Séance en hémicycle du 10 mars 2015 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • conduire
  • danger
  • geste
  • l’enfance
  • maltraitance
  • médecin
  • secours
  • signalement

La séance

Source

La séance, suspendu e à onze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire (proposition n° 620 [2013-2014], texte de la commission n° 312, rapport n° 311).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri

Madame la présidente, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l’absence de Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur.

La proposition de loi de M. Jean-Pierre Leleux et de plusieurs de ses collègues concerne tous nos concitoyens. Elle est au service d’un objectif que chacun dans cet hémicycle partage : sauver des vies. Alors que les derniers chiffres de la sécurité routière laissent craindre un relâchement des comportements, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour atteindre l’objectif de diviser par deux le nombre de morts sur les routes d’ici à 2020.

Mais, ne l’oublions pas, les accidents de la route sont aussi à l’origine de blessés, comme le rappelle la dernière campagne de la sécurité routière. Développer la capacité de nos concitoyens à avoir les bons gestes pour protéger un blessé en cas d’accident et à alerter les secours est donc essentiel. Telle est la finalité, pleinement partagée par le Gouvernement, du présent texte.

Ce dernier s’inscrit dans le contexte de la réforme du permis de conduire annoncée par le Gouvernement au mois de juin dernier. À ce titre, il ne saurait avoir pour effet d’accroître le coût du permis de conduire ni d’en allonger les délais d’obtention.

Effectivement, vous le savez, le 13 juin 2014 – le lendemain même de l’adoption en première lecture par l’Assemblée nationale de cette proposition de loi –, le ministre de l’intérieur a fait part d’une réforme ambitieuse du permis de conduire voulue par le Président de la République. Celle-ci vise principalement à réduire les délais d’attente pour le passage de l’examen, ce qui est la meilleure façon de diminuer le coût de la formation.

Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques tend à renforcer et pérenniser les premières mesures mises en œuvre depuis l’été dernier. Les députés l’ont complété de diverses mesures concernant la formation au permis de conduire, pour rendre cette dernière plus simple et moins onéreuse. La Haute Assemblée va examiner ce texte dans les prochaines semaines, et je ne doute pas que, sur point comme sur d’autres, elle aura à cœur de l’enrichir.

Rendre le permis plus simple et son obtention plus rapide n’était pas compatible avec l’instauration d’une troisième épreuve sanctionnant une formation aux premiers secours qu’avaient initialement envisagée les auteurs de la proposition de loi.

J’ajoute qu’il ne faut pas superposer les dispositifs : je le rappelle, depuis une décision du comité interministériel de la sécurité routière de 2006, les élèves de troisième reçoivent une formation aux premiers secours assurée par des organismes agréés et sanctionnée par la délivrance d’un certificat de compétence de prévention et secours civiques de niveau 1. Cette délivrance est en constante progression : en 2014, 33 % des élèves de collège se sont vus délivrer ce certificat contre 20 % en 2011, soit une augmentation de 5 % par an.

Cependant, cela n’est pas encore suffisant, ce qui démontre l’existence de difficultés qu’il faudra surmonter pour former l’ensemble d’une classe d’âge à des notions de secourisme.

Au cours des débats, le Gouvernement, comme plusieurs parlementaires, a également rappelé les réserves que suscitait la référence dans la loi à des gestes qui ne font pas consensus parmi les autorités médicales. Je me félicite de l’évolution du texte sur ces deux points, grâce au travail parlementaire.

En revanche, il est souhaitable de renforcer l’enseignement et l’évaluation de comportements simples : protéger les lieux, savoir alerter les secours, ne pas aggraver la situation d’un blessé et pratiquer des gestes de premiers secours si l’on en a la compétence.

À ce titre, le Gouvernement a déjà tenu ses engagements de développer et de renforcer cette thématique à un moment important de la vie des jeunes : le passage du permis de conduire. Cela se traduit d’ores et déjà dans le référentiel pour l’éducation à une mobilité citoyenne – il constitue le nouveau programme de formation à la conduite mis en œuvre depuis le 1er juillet 2014 – par de nouvelles compétences que le candidat devra acquérir dans le cadre de l’apprentissage à la conduite : comprendre en situation comment réagir face à un accident ; connaître les comportements à adopter à l’égard d’une victime d’accident ; prendre conscience de la nécessité d’assister les personnes en danger.

De même, les nouveaux livrets d’apprentissage qui sont entrés en vigueur le 1er juillet 2014 reprennent et déclinent ces compétences. Comme il s’y était engagé devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a pris le décret d’application de l’article 16 de la loi du 12 juin 2003 : désormais, tous les programmes d’apprentissage de la conduite et de la sécurité routière devront inclure une sensibilisation aux comportements à adopter en cas d’accident et aux premiers secours à apporter aux victimes.

Le Gouvernement a aussi souhaité compléter cette formation par une vérification de ces compétences lors de l’examen. Depuis l’année dernière, le nombre de questions en rapport avec les comportements en cas d’accident a augmenté sensiblement aux épreuves des attestations scolaires de sécurité routière – ASSR – au collège, mais aussi à celles de l’attestation de sécurité routière – ASR.

Les épreuves théorique et pratique du permis de conduire donneront lieu à des questions sur cette thématique des comportements à adopter en cas d’accident. Elles vont être réformées en conséquence.

Je peux ainsi vous annoncer que l’épreuve théorique générale, plus communément appelée le « code », comportera systématiquement, dès la fin de cette année, au moins une question sur ce thème. S’agissant de l’épreuve pratique, une rénovation des questions orales est envisagée. Une des questions techniques relatives au fonctionnement du véhicule posées lors de l’épreuve sera remplacée par une interrogation visant les comportements face à un accident.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à saluer la persévérance des auteurs de cette proposition de loi, tout comme le travail constructif mené par les deux assemblées. Grâce à des débats fructueux, le texte est équilibré et cohérent, ce qui permet d’envisager aujourd’hui son adoption – définitive, je l’espère –, à laquelle le Gouvernement est favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, après l’adoption de ce texte le 12 juin 2014 par l’Assemblée nationale, le Sénat est appelé à se prononcer en deuxième lecture sur la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire.

Déposé au Sénat le 13 février 2012 par Jean-Pierre Leleux et Jean-René Lecerf, le texte initial avait pour objet d’ajouter une troisième épreuve tendant à sanctionner la connaissance des gestes de premiers secours aux deux épreuves actuelles du permis de conduire que sont l’épreuve théorique et l’épreuve pratique.

En première lecture, la Haute Assemblée a conservé le principe d’une formation obligatoire aux premiers secours, mais l’épreuve supplémentaire a été supprimée : en effet, celle-ci aurait été très compliquée à mettre en œuvre. La proposition de loi initiale modifiée par le Sénat en première lecture n’a subi que des évolutions limitées à l’Assemblée nationale.

Ce texte part d’un constat partagé : nos concitoyens sont insuffisamment formés aux gestes de premiers secours. Ainsi, la Croix-Rouge estime que seulement 50 % de la population française est formée.

Pourtant, je le souligne, des dispositifs de formation obligatoire existent ; mais ils sont peu appliqués, comme je l’ai d’ailleurs régulièrement dénoncé. Ainsi, les articles L. 312-13-1 et L. 312-16 du code de l’éducation imposent depuis 2004 de former les élèves à l’attestation de prévention et secours civiques de niveau 1, ou PSC1. Toutefois, en pratique, 20 % seulement des élèves sont formés chaque année. Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué une progression annuelle de 5 % en la matière, mais convenez avec moi que c'est trop peu

Mme la secrétaire d’État opine

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Or la faiblesse des connaissances en matière de gestes de premiers secours est particulièrement préjudiciable en cas d’accident de la route, dans la mesure où la moitié des victimes décèdent dans les premières minutes suivant l’accident et où les blessés peuvent être victimes de lésions irréversibles si aucune action n’est entreprise dans ce même laps de temps.

Ce constat prend un relief particulier aujourd’hui. En effet, selon les premières estimations de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, la mortalité routière est en hausse de 3, 7 % en 2014 par rapport à l’année précédente.

En première lecture, le Sénat a supprimé le principe d’une épreuve spécifique prévu par la proposition de loi initiale, car instaurer une nouvelle épreuve aurait des conséquences financières non négligeables pour les candidats au permis de conduire. Effectivement, le coût d’une épreuve de formation aux premiers secours est de l’ordre de 50 à 60 euros, ce qui est très élevé pour des candidats qui acquittent déjà près de 1 500 euros pour passer le permis.

Je rappelle aussi que le permis de conduire est un passage obligé pour obtenir un emploi. Mettre en place une épreuve supplémentaire conduirait à allonger des délais qui sont déjà très longs. Enfin, avec près de 800 000 candidats au permis de conduire chaque année, une telle épreuve serait de fait impossible à organiser pour les formateurs. En outre, comment les candidats habitant en zone rurale, par exemple, se déplaceraient-ils pour aller suivre ces cours dans la ville voisine ?

En revanche, le Sénat a maintenu le principe d’une formation obligatoire aux premiers secours, mais à l’occasion des deux épreuves actuelles du permis de conduire – surtout de l’épreuve théorique –, dans la mesure où seule la pression d’un questionnement systématique forcera les élèves à apprendre ces notions.

J’observe qu’un appel d’offres a été lancé le 13 février dernier, afin de remplacer les questions de l’examen théorique du permis de conduire. Ainsi, alors que dans le système actuel il est très aléatoire d'être interrogé sur la formation aux premiers secours lors de cet examen, la nouvelle base de questions pourrait permettre qu’une ou plusieurs questions portent très probablement – voire systématiquement, comme vous venez de l’indiquer, madame la secrétaire d’État – sur les gestes de premiers secours, ce que je salue.

Il est essentiel, j’y insiste, qu’au moins une question relative aux gestes de premiers secours soit posée à l’occasion de l’examen théorique du permis de conduire. Sans cela, je maintiens que les candidats ne s’investiront pas dans la formation aux premiers secours.

Les modifications apportées par l’Assemblée nationale sont d’une ampleur très limitée et ne remettent pas en cause le texte adopté par le Sénat en première lecture. La référence aux accidents de la circulation dans l’obligation de formation aux premiers secours des candidats au permis de conduire a été supprimée. Par ailleurs, le terme « sanctionner » a été remplacé par le mot « évaluer ». Enfin, et ce à juste titre, l’obligation de sensibilisation prévue par l’article 16 de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a été supprimée.

En effet, la persistance d’une « sensibilisation » aux gestes de premiers secours, qui n’a d’ailleurs jamais été mise en œuvre, serait contradictoire avec l’obligation de formation aux premiers secours que le présent texte vise à instaurer.

En conclusion, le principe resterait donc celui d’une formation obligatoire à des gestes simples de premiers secours dont le contenu serait déterminé par décret. Les connaissances seraient évaluées dans le cadre des épreuves actuelles du permis de conduire, c’est-à-dire lors de l’épreuve théorique aussi bien que de l’épreuve pratique. Je prends note de l’engagement pris aujourd’hui par le Gouvernement de prévoir une évaluation de la formation aux gestes de premiers secours à ces deux occasions. Nous serons très vigilants s’agissant de sa mise en œuvre effective.

Aux termes des travaux des deux assemblées, la commission des lois a considéré que le texte, tel qu’il résulte de la navette, respecte le principe d’une formation obligatoire aux gestes de premiers secours, sans pour autant créer une épreuve spécifique, finalement contreproductive. C’est pourquoi elle a adopté la présente proposition de loi sans modification et soumet à la délibération du Sénat le texte ainsi établi.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 3 250 personnes ont perdu la vie sur les routes en 2013. Ce nombre est le plus bas jamais enregistré depuis 1948. Ainsi, 403 vies ont été épargnées par rapport à l’année précédente. C’est un progrès considérable, mais qui mérite d’être poursuivi.

Selon nos estimations, entre 250 et 350 vies pourraient être sauvées chaque année, si, sur les lieux d’un accident, les témoins connaissaient les gestes de premiers secours.

Dans ce contexte, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui relève d’une nécessité.

Il n’existe à l’heure actuelle qu’un seul dispositif obligatoire de formation aux gestes de premiers secours ; il est à destination des élèves du premier et second degré. Chacun s’accorde à le reconnaître, ce dispositif est mal mis en œuvre, le taux d’élèves bénéficiant d’une telle formation étant très faible.

Or plus de la moitié des victimes de la route succombent dans les premières minutes suivant l’accident. Les premiers témoins, la plupart du temps impuissants face à une scène d’accident et incapables de hiérarchiser les urgences, sont souvent les seuls à pouvoir intervenir de manière décisive. Pouvoir effectuer les « cinq gestes qui sauvent », conformément au programme élaboré en France dès 1967, à savoir prévenir les secours – cette évidence peut être occultée dans l’intensité du moment –, baliser les lieux afin de protéger les victimes, sauvegarder la vie des blessés, voire ventiler et comprimer les hémorragies, s’avère donc essentiel.

Conscients de ces enjeux, nos concitoyens sont soucieux d’acquérir ces connaissances élémentaires. Ainsi, 98 % des Français sont favorables à une formation aux premiers secours. Il est d’ailleurs étonnant que 2 % y soient hostiles !

Un tel dispositif a fait ses preuves à l’étranger, dans le cadre de la réduction de la mortalité sur les routes. Notre pays effectuera ainsi un premier pas le rapprochant d’autres États européens tels que l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse ou le Danemark.

Je tiens à saluer le travail entrepris par la commission des lois, plus particulièrement par Mme la rapporteur, Catherine Troendlé, pour présenter aujourd’hui un texte équilibré, qui permette à nos concitoyens d’augmenter les chances de survie des blessés, sans faire peser de trop lourdes contraintes sur les futurs conducteurs.

La commission a en effet fait le choix, que nous soutenons, de ne pas créer une épreuve supplémentaire dans le cadre du permis de conduire, ce qui aurait eu pour conséquence d’alourdir le coût de celui-ci et de rendre plus difficile son obtention, alors même que les jeunes, qui sont les plus concernés, rencontrent des difficultés pour décrocher ce précieux document.

Ainsi, le texte adopté, bien que plus modeste, me semble plus conforme aux intérêts en présence. Le domaine de formation est réduit, mais le principe reste celui d’une formation obligatoire à des gestes simples de premiers secours, ce qui constitue selon nous une bonne chose.

Les connaissances seront évaluées dans le cadre des épreuves actuelles du permis de conduire. C’était à nos yeux la meilleure voie à retenir. Il est en effet essentiel qu’au moins une question relative aux gestes de premiers secours soit systématiquement posée à l’occasion de l’examen théorique du permis de conduire. Cela obligera les candidats à apprendre les rudiments en la matière. Ainsi, ils auront à tout le moins conscience qu’on peut faire quelque chose lorsqu’on est le premier témoin d’un accident.

En conclusion, vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe UDI-UC soutient ce texte. Il se réjouira de son adoption, d’autant que les récents chiffres pour l’année 2014 révèlent malheureusement une augmentation sensible du nombre de morts sur la route. La présente proposition de loi ne peut que contribuer à freiner une telle évolution dramatique.

Applaudissements sur les travées de l'UDI -UC, ainsi que sur celles du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons cet après-midi la deuxième lecture d’une proposition de loi qui peut paraître de second plan, mais qui est essentielle pour sauver des vies.

Les modifications apportées par l’Assemblée nationale étant mineures, le groupe socialiste estime souhaitable que le Sénat adopte ce texte conforme, afin que ses dispositions entrent en application rapidement.

À tout moment, en tout lieu, les uns et les autres nous pouvons être confrontés à un accident de la circulation. On peut se demander combien d’entre nous sauraient quelle attitude adopter, connaîtraient les gestes propres à sauver des vies.

On sait à quel point les premiers gestes sont capitaux quant au pronostic de survie d’un blessé grave. Il serait bon qu’un maximum de Français en ait connaissance. Au-delà de l’incidence de ce fait sur la santé publique, n’oublions pas que les personnes en détresse peuvent être des parents ou des proches.

La faiblesse des connaissances en matière de gestes de premiers secours est particulièrement préjudiciable en cas d’accident de la route, dans la mesure où 50 % des victimes décèdent dans les premières minutes postérieures à l’accident. Par ailleurs, les blessés peuvent être victimes de lésions irréversibles si aucune action n’est entreprise dans les quatre à six minutes suivant l’accident. Il est donc indispensable d’encourager la formation de la population aux premiers secours, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises lors des débats parlementaires et par les deux orateurs qui m’ont précédé.

En effet, seuls 46 % des Français déclarent avoir bénéficié d’une formation aux gestes de première urgence. La France accuse ainsi un véritable retard dans ce domaine, par rapport à l’Allemagne ou à la Scandinavie, dont la population est formée à plus de 80 %. L’enjeu est considérable : dans notre pays, les accidents de la vie quotidienne et de la route provoquent 20 000 décès par an. Selon un rapport de l’Académie nationale de médecine, les premiers gestes de secours pourraient augmenter d’environ 20 % les chances de survie. Quant à la Croix-Rouge française, elle estime que près de 500 vies pourraient être sauvées chaque année si ces gestes étaient effectués rapidement.

Ce constat inquiétant doit nous conduire à une prise de conscience, premier pas d’un engagement en faveur d’une action volontariste en matière de formation aux premiers secours ne se limitant pas aux usagers de la route, qui font l’objet de la présente proposition de loi.

À ce titre, l’école est certainement le lieu le plus adapté pour dispenser ce type de formation, le secourisme étant par ailleurs une démarche civique et un formidable moyen de développer un esprit d’entraide.

Dans son rapport, notre collègue Catherine Troendlé avait relevé une carence dans ce domaine, puisque seuls 20 % des élèves de troisième sont formés tous les ans, malgré l’existence d’un dispositif obligatoire de formation découlant de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Avoir la capacité de former et de sensibiliser un nombre plus important d’élèves et de jeunes doit constituer un objectif prioritaire.

