Intervention de Didier Migaud

Réunion du 12 février 2015 à 9h30
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

… qui révèle plusieurs dysfonctionnements. Au regard du caractère tout à fait anormal de l’ensemble de cette situation, la Cour de discipline budgétaire et financière a été saisie par le procureur général.

Par ailleurs, la Cour a procédé à un contrôle de suivi sur le Conseil économique, social et environnemental. Elle s’est à nouveau intéressée à la gestion budgétaire et comptable de l’institution, à sa gestion du personnel et au régime spécial de retraite des anciens conseillers.

L’exigence de rigueur concerne aussi les collectivités territoriales. Après examen de plusieurs contrats de partenariats signés par des collectivités territoriales depuis 2004, la Cour recense les conditions qui devraient à l’avenir être réunies si l’on veut recourir à ce mode dérogatoire de gestion des services publics.

La Cour s’est également penchée sur les compléments de rémunération dont bénéficient les fonctionnaires d’État outre-mer. Une réforme de ce système à bout de souffle est souhaitable.

Des marges importantes d’économies, d’efficacité et d’efficience existent, et doivent être davantage mobilisées : c’est le troisième et dernier message de la Cour.

Le maillage des services publics doit mieux répondre aux besoins et aux attentes. Ainsi, la révision du réseau et des missions des œuvres universitaires et scolaires apparaît indispensable, au regard à la fois de l’offre territoriale, des choix d’investissements, de la simplicité, de l’efficacité et du ciblage de son action.

Un service public de qualité passe parfois aussi par une refonte des cartes administratives. La gestion des services d’eau et d’assainissement l’illustre parfaitement. La France compte 31 000 services d’eau et d’assainissement, dont 22 000 gérés en régie. Symboles d’une gestion communale de proximité, près de 92 % des régies concernent un territoire de moins de 3 500 habitants. Dans ce cas comme dans d’autres, proximité ne rime pas nécessairement avec efficacité ou qualité de l’action publique. En l’espèce, trop de proximité peut même parfois tuer l’efficacité.

La conduite d’une réforme territoriale d’ampleur n’est pas une tâche impossible. L’État en a d’ailleurs fait la preuve en procédant à la refonte de la carte judiciaire. La Cour considère que cette réforme, même si elle n’a pas donné tous les résultats escomptés, est globalement positive.

En ce qui concerne en revanche le réseau des sous-préfectures, le ministère de l’intérieur se positionne entre le statu quo et l’expérimentation. Or les services publics de demain doivent être orientés vers les besoins de demain, qui ne coïncident pas forcément avec le maillage administratif du XXe siècle, voire du XIXe siècle. Une refonte expérimentale de la carte des arrondissements d’Alsace et de Moselle vient d’entrer en vigueur le 1er janvier 2015. Le ministre de l’intérieur a annoncé la poursuite de l’expérimentation dans cinq régions. La Cour y sera attentive.

Les recommandations de la Cour portant sur le maillage territorial des services publics ont aussi pour objectif une réduction des inégalités d’accès, lorsque la répartition des moyens et des infrastructures n’est pas assez liée aux besoins. Le chapitre du rapport sur la prise en charge des soins palliatifs, toujours très incomplète et caractérisée par de fortes inégalités territoriales, en offre une illustration.

Dans des travaux récents portant notamment sur les finances locales ou sur la grande vitesse ferroviaire, la Cour a eu l’occasion d’appeler les pouvoirs publics à adopter une attitude plus réaliste et plus rationnelle, y compris en ce qui concerne les investissements publics.

Le rapport public annuel 2015 met en évidence de nouvelles situations où les décisions d’investissement ne sont pas satisfaisantes du point de vue de la gestion publique. Tous ces exemples rappellent qu’un investissement n’est pas vertueux par principe : il est vertueux s’il est produit avec le souci de l’utilité, de l’efficacité et de l’efficience, s’il améliore réellement le service rendu et si les dépenses de fonctionnement qu’il entraîne ont été correctement anticipées.

La refonte du circuit de paie des agents de l’État offre un contre-exemple calamiteux d’investissement. Entre 2008 et 2013, 346 millions d’euros ont été dépensés au titre de ce programme, pratiquement en pure perte. Cet échec n’est pas rassurant, au regard des enjeux soulevés par la modernisation des processus de paie. La Cour s’inquiète d’ailleurs des difficultés récurrentes que rencontrent les grands projets informatiques menés par l’État.

Ce qui est vrai pour l’action de l’État l’est également pour l’action locale. Je cite fréquemment le cas des deux gares construites à quelques dizaines de kilomètres d’écart sur la LGV Est – TGV Lorraine et Meuse-TGV – sans interconnexion avec le réseau de transport régional.

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