Intervention de Alain Milon

Réunion du 12 février 2015 à 9h30
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je voudrais à mon tour saluer le travail considérable dont témoigne le rapport public annuel que vient de nous présenter M. le Premier président, et en souligner le grand intérêt, une fois encore, pour le Parlement.

Permettez plus spécifiquement au président de la commission des affaires sociales de se féliciter de la contribution que la Cour des comptes apporte, à travers de multiples travaux, à l’évaluation de notre système de protection sociale.

L’implication croissante de la Cour dans ce domaine constitue le corollaire indispensable de la responsabilité exercée par le Parlement depuis l’instauration des lois de financement de la sécurité sociale en 1996, responsabilité pleinement justifiée dès lors que les finances sociales représentent, je le rappelle, près de la moitié des comptes publics de notre pays.

Certes, la situation des comptes sociaux peut paraître relativement moins dégradée que celle du budget de l’État, mais nous partageons le point de vue exprimé à de nombreuses reprises par le Premier président de la Cour des comptes selon lequel il est profondément anormal de financer par le déficit et l’endettement des dépenses courantes de prestations sociales. Il y va tout simplement de la viabilité d’un modèle social auquel nos concitoyens sont légitimement attachés.

S’agissant de l’examen d’ensemble des finances publiques en 2014, la commission des affaires sociales partage très largement les appréciations portées par la Cour.

Comme la Cour, elle considère que la révision des prévisions liée à la dégradation de l’environnement macroéconomique a été tardive, dans les textes financiers de fin d’année, alors que le Parlement aurait pu en être saisi dès l’été. De même, alors que l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, a été revu à la baisse dans la loi de financement rectificative de l’été, aucune alerte n’a été émise sur le dynamisme des dépenses d’indemnités journalières ou de médicaments, notamment pour le traitement de l’hépatite C, que nous avons constaté en fin d’année.

Nous partageons aussi plusieurs interrogations de la Cour sur les perspectives de l’exécution 2015. Sans doute l’évolution du prix du pétrole et du cours de l’euro fournit-elle à notre pays un ballon d’oxygène bienvenu qui permettra peut-être de tenir les prévisions de croissance.

Mais comme le souligne le rapport public annuel, les prévisions d’économies en dépenses, qui reposaient principalement sur la non-revalorisation de prestations, n’ont pas été revues à la baisse malgré une inflation prévisionnelle divisée par deux.

Nous nous interrogeons plus fortement encore sur les économies attendues des régimes à gestion paritaire, Unédic et retraites complémentaires, en l’absence de toute disposition concrète.

De la même manière, si le Gouvernement a intégré les moindres dépenses liées au report de la mise en œuvre de la loi sur le vieillissement, qu’en sera-t-il pour le décalage de la loi santé, à laquelle était conditionnée une bonne part des 3, 2 milliards d’euros d’économies dans le champ de l’ONDAM ?

C’est pourquoi la commission des affaires sociales, rejoignant en cela les préconisations de la Cour, souhaite renforcer son contrôle sur l’exécution des lois de financement. Plus que jamais, il lui semble que l’enjeu pour le Parlement réside bien dans la réalité des dépenses exécutées, plus que dans les économies virtuelles annoncées. Nous y consacrerons plusieurs auditions, le mois prochain, dès que seront connus les premiers résultats de la clôture des comptes 2014 du régime général.

Le rapport public annuel 2015 de la Cour des comptes traite également plusieurs points particuliers touchant au domaine social.

Il s’intéresse au dispositif du chômage partiel. La Cour avait souligné voilà deux ans son impact limité, alors que l’Allemagne a su en faire un instrument efficace de préservation de l’emploi en période de ralentissement économique. Elle appelle à juste titre à évaluer l’efficacité des mesures incitatives votées en 2013 par le Parlement en vue de développer le nouveau dispositif d’activité partielle.

Dans le suivi de ses recommandations, la Cour revient également sur un sujet particulièrement important et d’actualité, à savoir l’accès aux soins palliatifs. C’est en effet l’un des rares points de consensus, dans le débat sur la fin de vie, que d’assurer à tous ceux qui souhaitent l’arrêt des soins curatifs une prise en charge adaptée leur procurant la meilleure qualité de vie possible.