C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste considère que la formation aux gestes de premiers secours devrait figurer, par étapes, tout au long de la scolarité. C’est l’idée du continuum éducatif formulée par la délégation à la sécurité et à la circulation routière : l’éducation à la sécurité routière doit se faire durant toute la vie. Pour cela, une sensibilisation aux gestes très simples de premiers secours pourrait avoir lieu dès le primaire. Dans le cadre des aménagements des rythmes éducatifs à l’école, des modules de premiers secours pourraient ainsi être dispensés aux enfants. Cette action constituerait une première étape, qui se poursuivrait au collègue avec l’attestation scolaire de sécurité routière de niveau 1 et 2, puis au lycée avec le brevet de sécurité routière, et, enfin, avec l’examen du permis de conduire. La formation au secourisme des jeunes lors de la Journée défense et citoyenneté serait une étape supplémentaire dans ce parcours.

Dans le monde du travail, ces savoirs devraient pouvoir être proposés au titre de la formation continue. En effet, les gestes de premiers secours nécessitent une mise à jour régulière des connaissances. C’est pourquoi le groupe socialiste souscrit aux objectifs de cette proposition de loi, tout en espérant que le secourisme puisse faire l’objet d’une prise de conscience générale. Nous pensons en effet que cette notion doit constituer une grande cause nationale, afin de généraliser une formation aux premiers secours à l’ensemble de la population.

Je tenais à vous féliciter, monsieur Leleux, de votre ténacité à soutenir la présente proposition de loi. D’autres élus, qui avaient pris des initiatives, ont été moins chanceux, se heurtant à une certaine hostilité. Aujourd'hui, toutefois, un consensus se dégage en la matière, ce qui est positif.

Je respecte, mon cher collègue, les trois amendements que vous avez déposés. Je pense toutefois qu’ils ne sont pas nécessaires, car les dispositions qu’ils comportent n’apportent rien au texte. Alourdir l’épreuve du permis de conduire n’est pas une bonne chose. En l’espèce, le Gouvernement vient de s’engager dans une réforme courageuse, qui se heurte d’ailleurs aux résistances de la profession. Pour de nombreux jeunes et moins jeunes, le permis de conduire s’avère indispensable pour trouver du travail.

Cela dit, cette proposition de loi, telle qu’elle résulte des travaux de la commission, va dans le bon sens.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme la rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire.

Ce texte, déposé voilà trois ans par Jean-Pierre Leleux et Jean-René Lecerf, a été l’occasion de nombreuses réflexions et de riches débats, tant à l’Assemblée nationale qu’au sein de la Haute Assemblée. L’exposé des motifs est limpide : il s’agit de sauver des vies. Le constat est partagé par la plupart d’entre nous : le nombre de blessés et de tués sur la route, s’il est en constante baisse depuis de nombreuses années, reste trop élevé.

L’examen de ce texte a mis en évidence ce qui fait aujourd’hui consensus, à savoir les trop nombreuses carences en matière de formation au secourisme dans notre pays.

Cela a été souligné à de nombreuses reprises lors des débats, seuls 46 % des Français déclarent avoir bénéficié d’une formation aux gestes de première urgence. La France accuse ainsi un véritable retard dans ce domaine, puisque 95 % des Norvégiens et 80 % des Autrichiens ont, pour leur part, reçu une telle formation. La Croix-Rouge française estime que 10 000 vies au moins pourraient être sauvées chaque année si la France se donnait les moyens de rattraper son retard.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L’enjeu est considérable et on ne le rappellera jamais assez : dans notre pays, les accidents de la vie quotidienne provoquent tous les ans 19 000 décès, principalement chez les enfants et les personnes les plus âgées. Il s’agit de la troisième cause de mortalité après les cancers et les maladies cardiovasculaires.

Selon les estimations, sur la route, 250 à 350 vies pourraient être épargnées chaque année si, sur les lieux d’un accident, les témoins avaient connaissance des gestes de premiers secours.

J’ai eu l’occasion de le dire lors de la première lecture, le texte initial soulevait de nombreuses questions.

D’abord, parce que les dispositions prévues relevaient non pas du domaine de la loi, mais bien du règlement.

Ensuite, parce qu’il existe des dispositifs généraux de formation aux premiers secours et que les membres du groupe écologiste pensent qu’il convient de faire appliquer la loi existante avant d’en élaborer de nouvelles et de favoriser ainsi l’inflation législative.

La loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a créé une obligation de sensibilisation des candidats au permis de conduire à la formation aux premiers secours, obligation restée jusqu’à récemment lettre morte, faute de décret d’application.

Enfin, il nous semblait peu opportun d’ajouter des difficultés à l’obtention du permis de conduire, qui représente pour beaucoup un sésame pour l’emploi et l’autonomie.

Mais le texte a évolué et, grâce au travail du rapporteur, il est aujourd’hui plus en phase avec la réalité de notre société.

Il est proposé d’instaurer une obligation pour les examinateurs de s’assurer que les candidats maîtrisent les gestes simples mais fondamentaux que sont alerter les secours, sécuriser et baliser la zone de l’accident, et, si nécessaire, procéder aux gestes de secours de base. Les écologistes considèrent bien entendu que cette mesure est bénéfique et voteront donc ce texte.

Mais, comme je l’ai indiqué au moment de la première lecture, nous regrettons la portée somme toute assez modeste de cette proposition de loi.

Notre ambition doit être l’exemplarité en matière de formation aux gestes de premiers secours. Nous devons absolument mettre en place une politique ambitieuse et cohérente permettant aux individus d’être formés lors de toutes les grandes étapes de la vie. Il s’agit là d’un sujet tout à fait fondamental pour l’ensemble de nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et de l'UDI-UC. – Mme la rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Abate

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi, dans sa rédaction initiale, créait une épreuve supplémentaire dans le cadre du permis de conduire, afin de vérifier la maîtrise par le candidat des notions élémentaires de premiers secours : alerte des secours, balisage des lieux de l’accident, ventilation, compression et sauvegarde de la vie des blessés. Ces notions sont importantes, voire indispensables, et ont une incidence directe sur la survie des personnes.

La question se pose particulièrement sur les routes, où les risques d’accident sont malheureusement encore trop élevés, même si des progrès remarquables ont été enregistrés ces dernières années ; la capacité à faire face à une situation de danger et à mettre en œuvre tous les éléments de protection et de sauvetage de la vie de personnes fragilisées est donc singulièrement utile en l’espèce.

Il n’est pas normal que, en France, ces formations aux gestes de premiers secours relèvent encore aujourd’hui d’une démarche souvent individuelle et payante. Cela explique en partie qu’à peine la moitié des Français en ont bénéficié, même si les choses progressent un peu – trop peu –, vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d'État, avec la formation en milieu scolaire.

Il s’agit là d’un enjeu de santé publique et il nous semble donc logique que les pouvoirs publics s’engagent dans une démarche de généralisation de l’apprentissage des gestes de premiers secours.

Nous sommes favorables à l’apprentissage de notions de premiers secours dans le cadre du permis de conduire. La proposition de loi avait été modifiée par la commission des lois du Sénat dans un sens qui nous convenait davantage, par la suppression de l’évaluation de ces connaissances lors de l’examen du permis de conduire.

En effet, il ne semble pas opportun de rajouter une épreuve à un examen devenu en France très difficile d’accès, sans oublier les difficultés supplémentaires de mise en œuvre, avec la formation des moniteurs ou encore le recrutement de nouveaux examinateurs compétents en particulier dans le domaine du secourisme.

Alors que les examinateurs de la formation pratique sont déjà trop peu nombreux, une telle épreuve pourrait avoir pour conséquence d’allonger les délais de passage du permis, lesquels sont déjà suffisamment longs. Sans compter qu’elle se traduira forcément par un accroissement du coût du permis de conduire pour un public jeune qui devra payer des heures de conduite supplémentaires en attendant l’examen.

Cela étant, les objectifs affichés sont généreux s’agissant de la rapidité d’accès au permis, madame la secrétaire d'État, mais le constat est somme toute plus sévère.

Nous aurions donc préféré que l’Assemblée nationale maintînt le texte dans sa version issue des travaux du Sénat en prévoyant un enseignement obligatoire des notions élémentaires de premiers secours actuellement méconnues, sans que celles-ci soient pour autant sanctionnées – compte tenu du contexte actuel – par un contrôle de connaissances indispensables à l’obtention du permis de conduire, comme les députés ont jugé utile de le rétablir.

Il est pour nous problématique de voter ce texte, qui part pourtant d’une bonne intention, s’il ne s’accompagne pas en parallèle d’un engagement du Gouvernement à recruter davantage d’inspecteurs pour ne pas allonger les délais d’attente. Malheureusement, cela ne semble pas être le cas, puisque le projet de loi Macron prévoit, pour éviter précisément de tels recrutements, de décharger les examinateurs de la surveillance des épreuves théoriques en ouvrant ce champ à des agents publics.

Il s’agit d’un enjeu non seulement de santé publique, mais aussi de sécurité publique. Il faut alors que l’État assume toute sa responsabilité. Il ne faut pas détricoter, par des orientations ou d’autres dispositions plus générales, ce que la présente proposition de loi peut apporter, en économisant sur ce qui est essentiel, à savoir la formation à la conduite.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteur, mes chers collègues, le permis de conduire est décidément l’objet de beaucoup de sollicitude ces derniers temps : nous aurons aussi à en discuter lors de l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, bientôt à l’ordre du jour du Sénat, concernant les délais de passage et les modalités de recrutement des inspecteurs, qui ont fait quelque peu polémique, comme on le sait.

Il ne s’agit pas d’aborder à la légère ce problème de la formation à la conduite quand on connaît les chiffres de la mortalité sur la route qui ont enregistré une forte hausse en 2014. Cette année pourrait être malheureusement la plus meurtrière depuis douze ans. Après des années de baisse, 2 370 personnes ont perdu la vie sur la route rien qu’en 2013.

La politique répressive en la matière montre ses limites et l’augmentation du nombre de radars avec le nouveau système embarqué va certes inciter certaines catégories de conducteurs à une plus grande surveillance de leur compteur, mais malheureusement les comportements de certains restent sans solution.

Les conduites à risques, en particulier la conduite sous l’emprise de psychotropes licites ou illicites, perdurent notamment chez les plus jeunes, qui recourent à ces substances quelquefois en remplacement de l’alcool, voire en les y associant.

Tout conducteur peut être le témoin d’un accident de la route et avoir à porter secours à des victimes comme premier intervenant. Par conséquent, une formation minimale acquise sera d’une grande utilité pour savoir ne serait-ce que se maîtriser devant une urgence en évitant des gestes intempestifs.

Aujourd’hui, le texte de Jean-Pierre Leleux, déposé le 13 février 2012 – cela ne fait que trois ans, mais tout vient à point à qui sait attendre…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Nous aurions pu penser que nos collègues députés voteraient conforme cette proposition de loi, qui avait fait l’objet d’un soigneux travail dans cette enceinte même, malgré les interventions de son auteur, mais ils ont inséré un article procédant à un simple toilettage de la loi de 2003 et abrogeant l’article 16 de cette dernière.

Je ne veux pas reprendre les arguments pour un texte simplifié invoqués en première lecture. Je suis entièrement favorable à cette intégration de gestes de premiers secours au sein de la formation au permis de conduire. Cela semble aller dans le sens souhaitable du renforcement de la prévention des comportements à risques.

Le groupe du RDSE partage le sentiment à l’origine du texte, aujourd’hui devenu un constat : seuls la volonté politique et des moyens suffisants pour la mettre en œuvre permettront encore d’obtenir des résultats en matière de sécurité routière.

Sachant que le délai moyen d’intervention des services de secours est de dix minutes, le rôle des témoins d’un accident est d’autant plus capital pour accomplir, dès les premiers instants, les gestes de première nécessité, à défaut d’une prise en charge médicale immédiate.

Mais il est aussi essentiel que l’intégration de cette formation des gestes de premiers secours n’augmente pas les délais et les coûts du permis de conduire. C’est ce qui ressort de la navette parlementaire, puisque l’assimilation de réflexes simples fera l’objet d’une simple évaluation.

Toutefois, il faut savoir que lors du passage de l’épreuve du code, certaines questions portent déjà sur les cinq gestes qui sauvent visés par le texte – alerter, baliser, ventiler, comprimer et sauvegarder –, sur lesquels j’émets, comme beaucoup, quelques réserves.

La Journée défense et citoyenneté, qui a succédé à la Journée d’appel de préparation à la défense, comprend elle aussi une initiation au secourisme, y compris l’enseignement de la mise en œuvre du défibrillateur automatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Une préoccupation essentielle était celle des délais de passage. Mais nous avons vu que M. Macron a résolu la quadrature du cercle. Nous en discuterons prochainement. Il est cependant nécessaire de s’assurer que les nouvelles dispositions que nous proposons restent souples, au vu des difficultés de leur mise en œuvre.

A contrario, nous ne pouvons nous empêcher de préconiser une application plus stricte de l’obligation d’une telle formation dans le cadre du cursus scolaire. L’article L. 312-13-1 du code de l’éducation confie ainsi à l’école de la République cette mission de sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours, ainsi qu’un apprentissage sommaire.

Enfin, la présente proposition de loi ressortit très largement à une problématique plus globale d’apprentissage de la citoyenneté et du civisme dès le plus jeune âge.

Au mois de novembre dernier, nous avons discuté de la difficulté préoccupante de recruter des sapeurs-pompiers volontaires, notamment du fait de la longueur de la formation initiale obligatoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Nous avons voté un texte permettant que la formation puisse être assurée dans le cadre d’un engagement dans le service civique, voire, un jour, dans le cadre d’un service obligatoire, comme nous l’évoquions dans cet hémicycle jeudi dernier.

Nous ne pouvons nous empêcher de penser qu’une réflexion globale devrait être menée sur ces sujets, afin de créer un élan civique. La sécurité routière est l’affaire de tous.

Même si le caractère réglementaire des dispositions du présent texte soulève probablement des difficultés d’application, nous saluons néanmoins la volonté de promouvoir des comportements responsables. Les membres du groupe du RDSE voteront donc cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, l’exercice auquel je vais me livrer n’est pas simple, car il n’est pas courant – c’est même un peu paradoxal – que l’auteur d’une proposition de loi exprime quelques réticences à voter ce texte, qui nous est de nouveau soumis aujourd’hui après son examen par l’Assemblée nationale.

Certes Jean-René Lecerf et moi-même, coauteurs de cette proposition de loi, sommes absolument convaincus qu’il n’était pas bon de créer une épreuve supplémentaire. Toutefois, la rédaction actuelle de ce texte, qui vise à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours, nous paraît manquer quelque peu d’ambition et d’objectifs précis. Je vais tenter de m’en expliquer.

Chacun le sait, et cela a été dit, même si la mortalité routière a connu ces quarante dernières années une forte et progressive diminution – elle est quatre fois moins importante qu’auparavant –, elle demeure réellement préoccupante.

Cela étant, le panel des mesures que peuvent prendre les pouvoirs publics, dont M. le ministre de l’intérieur a récemment augmenté le champ, peut encore être amélioré. Ainsi, il convient d’accentuer les politiques en faveur des premiers secours apportés aux accidentés de la route, notamment en insistant sur l’intervention au cours des premières secondes ou des premières minutes qui suivent le choc accidentel, dans l’attente des secours qui mettent parfois – c’est normal – entre cinq et quinze minutes pour arriver sur le théâtre de l’accident.

En effet, des victimes d’accident décèdent avant même l’arrivée des secours, alors que, dans les cas de détresse grave, notamment respiratoire ou hémorragique, un geste simple d’un tiers pourrait sauver la vie du blessé. Souvent d’ailleurs, ce dernier meurt en raison non du choc ou du traumatisme principal, mais d’un effet secondaire lié à sa respiration et à sa ventilation.

Or le premier témoin d’un accident, fréquemment lui-même automobiliste, peut intervenir de façon décisive ; d’où l’idée, instruite et développée depuis plus de trente ans, de former tous les automobilistes à ces gestes simples et élémentaires dans le cadre du permis de conduire.

Cette formation pratique, rendue obligatoire par la loi, donnerait la capacité au premier témoin de l’accident d’agir sans panique, avec confiance, et, en tant que de besoin, de procéder à la mise en œuvre des cinq gestes qui sauvent. De ce fait, le nombre de tués sur la route pourrait être abaissé de 8 % à 10 %.

En adoptant cette proposition de loi, nous suivrions un grand nombre de pays européens, notamment la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, qui ont déjà inscrit cette obligation dans leur législation.

Or le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale ne comporte plus les orientations qui, à mon sens, permettraient d’instaurer une véritable formation pratique aux gestes de survie.

En réalité, nous passons de la loi de 2003 – voilà douze ans déjà ! –, prévoyant une sensibilisation des candidats au permis de conduire aux gestes de premiers secours, à la présente proposition de loi disposant : « Les candidats à l’examen du permis de conduire sont formés aux notions élémentaires de premiers secours. » J’en conviens, c’est un peu mieux, toutefois, cela ne suffit pas. Les mesures qu’il nous faut introduire sont de deux ordres.

Il convient d’abord de préciser, comme je l’ai souligné précédemment, la notion de formation pratique, au-delà d’une formation théorique déjà dispensée par le biais de quelques diapositives se rapportant aux premiers secours insérées entre d’autres qui visent l’interdiction de stationner et les règles de priorité. Cette formation pratique doit avoir pour finalité d’apprendre les gestes adéquats aux candidats et de leur permettre de les mémoriser, de les automatiser, grâce à une méthode mnémotechnique. Elle nous semble donc très importante.

Il est ensuite nécessaire d’inclure l’apprentissage des trois gestes élémentaires de survie aux gestes traditionnels d’alerte et de balisage, que tout le monde connaît, pour éviter un suraccident : ventiler, c’est-à-dire libérer les voies aériennes, comprimer en cas d’hémorragie externe, et placer le blessé en position latérale de sécurité pour prévenir son étouffement.

Tel est l’objet des deux modestes amendements…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

… que je vais vous présenter, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues.

Cela dit, j’ai bien entendu toutes les objections formulées.

