Nous répétons au Gouvernement que les stipulations de cette convention sont globalement bienvenues et que tout le monde s’en félicite ; je remercie notre collègue Gérard Longuet de l’avoir rappelé tout à l’heure. Seul pose problème le d du 1. de l’article 25, dont je me permets de vous redonner lecture : « la France peut imposer les personnes physiques de nationalité française résidentes d’Andorre comme si la présente convention n’existait pas ».
Cette clause suggère que l’administration fiscale, qui a préparé la convention, anticipe le fait que le champ d’application de la loi fiscale pourrait procéder non plus de la territorialité, mais de la nationalité. En d’autres termes, l’impôt serait payé au titre du sang et non plus au titre de « l’entretien de la force publique », selon les dispositions bien connues de l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Dans sa sagesse, le Sénat a refusé que l’on introduise pareille brèche dans un édifice législatif vieux de plus de deux siècles au détour d’une obscure stipulation conventionnelle.
Comme l’a rappelé récemment le président du Sénat, M. Gérard Larcher, 70 % des textes sont adoptés en termes identiques par les deux chambres à l’issue du vote par le Sénat, dont les amendements sont ainsi pris en compte. Une convention fiscale ne pouvant être amendée, nous attendions de la part du Gouvernement qu’il fasse modifier la convention fiscale par l’administration avant de la présenter à nouveau au Parlement.
Le Gouvernement a préféré s’orienter vers une commission mixte paritaire. Depuis 1959, malgré les alternances politiques, deux commissions mixtes paritaires sur trois ont abouti à un accord. Nous étions donc confiants, car le Gouvernement avait reconnu lui-même que l’alinéa dont nous demandions la suppression n’avait pas vocation à s’appliquer.
Or cette commission fut une véritable mascarade ! Les députés de votre majorité, monsieur le secrétaire d'État, nous ont clairement fait comprendre que la Constitution leur donnerait le dernier mot. Pour mémoire, seuls 10 % des textes sont votés par l’Assemblée nationale après échec de la commission mixte paritaire. Alors, pourquoi exiger le maintien d’une clause prévoyant l’impôt sur la nationalité pour nos compatriotes si le Gouvernement clame lui-même qu’elle n’a pas vocation à s’appliquer ? Le Gouvernement répond qu’il est impossible de remettre ce texte sur la table des négociations diplomatiques, ou qu’il est trop tard pour le faire.
On ne peut pas, dans un État de droit digne de ce nom, prendre le contribuable en otage au nom de faux arguments diplomatiques. Vouloir faire passer ce texte en force n’est pas une méthode digne d’un gouvernement démocratique.
Pour l’AGEFI, le quotidien de l’agence économique et financière de Genève, il n’y a pas de doute : la convention France-Andorre apparaît comme un banc d’essai pour avancer vers une taxation des Français de l’étranger. Monsieur le secrétaire d'État, on pense en Suisse que le gouvernement auquel vous appartenez a la taxation honteuse...
Alors je vous le dis : si vous souhaitez taxer nos compatriotes établis hors de France, qui paient d’ailleurs déjà des impôts dans leur pays de résidence, parlons-en franchement lors d’un projet de loi de finances, comme vient de l’indiquer notre collègue Gérard Longuet.
Mais, monsieur le secrétaire d'État, si vous n’avez pas la taxation honteuse, si vous êtes de bonne foi, que pensez-vous, étant entendu que, selon le Gouvernement, la disposition contestée par le Sénat n’a pas vocation à s’appliquer, que pensez-vous, disais-je, de l’idée de ne soumettre au Parlement que des textes ayant vocation à s’appliquer ? Cela présenterait l’avantage de ne plus finir par proposer la suppression des textes inutiles.
En décidant de maintenir coûte que coûte le d du 1. de l’article 25, vous ridiculisez non pas seulement l’action parlementaire, mais aussi l’action politique. Quelle peut-être la crédibilité d’un gouvernement qui clame haut et fort qu’un texte proposé n’a pas vocation à s’appliquer ? Vous avez entendu l’avis négatif de la commission émis par la voix de notre collègue Gérard Longuet…
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande respectueusement de bien vouloir avoir la sagesse de retirer cette convention qu’il nous est interdit d’amender, et ce afin d’éviter au Gouvernement le risque d’être à nouveau désavoué, ce matin, par la Haute Assemblée.