Je souhaiterais soumettre à nos collègues une réflexion transversale, à cette étape du débat, entre l’article 1er et l’article 2, mais aussi formuler une suggestion.
Les intentions et les priorités qui guident ce projet de loi sont justes et elles sont largement partagées. Elles ont été travaillées et négociées en amont, j’ai pu en être témoin, par exemple au Conseil national de la transition écologique.
Cependant, une partie du débat qui s’est déroulé à l’Assemblée nationale et qui a lieu dans cet hémicycle reflète une incertitude et un partage des opinions sur le réglage « en finesse » du rythme de la transition, d’une part, et du poids respectif des différentes sources d’énergie primaire, d’autre part.
Nous nous situons au point de rencontre de choix politiques qui déterminent des orientations fortes – d’une certaine façon, nous faisons de la planification – et d’une économie de marché ouverte. Il faut donc que nous nous interrogions sur les conséquences économiques globales des dispositions contenues dans ce projet de loi.
Nous devons nous rappeler – c’est un raisonnement économique élémentaire – que le coût de l’énergie a une traduction finale dans la vie économique française : s’il pèse sur la consommation des ménages, il altère leur pouvoir d’achat et réduit d’autant l’appui de la consommation à notre croissance économique trop faible ; s’il aggrave les coûts supportés par les entreprises, il fragilise les marges et la compétitivité de ces dernières, et nous retrouvons alors l’autre versant des difficultés que nous rencontrons en termes de croissance.
Quand nous poursuivons ce débat, nous sommes donc forcément partagés entre les effets favorables de cette mutation énergétique sur le long terme, dont nous sommes tous convaincus, et la façon dont nous pouvons absorber les coûts de la transition dans une économie qui est vulnérable et en quête de croissance. Cette contradiction est fortement ressentie par les acteurs économiques, mais aussi par les ménages, et elle s’exprime de diverses façons dans le débat public.
À ce stade du débat, mes chers collègues, je souhaite donc formuler une suggestion, que j’ai déjà évoquée dans mes conversations avec Mme la ministre : nous devrions nous donner un outil permettant de procéder à une analyse en continu des incidences économiques de la politique énergétique.
Ce forum d’observation et d’analyse économiques doit être pluraliste ; il doit pouvoir examiner dans la durée les effets de la transition énergétique et jouer un rôle d’aide à la décision pour les gouvernements qui se succéderont, afin de vérifier si les choix effectués ont bien obtenu les résultats économiques escomptés et si des dérives ne se sont pas produites.
J’ajoute que ce lieu d’analyse jouera aussi un rôle démocratique, parce que des controverses continueront inévitablement à se développer sur les choix de politique énergétique et leur adaptation aux besoins de la société et de l’économie française. Plutôt que de limiter le débat à l’affirmation de postulats ou de croyances opposées, il vaudrait mieux lui permettre de se fonder sur des mesures vérifiées et établies scientifiquement.
Je n’ai pas déposé d’amendement sur ce sujet, parce que je crois que le dispositif auquel je songe relève du domaine réglementaire : il s’agit d’une simple question d’organisation au sein de l’État.
Nous avons fait l’expérience, depuis des dizaines d’années, du bon fonctionnement de la Commission économique de la nation, anciennement Commission des comptes économiques de la nation, dont les résultats ne sont plus contestés par personne et permettent d’évaluer les politiques économiques de façon objective.
Je crois donc qu’il serait utile que le Gouvernement dote la nation d’une commission des comptes économiques de l’énergie, qui nous aiderait, grâce à des mises à jour successives de l’analyse des conséquences économiques des décisions de politique énergétique, à vérifier que nos choix étaient judicieux, qu'ils n’ont pas contribué à dégrader la situation des ménages ni la compétitivité de notre économie et que nous avons su en tirer le meilleur. Il me semble que le Gouvernement pourrait réfléchir à une telle formule.