Premièrement, de multiples formations existant, il serait inutile d’en créer une autre. Certes, mais quelle est leur efficience ? En effet, qu’il s’agisse de la formation classique délivrée par des associations agréées comme l’attestation prévention et secours civiques de niveau 1, de celle qui est intégrée dans le cadre de l’éducation nationale, que nous connaissons bien et dont les orateurs précédents ont parlé – voilà quelques jours, Mme Patricia Bristol, chargée de ce dossier au sein du ministère de l’éducation nationale, relevait que, à ce jour, seuls environ 30 % de collégiens sont concernés dix ans après la mise en œuvre du dispositif –, ou encore des quelques minutes consacrées au secourisme lors de la Journée défense et citoyenneté, globalement 300 000 personnes par an sont effectivement formées.

Or, chaque année, plus d’un million de personnes passent le permis de conduire. Ce chiffre varie d’ailleurs beaucoup d’une année à l’autre, allant de 800 000 à 1, 3 million. Ce sont donc au moins 700 000 personnes supplémentaires qui doivent obligatoirement être formées. Il faut par conséquent organiser une formation de masse, notamment pour les jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans. Ils pourraient alors s’engager sur la route en étant capables d’intervenir, le cas échéant, pour secourir un blessé en détresse.

Deuxièmement, l’intervention sur un blessé par un néophyte présenterait des risques. Je vous le rappelle, la formation que nous préconisons englobe des gestes élémentaires et extrêmement simples ; encore faut-il les avoir pratiqués, exercés quelques fois.

Par « ventiler », nous entendons simplement libérer les voies aériennes.

M. Jean-Pierre Leleux joint le geste à la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

« Comprimer » consiste non pas à pratiquer un garrot ou des points de compression, comme je l’ai entendu dire, mais simplement à exercer une pression externe sur la plaie hémorragique pour en limiter le flux abondant.

Enfin, « sauvegarder » vise à mettre le blessé en position latérale de sécurité, là aussi pour empêcher les voies aériennes d’être bouchées par les régurgitations ou le sang.

J’ai reçu le témoignage d’un sauveteur, voilà quelques jours à peine, arrivé trop tard sur le lieu d’un accident, qui n’a pu que constater le décès d’une jeune fille âgée de vingt ans, étouffée par le sang qui s’est écoulé dans sa bouche après le choc qui lui avait brisé une dent. Cette victime n’est pas morte à la suite d’un traumatisme de base.

Je rappelle par ailleurs que ces gestes de premiers secours, déjà enseignés dans les formations classiques que j’évoquais tout à l’heure, figurent dans le dernier ouvrage publié sur ce thème, Les Premiers Secours pour les nuls. Chacun peut donc les apprendre de manière spontanée.

Troisièmement – c’est la principale objection –, le coût du permis de conduire va augmenter, dans une période où nous devons être attentifs au coût de la vie. Passer son permis entraîne une dépense moyenne en effet élevée de 1 500 euros. Je peux comprendre cet argument, toutefois, qu’est-ce que 25 euros par rapport à une vie sauvée ? De surcroît, les collectivités locales, dans le cadre de leurs politiques en faveur de la jeunesse, pourraient soutenir financièrement les familles qui en ont besoin.

Quatrièmement, les délais, déjà longs, de la procédure vont être allongés. C’est faux : le calendrier de la formation pratique aux gestes élémentaires de secours peut être totalement déconnecté de celui de la formation au code et à la conduite. Il suffira de se présenter dans l’une des nombreuses associations agréées, comme la Croix-Rouge, ou auprès des sapeurs-pompiers pour recevoir, en une ou deux séances, cette formation d’une durée que nous préconisons de quatre heures et d’un coût allant de 20 à 25 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Au terme de cet enseignement, une attestation délivrée par l’organisation agréée sera insérée dans le dossier du permis de conduire sans que le candidat ait à passer une épreuve supplémentaire. Ainsi, on aura l’assurance d’une formation pratique à des gestes simples, élémentaires qui pourrait sauver entre 250 à 300 vies par an, selon nos estimations, c’est-à-dire entre 8 % et 10 % des tués sur la route.

Telle est la démarche de progrès que nous vous proposons, mes chers collègues. Sa mise en œuvre ne sera pas soumise de nouveau à notre examen avant longtemps. Saisissons donc l’opportunité qui nous est offerte aujourd’hui d’ajouter dans notre législation ces quelques éléments, d’une efficience particulière, afin de faire un vrai pas en avant, de rattraper notre retard en la matière et de rejoindre ainsi les pays européens qui se sont engagés depuis fort longtemps dans ce processus. Le Sénat en sortirait grandi.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri

Je veux saluer l’intervention particulièrement poignante et passionnante de M. Leleux et me réjouir du consensus qui s’est dégagé sur le présent texte.

S’agissant des délais relatifs au permis de conduire, vous aurez l’occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, de reprendre ce débat dans le cadre de l’examen, d’ici à quelques semaines, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Je remercie tous ceux d’entre vous qui sont intervenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

(Non modifié)

Le chapitre Ier du titre II du livre II du code de la route est complété par un article L. 221-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 221 -3. – Les candidats à l’examen du permis de conduire sont formés aux notions élémentaires de premiers secours.

« Cette formation fait l’objet d’une évaluation à l’occasion de l’examen du permis de conduire.

« Le contenu de cette formation et les modalités de vérification de son assimilation par les candidats sont fixés par voie réglementaire. »

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Garriaud-Maylam, MM. B. Fournier et Gilles, Mme Lopez, MM. A. Marc, Karoutchi, Mandelli et Gournac, Mme Deromedi, M. Huré, Mme Micouleau et MM. Charon, Nègre, Bouchet, Delattre, Trillard et Pierre, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Après le mot :

conduire

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

attestent d’une formation pratique aux gestes élémentaires de premiers secours en cas d’accident de la circulation.

II. – Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Cette formation pratique aux gestes de survie comprend, outre l’alerte des secours et la protection des lieux, ceux pour faire face à la détresse respiratoire et aux hémorragies externes.

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Garriaud-Maylam, MM. B. Fournier et Gilles, Mme Lopez, MM. A. Marc, Karoutchi, Mandelli et Gournac, Mme Deromedi, M. Huré, Mme Micouleau et MM. Charon, Nègre, Bouchet, Delattre, Trillard et Pierre, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Après le mot :

conduire

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

attestent d’une formation pratique aux gestes élémentaires de premiers secours en cas d’accident de la circulation.

II. – Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Cette formation pratique porte sur les gestes de survie.

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour défendre ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Ces deux amendements sont la suite logique de mon intervention à la tribune. Ils portent plus précisément sur deux points extrêmement importants à mes yeux pour l’efficacité du présent texte.

D’abord, je le répète, il s’agit d’une formation pratique. Je ne crois pas à l’efficacité réelle de la formation théorique, au demeurant importante auprès des enfants, afin de les sensibiliser aux premiers secours au fur et à mesure de leur évolution.

Néanmoins, quand on arrive sur le théâtre d’un accident, pour pouvoir dépasser l’effet de panique, il faut disposer d’éléments mnémotechniques et avoir pratiqué quelques fois – cinq, dix, voire vingt fois – les gestes simples requis en respectant une certaine chronologie.

Le dispositif proposé au travers de ces deux amendements n’est pas excessif.

Il s’agit tout d’abord de prévoir que le candidat au permis de conduire devra attester d’une formation pratique aux gestes élémentaires de premiers secours en cas d’accident de la circulation, d’autant que le personnel des auto-écoles n’est pas toujours formé pour dispenser une telle formation.

En revanche, il existe une multitude d’organismes agréés à la formation des premiers secours, et c’est fort heureux. Avant le passage effectif du permis de conduire, il suffira au candidat de suivre ces quatre heures de formation pratique, avec une personne simulant le blessé, au cours desquelles il apprendra les trois ou quatre gestes de premiers secours importants qui méritent d’être répétés une dizaine de fois afin que, en cas d’accident lorsqu’il sera titulaire du permis, il puisse intervenir sans panique.

Nous laisserons bien sûr le pouvoir réglementaire accomplir son travail pour préciser les orientations qui résulteront de la présente proposition de loi.

Par ailleurs, il s’agit ensuite de déterminer les gestes de survie, qui suscitaient, je l’ai bien senti, quelques réticences. Outre l’alerte des secours et la protection des lieux, cette formation devra comprendre les gestes destinés à faire face à la détresse respiratoire et aux hémorragies externes. La détresse respiratoire est extrêmement fréquente et se révèle assez simple à régler ; elle provoque pourtant souvent le décès, à la suite d’un étranglement.

Quand un blessé est en arrière, il suffit de le ramener en avant pour que sa trachée retrouve sa verticalité. Quand il est penché sur le volant de son véhicule, il faut le redresser légèrement, éventuellement dégager sa langue.

Si le blessé a été éjecté du véhicule et qu’il gît à l’extérieur, sur le dos, il faut le mettre en position latérale de sécurité, voire retirer sa langue de sa gorge, vider sa bouche, s’assurer que la ventilation s’opère et attendre les secours, qui, ensuite, sont là pour agir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Mes chers collègues, je vous remercie par avance de bien vouloir m’accompagner en votant ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 1 rectifié a déjà été présenté devant la commission des lois. Il tend à instituer une troisième épreuve au permis de conduire, s’ajoutant à l’examen théorique et à l’examen pratique. Or une telle réforme soulèverait de grandes difficultés.

Les délais de passage et le coût du permis de conduire augmenteraient fortement – mes chers collègues, gardons à l’esprit qu’il s’agit d’une troisième épreuve, d’une formation de quatre heures.

De plus, certains gestes proposés ne sont pas anodins. M. Leleux les a déclinés. Pour faire face à des cas de détresse respiratoire ou à d’hémorragies externes, il faut suivre des formations régulièrement, chaque année ou tous les deux ans. Au reste, le colonel Éric Faure, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, que j’ai auditionné, me l’a clairement dit : dans certains cas, ces gestes peuvent se révéler très contreproductifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Alors, mieux vaut laisser les blessés mourir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur Sido, il faudrait, à tout le moins, que tout le monde ait suivi une telle formation, sans compter que certains, pris de panique, ne sont pas en mesure de prodiguer ces gestes.

Par ailleurs, on le sait, notre société est extrêmement judiciarisée. Or si un blessé décède, la famille ne risque-t-elle pas de se retourner contre telle ou telle personne qui se trouvait sur le lieu de l’accident, en lui reprochant, alors qu’elle avait suivi la formation dont il s’agit, de ne pas avoir porté secours, et en l’accusant de non-assistance à personne en danger ? Ce raisonnement va peut-être un peu loin, mais c’est une possibilité à prendre en compte.

En effet, un recours a déjà été formé contre une personne qui, après avoir procédé à un massage cardiaque – je relève au passage que ce secours n’est plus préconisé –, a cassé la côte d’un individu accidenté et provoqué sa mort par perforation du poumon. Il ne faut pas oublier de tels cas de figure.

L’auteur des amendements que nous examinons exprime une préoccupation légitime. Je le répète, depuis les lois des 9 et 13 août 2004, deux articles du code de l’éducation imposent de former les élèves à l’attestation de prévention et secours civiques de niveau 1. Malheureusement, d’autres orateurs l’ont dit et Mme la secrétaire d’État en est consciente, cette obligation n’est pas respectée, malgré les critiques récurrentes que j’ai pu former à ce propos.

Mme la secrétaire d’État acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Quoi qu’il en soit, c’est dans le cadre de l’école que chacun doit suivre une formation aux premiers secours et obtenir l’attestation qui en découle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

En l’occurrence, les dispositions de la présente proposition de loi sont plus mesurées que celles de l’amendement n° 1 rectifié, mais elles répondent à une véritable difficulté : à l’heure actuelle, la moitié des conducteurs ne savent pas alerter correctement les secours en cas d’accident. C’est une réalité ! Même à Paris, il arrive que ces derniers ne trouvent pas le lieu d’un accident, à cause de l’imprécision des éléments fournis par la personne qui a signalé celui-ci.

Une formation obligatoire aux premiers secours s’inscrivant dans le cadre des épreuves actuelles permettra de résoudre ces difficultés sans poser les problèmes que soulèverait une attestation obligatoire préalable de formation aux premiers secours.

Voilà pourquoi j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 1 rectifié et sur l’amendement de repli n° 2 rectifié.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, secrétaire d'État

Les dispositions de ces amendements sont utiles, en ce sens qu’elles nous donnent l’occasion de préciser ce qu’il sera possible de faire dans le cadre de la formation au permis de conduire.

J’ai déjà eu l’occasion de l’affirmer, le Gouvernement veillera très attentivement à ne pas contribuer à étendre les délais de la formation ou à renchérir le coût de cette dernière, quelles que soient les bonnes intentions considérées.

Monsieur Leleux, nous ne pouvons que souscrire au constat que vous dressez. Toutefois, vous l’avez indiqué, les enseignants de la conduite et de la sécurité routière ne sont pas habilités à dispenser des formations de secourisme : ils n’en ont pas la compétence. Rendre obligatoire une formation à des gestes tels que la ventilation cardiaque ou la compression d’hémorragies externes imposerait donc, soit de recourir à des intervenants extérieurs, qu’il faudrait recruter et former en nombre, soit de former les enseignants de la conduite. Dans un cas comme dans l’autre, l’incidence économique d’une telle mesure serait considérable.

Au demeurant, les autorités médicales sont partagées quant à l’opportunité qu’il y aurait à favoriser ce type d’interventions, qui, dans certains cas, ont pour effet d’aggraver l’état de la victime.

En revanche, dans le cadre de l’apprentissage de la conduite, il est possible et souhaitable de transmettre aux élèves des comportements simples à observer en cas d’accident de la circulation. Ces attitudes sont celles que j’ai citées au début de la discussion générale : savoir protéger les lieux, savoir transmettre un message et savoir évaluer sa compétence à pratiquer un geste de secours, si et seulement si l’on a été formé à cette fin.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, secrétaire d'État

Le nouveau programme de formation, le référentiel pour l’éducation à une mobilité citoyenne, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2014, met l’accent sur la transmission de ces compétences. Il sera possible de vérifier, dans le cadre des épreuves du permis de conduire, si ces dernières ont bien été assimilées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement ne souhaite pas aller au-delà de ces notions élémentaires au titre de la formation au permis de conduire. Il est donc défavorable aux amendements n° 1 rectifié et 2 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

Je connais le cas de personnes qui ont cru pouvoir sauver une vie et ont, malheureusement, atteint le but inverse de celui qu’elles visaient.

Ces quatre heures de formation peuvent être nécessaires, mais je crains qu’elles ne soient pas suffisantes. Si l’on faisait un sondage, ne serait-ce que dans cet hémicycle, pour savoir qui est titulaire d’un brevet de secourisme, on obtiendrait sans doute un résultat surprenant. Plus largement, le problème se pose pour l’ensemble des Français, et non seulement pour celles et ceux qui présentent le permis de conduire.

Il est bon d’inciter ces candidats à suivre une telle formation. Toutefois, mieux vaut agir à d’autres niveaux, au sein des établissements scolaires et des entreprises. Ces gestes sont parfois nécessaires. Mais le fait de porter secours ne doit en aucun cas impliquer la responsabilité de sauver une vie. À mon sens, il est important de le rappeler.

Ainsi, l’intention est bonne, mais, je le répète, ces dispositions ne me semblent pas à ce jour compatibles avec la formation au permis de conduire, qui est déjà onéreuse et longue. J’ajoute que cet examen est un moment très angoissant pour bon nombre de candidats !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Selon moi, les dispositions proposées par M. Leleux relèvent du bon sens.

Mme la rapporteur m’a indiqué que nous vivions dans une société judiciarisée. Mais l’on pourra toujours accuser quelqu’un d’assistance ou de non-assistance à personne en danger, en invoquant les conséquences que les uns et les autres ont mentionnées. Dès lors, chacun admettra que cet argument n’est pas valide.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Quoi que l’on fasse, on n’est jamais à l’abri.

Cela étant, le fait de suivre une formation pratique aux gestes de survie, même sans la mettre en œuvre ultérieurement, me semble tout à fait nécessaire. À mon sens, il est élémentaire de savoir pratiquer les gestes de premiers secours. Chaque citoyen devrait les connaître, même s’il n’est jamais appelé à les accomplir.

Madame la rapporteur, vous le savez, en milieu rural à tout le moins, les pompiers volontaires font des exercices d’entraînement tous les samedis et dimanches. Pourquoi n’inviterait-on pas les jeunes à les rejoindre pour s’exercer aux premiers secours, aux gestes de survie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Chère collègue, en toute circonstance, on peut invoquer de tels obstacles : rien ne sert de se cacher derrière son petit doigt !

Quoi qu’il en soit, cette solution permettrait d’indiquer aux jeunes que l’institution des pompiers volontaires existe et qu’eux-mêmes peuvent la rejoindre. Elle présenterait ainsi un intérêt supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

J’ajoute que ce type de formation n’augmenterait pas le coût du permis de conduire.

Pour ma part, je suis favorable aux amendements présentés par M. Leleux.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Mes chers collègues, je connais assez bien cette question. Je suis d’ailleurs le deuxième signataire, après Jean-Pierre Leleux, de cette proposition de loi. Au demeurant, au début des années quatre-vingt, lorsque j’étais tout jeune assistant parlementaire, ce dossier a été le premier auquel je me suis attelé.

Je constate qu’une forme de malédiction pèse sur la formation aux premiers secours, aux gestes qui sauvent, qu’elle soit théorique ou pratique. Cette malédiction revêt diverses formes.

Tout d’abord, on affirme que le législateur ne serait pas compétent en la matière. Ce sujet ne serait pas assez important. Mais de quoi s’agit-il ? L’enjeu est de sauver chaque année environ 500 vies humaines. Malgré cela, on persiste à considérer qu’il s’agit d’une compétence réglementaire, en vertu des articles 34 et 37 de la Constitution. Je relève au passage que, aux yeux de certains juristes, l’esprit de ces dispositions était de réserver l’essentiel des compétences au législateur…

Ensuite – c’est un cas relativement rare, même si, aujourd’hui, le Parlement n’est plus placé sur un piédestal –, la loi de 2003, qui détaillait des mesures relativement claires, n’a bénéficié d’aucun des décrets d’application permettant son entrée en vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Les gouvernements de droite et de gauche peuvent se serrer la main : les uns et les autres ont totalement ignoré la volonté du législateur.

