L'article 5 prévoit la segmentation de l'activité de l'Agence nationale pour l'emploi.
Actuellement, l'ANPE ne s'occupe pas que de la recherche d'emploi des chômeurs : elle gère également la recherche d'un nouvel emploi pour les personnes salariées.
L'article 5 organise le morcellement de l'aide à la recherche d'emploi, selon que les personnes qui s'adressent à l'Agence seront au chômage ou en activité. En effet, l'ANPE pourra créer des filiales, susceptibles de fournir des services payants de placement, sauf pour les demandeurs d'emploi.
Nous imaginons parfaitement les conséquences de la mise en application d'une telle mesure, surtout si elle s'ajoute aux dispositions de l'article 3, qui permettent déjà aux agences d'intérim d'organiser le placement de personnes à la recherche d'un emploi.
Nous assistons bel et bien à un démantèlement du service public de l'emploi, avec les risques de discrimination entre demandeurs d'emploi que cela emporte.
M. le président du Sénat a organisé les travaux de notre assemblée sur ce texte en invitant le Conseil économique et social avant la discussion générale. Nous en étions ravis, car nous souscrivons à cette innovation. Mais encore faudrait-il, au moins une fois dans nos débats, tenir compte de ce qui a été dit par le rapporteur du Conseil économique et social !
Or, dans son avis du 31 août dernier sur l'avant-projet de loi, le Conseil économique et social alertait déjà le Gouvernement sur des pratiques discriminantes : « Il s'agit de savoir si une partie du service public de l'emploi peut être sous-traitée ou placée dans un contexte concurrentiel sans que les demandeurs d'emploi risquent un traitement différencié ou discriminant, l'opération n'étant pas sans risque. »
Concrètement, il y aura de fait une inégalité de traitement. Les personnes salariées qui voudront changer d'emploi devront payer le service de placement fourni par les filiales de l'ANPE. Mais toutes n'auront pas les moyens de le faire et elles seront donc condamnées à rester à leur poste, même si celui-ci ne leur convient pas.
Selon que vous aurez les moyens ou non, vous pourrez prétendre ou non à une évolution de carrière intéressante. Les chômeurs, de leur côté, devront s'en remettre à la seule ANPE.
Ce triste présage est à mettre en relation avec les chiffres du budget du ministère du travail et de la cohésion sociale. L'ANPE dispose d'un budget de 1, 214 milliard d'euros, en augmentation de 32 millions d'euros pour 2005, comme cela nous a été rappelé tout à l'heure. Mais ne vous réjouissez pas trop vite, mes chers collègues : cela ne représente qu'une hausse de 2, 5 %. Sachez que, dans le même temps, il est prévu de n'augmenter que de 4, 5 % le budget des personnels des collectivités locales. Au total, il est prévu de réduire de 23, 4 millions d'euros les dépenses de personnels et de services.
En revanche, les maisons de l'emploi, créées par le projet de loi, seront dotées dès la première année de 75 millions d'euros. Cela revient à dire que les filiales de l'ANPE auront une clientèle privilégiée, disposant de moyens financiers, à qui elles pourront proposer des offres multiples et variées. L'ANPE, quant à elle, ne gérera plus que le cas des chômeurs, sans voir son budget augmenter de manière significative, et avec des personnels en moins. Elle aura donc bien du mal à assurer son service de placement dans les meilleures conditions.
Cet article 5 organise la discrimination entre demandeurs d'emploi, qu'ils soient salariés ou chômeurs, ce que nous refusons. C'est pourquoi nous en proposons la suppression.