Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, une fois par an, le contrôle des finances publiques fait la une de toute la presse écrite et audiovisuelle. Ce grand moment d’exposition médiatique, c’est le dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.
Que nous enseigne l’intérêt suscité par cette publication ?
Il montre d’abord que la Cour des comptes atteint le but qui lui est assigné par l’article 47-2 de la Constitution : « Par ses rapports publics, elle contribue à l’information des citoyens ».
J’y vois ensuite une invitation pour nous, parlementaires, et en particulier pour les rapporteurs spéciaux des commissions des finances, à ne pas relâcher nos efforts en matière de contrôle de l’action du Gouvernement. Nos concitoyens nous attendent sur ce terrain.
Le contrôle tel qu’il est effectué par la Cour des comptes n’a pas la même finalité que le contrôle parlementaire. L’un contrôle le bon emploi de l’argent public ou l’efficience des politiques publiques. Nous évaluons quant à nous la pertinence des choix politiques.
Nos travaux sont donc complémentaires et souvent convergents. L’insertion dans le rapport public annuel consacrée à l’opérateur national de paye fait écho aux auditions sur ce thème que notre commission a organisées en mai dernier. Philippe Adnot pourra nourrir les travaux qu’il a engagés depuis l’année dernière sur le maintien des droits des étudiants boursiers des développements du rapport de la Cour sur l’indispensable modernisation du réseau des œuvres sociales et universitaires.
Enfin, j’observe que, dans sa réponse, le président de l’Agence française de lutte contre le dopage indique qu’il a, en quelque sorte, répondu par avance à certaines observations de la Cour des comptes en engageant des réformes inspirées des conclusions de la commission d’enquête du Sénat sur la lutte contre le dopage, dont le président était Jean-François Humbert et le rapporteur Jean-Jacques Lozach.
Ayant rédigé l’année dernière un rapport d’information dans lequel je rappelais la nécessité de préserver le sous-préfet comme « porte d’entrée » du réseau des services de l’État, j’ai lu avec attention vos développements sur le réseau des sous-préfectures.
J’ai également bien noté l’insertion consacrée aux centres de gestion de la fonction publique territoriale, qui pourra constituer une lecture utile dans certains départements.
La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement, et, cette année encore, l’assistance que portera la Cour des comptes au titre de l’article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances s’annonce très utile.
La commission des finances a rendu public hier son programme de contrôle pour l’année 2015, et, comme chaque année, plusieurs rapporteurs pourront appuyer leurs travaux sur des enquêtes demandées à la Cour des comptes.
Antoine Lefèvre a présenté le mois dernier un rapport sur la protection judiciaire de la jeunesse qu’il a préparé à partir d’une enquête de la Cour des comptes. Nous organiserons bientôt deux auditions à partir d’enquêtes remises par la Cour, auditions qui donneront lieu à des rapports d’information d’Alain Houpert et Yannick Botrel sur la filière-bois et d’Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier sur le recours par l’État aux consultants extérieurs.
Plus tard dans l’année, des enquêtes de la Cour des comptes bénéficieront aux travaux de Francis Delattre sur le fonds CMU, de Philippe Adnot sur l’autonomie financière des universités, ou encore de François Marc sur le Crédit immobilier de France. Le rapporteur général tirera également profit d’enquêtes sur la fonction publique tandis que les travaux du groupe de travail que nous venons de constituer sur le logement, en vue de préparer les prochains débats budgétaires, seront complétés par une enquête sur les aides personnelles au logement, qui sera remise à Philippe Dallier d’ici à la mi-juillet.
Pour achever cette énumération, j’indique que, en 2016, ce sont les travaux de Marc Laménie sur la Journée défense et citoyenneté qui seront éclairés par les résultats d’une enquête réalisée par la Cour des comptes.
Si la Cour des comptes nous prête assistance en réalisant des enquêtes à notre demande, nous nourrissons nos travaux des différentes publications issues de la Cour tout au long de l’année. En mai dernier, nous avions organisé des auditions consacrées à la rénovation thermique des logements privés, en partant de constatations présentées dans un référé consacré à la gestion de l’Agence nationale de l’habitat. Cette audition a pu enrichir les travaux de notre rapporteur général sur la réforme de l’éco-prêt à taux zéro, dans le projet de loi de finances pour 2015. Le rapporteur pour avis de la commission des finances sur le projet de loi relatif à la transition énergétique, Jean-François Husson, s’y est aussi référé lorsqu’il nous a présenté son analyse du nouveau fonds de garantie pour la rénovation énergétique.
La commission des finances a également organisé une audition pour suite à donner au référé relatif à l’École nationale supérieure des beaux-arts qui était particulièrement critique.
Si Didier Migaud est l’une des personnalités les plus fréquemment entendues chaque année par la commission des finances, c’est parce que la Cour des comptes joue un rôle croissant dans la gouvernance des finances publiques. Nos rendez-vous institutionnels sont de plus en plus fréquents et nos travaux sont désormais très imbriqués.
En outre, la Cour des comptes devient aussi une actrice à part entière du cycle budgétaire. Elle certifie les comptes de l’État. À travers le Haut Conseil des finances publiques, dont la moitié des membres sont issus de la Cour des comptes – à parité, grâce à l’adoption par le Sénat, en octobre 2012, d’un amendement de notre collègue André Gattolin – et dont le secrétariat est également assuré par elle, la Cour des comptes joue un rôle dans le déclenchement du nouveau mécanisme de correction automatique. Elle apprécie la situation des finances publiques en amont du débat d’orientation des finances publiques, et l’insertion liminaire du rapport public annuel sur les finances publiques constitue généralement un avant-goût des thématiques qui y sont développées.
La Cour des comptes est une vigie exigeante en matière de maîtrise des comptes publics et elle est dans son rôle lorsqu’elle insiste sur les « risques » entourant la trajectoire des finances publiques définie par le Gouvernement ainsi que sur la nécessité de renforcer la maîtrise des dépenses publiques. Ses conseils sont précieux, et il est important pour la crédibilité de notre pays dans la zone euro que des voix indépendantes s’expriment sur les finances publiques.
Pour autant, il me paraît raisonnable, dans le respect des règles budgétaires européennes, d’adapter le rythme de réduction des déficits aux évolutions de la conjoncture, pour ne pas risquer d’amplifier la crise