Par ailleurs, j’entends le fameux argument selon lequel cette compétence relèverait de l’éducation nationale. C’est formidable !

Il y a peu, j’ai travaillé avec Esther Benbassa à la rédaction d’un rapport relatif aux discriminations. À ce titre, nous avons examiné les responsabilités de l’éducation nationale, depuis la remise du rapport Debray portant sur l’enseignement du fait religieux dans l’école publique. À mon sens, l’enseignement aux gestes qui sauvent est à peu près aussi bien dispensé, à l’école publique, que l’enseignement du fait religieux…

Aujourd’hui, on affirme que 23 % des élèves de France suivent des formations de ce type. Si tel est le cas, ce n’est pas brillant… Pis, je crains fort que ce chiffre ne traduise un très large optimisme. J’ajoute une question : comment, dans les faits, des jeunes pourront-ils mettre en œuvre, à vingt ou vingt-cinq ans, des gestes qui leur auront été enseignés lorsqu’ils étaient en sixième, en cinquième ou en quatrième ?

De plus, on nous oppose le fait que ces formations coûtent trop cher – entre 25 et 60 euros. Rendez-vous compte de l’ampleur des sommes en jeu !

Mes chers collègues, les juristes suivent généralement le principe dit « du bilan coûts-avantages ». Que représentent 25 à 60 euros, si ces évaluations sont pertinentes, au regard de vies sauvées ? Cet argument semble tout à fait dérisoire. Au demeurant, lorsqu’un jeune roule à trente et un kilomètres à l’heure et non à trente, à soixante et un kilomètres à l’heure et non à soixante, on lui fait payer sans complexe des amendes d’un montant autrement plus élevé…

À présent, on nous oppose la judiciarisation de la société, face à laquelle il ne faudrait pas prendre de risques. Certains faits divers assez peu glorieux se sont récemment déroulés dans les transports en commun. Des femmes ont été agressées sans qu’aucun voyageur intervienne pour les défendre. Nous pouvons aller jusqu’à dire à nos concitoyens : « Surtout, n’agissez pas : en bousculant tel ou tel, vous risqueriez de le blesser et de subir un procès, à cause de la judiciarisation de la société. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

À l’encontre de tous ces arguments, quel merveilleux exercice de citoyenneté constitue l’apprentissage aux gestes qui sauvent ! Quelle opportunité pour nos départements, qui – on en parle beaucoup ces derniers temps – financent à grands frais les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, de réclamer l’aide des sapeurs-pompiers professionnels et des sapeurs-pompiers volontaires dans la mise en œuvre d’une formation généralisée aux premiers secours !

De ce fait, notre pays cesserait d’être lanterne rouge en la matière, à l’échelle européenne.

Voilà pourquoi je soutiens l’amendement principal et l’amendement de repli déposés par M. Leleux. Comme lui, si ces dispositions ne sont pas acceptées, je ne pourrai voter ce texte. Ainsi, les deux cosignataires de cette proposition de loi – ce serait tout de même assez original – ne la voteraient pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Abate

Avant tout, je tiens à remercier sincèrement M. Leleux, qui pointe du doigt un véritable problème relevant de la santé publique, de la sécurité publique et au-delà – certains l’ont rappelé – du vivre ensemble. On apprend à lire, à écrire et à compter : on doit également apprendre à s’occuper de l’autre, à faire le minimum pour le sauver.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Abate

Ces actes participent de la citoyenneté.

Cela étant, l’enfer est pavé de bonnes intentions. On ne peut pas se contenter d’une épreuve supplémentaire à l’examen du permis de conduire pour s’exonérer d’un retard qui est réel ou pour affirmer que l’on a accompli un véritable travail de fond.

Nous évoquons le vivre ensemble, la citoyenneté, la santé publique et la sécurité : mais tous ces apprentissages commencent à l’école. Certes, à l’occasion du permis de conduire, ils peuvent être contrôlés, mis à niveau, mais ils doivent se poursuivre tout au long de la vie, dans le cadre de la formation professionnelle permanente.

Si un coût de 25 euros n’est pas trop élevé pour un jeune, il le sera d’autant moins pour un employeur ou pour l’État qui pourront, dans le cadre de la formation permanente, former leurs salariés aux gestes de premiers secours.

Étant moi-même secouriste, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Abate

… je milite dans ma ville, auprès des associations culturelles ou d’éducation populaire, pour qu’elles fassent passer un brevet de secourisme semblable à l’ancien BNS, le brevet national de secourisme, sachant que l’examen est financé par ailleurs. Les connaissances acquises alors sont sérieuses et solides, mais si elles ne sont que peu mises en pratique et pas entretenues, elles ne servent plus à rien et peuvent même être dangereuses. Certes, il est souhaitable de se trouver le moins possible en situation de les exercer, car cela signifierait que l’on est souvent confronté à des accidentés à secourir. Quoi qu’il en soit, il faut les remettre régulièrement à jour.

Nous devons nous saisir du retard de notre pays concernant l’apprentissage des gestes de survie, pour en faire une question de vivre ensemble et pour l’inscrire dans une démarche globale. Je le répète, la formation n’est pas si onéreuse que cela pour les jeunes, a fortiori pour la société et l’ensemble des acteurs concernés.

La délivrance d’un tel enseignement lors de la formation au permis de conduire ne me semble pas constituer une panacée, même si, à cette occasion, on pourrait contrôler que ce qui a été appris à l’école est encore vivace, avant que ce savoir ne soit ensuite consolidé dans le cadre de la formation permanente.

Nous le savons, les dispositions proposées partent d’une bonne intention et seraient utiles si elles n’étaient pas déconnectées du reste. C’est donc avec regret que nous ne voterons pas en faveur des amendements n° 1 rectifié et 2 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Dans mon département, l’Ain, j’ai contribué à l’installation de défibrillateurs cardiaques par le biais de ma réserve parlementaire. J’ai alors pu mesurer à quel point la France était en retard en matière de premiers secours. Toutefois, on ne peut pas faire n’importe quoi ! M. Leleux prenait tout à l'heure l’exemple d’un accidenté de la route, la tête penchée en avant, et affirmait qu’il était simple de la lui redresser. Mais dans le cas où les vertèbres cervicales sont cassées, une telle action serait dramatique !

Oui, il faut une formation tout au long de la vie. Mais à mon sens, il revient en premier lieu à l’école d’assurer la formation aux gestes de premiers secours. Aux questions que j’ai posées à cet égard, l’on m’a répondu que les programmes le prévoyaient, mais encore faut-il que l’intention pédagogique de chaque enseignant suive.

Nous devons nous pencher sur ce sujet, et insister pour que l’éducation nationale prenne en charge cette formation depuis le plus jeune âge. Dans certains pays anglo-saxons, les enfants vont à l’école maternelle avec un nounours ou une poupée, et apprennent à faire un massage cardiaque ou un point de compression. Ils n’ont donc ensuite pas d’appréhension à aller au secours des autres, à se pencher sur un corps inerte et parfois ensanglanté. Ce n’est pas anodin, et cela s’apprend. Les sapeurs-pompiers l’apprennent, mais les jeunes scolarisés en France craignent de se pencher sur un corps inerte, et ne se portent pas forcément au secours d’un blessé.

Par ailleurs, certains ont peur d’être attaqués en justice, mais à mes yeux, ce qui est attaquable, c’est surtout de ne pas porter secours !

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Il faut insister sur ce point : personne ne peut fait l’objet d’un recours au motif qu’il a essayé de secourir quelqu’un ! Faisons confiance au bon sens des juges !

Pour ce qui concerne les sapeurs-pompiers, ils dispensent de petites formations dans les écoles comme à la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Cependant, monsieur Sido, ils ne peuvent pas accueillir des gamins le samedi après-midi ! Ils se retrouveraient devant un tribunal si l’un de ces jeunes se retournait un ongle!

Le dispositif des jeunes sapeurs-pompiers, ou JSP, fonctionne très bien, et, en notre qualité d’élus, nous pourrions en faire la promotion dans nos communes et dans nos départements. Cette formation est formidable, mais n’attire finalement que peu de jeunes. J’ai, pour ma part, pu assister à l’évolution des jeunes participants.

Votre proposition de loi, monsieur Leleux, recevra notre soutien, mais nous nous opposerons à vos amendements, qui nous semblent aller à contresens. Certes, vos intentions sont bonnes, mais le cadre de l’éducation nationale – à elle de faire son travail ! – nous semble certainement plus approprié pour dispenser la formation aux gestes de premiers secours que celui du permis de conduire.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mme la rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Mes chers collègues, les amendements que je vous soumets, comme l’ensemble du travail que Jean-René Lecerf et moi-même avons mené sur ce sujet, ne sont pas tombés pas du ciel un beau jour où nous aurions décidé que l’on pouvait faire n’importe quoi avec un blessé !

J’ai été formé dans ce domaine, j’ai mené de nombreuses auditions, je m’intéresse de près à la question et je ne propose pas n’importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

C’est tout à fait réfléchi ! Ce n’est pas un moyen d’imposer mon point de vue, mais je peux vous dire que, selon les statistiques, 2 % de 1% des blessés de la route ont subi un traumatisme après que leur colonne vertébrale ait été brisée.

Le premier intervenant paniquerait en arrivant sur le lieu de l’accident et ne saurait plus quoi faire. Mais la formation pratique a justement pour finalité de lui permettre d’établir un diagnostic et de déterminer s’il doit intervenir, ainsi que de lui enseigner les gestes simples de survie, comme celui de libérer les voies aériennes afin d’empêcher l’étouffement.

Cela étant, comme Jean-René Lecerf, je ne parviens pas à comprendre une telle peur de la judiciarisation. Doit-on donc être complètement déresponsabilisé ? Si l’on voit un blessé, faut-il se garder d’intervenir et le laisser mourir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Bruno Sido rappelait le risque d’être accusé de non-assistance à personne en danger si l’on n’intervient pas ou d’assistance démesurée si l’on intervient. Que doit-on faire, alors ?

Nous devons tout de même prendre nos responsabilités de citoyens ! Je vous propose une mesure citoyenne, un engagement d’intervenir pour sauver des vies.

On qualifie de fausse mon affirmation selon laquelle cela se fait en Allemagne, en Suisse, en Autriche, entre autres. Je me suis évidemment renseigné et je tiens à votre disposition les lettres des consulats respectifs. Pour ce qui concerne la Suisse, ce document contient même des statistiques démontrant qu’une telle formation pratique est imposée dans le cadre du permis de conduire. Dans ces conditions, pourquoi la France garderait-elle ce retard par rapport aux autres pays européens ?

Cela étant, le coût est estimé à 25 ou 30 euros, au maximum, par formation de quatre heures pour quinze à vingt personnes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

… car il ne s’agit pas, bien sûr, de cours particuliers. Cela suffit pour apprendre à pratiquer les cinq gestes de survie et à déterminer s’il faut les mettre en œuvre.

Je reconnais l’existence à l’heure actuelle de formations, qu’il faut maintenir. Bien sûr, l’éducation nationale fait son travail, mais il lui faudra encore dix ans pour toucher une classe d’âge entière. En outre, mes chers collègues, la formation dispensée concerne des enfants âgés de treize ans, auxquels on inculque ainsi le devoir d’intervenir et les gestes de premiers secours. Mais que reste-t-il ensuite de cette formation pratiquée par des enseignants que nous avons du mal à former à ces gestes ?

Pour notre part, nous vous proposons une véritable formation de masse, obligatoire pour toute une classe d’âge, soit 700 000 personnes par an, alors que l’on se gargarise aujourd’hui des 200 000 personnes concernées par l’attestation de PSC1 et par les cours de l’éducation nationale. Cette mesure serait d’une efficacité phénoménale quant à la survie des blessés !

J’espère que la Haute Assemblée fera preuve de sagesse. Quelles que soient les petites réticences corporatives constatées, je peux vous dire qu’un grand nombre de professionnels des premiers secours seraient très heureux si nous adoptions ces amendements !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Il ne faut pas nous faire culpabiliser. Une formation aux gestes de premiers secours adossée au permis de conduire ne serait sans doute pas suffisante. Si l’on veut qu’une telle formation soit efficace et durable, il faut la mettre en œuvre beaucoup plus tôt.

Nos enfants acquièrent à l’école un certain nombre de gestes que nous n’y apprenions sans doute pas. Comme nous le disions à propos de la transition énergétique, s’ils étaient sensibilisés à cette question, ils y prêteraient attention.

Sans revenir au débat sur le service national militaire, ceux qui l’ont fait ont bénéficié de formations intéressantes, en particulier aux premiers secours.

Choisir le cadre du permis de conduire, c’est bien, mais il ne faudrait pas, si je puis dire, que l’on se lave ensuite les mains en se congratulant d’avoir fait quelque chose pour sauver des vies. Non ! Cette formation doit s’étendre tout au long de la vie.

Et que se passera-t-il une fois le permis de conduire obtenu ? Du reste, la question vaut sans doute aussi pour le permis lui-même. Nous gagnerions à suivre des formations sur le code de la route, par exemple. Je ne suis pas certain, en effet, que nous tous, présents dans cet hémicycle, passerions aujourd’hui l’examen avec succès !

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, secrétaire d'État

À l’issue de cet échange, les objectifs et les positions des uns et des autres m’apparaissent également louables.

Je crois, comme beaucoup d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, au rôle de l’école dans ce domaine. Or, aujourd’hui, à peine 30 % des collégiens de troisième ont été formés aux gestes de premiers secours. Aussi je prends devant vous l’engagement de préparer, avec Bernard Cazeneuve et Najat Vallaud-Belkacem, un plan de montée en puissance du dispositif qui ne se limite pas à 5 % par an d’augmentation.

Cela demande du temps, parce qu’il faut trouver 5 000 formateurs, qui doivent recevoir près de cinquante heures de formation pour pouvoir enseigner. L’école est à mes yeux le lieu du vivre ensemble, de la citoyenneté et le point de passage obligé de tous les enfants d’une classe d’âge. Ce niveau me semble par conséquent être le bon. C’est ce levier-là qui produira des résultats.

J’ai moi-même reçu cette formation en classe de quatrième, et je m’en souviens très bien. Elle permet un rappel tout simplement du rôle de citoyen, de l’engagement citoyen.

Il faut non pas faire porter le débat sur le permis de conduire, mais faire en sorte que toute une classe d’âge puisse bénéficier de cet apport. Je m’y engage donc devant vous, je le répète.

Si les objectifs affichés cet après-midi sont louables, il me semble nécessaire de prêter attention à nos capacités de formation. Les cas de victimes d’accident dont les corps sont encastrés et de personnes qui font un malaise cardiaque sur la voie publique sont tout à fait différents.

Le message essentiel que je retiens de nos échanges, c’est la nécessité de faire monter fortement en puissance la formation au niveau du collège.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote sur l'amendement n° 2 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

L’espérance est un élément de motivation : j’espère que cet amendement de repli sera adopté par la Haute Assemblée.

L’amendement n° 2 rectifié vise à introduire dans la formation pratique définie par voie réglementaire les gestes de survie, sans les préciser, comme je le demandais au travers de l’amendement n° 1 rectifié.

Pour ma part, je crois beaucoup à la formation dispensée par l’éducation nationale. Mais en quelle année peut-on espérer avoir formé toute une classe d’âge ? Les principaux responsables chargés de cette question au ministère de l’éducation nationale ne sont malheureusement pas aussi optimistes que vous, madame la secrétaire d'État.

Comme vous l’avez indiqué, il faut former les enseignants, les futurs formateurs, ce qui représente un coût important. Il ne sera donc pas possible de former en un an une classe d’âge au collège ; cela demandera plusieurs années. Certes, n’abandonnons pas cette voie essentielle, mais, je le répète, en cas d’accident de la circulation, il faut apprendre certains gestes de façon pratique. Or une formation vers l’âge de seize ou dix-huit ans portera plus ses fruits.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté.

(Non modifié)

L’article 16 de la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière est abrogé. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Garriaud-Maylam, MM. B. Fournier et Gilles, Mme Lopez, MM. A. Marc, Karoutchi, Mandelli et Gournac, Mme Deromedi, M. Huré, Mme Micouleau et MM. Charon, Nègre, Bouchet, Delattre, Trillard et Pierre, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un comité de suivi est chargé d’évaluer son application et de s’assurer que cette dernière répond aux exigences définies. À cet effet, il demande un rapport au Gouvernement sur la mise en œuvre des dispositions votées.

Ce comité comprend deux députés et deux sénateurs, désignés par les commissions des lois auxquelles ils appartiennent.

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Compte tenu des difficultés à rendre effectives, depuis une trentaine d’années, les décisions prises par le Parlement – le décret d’application de l’article 16 de la loi de 2003, dont nous venons d’adopter l’abrogation, n’est pas toujours pas prêt ! –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

… nous proposons, au travers de cet amendement, que j’ai déjà présenté lors de la première lecture, non pas par méfiance, mais par expérience, qu’un comité de suivi comprenant deux députés et deux sénateurs désignés par les commissions des lois auxquelles ils appartiennent soit chargé, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, de l’application de celle-ci et de s’assurer que cette dernière répond aux exigences définies. Nous voulons voir si ce texte est efficace ou non.

À cet effet, nous demandons au Gouvernement un rapport sur la mise en œuvre des dispositions votées.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Ce mécanisme me paraît extrêmement lourd. Dans la mesure où la commission des lois a déjà pour mission de suivre l’application d’une loi, je me fais fort, avec son président, d’assurer ce contrôle pour ce qui concerne le présent texte.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, secrétaire d'État

Je tiens à préciser que certaines instances pourront suivre l’évolution de cette loi ; je pense au Conseil supérieur de l’éducation routière, le CSER, et au Conseil national de la sécurité routière, le CNSR, au sein duquel Jean-Patrick Courtois et Gérard Bailly représentent la Haute Assemblée.

