Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 28 octobre 2004 à 15h00
Cohésion sociale — Article 7

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Monsieur le ministre, si l'offre d'emploi adressée à un chômeur est totalement incompatible avec son projet professionnel, il me paraît légitime qu'il ait le droit de la refuser.

Vous partez toujours de l'idée que son refus ne sera jamais fondé. Pourquoi ne le serait-il pas ? Je peux d'ailleurs citer plusieurs exemples pour appuyer mon propos.

La revue Entreprise et carrières, qui est assez éloignée de ma ligne de pensée et que vous ne pourrez donc pas soupçonner d'être partisane, cite l'exemple d'un livreur de l'entreprise Pizza Hut, qui travaille chaque jour de dix-neuf heures à vingt-trois heures et gagne un peu moins de 500 euros par mois, après onze ans d'ancienneté. Qui accepterait un tel boulot ?

Je citerai un autre exemple, extrait du même article, qui se fonde sur un critère supplémentaire, celui de la qualification.

« En 1997, la CFDT Commerces et services a tenté de savoir comment vivaient ces personnes. » Tous ces bas salaires, ces salariés pauvres !

« D'après son enquête, réalisée auprès de 1 211 salariés d'Auchan, de Carrefour et de Casino, 45 % ont entre vingt-cinq et trente-cinq ans, 48 % sont locataires et 12 % habitent chez leurs parents ; 1 % à 2 % sont sans domicile fixe. » Nous sommes en plein dans les professions difficiles, sous-payées, avec des conditions de travail et des horaires impossibles, sans parler des salaires !

« Concernant les horaires de travail, ils sont 12 % à travailler en temps partiel avec des horaires fixes, et 23 % avec des horaires décalés ; 60 % des salariés interrogés estiment qu'il s'agit d'un temps partiel subi. Ils sont pourtant qualifiés ; 40 % d'entre eux ont des CAP/BEP et 30 % ont un diplôme supérieur au bac. » On en revient là au projet professionnel personnel qui me paraît être un critère d'appréciation incontournable de l'intéressé, et que vous voulez supprimer.

Avec les mesures que vous voulez imposer à l'article 7, un bachelier, le titulaire d'un CAP ou d'un BEP, ne pourra pas faire autrement que d'accepter ce type de boulot. Voilà la réalité !

Je pourrais également parler de la FNAC des Champs-Elysées, de l'étude réalisée par le Secours catholique, etc.

Nous sommes au coeur du sujet, et non dans un discours dogmatique que se renverraient affreux libéraux et affreux conservateurs. Il s'agit bien d'hommes et de femmes qui ont des difficultés objectives à obtenir des réponses s'agissant de leurs parcours professionnels qui, s'ils sont volontaires, se déroulent tout de même - nous ne sommes pas naïfs, car nous savons que la situation est difficile - dans la contrainte.

Mais la contrainte a des limites ! Et vous, vous voudriez les repousser. Sur ce point, nous ne pouvons pas vous suivre, et nous vous combattrons jusqu'au bout.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion