décision sur le développement durable, qui doit intervenir devant l'Organisation des Nations unies (ONU) en septembre 2015, tienne compte des objectifs du Millénaire. Or, la négociation sur le climat, qui doit avoir lieu en décembre, ne peut se dérouler sans un accord sur le développement.
Pascal Canfin, ministre délégué au développement, qui a été très présent à Varsovie, en est parfaitement conscient. C'est un des tabous de la négociation sur le climat. Christiana Figueres, secrétaire générale de la convention sur le climat, estime que ces négociations sont extrêmement difficiles. Il faut néanmoins trouver un modèle de régulation mondiale pour 2015. Celui-ci ne sera pas parfait, mais il devra rester souple, toutes les négociations internationales sur le climat ou le commerce étant bloquées depuis quinze ans.