La mise en place d'un crédit d'impôt pour l'embauche d'apprentis pose un certain nombre de questions.
L'exposé des motifs du projet de loi nous indique : « L'article 15 met l'article 226 B du code général des impôts en cohérence avec le principe de l'intermédiation obligatoire des organismes collecteurs introduit par l'article 18. Il institue ensuite un crédit d'impôt au bénéfice des entreprises qui emploient des apprentis. Ce crédit d'impôt est fixé à 1 600 euros par apprenti employé et à 2 200 euros lorsque l'apprenti est un jeune sans qualification qui faisait l'objet, au moment de la signature de son contrat, de l'accompagnement renforcé prévu par le nouvel article L. 322-4-17-1 du code du travail. »
Plus une entreprise, quel que soit son statut - entreprise individuelle, société de personnes ou société - aura d'apprentis et d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à payer, plus elle bénéficiera des effets de la mesure préconisée.
C'est en fait une nouvelle niche fiscale qui est ainsi créée, alors même que la rémunération des apprentis est d'ores et déjà une charge imputable sur les produits d'exploitation de l'entreprise. Cela fait en quelque sorte doublon avec l'existant.
Mais cela pose aussi une autre question. Le financement de la rémunération des apprentis, ainsi que nous l'avons souligné lors de l'examen des articles précédents, est désormais assuré par les régions, moyennant le versement d'une compensation par l'Etat qui va devenir, progressivement, « non intégrale », comme toutes les dotations indexées sur la dotation globale de fonctionnement. J'ai fait cette démonstration précédemment.
De fait, le crédit d'impôt se substitue au paiement de la rémunération des apprentis sur le budget du ministère du travail et d'une certaine manière, mais cela reste à vérifier, on peut considérer que la montée en charge du crédit d'impôt ira de pair avec le décalage croissant entre compensation versée et charges réellement transférées. Elle ira aussi de pair avec la montée en charge de la perception du complément de taxe d'apprentissage prévu par la loi de finances.
L'Etat fera donc une menue économie budgétaire sur le dos des collectivités locales et des apprentis, d'autant qu'il percevra la taxe avant de devoir solder le crédit d'impôt.
Enfin, comme nous l'avons indiqué, le choix du crédit d'impôt est plus favorable aux très grandes entreprises qu'aux plus petites, qui sont pourtant aujourd'hui celles qui emploient le plus d'apprentis.
Et comment ne pas mettre également cette volonté de développement de l'apprentissage en parallèle avec la réduction de 700 postes prévue par le budget de l'enseignement scolaire dans l'enseignement technique public ?
C'est sous le bénéfice de ces observations que nous voterons contre l'article 15. Quant à l'enseignement technique public, nous aurons l'occasion d'y revenir.