Le titre de cette proposition de loi me gêne : il ne s'agit pas là de remettre à plat la loi du 2 janvier 2004. Un amendement du rapporteur pourrait y remédier. Si j'approuve la proposition, je sais que la protection de l'enfance requiert bien d'autres améliorations. Nous avons déjà eu ces débats. J'ai été il y a trois ans l'auteur d'une proposition de loi, votée dans cette assemblée par 330 voix sur 346, qui disposait que les allocations familiales ne seraient plus versées aux parents coupables de violences sur leurs enfants, mais aux personnes ou aux institutions qui en auraient la charge. Je regrette que la promesse, faite alors par la ministre Dominique Bertinotti, d'un nouveau texte pour la protection de l'enfance n'ait été suivie d'aucun effet trois ans après. Protéger les médecins auteurs de signalements, c'est bien ; mais quid des instituteurs ou des autres lanceurs d'alerte potentiels ?
Une histoire en dit long sur les difficultés en matière de responsabilité : président d'un conseil général, et responsable à ce titre de la protection de l'enfance dans mon département, j'ai reçu un jour de décembre l'appel d'une responsable de l'action sociale me signalant la présence dans une maternité d'un nourrisson qui, me disait-elle, ne devait pas être renvoyé au domicile de ses parents. L'assistante sociale ne voulait pas prendre la responsabilité d'un signalement de peur de difficultés avec la famille ; la responsable elle-même s'adressait à moi par téléphone pour ne pas laisser de traces. Comment pouvais-je, en tant que président du conseil général, prendre une décision sur une situation que je ne connaissais pas ? La juridiciarisation des rapports sociaux entraîne chez nombre d'acteurs la volonté de n'être pas tenus pour responsables du fait déclencheur des procédures.
Près de 100 000 enfants sont placés, 300 000 sont suivis. Nous n'avons aucune visibilité sur les effets des interventions en milieu ouvert. L'hétérogénéité de l'accueil des mineurs isolés dans notre pays est scandaleuse : si certains départements font beaucoup, d'autres font peu. La situation financière est ubuesque : la protection de l'enfance n'étant pas considérée comme une dépense transférée directement par l'État, elle ne fait pas l'objet d'une compensation, à la différence du revenu de solidarité active (RSA), de l'allocation personnalisée d'autonomie ou de la prestation de compensation du handicap. Vous pouvez décider de diminuer vos dépenses de protection de l'enfance sans que l'on ne puisse rien vous reprocher ! Cela risque d'en faire la variable d'ajustement des difficultés actuelles en matière de dotation globale de fonctionnement. Si vous y ajoutez le chantier de la responsabilité et de la juridiciarisation, nous avons du travail...