La Cour note que le plan de développement des soins palliatifs a atteint ses objectifs en termes de nombre d’équipes et de nombre de lits. Mais elle souligne ce que nous constatons tous sur le terrain, à savoir que ces efforts sont encore insuffisants par rapport aux besoins. Insuffisance du développement des réseaux, participation des professionnels en ville encore trop faible, malgré l’implication des infirmières, et importantes inégalités territoriales se conjuguent pour que l’offre demeure très inférieure aux besoins.

La Cour note que nous ne connaissons pas encore l’ampleur exacte de ces besoins, faute d’études suffisamment précises. En fait, c’est d’une véritable culture palliative que manque notre pays, par comparaison notamment avec les pays anglo-saxons.

La Cour préconise notamment de mieux adapter les soins palliatifs aux maladies chroniques, d’offrir un accompagnement aux familles et de développer l’offre palliative dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD. Ces recommandations, parfois anciennes, se heurtent clairement à des problèmes de financement. J’espère que nous pourrons trouver des solutions à ces difficultés, avec la Cour et le Gouvernement.

Au-delà des éléments figurant dans le rapport qui nous est remis ce matin, je voudrais souligner l’ampleur des travaux réalisés par la Cour dans le sens d’une meilleure évaluation de nos politiques sociales.

Je pense évidemment au rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, qui, par son ampleur, s’apparente en quelque sorte à un second rapport public annuel entièrement consacré à la sécurité sociale.

Je pense à la certification des comptes du régime général, mais aussi aux nombreux rapports thématiques ou référés, qui constituent pour nous une source extrêmement précieuse, en termes d’analyses documentées et de propositions.

Je mentionnerai par exemple le très récent rapport sur les régimes de retraites complémentaires que la Cour est venue présenter le mois dernier devant notre mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS. Il s’agissait là d’une première : jusqu’à présent, la Cour n’avait pas eu l’occasion d’effectuer une analyse d’ensemble de ces régimes à gestion paritaire, dont la situation financière est préoccupante et dont les résultats sont pleinement intégrés aux comptes publics notifiés aux instances européennes. C’est donc un enjeu très important, pour nos concitoyens et pour nos finances publiques, que la Cour nous a permis de mieux appréhender.

Enfin, je voudrais rappeler que la commission des affaires sociales sollicite la Cour, comme le lui permet l’article LO. 132-3-1 du code des juridictions financières, pour des enquêtes sur des sujets qui lui semblent mériter une analyse indépendante et approfondie.

La Cour nous a ainsi rendu à l’été 2014 un important rapport dressant le bilan des relations établies, par le biais des conventions, entre l’assurance maladie et les différentes professions libérales de santé. Cette question est au cœur de l’équilibre délicat entre une large couverture des soins de santé par l’assurance obligatoire et le maintien d’une organisation libérale de la santé qui caractérise le système français. L’enquête a été pour notre commission riche d’enseignements sur de très nombreux points, que je ne développerai pas. Je citerai néanmoins l’une des recommandations, que nous partageons, visant à informer chaque année le Parlement des objectifs et des résultats de la politique conventionnelle.

Je souhaite également mentionner l’enquête sur la situation des maternités en France ; M. le président du Sénat y a fait référence. Demandée par l’ancienne présidente de la commission des affaires sociales, notre collègue Annie David, cette enquête nous a été remise voilà quelques semaines. Au-delà des échos schématiques, et très souvent inexacts, qui ont été donnés par la presse, elle analyse de manière objective la situation de ce secteur essentiel de notre système hospitalier. Les difficultés de recrutement, un financement inadapté, une certaine passivité face à des indicateurs de périnatalité insuffisants, une organisation manquant encore de cohérence… autant de constats qui appellent pour la Cour une politique active des pouvoirs publics. Nous avons jugé l’enjeu suffisamment important pour organiser le 4 mars prochain un débat en séance publique avec le Gouvernement sur la base de cette enquête.

Voilà qui m’amène à me féliciter que le rapport public annuel comporte sous forme synthétique une analyse du suivi des recommandations de la Cour. Cela nous permet de mesurer les progrès qui ont été accomplis, mais également les obstacles qui surviennent ou les marges qui subsistent sur la voie d’une gestion plus efficace de nos politiques sociales et des financements très importants qui leur sont consacrés.

C’est un élément qui conforte le concours que la Cour des comptes nous apporte dans l’exercice de nos fonctions législatives et de contrôle. Je ne doute pas que ce concours demeurera extrêmement utile dans les mois et les années à venir, à un moment où notre pays doit plus que jamais redresser ses comptes publics.

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