Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame Giudicelli, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte dont nous discutons cet après-midi a pour objectif d’améliorer et de renforcer encore les réponses collectives que nous pouvons apporter pour mieux protéger les enfants.
Vous connaissez mon engagement et ma volonté d’agir. Je veux me saisir de chaque occasion qui nous permet de placer la protection de l’enfance au cœur du débat public.
Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, la protection de l’enfance est souvent dans l’angle mort des politiques publiques, même si elle l’est de moins en moins, grâce à l’implication et au travail des élus, au sein de cette assemblée comme dans les territoires, grâce, aussi, à la volonté du Gouvernement, grâce, enfin, aux nombreux rapports qui ont récemment été portés à notre connaissance.
Que nous disent tous les acteurs ?
La maltraitance est une triste réalité. Les chiffres qui l’étayent sont déjà extrêmement préoccupants, mais ils sont probablement bien en deçà de la réalité. Les auteurs de l’une des études publiées en 2009 par la revue scientifique britannique The Lancet estiment que, dans les pays à hauts revenus comme la France, 10 % des enfants seraient victimes de maltraitance. Encore très récemment, une enquête nationale nous donnait à voir l’importance des violences sexuelles chez les enfants, 81 % des victimes révélant avoir vécu les premières violences avant l’âge de dix-huit ans.
Ces travaux nous disent aussi que la maltraitance est protéiforme et qu’elle n’est pas un phénomène socialement marqué, c’est-à-dire qu’elle touche toutes les catégories sociales. Ils nous amènent à conclure que la maltraitance constitue non seulement un sujet de société, mais aussi une véritable problématique de santé publique.
Alors, lorsque l’on soulève une telle question, on tourne nécessairement le regard vers les médecins, non seulement en tant que soignants, mais aussi en tant qu’acteurs de la prévention, du repérage des enfants en danger et en risque de danger.
La maltraitante commence le plus souvent très tôt dans la vie des enfants qui la subissent. Or, aux premiers âges de la vie, l’enfant voit très régulièrement un médecin, pour les vaccinations, le suivi de la croissance ou du développement. Les professionnels de santé sont donc en première ligne pour détecter d’éventuelles violences. Pourtant, les médecins ne représentent qu’une part infime des auteurs de signalements : en 2002, seulement 2 % à 5 % des signalements émanaient du corps médical, d’après le Conseil national de l’Ordre des médecins.
Le Gouvernement dresse le même constat : les médecins font trop peu de signalements, et transmettent encore moins d’informations préoccupantes. Pourtant, le Conseil national de l’ordre des médecins nous a précisé récemment, par un courrier en date du 20 février 2015, que, si des sanctions disciplinaires ont bien été prises à l’encontre de médecins qui n’avaient pas procédé à un signalement, en revanche, aucun d’entre eux n’aurait été sanctionné disciplinairement pour y avoir procédé.
Il faut dire qu’il existe d’ores et déjà dans le code pénal, mais aussi dans le code de l’action sociale et des familles et le code de déontologie, des textes qui prévoient les obligations et possibilités d’échanger des informations soumises au secret. Nous ne partons donc pas de rien en la matière. L’adoption de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection de l’enfance – je salue le président Philippe Bas, qui l’a fait adopter à l’époque –, …