Par ailleurs, la commission « jeunes et éducation routière » du CNSR qui travaille précisément à mieux définir le contenu de la formation théorique à l’apprentissage de la conduite sera amenée à se prononcer sur les notions élémentaires de premiers secours instaurées par cette proposition de loi, dès l’adoption de celle-ci.

Enfin, dans le cadre de l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, les députés ont estimé utile d’adopter un amendement visant à créer un comité d’apprentissage de la route, au sein duquel siégeront également des sénateurs.

Ne multiplions pas inutilement les commissions et les comités. En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Madame la secrétaire d'État, votre réponse ne satisfait que partiellement la commission des lois.

Le débat que nous avons eu sur le contenu de la formation méritait d’être posé devant la représentation nationale. Même si je soutiens la position de la commission des lois, je ne manque pas d’être sensible aux arguments avancés par plusieurs de mes collègues sur la nécessité de délivrer une formation opérationnelle – M. Leleux a utilisé le terme « pratique » dans ses amendements – aux candidats au permis de conduire.

Mme la secrétaire d’État opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

L’article 1er tel qu’il a été adopté n’interdit rien. Il prévoit que le contenu de la formation et les modalités de vérification de son assimilation par les candidats sont fixés par voie réglementaire. Voilà qui ouvre un large champ de possibilités au Gouvernement pour ce qui concerne la mise en œuvre de cette disposition, si la proposition de loi est adoptée.

Pour ma part, je veux vous demander, madame la secrétaire d'État, de vous engager un peu plus. Tant les auteurs de la proposition de loi que Mme la rapporteur ont légitimement la préoccupation d’aller aussi loin que possible quant au contenu de cette formation, qui doit être, je le répète, opérationnelle autant que faire se peut, et dans les modalités de vérification de son assimilation.

C'est pourquoi je souhaite que le Gouvernement s’engage, avant que la mise aux voix de cet amendement ou son éventuel retrait, à soumettre le projet de décret au rapporteur ainsi qu’aux auteurs de la proposition de loi, dans le cadre d’une concertation, qui, de toute façon, aura lieu, comme vous l’avez rappelé, afin que ceux-ci soient en mesure d’en débattre avec vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Malgré toute l’estime que je porte à Mme la rapporteur, je veux souligner qu’on ne saurait demander au Gouvernement de transmettre à la commission un projet de décret.

Un échange informel entre le Gouvernement et la rapporteur est de bonne méthode, mais, eu égard au fonctionnement de nos institutions, il n’est pas possible de demander au pouvoir exécutif de soumettre le texte d’un décret au pouvoir législatif. Monsieur le président de la commission, que se passera-t-il si nous ne cessons de demander aux gouvernements à venir de nous transmettre leurs projets de décret ? On va trop loin, même si je partage l’état d’esprit de Mme la rapporteur et si je reconnais qu’il faut prendre en compte la sensibilité qui est la sienne.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Myriam El Khomri, Je vous rejoins, monsieur Carrère, les rôles du législateur et du Gouvernement sont bien distincts.

Madame la rapporteur, dans le cadre des travaux de la commission des lois, vous pourriez auditionner le président du CSNR, et nous pourrions ensuite avoir un échange avec vous et les auteurs de la proposition de loi, en vue de l’adoption de ces textes réglementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Je suis sensible à vos engagements, madame la secrétaire d'État, mais on entend tellement d’engagements…

Je suis également sensible aux arguments de Jean-Louis Carrère selon lesquels on ne peut obliger le Gouvernement à soumettre au Parlement ses projets de décret. Pourtant, le Parlement a aussi une mission de contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Si j’étais sûr que ces engagements soient respectés, je retirerais mon amendement. Mais nous avons été tant de fois déçus ! Même si j’ai peu d’espoir quant à l’adoption de cet amendement, je le maintiens, madame la présidente.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Mes chers collègues, je dois vous dire le plaisir que j’ai eu à suivre ce débat. Il s’en est fallu d’une voix que le dernier amendement soit adopté, et que nous allions ainsi à l’encontre du souhait d’un vote conforme de Mme la rapporteur, comme de l’Assemblée nationale, qui faisait un peu pression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Cela étant, ce débat montre que le sujet n’est pas clos. Par conscience, je m’abstiendrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

En effet, je ne suis pas arrivé à fait évoluer la présente proposition de loi comme je l’aurais souhaité. Je ne relève pas de changement fondamental par rapport à la situation antérieure, malgré un petit progrès. Alors que, aux termes de la loi de 2003, les candidats au permis de conduire sont « sensibilisés » aux gestes de premiers secours, à l’issue de la navette parlementaire, ils sont « formés ». Mais de quelle manière ? Quels seront le programme et les orientations ? Le flou demeure !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Par ailleurs, le caractère pratique, pourtant indispensable, de la formation est absent.

Les titulaires de l’attestation PSC1 – il s’agit du brevet de secourisme, que nous détenons, je le suppose, quasiment tous, consistant en une formation de huit ou neuf heures selon les centres – sont tout à fait en mesure d’intervenir et d’effectuer les gestes de survie.

La formation que nous proposions était de quatre heures ; elle visait les accidents de la circulation, afin de réduire la mortalité routière.

Je regrette vraiment de ne pas avoir su vous convaincre davantage, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble de la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, la discussion de la proposition de loi visant à modifier l’article 11 de la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance, présentée par Mme Colette Giudicelli et plusieurs de ses collègues (proposition n° 531 [2013-2014], texte de la commission n° 314, rapport n° 313).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Colette Giudicelli, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Giudicelli

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les médias nous rapportent très régulièrement de terribles faits divers, ces maltraitances et violences commises contre des enfants, fréquemment par leurs parents, qui aboutissent trop souvent au décès des jeunes victimes.

Les violences faites aux enfants sont non seulement un problème de société, mais surtout une question de santé publique, car elles ont des conséquences catastrophiques. Certes, tous les enfants maltraités ne deviennent pas des délinquants, ni à leur tour des parents violents, mais de nombreux travaux scientifiques confirment les liens qui existent entre les maltraitances subies dans l’enfance et les troubles graves à l’âge adulte.

Le problème particulier des violences sexuelles a donné lieu il y a quelques jours, à Paris, à un colloque organisé par l’association Mémoire traumatique et victimologie. À la lecture du rapport issu de l’enquête nationale réalisée auprès des victimes, on apprend que, sur cinq personnes ayant subi des violences sexuelles dans l’enfance, deux font une tentative de suicide à l’âge adulte.

De toutes les violences, celles qui sont dirigées contre les enfants sont certainement les plus cachées. Il y a cependant des chiffres qui ne sont pas contestables. Ainsi, dans notre pays, deux enfants meurent chaque jour des coups de leurs parents, et 700 à 800 décès par an sont imputables à des mauvais traitements infligés au sein de la famille. On connaît aujourd’hui 98 000 cas d’enfants en danger, mais ces enfants seraient en réalité plus de 100 000, selon les associations spécialisées dans la protection de l’enfance.

Le phénomène n’a pas tendance à diminuer avec le temps, bien au contraire : la situation ne cesse de se dégrader, au point que les enfants en danger seraient aujourd’hui 10 % de plus qu’il y a dix ans !

Selon les définitions de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée, l’ODAS, la notion d’enfant en danger englobe deux grandes catégories de situations : les enfants à risque, dont les conditions d’existence peuvent compromettre la santé, la sécurité, l’éducation ou la moralité, et les enfants maltraités, victimes de violences physiques, de cruautés mentales, de négligences lourdes ou de violences sexuelles ayant des conséquences graves sur leur développement physique et psychologique.

Parmi les 98 000 enfants en danger connus, 19 000 sont victimes de maltraitance. Plus de 85 % des violences sur enfants sont commises au sein de la famille proche et 44 % des enfants maltraités ont moins de six ans.

En dépit de la création de l’Observatoire national de l’enfance en danger, l’ONED, la connaissance statistique précise du phénomène de la maltraitance reste probablement encore insuffisante dans notre pays et, surtout, la réalité serait sous-évaluée.

En effet, très peu d’études épidémiologiques à grande échelle ont été menées en France pour déterminer le nombre d’enfants ayant été victimes de violences psychologiques, physiques ou sexuelles. Dès lors, on est conduit à se référer aux études américaines et canadiennes, dont il ressort qu’une personne sur dix aurait été exposée dans son enfance à des actes de violence commis par ses parents. On peut présumer que, en France également, la proportion d’enfants victimes de violences est, comme dans d’autres pays comparables par leur niveau de vie, de l’ordre de 10 %.

Ce chiffre, confirmé par la Haute Autorité de santé dans des recommandations récentes adressées aux médecins en matière de signalement, suggère une sous-estimation de la violence faite aux enfants qui aurait des causes multiples.

En premier lieu, elle résulterait de l’insuffisance des investigations médicales ou médico-légales et des carences constatées dans la prévention, ainsi que dans le repérage des enfants victimes à l’école, dans les consultations d’urgence et dans le cabinet du médecin libéral.

En ce qui concerne le problème du repérage, je me réjouis que la commission des lois, sur l’initiative de M. François Pillet, rapporteur, ait enrichi la proposition de loi que j’ai déposée en y insérant un article additionnel qui prévoit la formation de l’ensemble des acteurs concernés par la prévention et la prise en charge des actes de violence aux questions de repérage et de signalement des maltraitances.

En second lieu, la sous-estimation des actes de maltraitance procéderait de l’insuffisance dramatique des signalements effectués par les médecins. Ceux-ci, en effet, ne seraient à l’origine que de 5 % des signalements – encore quatre 4 % seraient-ils le fait de médecins hospitaliers, selon le docteur Cédric Grouchka, membre du collège de la Haute Autorité de santé, de sorte que les médecins libéraux ne seraient à l’origine que de seulement 1 % des signalements. Pourtant, les enfants maltraités passent forcément, à un moment ou à un autre, par le cabinet du médecin généraliste ou du pédiatre.

En vérité, les médecins généralistes ont un rôle fondamental à jouer dans le dépistage et le signalement des suspicions de maltraitances. Pourquoi donc les signalements sont-ils si peu nombreux ? Par quels freins sont-ils bridés, alors que la création de l’ONED, en janvier 2004, et la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance ont constitué deux progrès importants en matière de prévention de la maltraitance ?

En 2004, pourtant, le gouvernement de l’époque avait fait adopter un amendement au projet de loi dont est issue la loi relative à l’accueil et à la protection de l’enfance, amendement qui protège le médecin contre d’éventuelles sanctions disciplinaires consécutives au signalement de sévices constatés sur un enfant ; à la suite de l’adoption de cet amendement, la loi du 2 janvier 2004 a inscrit au sein de l’article 226-14 du code pénal l’interdiction de sanctions disciplinaires à l’encontre des médecins ayant procédé à des signalements.

Reste que cette protection est très insuffisante, car, seules les sanctions disciplinaires ayant été explicitement interdites, les médecins craignent de faire l’objet de poursuites civiles ou pénales, de sorte qu’ils préfèrent la plupart du temps ne rien dire plutôt que de prendre le risque d’être traînés devant les tribunaux, ce que je comprends.

Heureusement, la prise de conscience de l’ampleur du phénomène est en marche. Ainsi, la revue trimestrielle de l’Ordre national des médecins avait pour titre, dans sa livraison de janvier 2015, « Maltraitance des enfants : ouvrir l’œil et intervenir ». Voici ce qu’on y lit : « Difficultés de repérage, peur du signalement abusif sont autant de freins. Face à ce fléau, les médecins doivent se mobiliser. » Défendant le point de vue de l’Ordre, le docteur Irène Kahn-Bensaude, vice-présidente, explique : « Alors que nous, médecins, avons appris lors de nos études que nous nous devions de protéger l’enfant, nous peinons à prendre ce problème à bras-le-corps. »

C’est pourquoi le Conseil national de l’ordre des médecins a décidé de lancer une réflexion sur la mise en place, dans chaque département, d’un conseiller ordinal référent en matière de maltraitance des enfants.

En outre, la Haute Autorité de santé a publié, en novembre dernier, une recommandation destinée à sensibiliser les médecins au repérage et au signalement de la maltraitance. Elle a mis à la disposition des médecins un outil de repérage et de signalement, ainsi qu’un document de questions-réponses, afin de les aider à repérer la maltraitance et à mieux réagir face à elle, au service de la protection des enfants. La question se pose néanmoins : ces outils sont-ils suffisants pour inciter les médecins à signaler ?

Ouvrant le colloque national sur les violences faites aux enfants, organisé au Sénat le 14 juin dernier, sur l’initiative d’André Vallini, alors sénateur, Mme Taubira, garde des sceaux, s’est, elle aussi, interrogée sur la politique de prévention : « Nous ne sommes peut-être pas si efficaces que cela. Nous devons améliorer le repérage des enfants […]. Nous devons oser nous interroger sur les pratiques professionnelles de tous les acteurs qui interviennent autour de l’enfance. Nous devons nous interroger sur les instruments et les outils qui sont mis à la disposition de ces acteurs. »

Mme la garde des sceaux avait raison : il est indispensable d’améliorer les outils, car il existe aujourd’hui de nombreuses difficultés qui entravent le repérage. D’après la Haute Autorité de santé, le manque de signalement résulterait de plusieurs blocages dus au manque de formation des médecins, à leur crainte d’un signalement abusif et, surtout, de ses conséquences.

Les docteurs Greco et El Hanaoui-Atif, cités comme référence par la Haute Autorité de santé, ont montré dans leurs thèses de doctorat que les médecins se retrouvent seuls et démunis face au phénomène, du fait d’un manque de connaissance des signes de la maltraitance et du système de traitement qu’ils jugent complexe, s’agissant en particulier des modalités de signalement dont ils ne maîtrisent pas les aspects juridiques.

Les médecins répondent que le bon déroulement du signalement suppose non seulement une information claire, mais aussi l’assurance d’agir sans risquer de rencontrer des problèmes. Or, aujourd’hui, les médecins se sentent mal protégés et ne sont pas convaincus que les signalements seront sans conséquence pour eux-mêmes.

Dans ces conditions, je crois qu’il est de la responsabilité du législateur d’assurer la protection des médecins, qui ont très mal vécu les inculpations de leurs confrères pour dénonciation calomnieuse. En France, depuis 1997, plus de deux cents médecins ont été visés par des poursuites disciplinaires ou pénales ; il en est résulté un climat de stress et un malaise profond au sein du monde médical.

Deux questions se posent : faut-il obliger les médecins à signaler et – point essentiel – comment peut-on mieux protéger ceux qui signalent ?

En ce qui concerne l’obligation de signaler, je constate que de nombreux pays l’ont instaurée, en l’assortissant d’une protection juridique forte reconnue à tous les médecins. Ainsi, douze pays d’Europe ont rendu le signalement obligatoire, parmi lesquels la Suède, la Norvège, la Finlande, l’Espagne et l’Italie.

Sur cette question, je préfère néanmoins suivre le raisonnement et l’avis de la commission des lois, qui concordent avec l’opinion des médecins. En effet, je mesure les difficultés d’application d’une obligation de signalement : elle pourrait devenir elle-même une source de conflit si elle fondait l’engagement de la responsabilité civile de médecins qui, n’ayant pas été en mesure de détecter une situation de violence, auraient omis d’opérer un signalement. Cette obligation pourrait également dissuader les victimes de se rendre chez le médecin, de peur que celui-ci, obligé par la loi, ne procède au signalement.

Au total, je reste convaincue que l’on peut se satisfaire d’une obligation déontologique, à condition qu’elle soit dépourvue de toute ambiguïté.

Or nous constatons que les médecins, libéraux ou hospitaliers, éprouvent des difficultés à appréhender des notions juridiques parfois complexes. En particulier, les modalités de rédaction des signalements ont parfois été source de contentieux.

Par exemple, une certaine ambiguïté s’attache à l’article 44 du code de déontologie médicale, dont la rédaction pourrait laisser penser que le médecin a le droit de s’abstenir de signaler. En effet, le second alinéa de cet article est ainsi rédigé : « Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique », le médecin « alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience ». C’est dans cette dernière restriction que réside la difficulté.

En dépit des recommandations du Conseil national de l’ordre des médecins, mais aussi de la Haute Autorité de santé, quant à l’obligation de signaler, cette notion de circonstances particulières que le médecin apprécie en conscience semble bien être une brèche dans le dispositif législatif, permettant au médecin de s’abstenir de signaler, comme le faisait remarquer, dans les conclusions de son rapport, le comité de suivi du colloque tenu au Sénat en 2013. Peut-être serait-il judicieux de réfléchir, comme le proposait le comité, à une suppression de la formule « sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience ».

La seconde question, très importante, est de savoir comment mieux protéger les médecins lorsqu’ils signalent. La loi du 2 janvier 2004, qui a interdit les sanctions disciplinaires, n’a pas été suffisamment efficace pour encourager les médecins à signaler les violences. Nous nous souvenons tous de situations où, lorsque l’instruction par la justice du dossier d’un enfant ayant subi des violences conduisait à un non-lieu, le médecin se retrouvait poursuivi par l’auteur présumé des sévices pour dénonciation calomnieuse. Tant que les médecins craindront des poursuites, civiles ou pénales, je suis sûre qu’ils préféreront parfois se taire.

Ce que je vous propose ne coûte pas le moindre euro. Il s’agit d’affirmer clairement l’irresponsabilité des médecins lorsque les signalements effectués respectent les conditions fixées à l’article 226-14 du code pénal. Cette proposition de loi apportera, je l’espère, une véritable clarification. Le médecin de bonne foi saura désormais que sa responsabilité civile, pénale et disciplinaire ne pourra pas être engagée à l’occasion d’un signalement.

Je remercie la commission des lois d’avoir proposé d’étendre cette protection civile, pénale et judiciaire à l’ensemble des professionnels de santé, ainsi qu’aux auxiliaires médicaux.

