Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de convention fiscale entre la France et Andorre, signé le 2 avril 2013, est aujourd’hui de nouveau soumis au Sénat en nouvelle lecture.
Je tiens à profiter de l’occasion de cette nouvelle lecture pour rappeler l’importance, pour les personnes et les entreprises qui vivent et travaillent en lien avec Andorre, et tout particulièrement pour nos compatriotes Français de l’étranger, de disposer d’un cadre fiscal simple et sécurisé.
Au terme des débats de votre assemblée, chacun aura pu mesurer les progrès d’Andorre en matière de transparence, question à laquelle les stipulations essentielles de cet accord sont liées.
Lors du premier débat très approfondi qui s’est tenu à la fin de l’année dernière, la Haute Assemblée, tout en constatant la nécessité et l’apport important que représente cette convention, l’a néanmoins rejetée le 18 décembre dernier.
Le Gouvernement considère toutefois que les raisons qui ont motivé ce rejet, explicitées en détail lors du débat, ne sont plus justifiées.
En effet, c’est une clause, au point d du 1. de l’article 25, indiquant que la France conserve la possibilité d’imposer ses nationaux résidents d’Andorre, qui a fondé ce rejet.
Comme cela a été rappelé par le Gouvernement à l’occasion de la précédente lecture, il s’agit là d’une disposition qui répond aux circonstances d’une négociation passée. À l’époque, en raison de l’absence de fiscalité directe à Andorre, il était apparu nécessaire de prendre toutes les sortes possibles de garantie.
De plus, cette clause ne concerne que la convention franco-andorrane. En elle-même, elle ne pourrait toucher aucun autre pays, et notre intention n’est pas de la reproduire pour d’autres traités, puisque les conventions négociées postérieurement, et pour certaines déjà ratifiées par vous, ne contiennent pas de telle clause.
Je voudrais également souligner que cette disposition est absolument sans effet sur le plan fiscal. Une telle disposition, dans une convention, n’institue en rien une imposition. La seule voie pour mettre en place un impôt, quel qu’il soit, est de passer par une loi votée par le Parlement, c’est-à-dire par vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs.
En rejetant cette convention, on pénaliserait donc les entreprises et les particuliers qui attendent de bénéficier de la convention, et notamment nos compatriotes Français de l’étranger.
À Andorre, comme vous le savez, le Parlement a ratifié à l’unanimité l’an dernier ce projet de convention. Cet État est maintenant dans l’attente que nous lui confirmions notre ratification, ce qui autorisera l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions.
Dans ces conditions, un échec de la ratification en France nous conduirait à engager un nouveau processus de négociation et de signature qui repousserait l’entrée en vigueur de la convention pour un délai très long. Ce serait contraire à l’objectif, que nous partageons, de simplifier la vie des particuliers et des entreprises concernées et de renforcer nos relations avec Andorre, tout en luttant contre la fraude et l’évasion fiscales.
Sur le fond, et sans revenir en détail sur les explications nombreuses qui ont pu être données, je voudrais rappeler brièvement les raisons pour lesquelles la signature avec Andorre d’une convention fiscale visant à éviter les doubles impositions est désormais possible et nécessaire.
Jusqu’en 2010, Andorre n’appliquait aucune fiscalité directe, ni sur le revenu des personnes physiques ni sur les bénéfices commerciaux. Ce n’est que depuis lors qu’elle s’est dotée d’un tel cadre fiscal, postérieurement à la négociation de cet accord. Andorre a ainsi introduit, à la fin de l’année 2010, une imposition touchant les bénéfices des sociétés, les revenus des activités économiques et ceux des non-résidents. Celle-ci est appliquée à compter du 1er janvier 2012.
En outre, un impôt sur les revenus des personnes physiques a été adopté le 24 avril 2014. Il s’applique au 1er janvier 2015, et une taxe sur la valeur ajoutée, prévoyant un taux de 4, 5 %, est entrée en vigueur le 1er janvier 2013.
Parallèlement, Andorre a connu des évolutions décisives en matière de transparence et de coopération fiscale. C’était pour le Gouvernement une condition sine qua non pour envisager la signature d’une convention.
C’est dans ce contexte que la convention fiscale entre la France et Andorre permettra aux deux États, compte tenu de leur proximité, de disposer d’un cadre adapté pour éviter les doubles impositions, afin que ces dernières n’entravent pas les relations économiques et ne pénalisent pas les entreprises et les particuliers dans des situations transfrontalières.
À cet égard, les stipulations de la convention reprennent de manière générale les principes de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, avec les adaptations rendues nécessaires par les particularités des législations de chaque État. Elles permettent de clarifier, par des règles précises agréées par les deux parties, la répartition des droits d’imposer entre les deux États ainsi que les mécanismes d’élimination des doubles impositions.
Enfin, au cas où un contribuable se trouverait en situation de double imposition, la convention prévoit la mise en œuvre d’une procédure amiable bilatérale de règlement du différend.
Si la nouvelle convention fiscale franco-andorrane vise à éviter les doubles impositions, elle comporte aussi un arsenal particulièrement complet de stipulations visant à empêcher qu’elle puisse permettre des montages d’évasion fiscale et des situations d’absence d’impôt.
La France, comme vous le savez, est en pointe dans les travaux internationaux sur ces sujets, et c’est une priorité pour le Gouvernement que de lutter contre les abus de ce type. Les clauses conventionnelles sur ce sujet, qui sont généralement inspirées du modèle de l’OCDE, sont adaptées pour tenir compte du système fiscal de chaque partenaire. Tel est également le cas avec Andorre.
Je voudrais pour finir revenir sur une particularité de cette convention. Comme vous l’avez relevé, la clause sur l’échange de renseignements y est remplacée par une référence à l’accord franco-andorran du 22 septembre 2009.
Cet accord se fonde sur un modèle défini en 2002 sur le plan international dans le cadre des travaux du Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations. Il est dédié au seul volet de l’assistance administrative sur demande. Dans ce domaine, il permet une coopération fiscale identique au standard de l’OCDE, en excluant explicitement le secret bancaire.
Les deux parties ont fait ce choix pragmatique de conserver le mécanisme déjà en place, par souci de simplicité. D’une façon générale, le développement mondial de l’échange automatique d’informations financières est une priorité pour le Gouvernement, qui s’emploie à l’encourager très activement au niveau international et dans l’Union européenne.
Cet aspect n’est pas couvert par l’accord de 2009. C’est donc dans le cadre de la convention multilatérale de l’OCDE, signée par Andorre le 5 novembre 2013, que l’échange automatique avec la France a vocation à se mettre en place. Les autorités andorranes s’impliquent pleinement dans les travaux conduits actuellement au niveau international, afin d’appliquer le nouveau standard dès 2018.
Au total, et même s’il ne figure pas dans la convention fiscale elle-même, le cadre juridique de l’échange d’informations entre la France et Andorre est conforme aux principes de l’OCDE, et il a vocation à prendre en compte l’échange automatique d’informations en cohérence avec les évolutions en cours au niveau mondial.
Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, la convention fiscale qui vous est soumise répond aux avancées indéniables d’Andorre en matière de fiscalité et de transparence.
Dans un contexte d’étroite proximité avec la France, elle a vocation à constituer à l’avenir un cadre essentiel pour les relations économiques et pour tous les particuliers et entreprises qui sont en relation avec cet État, notamment les Français de l’étranger qui ont fait le choix de s’y installer.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est convaincu que l’entrée en vigueur rapide de cette convention fiscale relève de l’intérêt des deux États, et vous appelle à ratifier cette convention.