Il existe actuellement deux manières d’alerter les autorités administratives ou judiciaires de la situation de danger d’un enfant : le médecin peut transmettre une information préoccupante à la cellule de recueil des informations préoccupantes, la CRIP, ou signaler une situation de danger au parquet compétent en cas de nécessité de protection immédiate.

La commission des lois a pris l’initiative d’introduire dans le texte la possibilité pour les médecins d’effectuer le signalement directement à la CRIP, et non plus seulement au procureur de la République.

J’espère que cette proposition de loi adressera un message clair aux médecins. Nous allons, avec ce texte, montrer de manière marquante l’intérêt d’un texte législatif précis qui ne laisse pas de place au doute et protège ceux qui signalent des violences pour protéger avant tout les enfants victimes.

Vous l’avez compris, c’est en protégeant les médecins que nous pourrons protéger nos enfants. N’oublions jamais ce chiffre insupportable : tous les ans, 700 à 800 enfants meurent à la suite de violences dans notre pays. Nous ne pouvons pas l’accepter. Nous ne pouvons pas rester sans agir. Je compte sur vous, mes chers collègues, pour qu’il n’y ait plus jamais ça !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Patrick Abate applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la maltraitance faite aux enfants ou aux personnes vulnérables est un très grave problème de société. On dénombre en France 98 000 cas d’enfants en danger ; 19 000, dont près de 44 % ont moins de six ans, sont victimes de maltraitance ; 79 000 se trouvent dans des situations à risque.

Selon le docteur Grouchka, membre du collège de la Haute Autorité de santé, 5 % seulement des signalements – c’est assez curieux – émanent de médecins ; de manière encore plus significative, 1 % émanent de médecins libéraux et 4 % de médecins hospitaliers.

Opportunément déposée par notre collègue Colette Giudicelli, la présente proposition de loi vise à renforcer le rôle des médecins dans la détection et la prise en charge des situations de maltraitance, en introduisant dans notre législation une obligation pour les médecins de signaler ces situations, le corollaire étant que les praticiens soient protégés contre tout engagement de leur responsabilité, civile, pénale et disciplinaire.

Actuellement, pour inciter les médecins à signaler les présomptions de maltraitance, l’article 226-14 du code pénal dispose que les sanctions applicables à la violation du secret professionnel ne sont pas encourues par plusieurs catégories de personnes. Est expressément visé le médecin qui porte à la connaissance du procureur de la République « les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises ». Ce signalement suppose l’accord de la victime, sauf s’il s’agit d’une personne mineure ou en état d’incapacité physique ou psychique.

En 2007, lors de l’examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, la commission des lois avait estimé que le médecin ne pouvait s’affranchir de l’accord de la victime, mais devait accompagner la personne et la convaincre, dans une démarche de responsabilisation, de prendre elle-même l’initiative de saisir la justice. L’article 226-14 prévoit que, si le signalement est effectué par le médecin dans les conditions prévues, il ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire.

Le souci de mieux protéger l’enfance maltraitée nous a conduits à nous interroger sur les raisons pour lesquelles le dispositif de signalement des maltraitances en vigueur était peu utilisé. Tous les intervenants que nous avons auditionnés – les membres de la Haute Autorité de santé, les syndicats de médecins, le Conseil national de l’ordre des médecins et les universitaires – tous s’accordent sur le diagnostic ainsi que sur une partie des solutions.

Le diagnostic tient en deux constatations.

Première constatation, il apparaît que le problème est avant tout psychologique : les médecins craignent les conséquences des signalements sans suite, des poursuites à leur encontre et de ce qu’ils considèrent comme le mécanisme broyeur de la justice. Ils redoutent l’effet en retour de ces signalements sur les familles – sur leur lien de confiance avec elles –, sur leur clientèle et sur l’ensemble de leur zone de travail.

Seconde constatation, les médecins ne sont pas formés à la reconnaissance des situations de maltraitance et à la procédure de signalement.

C’est pourquoi la présente proposition de loi prévoyait, dans sa rédaction initiale, d’imposer aux médecins une véritable obligation de signaler « sans délai » au procureur de la République toute présomption de violences commises sur « un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ».

L’avancée était indéniable, mais la réforme proposée posait néanmoins quelques problèmes d’ordre juridique.

Si une obligation de saisir « sans délai » le procureur de la République était imposée aux médecins, ceux-ci pourraient voir leur responsabilité civile engagée en cas de non-signalement. Or, selon les représentants des syndicats de médecins, dans 90 % des cas, les situations de maltraitance sont très difficiles à caractériser. Les médecins risqueraient donc de signaler le moindre fait afin de satisfaire à leur obligation ; il serait alors difficile pour le procureur d’identifier les signalements de situations dangereuses.

L’obligation de dénonciation constituerait par ailleurs un danger pour les victimes elles-mêmes, les auteurs des sévices risquant de ne pas les présenter au médecin par crainte d’être dénoncés.

S’agissant de la protection des victimes, une apparente erreur de rédaction a conduit à omettre le signalement par le médecin des violences dont les victimes ne sont ni des mineurs ni des personnes en état d’incapacité physique ou psychique, mais, par exemple, des femmes majeures. Le signalement de ces violences doit évidemment pouvoir être maintenu, mais avec l’accord des victimes, car sinon le risque est grand de dissuader les personnes de se rendre chez leur médecin.

Enfin, l’obligation faite de saisir « sans délai » le procureur de la République priverait le médecin de la possibilité de rechercher un avis supplémentaire ou de demander des examens complémentaires, notamment par le biais d’une hospitalisation, alors qu’une telle mesure peut se révéler fort utile.

Ces faiblesses de rédaction n’ont pas entamé l’enthousiasme dont a fait preuve notre commission pour participer à l’œuvre législative que nous propose Colette Giudicelli. Nous avons ainsi adopté un amendement de réécriture de l’article unique de la proposition de loi. Estimant que les dispositions en vigueur de l’article 226-14 du code pénal étaient plus adaptées, nous avons supprimé la partie du dispositif relative à l’obligation pour le médecin de signaler toute présomption de violences commises sur un mineur ou une personne vulnérable.

J’en viens à la question de la responsabilité civile, pénale et disciplinaire des médecins.

Le droit existant offre déjà des protections au médecin signalant des présomptions de maltraitance : le secret professionnel étant levé, sa responsabilité disciplinaire ou pénale ne peut être engagée, sauf en cas de signalement abusif. Les médecins qui font des signalements dans le respect des conditions fixées à l’article 226-14 du code pénal n’encourent donc aucune sanction disciplinaire ou pénale. Autrement dit, en l’absence de mauvaise foi, le médecin ne peut pas être poursuivi s’il signale ; d’ailleurs, il ne peut pas l’être non plus s’il ne signale pas. Seuls les délits de non-empêchement de crime ou de non-assistance à personne en péril pourraient lui être reprochés.

Quant à la responsabilité civile du médecin, elle ne pourra être engagée en l’absence de faute disciplinaire ou pénale. Il revient seulement au médecin de rapporter des faits au procureur de la République et non de désigner leurs auteurs ou, a fortiori, d’établir un certificat médical sans avoir constaté lui-même les sévices ou privations.

Cependant, et c’est là tout l’intérêt de la proposition de loi, les dispositions de l’article 226-14 du code pénal ne sont peut-être pas suffisamment lisibles. Leur compréhension nécessite des compétences de juriste, puisqu’elle implique une lecture combinée de plusieurs textes et une connaissance approfondie de l’articulation qui existe entre les différents types de responsabilité.

En réaffirmant clairement l’irresponsabilité des médecins sans pour autant modifier au fond le droit en vigueur, le quatrième alinéa de l’article unique de la proposition de loi initiale améliore la lisibilité des textes. Il affirme sans ambiguïté, et de manière parfaitement explicite, que le médecin qui signale dans les conditions fixées une présomption de maltraitance ne peut voir sa responsabilité, quelle qu’elle soit, engagée. La rédaction proposée est beaucoup plus claire et beaucoup plus lisible ; elle est donc de nature à rassurer les médecins.

La commission des lois a néanmoins apporté une précision juridique, en remplaçant – cela revient au même, mais il s’agit de recourir à une notion juridique plus connue – la référence à la preuve de la mauvaise foi par la référence à la preuve de l’absence de bonne foi du médecin.

Mais d’autres moyens peuvent être utilisés pour améliorer la mise en œuvre du dispositif de signalement existant. Notre commission a ainsi apporté plusieurs modifications à la proposition de loi.

Nous proposons d'abord d’étendre l’immunité pénale de la violation du secret professionnel à l’ensemble des membres des professions médicales ainsi qu’aux auxiliaires médicaux.

Nous souhaitons également réaffirmer – c’est important – la possibilité donnée aux médecins qui n’ont que de simples doutes d’adresser leurs signalements à la CRIP de leur département, qui est, elle, habilitée à effectuer des vérifications supplémentaires, plutôt que d’alerter immédiatement le procureur de la République.

Enfin, la commission des lois a adopté un amendement visant à compléter la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. Le devoir de signalement étant un devoir déontologique, il doit être conçu comme un soin à part entière et donc être enseigné en tant que tel dans les facultés de médecine. Aussi proposons-nous d’instaurer une obligation de formation des professionnels aux procédures de signalement des maltraitances.

Outre ces modifications législatives, dont vous avez bien compris qu’elles ne visaient qu’à rendre la loi lisible et compréhensible – cela devrait toujours être le cas, puisque nul n’est censé ignorer la loi –, nous estimons que l’amélioration de la détection des situations de maltraitance passe par des mesures d’information et de sensibilisation des professionnels de santé. Les pouvoirs publics, en particulier la Haute Autorité de santé, devraient donc améliorer le libellé des formulaires de signalement adressés aux médecins, notamment en y ajoutant les dispositions qui protègent ces derniers et en précisant les formes que doit prendre le signalement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame Giudicelli, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte dont nous discutons cet après-midi a pour objectif d’améliorer et de renforcer encore les réponses collectives que nous pouvons apporter pour mieux protéger les enfants.

Vous connaissez mon engagement et ma volonté d’agir. Je veux me saisir de chaque occasion qui nous permet de placer la protection de l’enfance au cœur du débat public.

Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, la protection de l’enfance est souvent dans l’angle mort des politiques publiques, même si elle l’est de moins en moins, grâce à l’implication et au travail des élus, au sein de cette assemblée comme dans les territoires, grâce, aussi, à la volonté du Gouvernement, grâce, enfin, aux nombreux rapports qui ont récemment été portés à notre connaissance.

Que nous disent tous les acteurs ?

La maltraitance est une triste réalité. Les chiffres qui l’étayent sont déjà extrêmement préoccupants, mais ils sont probablement bien en deçà de la réalité. Les auteurs de l’une des études publiées en 2009 par la revue scientifique britannique The Lancet estiment que, dans les pays à hauts revenus comme la France, 10 % des enfants seraient victimes de maltraitance. Encore très récemment, une enquête nationale nous donnait à voir l’importance des violences sexuelles chez les enfants, 81 % des victimes révélant avoir vécu les premières violences avant l’âge de dix-huit ans.

Ces travaux nous disent aussi que la maltraitance est protéiforme et qu’elle n’est pas un phénomène socialement marqué, c’est-à-dire qu’elle touche toutes les catégories sociales. Ils nous amènent à conclure que la maltraitance constitue non seulement un sujet de société, mais aussi une véritable problématique de santé publique.

Alors, lorsque l’on soulève une telle question, on tourne nécessairement le regard vers les médecins, non seulement en tant que soignants, mais aussi en tant qu’acteurs de la prévention, du repérage des enfants en danger et en risque de danger.

La maltraitante commence le plus souvent très tôt dans la vie des enfants qui la subissent. Or, aux premiers âges de la vie, l’enfant voit très régulièrement un médecin, pour les vaccinations, le suivi de la croissance ou du développement. Les professionnels de santé sont donc en première ligne pour détecter d’éventuelles violences. Pourtant, les médecins ne représentent qu’une part infime des auteurs de signalements : en 2002, seulement 2 % à 5 % des signalements émanaient du corps médical, d’après le Conseil national de l’Ordre des médecins.

Le Gouvernement dresse le même constat : les médecins font trop peu de signalements, et transmettent encore moins d’informations préoccupantes. Pourtant, le Conseil national de l’ordre des médecins nous a précisé récemment, par un courrier en date du 20 février 2015, que, si des sanctions disciplinaires ont bien été prises à l’encontre de médecins qui n’avaient pas procédé à un signalement, en revanche, aucun d’entre eux n’aurait été sanctionné disciplinairement pour y avoir procédé.

Il faut dire qu’il existe d’ores et déjà dans le code pénal, mais aussi dans le code de l’action sociale et des familles et le code de déontologie, des textes qui prévoient les obligations et possibilités d’échanger des informations soumises au secret. Nous ne partons donc pas de rien en la matière. L’adoption de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection de l’enfance – je salue le président Philippe Bas, qui l’a fait adopter à l’époque –, …

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d'État

… a permis des avancées majeures pour améliorer le repérage de la maltraitance.

Elle a notamment introduit dans notre droit la notion d’« information préoccupante » et créé dans chaque département les cellules de recueil, d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes, plus connues chez les spécialistes sous le nom de CRIP, ouvrant ainsi la possibilité d’intervenir dès le risque de danger.

Ces dispositions permettent aux médecins, comme aux autres professionnels, d’échapper à un véritable dilemme, dénoncer ou se taire, pour ouvrir une troisième voie, celle qui consiste à partager une préoccupation avec des professionnels formés, à qui il revient de procéder à une évaluation pluridisciplinaire des situations de danger ou de risque de danger.

La loi de 2007 donne de surcroît un cadre légal au partage d’informations concernant « les mineurs en danger ou qui risquent de l’être », aménageant ainsi le secret professionnel.

Pour accompagner les médecins et conforter les dispositions de la loi de 2007, la Haute Autorité de santé a communiqué, le 17 novembre dernier, ses recommandations à l’attention des professionnels de santé, afin de mieux repérer les cas de maltraitance infantile. Elle a présenté des outils très opérationnels pour les médecins, tels qu’un modèle type de signalement ou de certificat médical sur demande spontanée. La HAS a également rappelé, à cette occasion, que la protection de l’enfant est un acte médical et une obligation légale.

Un professionnel de santé a, comme n’importe quel citoyen, l’obligation de porter assistance à une personne en danger, comme le précise l’article 223-6 du code pénal. Les sanctions que peuvent encourir les professionnels de santé qui n’auraient pas satisfait à cette obligation sont très lourdes : cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende en cas d’inculpation pour non-assistance à personne en danger ; trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en cas d’inculpation pour non-dénonciation de crime.

La loi est ainsi à la fois protectrice et incitatrice. Pour autant, les chiffres évoqués précédemment et communiqués par le Conseil national de l’ordre des médecins nous disent qu’il faut encore avancer.

Les freins aux signalements par les médecins sont de nature diverse, comme le souligne la HAS.

Il faut citer d’abord le manque de formation aux questions de maltraitance. Sur ce point, je vous invite à visionner le court-métrage réalisé pour la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains, la MIPROF, en ligne sur le site stop-violences-femmes.gouv.fr, et qui montre bien comment nos professionnels peuvent agir, tout en respectant les obligations liées au secret professionnel.

Ensuite, vient la méconnaissance des procédures légales.

En outre, les représentations idéalisées de la famille, naturellement bonne et protectrice, ou encore les relations interpersonnelles qui s’instaurent entre la patientèle et le médecin de famille sont autant d’autres freins aux signalements.

Enfin, la crainte d’un signalement abusif, qui est l’objet de notre discussion d’aujourd’hui, ou encore l’absence d’information en retour du signalement n’incitent pas le médecin à agir.

C’est pourquoi je fais mienne la préoccupation des parlementaires à l’origine de cette proposition de loi, qui souhaitent encourager les médecins à partager leurs inquiétudes quand ils craignent un danger pour un enfant rencontré dans leur exercice professionnel.

J’ajoute que, pour être efficaces, les réponses devront être plurielles. On doit sans doute rassurer les médecins en tenant compte de leurs préoccupations et modifier l’article 226-14 du code pénal pour préciser encore – si c’était nécessaire - que la transmission d’informations à la CRIP ou les signalements au procureur d’une situation de danger pour un enfant ne peuvent se traduire par une condamnation au titre de l’article 226-13 du code pénal.

Il faut également profiter de ces modifications pour rappeler les dispositions de la loi du 5 mars 2007 sur les conditions de l’échange d’informations à caractère secret.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous devrons même aller plus loin en encourageant dans les pratiques les liens entre les conseils départementaux de l'Ordre des médecins et les observatoires départementaux de la protection de l’enfance.

Il est aussi nécessaire de mieux faire connaître les procédures à suivre en cas de doute, pour favoriser la remontée des informations préoccupantes transmises par les médecins. De ce point de vue, les expériences des départements montrent que la présence d’un médecin au sein de la CRIP est réellement facilitatrice.

L’article 4 de la proposition de loi rédigée par les sénatrices Michèle Meunier et Muguette Dini, modifié par un amendement du Gouvernement, vise d’ailleurs à généraliser cette pratique, comme le recommande la Haute Autorité de santé dans son rapport. Cette proposition de loi, les spécialistes de la question la connaissent par cœur, puisqu’elle reviendra dès demain devant vous, et ce pour la troisième fois, pour la fin de son examen en première lecture au Sénat.

Je le disais au début de mon propos, nous devons saisir chaque occasion qui nous est offerte de parler de protection de l’enfance. Le Sénat – qu’il en soit remercié ! – nous donne cette semaine deux chances de sortir cette politique publique de l’ombre et il faut les saisir. Je m’en réjouis d’autant plus que les objectifs convergent, indépendamment des appartenances politiques, sur des sujets aussi fondamentaux que la protection de l’enfance.

Ces réflexions s’inscrivent dans la perspective de l’amélioration des missions de l’enfance et trouveront leur traduction, d’abord dans la loi. Mmes Meunier et Dini ont fourni un formidable travail d’évaluation de la loi de 2007 avant d’aboutir à la rédaction d’une proposition de loi commune. Les dispositions de la proposition de loi de Mme Colette Giudicelli auraient d’ailleurs trouvé toute leur place au sein de l’approche globale de ses collègues sénatrices, et je regrette un peu que nous n’ayons pas eu l’occasion de discuter de ce texte comme amendement à la proposition de loi Meunier-Dini qui est en cours d’examen. Mais deux assurances valent mieux qu’une, même en légistique !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d'État

Ces réflexions doivent aussi trouver leur traduction dans les pratiques. Nous le savons, un certain nombre de dispositions de la loi de 2007 ne sont pas appliquées sur le terrain, ou bien le sont de manière très différente selon les endroits. Le cloisonnement est encore trop présent entre les différentes professions qui interviennent dans le champ de la protection de l’enfance. J’en profite néanmoins pour souligner que chacune d’entre elles fournit un travail remarquable au quotidien pour servir une politique publique exigeante, car elle est très technique et en même temps pleine d’affect.

C’est dans cette perspective d’évolution des pratiques que j’ai mis en œuvre une grande concertation réunissant l’ensemble des acteurs de cette politique publique. À l’issue de ce processus, au mois de mai, j’en présenterai les conclusions, ainsi qu’un calendrier des travaux à conduire avec les acteurs de la protection de l’enfance, parmi lesquels j’identifie les professionnels de santé, que j’ai associés à cette réflexion collective. Nous élaborerons ensemble les outils et les références d’un travail en commun dont nous avons besoin et qui suscite auprès de chaque acteur des attentes fortes.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, contrairement à ce que j’imaginais spontanément, j’ai découvert que, encore, dans notre pays, parler de maltraitance des enfants pouvait être un sujet subversif.

Subversif, parce que, pour assurer la protection de l’enfant, il nous faut souvent pousser des portes bien verrouillées. Il s’agit de celles que passent les professionnels de l’aide sociale à l’enfance chaque matin, mais aussi des portes symboliques, qui sont celles de l’entrée de l’action publique au sein de la sphère privée.

Subversif, aussi, car le sujet fait ressortir un certain nombre de dogmes, de fausses alternatives, qui s’affrontent depuis de nombreuses années : celles qui opposent droits de l’enfant et droits de la famille ; celles qui opposent le maintien du lien parental au placement ; celles qui opposent le tout-judiciaire à la méfiance à l’égard de la justice, ou encore le secret professionnel au partage de l’information.

Subversif, enfin, car la lutte contre la maltraitance des enfants impose à chacun d’interroger ses propres pratiques. Si nous ne sommes pas, ou n’avons pas été des parents maltraitants, avons-nous pour autant toujours été des parents bientraitants ? Vous le savez, la bientraitance est, dans l’exercice des responsabilités de mon ministère, l’ambition ultime de la lutte contre la maltraitance. Alors, pour l’examen de textes relatifs à la protection de l’enfance, j’en appelle au Sénat, qui montrera, j’en suis sûre, qu’aujourd’hui comme demain il sait être la chambre de la sagesse et du consensus.

M. le rapporteur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame Giudicelli, mes chers collègues, je pense que nul ne m’en voudra de ne pas utiliser les quatorze minutes qui me sont allouées pour exprimer un avis tellement évident en faveur d’un texte qui ne peut que recueillir le consensus.

Pour autant, je parle avec beaucoup d’humilité, car nous savons bien que, hélas, ce n’est pas cette modification de la loi qui va changer tous les comportements. Néanmoins, en votant ce texte, nous pouvons y contribuer.

Je serai un peu plus nuancée que Mme la secrétaire d’État sur le caractère dramatique de la situation. Il est vrai que les violences intrafamiliales et la maltraitance des enfants sont des sujets importants. En même temps, mesurons le chemin parcouru : c’est parce que, aujourd’hui, des dénonciations sont faites, c’est parce que, au sein des cellules familiales, on peut en parler que, du coup, effectivement, ce phénomène apparaît davantage sur la place publique.

Notons aussi que la médecine a fait des progrès : voilà dix ans, le syndrome des bébés secoués n’était même pas identifié. Il n’en est plus de même aujourd’hui et les médecins peuvent dénoncer des comportements de cette nature.

Par ce texte, madame Giudicelli, vous proposez d’améliorer la situation des médecins. Votre proposition de loi initiale visait, certes, à les protéger de toute action en cas de violation du secret professionnel, mais aussi à leur imposer une obligation de dénonciation au procureur de la République, comme d’autres pays l’ont fait, sur les recommandations du Conseil de l’Europe.

Je pense que la commission des lois a eu raison d’être prudente, mais il ne faut pas exclure de devoir envisager un jour cette obligation, car elle peut être une façon de protéger le médecin dans sa relation à la famille : il peut expliquer qu’il est obligé de signaler, sauf à s’exposer à des poursuites. Il pourrait déjà le faire aujourd’hui, car, d’un point de vue tant civil que pénal, un médecin qui suspecterait des faits de maltraitance sans les dénoncer pourrait être poursuivi du chef de non-assistance à personne en danger.

Pour sensibiliser les médecins, il faut peut-être leur dire qu’ils doivent avoir le courage, même s’ils sont médecins de famille, de dénoncer des faits qu’ils constatent.

L’autre problème réside dans la difficulté de la constatation. Les violences faites aux enfants, la maltraitance ne se remarquent pas forcément de manière évidente, surtout lorsqu’elles sont d’ordre psychologique. De toute façon, l’enfant en âge de parler qui est victime de maltraitance se sent mal-aimé, et il n’aura pas envie de se confier au médecin. La relation intrafamiliale est extrêmement complexe, et on retombera sur le même problème au moment de la décision de placement de l’enfant ou de son maintien dans la cellule familiale. Telles sont les difficultés que l’on peut connaître lorsque l’on traite de ces sujets.

Cette proposition de loi est donc équilibrée et je pense que M. le rapporteur a eu raison de l’amender pour que les professionnels de santé s’adressent aux cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, les CRIP, car l’information y est partagée, au lieu de saisir directement le procureur de la République. En effet, dans la pensée des professionnels concernés, cette saisine s’apparente trop à une dénonciation susceptible d’être communiquée à la police voire à un juge d’instruction. Or, au stade du signalement, il n’existe pas encore de certitude, il convient donc rester extrêmement prudent.

L’équilibre trouvé par la commission fait que je ne vois pas comment on pourrait envisager de ne pas soutenir cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue Colette Giudicelli visant à modifier l’article 11 de la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance.

Le sujet est grave et important, puisqu’il s’agit de dispositions relatives au signalement des actes de maltraitance envers les mineurs. En la matière, les chiffres sont sidérants. On dénombre, dans notre pays, 98 000 cas connus d’enfants en danger : 19 000 sont victimes de maltraitance et 79 000 se trouvent dans des situations à risque ; 44 % des enfants maltraités ont moins de six ans.

Derrière ces chiffres souvent rappelés, il y a la réalité crue de l’enfance en danger, de l’enfance maltraitée. Nous devons faire face à cette réalité : 98 000 enfants en danger, ce sont 98 000 enfants pour lesquels chacun doit prendre ses responsabilités.

Notre responsabilité de législateur consiste alors à évaluer et à améliorer, si nécessaire, les procédés de signalement des maltraitances envers les enfants, afin qu’ils soient les plus efficaces possible et que ces chiffres terrifiants baissent enfin. Or, comme l’a rappelé notre rapporteur, François Pillet, seuls 5 % des signalements d’enfants en danger proviennent du secteur médical : 4 % des signalements sont dus aux médecins hospitaliers et 1 % aux médecins libéraux. Il convient donc de comprendre pourquoi le dispositif de signalement est si peu utilisé par le corps médical et de le renforcer.

En 2003, le Parlement, notamment notre Haute Assemblée, considérait déjà que le droit existant entravait les signalements, par les médecins, d’actes de maltraitance subis par des mineurs. Certaines modifications avaient alors été apportées à l’article 226-14 du code pénal afin de renforcer la protection de l’enfant, mais également celle du médecin qui émet un signalement. Plus de dix ans après la promulgation de cette loi, force est de constater qu’il faut revoir ses dispositions.

Comme l’exposé des motifs le rappelle, « depuis 1997, environ deux cents médecins – qu’ils soient psychiatres d’enfants, médecins généralistes, pédiatres ou encore gynécologues – ont fait l’objet de poursuites pénales et/ou de sanctions disciplinaires sur l’initiative du ou des auteurs présumés des agressions », ce qui a créé « un climat de stress et un malaise profond au sein du monde médical ».

Les auteurs de la présente proposition de loi estiment, pour leur part, que la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance « n’a malheureusement pas été suffisante pour protéger les victimes mineures et encourager les médecins à signaler les violences » et souhaitent, en cas de signalement, « protéger l’ensemble des médecins des poursuites qui pourraient leur être intentées et, de ce fait, renforcer et encourager leur mission de protection des mineurs faisant l’objet de violences ».

Le groupe écologiste souscrit à ce constat et partage la volonté de modifier le droit, afin d’instaurer une véritable protection juridique pour le corps médical. C’est d’ailleurs la solution qui a été adoptée par de nombreux pays européens et qui est défendue par le Conseil de l’Europe.

Je veux saluer ici le travail de fond réalisé par notre rapporteur, qui a contribué à améliorer encore le dispositif de cette proposition de loi, en y incluant l’ensemble des membres des professions médicales, ainsi que les auxiliaires médicaux.

Finalement, en affirmant sans ambiguïté et de manière parfaitement explicite que le professionnel qui signale régulièrement une présomption de maltraitance ne peut voir sa responsabilité, quelle qu’elle soit, engagée, le texte issu des travaux de la commission des lois permet de libérer les personnes concernées du dilemme dans lesquelles elles se trouvent, entre le devoir moral de signaler, le respect du secret médical et la crainte des poursuites.

Nous en sommes convaincus, cette meilleure protection des professionnels ne peut que rendre plus efficace la lutte pour la défense de l’enfance en danger. C’est donc sans hésitation que le groupe écologiste votera cette proposition de loi.

M. le rapporteur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Abate

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les études internationales, bien que difficiles à mener, nous montrent qu’un quart des adultes dans le monde déclament avoir subi des violences physiques dans leur enfance et qu’une femme sur cinq et un homme sur treize disent avoir subi des violences sexuelles.

Parce que ces formes de violences physiques, psychologiques et de traitements négligents à l’égard de mineurs ont des conséquences importantes sur la santé de l’enfant, son développement, puis sur la dignité de l’adulte tout au long de sa vie, elles représentent un véritable enjeu de santé publique.

La maltraitance provoque un stress auquel on associe une perturbation du développement précoce du cerveau qui peut affecter le développement des systèmes nerveux et immunitaire. Dès lors, les enfants maltraités, devenus adultes, sont davantage exposés à divers troubles comportementaux, physiques ou psychiques. Certains penseront peut-être qu’il s’agit là de lieux communs, mais je pense qu’il était malgré tout utile de rappeler ces éléments.

Ce problème concerne l’ensemble des pays, même s’il est clair que les situations de conflit armé, l’apparition de zones de non-droit, de grande misère sociale ou éducative aggravent particulièrement les maltraitances. Les jeunes filles y sont particulièrement exposées, subissant exploitation, violences sexuelles et autres sévices.

La maltraitance n’est pourtant pas l’apanage des pays pauvres ou des pays en guerre. Elle concerne l’ensemble des pays développés, et en leur sein, tous les milieux sociaux et l’ensemble des familles. Loin d’être un phénomène rare, la maltraitance infantile est très fréquente puisque 10 % des enfants en seraient victimes dans les pays dits « à hauts revenus ».

Cher Jacques Bigot, malgré le chemin parcouru en termes de techniques d’investigation, de parole libérée, et même si le phénomène ne connaît pas d’augmentation, il n’en reste pas moins que 10 % des enfants sont maltraités. Pour bien comprendre ce que cela veut dire, il faut aller au-delà des chiffres et se représenter une petite cohorte de dix enfants qui quittent leur école pour se rendre à la cantine scolaire du village ou du quartier : statistiquement, un de ces dix enfants est maltraité !

Or ces maltraitances ne sont que rarement signalées : la Haute Autorité de santé estime ainsi qu’elles ne le sont pas dans 90 % des cas. Elles sont en outre peu déclarées par les médecins : seuls 5 % des cas de maltraitance font l’objet d’un signalement par les médecins – 1 % en ville, 4 % à l’hôpital –, alors qu’un tiers des signalements émanent des services sociaux, 20 % de l’éducation nationale, un peu plus de 15 % du voisinage ou de l’entourage et un peu plus de 15 % aussi de la famille elle-même.

Pourtant, les médecins sont, notamment dans les premières années de la vie, des acteurs essentiels dans le repérage de la maltraitance et ils devraient être les plus à même d’appréhender les violences physiques et psychologiques. Or ils participent peu à son signalement, comme je viens de le rappeler.

Difficulté à caractériser la maltraitance par manque de formation, réticence à remettre en cause la sphère de la famille opposée à la sphère publique, mais aussi méconnaissance du dispositif de signalement à la justice ou aux cellules de recueil des informations préoccupantes des conseils généraux – j’ai pu le constater tout récemment encore – tels sont les freins à l’action des médecins.

Il ne faut pas non plus oublier le risque de poursuites judiciaires par les présumés agresseurs, qui peut constituer un dernier frein au signalement, encore que, rappelons-le, l’absence de signalement fasse également courir un risque au médecin pour non-assistance à enfant en danger. Cela dit, il ne s’agit pas d’un phénomène massif : depuis 1997, environ deux cents médecins – pédopsychiatres, médecins généralistes, pédiatres – ayant signalé au procureur de possibles maltraitances sur des enfants ont fait l’objet de poursuites. Ce chiffre est important, mais il n’est pas énorme ; il faut malgré tout s’en préoccuper.

Pour protéger la victime, le repérage précoce est décisif. Les professionnels de santé, parce qu’ils sont en contact régulier avec les enfants dès leur plus jeune âge, sont en première ligne pour détecter un cas de maltraitance et le signaler aux autorités compétentes.

Cette proposition de loi tend à favoriser le signalement par les médecins, en instaurant, dans sa version initiale, une obligation de signalement dans tous les cas de présomption de maltraitance. Elle vise également à écarter la mise en cause de la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire du praticien, à moins que sa mauvaise foi n’ait été judiciairement établie. L’objectif est louable, puisqu’il s’agit de renforcer et d’encourager les signalements des médecins.

Cette proposition de loi va dans le bon sens, même si, nous l’avons vu, les freins au signalement sont beaucoup plus complexes et dépassent le seul risque de poursuites judiciaires, plutôt réduit.

La commission a modifié et enrichi ce texte dans un sens qui nous convient.

Tout d’abord, l’obligation de signalement a été supprimée par la commission. Elle partait d’un bon sentiment, mais elle aurait pu aboutir à des résultats contraires à l’objectif.

En outre, la commission a ajouté la mention dans la loi d’un signalement à la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes. Ce point est extrêmement important, parce que le recours à la CRIP est beaucoup plus souple, mesuré et équilibré, et donc beaucoup plus efficace.

La commission a également élargi le dispositif aux situations de violences au sein des couples, avec les conséquences qu’elles peuvent avoir pour les enfants.

Enfin, elle a ajouté un article prévoyant une formation aux modalités de signalement des situations de violences aux autorités administratives et judiciaires.

Le texte qui résulte des travaux de la commission est ainsi plus complet, même si la question de la formation des médecins et des auxiliaires médicaux reste posée, bien qu’elle soit évoquée à l’article 2 ajouté par la commission. Il ne faudra pas négliger cet aspect et y consacrer des moyens.

Nous ne pouvons que saluer l’initiative de notre collègue auteur de cette proposition de loi, de même que nous ne pouvons que nous féliciter du travail réalisé par le rapporteur et par la commission. Le consensus observé sur l’ensemble de nos travées est bien la moindre des contributions que pourra apporter notre assemblée à ce texte qui, s’il ne change pas complètement la donne, aura au moins le mérite de contribuer à améliorer la situation de la petite enfance.

Vous l’aurez compris, notre groupe votera cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte déposé par Mme Colette Giudicelli et plusieurs de ses collègues vise à renforcer le rôle des médecins dans leur mission de protection des mineurs victimes de violences.

Est ainsi introduite dans le code pénal une obligation de signalement pour tous les médecins, signalement qui ne pourra pas engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire.

Face aux faits de violence, de viols, de mauvais traitements sur des mineurs que les médias nous rapportent quotidiennement, l’intention des auteurs de cette proposition de loi est louable.

À chaque fois, la même question se pose : pourquoi ces drames n’ont-ils pas fait l’objet de signalement plus tôt ?

Cette maltraitance, longtemps méconnue, souvent cachée, ignorée, y compris au sein des familles, nous interpelle tous.

Elle concerne tous les citoyens, et pas seulement les médecins, les professionnels de santé ou les acteurs sociaux. Et a posteriori, on peut, à juste titre, s’offusquer de faits récurrents et répétitifs qui se déroulent pendant des années sans que personne n’ose en parler. Les voisins, les proches, étaient-ils ou non au courant ?

La maltraitance est un problème massif de santé publique dont les conséquences se retrouvent des années plus tard, quand les victimes atteignent l’âge adulte, notamment dans les cas de sévices sexuels.

Les enfants maltraités seront davantage exposés à divers troubles comportementaux, physiques ou psychiques : désordres affectifs, mais aussi troubles du comportement, penchants pour des actes violents, dépression, toxicomanie, désocialisation.

Il n’est que de lire les comptes rendus d’audience des cours d’assises pour constater la fréquence d’un passé familial douloureux parmi les accusés ! Cela ne peut, en aucun cas, être une excuse, mais cela peut expliquer certaines dérives.

Combien de personnes adultes traînent en silence ce boulet d’une maltraitance subie dans l’enfance ou l’adolescence ? Ainsi, dans un certain nombre de cas, l’absence de signalement de la part des proches, de la famille, des médecins – pédiatre ou médecin de famille – a pu jeter l’opprobre sur ces victimes.

Face au problème de signalement, il est certain qu’il fallait exonérer les médecins de sanctions. C’est ce que la loi du 2 janvier 2004 relative à la protection de l’enfance a instauré. Est-ce suffisant ? Pour les auteurs de la proposition de loi, probablement pas !

Comme le souligne Adeline Gouttenoire dans son rapport d’avril 2014, « le domaine médical est un maillon particulièrement important de la protection de l’enfance ». La maltraitance commence en effet souvent aux premiers instants de la vie, à un moment où l’enfant est pourtant suivi assez régulièrement par des professionnels de santé. Néanmoins, comme cela a été rappelé, seulement 5 % des signalements émanent du corps médical.

Cela s’explique par la crainte d’être poursuivi ou de perdre contact avec la famille, auquel il faut ajouter l’absence de suites données à un certain nombre de signalements par les autorités compétentes. Autre facteur d’explication, l’absence de formation dans le cursus universitaire. Effectivement, 5 % de signalements, c’est bien peu pour ceux qui sont appelés à veiller sur l’enfant ou l’adolescent !

Les auteurs de la proposition de loi considèrent que le dispositif actuel n’est « pas suffisant pour protéger les victimes mineures et encourager les médecins à signaler les violences ». Ils rappellent par ailleurs qu’il existe une obligation, pour les médecins fonctionnaires, de signalement de tout acte de maltraitance en vertu de l’article 40 du code pénal. D’où cette proposition de légiférer pour étendre cette obligation à tous les médecins, avec la suppression de l’accord de la victime pour les majeurs.

Je veux le répéter, nous sommes tous conscients de la gravité de ces problèmes. À l’instar du rapporteur, je considère toutefois que le texte proposé initialement était d’application délicate. Le rapporteur l’a parfaitement expliqué, imposer une obligation de signalement n’est pas judicieux.

Aussi, le texte qui nous est proposé par la commission apporte des précisions utiles à la loi de 2004. Sans modifier au fond le droit en vigueur, il le rend plus lisible en affirmant explicitement que le médecin qui signale en toute bonne foi une présomption de maltraitance n’encourt aucune sanction, quelle qu’elle soit.

Le texte prévoit également la possibilité pour le médecin de saisir la CRIP. C’est certainement une bonne chose, sachant que les médecins hésitent bien souvent à saisir l’autorité judiciaire.

Enfin, la commission a souhaité renforcer la formation des professionnels pouvant être confrontés à des situations de maltraitance. Nous avons bien conscience de la nécessité d’une formation, actuellement très insuffisante, mais il faudra trouver une place dans les programmes de formation !

Pour avoir personnellement exercé pendant plus de dix ans en chirurgie infantile, je peux attester qu’il faut agir avec précaution sur ces suspicions de maltraitance, même si, en milieu hospitalier, l’approche est peut-être plus facilement collégiale. La question est plus délicate pour le médecin généraliste isolé. Et une meilleure formation me semble prioritaire. N’imposons cependant pas au médecin des contraintes trop lourdes ! C’est la raison pour laquelle, sur ce texte, je suivrai, avec les membres de mon groupe, la commission.

Applaudissements au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la lutte contre la maltraitance des enfants ou des personnes vulnérables est une cause hautement prioritaire. Je salue donc le travail de l’auteur de la proposition de loi, Mme Colette Giudicelli, et celui du rapporteur, M. François Pillet.

Je ne reviens pas sur les chiffres, ils ont été cités. Chacun les connaît et ils nous imposent d’agir.

Il est capital, en effet, de renforcer la détection précoce et la prise en charge de l’enfant maltraité ou de la personne vulnérable. Le médecin est, bien sûr, l’acteur de proximité qui a l’occasion d’identifier les signes d’une maltraitance. Pourtant, la plupart des cas ne sont pas signalés et les signalements provenant des professionnels de santé sont loin de représenter la majeure partie des signalements. N’étant pas membre du corps médical, j’avoue avoir été très surpris en découvrant les chiffres.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Quels sont les principaux freins qui expliquent ces constats ? Le plus souvent, c’est la crainte d’être poursuivi pour dénonciation abusive, mais c’est aussi la méconnaissance du phénomène de maltraitance par les médecins eux-mêmes, si curieux que cela puisse paraître pour nous qui n’exerçons pas cette profession.

Pour lutter contre ce dénominateur commun qu’est la peur – peur de la victime à désigner ses maux, peur du médecin à les dénoncer –, la confiance et la protection doivent être renforcées de part et d’autre, de manière à briser le silence et à libérer la parole.

Rendre obligatoire le signalement – j’espère que l’auteur de la proposition de loi ne m’en voudra pas de le dire ! – conduirait, me semble-t-il, à une situation de confusion, voire d’extrême confusion. En effet, de peur de voir sa responsabilité engagée, le médecin serait contraint de signaler le moindre fait. Et, devant l’afflux de signalements, il deviendrait très difficile pour le procureur d’identifier les situations particulièrement dangereuses et donc prioritaires.

Comme l’a relevé notre rapporteur, la gravité de la situation ne justifie pas toujours l’urgence. Une telle obligation serait, il faut le dire, incompatible avec les principes de la déontologie médicale, qui imposent au médecin de faire preuve de prudence, de circonspection et d’apprécier chaque situation en toute conscience.

Selon le dernier sondage de l’association L’Enfant bleu, 60 % des victimes ont gardé secrète leur maltraitance.

Pour lutter contre la peur qui réduit les victimes au silence, le lien de confiance unissant le médecin à son patient doit être solide et indéfectible. Une victime sera d’autant plus réticente à aller consulter si elle est consciente du fait que son médecin peut procéder à un signalement contre son gré.

Par ailleurs, chacun comprend bien que l’obligation de signalement fragiliserait ainsi encore plus les victimes mineures ou incapables et risque de les mettre en danger si les auteurs des sévices hésitent à présenter leur enfant à un médecin par crainte d’être dénoncés.

Parce que les médecins doivent aussi se sentir en confiance, l’affirmation claire de l’irresponsabilité civile, pénale et disciplinaire du médecin est essentielle.

Il y a eu, c’est vrai, une accumulation de poursuites judiciaires et disciplinaires pour des cas de signalement erroné. Il est donc très important de réaffirmer cette irresponsabilité civile, pénale et disciplinaire. La réaffirmer, c’est aussi confirmer notre confiance en la profession médicale.

Cependant, la crainte de poursuites n’est pas l’unique facteur restrictif en la matière, car le médecin est souvent placé devant un cas de conscience. L’impact humain et social d’un signalement est lourd. Il peut conduire, en cas d’erreur – toujours possible, en la matière – à la destruction d’une famille ou de la carrière professionnelle de la personne soupçonnée.

D’où l’importance de renforcer la formation au repérage des signes de maltraitance afin d’atténuer les doutes et les hésitations des médecins et de les aider à établir leur diagnostic.

Le signalement, qui est un devoir déontologique, doit donc être conçu comme un soin à part entière, enseigné comme tel dans les universités de médecine.

C’est une avancée majeure qui est proposée par ce texte. Elle était attendue et réclamée par la Haute Autorité de santé et le Conseil national de l’ordre des médecins.

Encourager la parole des médecins, c’est aussi comprendre leur cadre de travail et s’adapter à leurs contraintes. Or, on le sait, ils se montrent réticents à s’adresser directement à l’autorité judiciaire.

Permettre aux médecins de solliciter directement la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, avec laquelle ils sont plus généralement enclins à dialoguer, favorisera sans aucun doute leur intervention.

Enfin, le médecin de famille, de par la stature qu’il a et la confiance qu’il est censé inspirer, n’est paradoxalement pas toujours le mieux placé pour procéder à un signalement. D’où l’importance d’associer d’autres acteurs à cette procédure, afin de permettre la montée en puissance de l’identification des cas.

Je salue donc l’initiative qui permet à l’ensemble du personnel paramédical et aux auxiliaires médicaux d’être aussi couverts par l’immunité pénale en cas de violation du secret professionnel.

Vous l’aurez compris, pour le groupe UDI-UC, l’esprit du texte lui-même et toutes les modifications introduites en commission vont dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle nous voterons la proposition de loi sans aucune hésitation.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais joindre mes remerciements à ceux des orateurs précédents qui ont salué le travail de Colette Giudicelli et le dépôt de cette proposition de loi.

J’aimerais saluer également la tâche qui a été effectuée par notre rapporteur et féliciter Alain Milon, dont l’absence inopinée me permet de m’exprimer devant vous cet après-midi, pour l’action qu’il a menée et la manière dont il s’est penché sur l’ensemble de ces questions.

Je remercie Colette Giudicelli d’avoir déposé un texte qui permet de répondre à une problématique relevant du champ de la protection de l’enfance en ouvrant la possibilité de signalements sécurisés pour les professionnels de santé.

Le rapporteur, qui a enrichi la rédaction initiale, a fait en sorte de circonscrire aux mineurs la suppression de l’exigence du consentement, qui est maintenue pour les majeurs, tout en veillant à ne pas ouvrir, en posant une obligation de signalement, d’autres possibilités de poursuites, alors que l’objet de la proposition de loi est précisément de sécuriser les signalements pas les praticiens.

Les chiffres ont été rappelés à cette tribune. Mme la secrétaire d'État a cité une estimation qui se fonde principalement sur des travaux britanniques : 10 % des enfants ont été victimes de maltraitance et, dans les deux tiers des cas, le silence prévaut encore aujourd'hui sur les violences qu’ils ont pu subir.

J’ai eu l’honneur de présider, pendant plusieurs années, le groupement d’intérêt public Enfance maltraitée, le GIPEM, et, de ce fait, l’Observatoire national de l’enfance en danger, l’ONED. À ce titre, je peux dire qu’une prise de conscience a eu lieu depuis la loi Bas de 2004 et qu’elle n’a cessé de se poursuivre. Les différents gouvernements ont intégré le fait que, faute de conduire un travail permettant d’objectiver le phénomène par des chiffres plus sûrs, notre pays aurait toutes les peines à faire progresser la législation sur la protection de l’enfance qui, vous l’avez très bien dit, madame la secrétaire d’État, est dans un « angle mort » du débat public.

La protection de l’enfance, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, est un sujet qui nous met tous mal à l’aise et ne donne pas lieu à des inaugurations !

Quand on a la responsabilité des questions sociales, on dispose de multiples manières de travailler sur le handicap, l’autonomie du grand âge ou l’insertion, par exemple.

Ainsi, dans le champ du handicap, on peut ouvrir des établissements qui seront consacrés à l’amélioration de tel ou tel type d’accompagnement ou se donner les moyens de se battre pour la scolarisation des autistes.

Dans le champ de l’autonomie et du grand âge, nous avons également l’occasion de braquer des projecteurs sur l’investissement des collectivités locales ou du Gouvernement et de saluer la qualité des dispositifs mis en place. Je ne parle pas seulement des anniversaires de centenaires dans les maisons de retraite – nous ne les fêtons d’ailleurs plus, car nous y passerions tous nos week-ends !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Ce qui est vrai en matière de handicap et de vieillissement l’est tout autant dans le champ de l’insertion.

Accompagner des chantiers d’insertion, prévoir des clauses spécifiques dans les marchés publics, s’efforcer de diminuer la précarité dans un certain nombre de secteurs, par exemple en agissant dans le domaine de l’aide alimentaire : on le voit, il est possible dans tous les champs de la solidarité de montrer que les pouvoirs publics ne restent pas inactifs et, dans le même temps, de mobiliser des ressources et des forces de travail.

Dans le domaine de la protection de l’enfance, en revanche, la règle primordiale est la préservation de l’anonymat des enfants.

Là réside la première difficulté : lorsqu’il n’est pas possible de désigner les bénéficiaires d’un certain nombre de dispositifs, il est complexe de mettre en valeur la politique que l’on choisit de conduire.

Deuxième difficulté : ce sujet suscite chez chacun d’entre nous, quelles que soient ses convictions politiques, un profond sentiment de malaise.

Comment peut-on s’attaquer à des enfants ? Et comment peut-on, car c’est ce que laissent apparaître la plupart des situations, s’attaquer à ses propres enfants ? Comment celles et ceux, adultes, parents, qui ont d’abord la responsabilité de protéger, d’éduquer, d’accompagner, d’élever, de faire grandir, peuvent-ils être les premiers bourreaux ? Et qui irait invoquer sans répugnance ces figures parentales contre lesquelles viennent se briser tant d’enfances ?

Alors, oui, la protection de l’enfance s’invite dans notre quotidien au travers d’affaires et de procès retentissants à l’occasion desquels les actions que nous menons ne sont, la plupart du temps, guère mises en avant.

Je me réjouis donc de la présentation de cette proposition de loi que, bien entendu, l’ensemble du groupe UMP votera, tout en insistant sur le caractère crucial du signalement.

Sans signalement, en effet, rien n’est possible : les cas susceptibles de faire l’objet de mesures de prévention ne peuvent pas être repérés ; on ne peut pas prendre de mesures d’intervention en milieu ouvert ou de décisions de placement.

Le signalement, c’est la porte d’entrée de tout dispositif en la matière. Si nous ne travaillons pas sur le signalement, nous nous heurterons, une fois encore, au mur du silence.

Les chiffres sont éloquents. Lorsque l’on se penche sur la réalité des chiffres, on s’aperçoit que l’écrasante majorité des signalements visent d’abord les parents eux-mêmes et sont émis par des voisins ou des amis qui ont des doutes.

Cela pose une autre difficulté : lorsque la maltraitance est réelle et que l’auteur des faits est le parent, ce qui apparaît statistiquement comme la situation la plus fréquente, alors de tels signalements ne sont pas utiles. D’ailleurs, seuls 20 % environ des signalements sont transmis aux services sociaux, de police, ou par l’intermédiaire du 119, le numéro unique d’appel.

La loi Bas a été une grande loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Elle l’est toujours !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Malgré tout, un certain nombre de ses dispositions doivent être améliorées.

Mes chers collègues, au-delà du consensus qui nous réunit autour de ce texte, je voudrais aborder devant vous les quelques sujets sur lesquels, non, vraiment, le compte n’y est pas.

Tout d’abord, on veut, nous dit-on, sécuriser les signalements. Mais pourquoi viser seulement les professions de santé ? Pourquoi ne pas viser les instituteurs ou les autres lanceurs d’alerte susceptibles, eux aussi, d’être concernés par la judiciarisation croissante constatée à l’heure actuelle ?

Je vous livrerai mon propre témoignage de président de conseil général : voilà quelques années, une assistante sociale appelle sa responsable de circonscription, laquelle appelle à son tour le président du conseil général, en préconisant le placement d’un enfant, mais en précisant qu’il est préférable de ne rien écrire afin d’éviter que la famille ne puisse se retourner contre nous…

Combien de présidents de conseil général ont-ils été confrontés à une telle situation ?

Ensuite, parler de la protection de l’enfance, c’est aussi s’interroger sur le caractère extrêmement préoccupant de son financement et de sa soutenabilité financière.

Pour ce qui est des dépenses de solidarité – la prestation de compensation du handicap, la PCH, l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, le revenu de solidarité active, le RSA –, des mesures ont été prises, même si l’on peut discuter de leur nature.

L’aide sociale à l’enfance, en revanche, est considérée comme une dépense sociale obligatoire ne reposant pas sur des critères absolument objectifs. Elle peut donc devenir, demain, une variable d’ajustement à la baisse, en cas de difficulté financière.

De la même manière, on ne peut pas laisser de côté le sujet des mineurs isolés étrangers, lequel « embolise » une partie des dispositifs d’accueil classique, là où sont placés des enfants victimes de maltraitance. Et chacun sait que, dans ce domaine, en dépit de la circulaire Taubira, la question de la régulation n’est pas résolue : certains départements font plus que leur part, quand d’autres accueillent très, très peu.

Madame la secrétaire d’État, vous en avez appelé au Sénat en tant que chambre de consensus et de sagesse. Je ne résiste donc pas à la tentation de rappeler qu’ici même, en 2012, la proposition de loi relative au versement des allocations familiales et de l’allocation de rentrée scolaire au service d’aide à l’enfance lorsque l’enfant a été confié à ce service par décision du juge, présentée par Catherine Deroche et moi-même, avait été adoptée par 330 voix sur 346, contre l’avis du Gouvernement. Elle avait fait l’objet d’un consensus presque total : le groupe CRC, l’Union centriste, le RDSE, l’UMP, ainsi que le groupe socialiste, à l’exception de quatre de ses membres, avaient voté pour ; seul le groupe des écologistes avait voté contre.

Je suis convaincu qu’il est nécessaire de moraliser le dispositif de l’aide à l’enfance. Les allocations familiales ne sauraient être perçues par des parents qui maltraitent leurs enfants ; ...

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

… elles doivent être versées à des tiers dignes de confiance, aux familles d’accueil, aux conseils généraux. Cette mesure, qui ne coûterait pas un centime à l’État, puisqu’il s’agit simplement de transférer ces fonds au bénéfice de ceux qui assument la responsabilité des enfants, permettrait, à la fois, de faire montre d’une forme d’autorité et de dégager plusieurs centaines de millions d’euros, notamment pour financer des dispositifs nouveaux dans le cas où ces sommes ne seraient pas affectées directement. Nous démontrerions ainsi que, dans ce domaine, au-delà de la question du signalement, les ambitions énoncées à cette tribune peuvent se traduire par des décisions.

À l’issue du débat sur notre proposition de loi, votre prédécesseur, Mme Bertinotti, nous avait répondu que tout n’était pas à jeter dans notre texte, mais que nous devions attendre la grande loi sur la protection de l’enfance.

Presque trois ans se sont écoulés, et la présente proposition de loi comme celles de demain et sans doute d’après-demain ne conduiront qu’à de petits ajustements. Le moment est sans doute venu d’adopter une vision plus large, plus ambitieuse, qui nous permette d’être à la hauteur de ce défi !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je veux saluer, tout d’abord, la qualité de la discussion générale qui vient de se tenir et le consensus qui s’est dessiné au travers des interventions des représentants des différents groupes.

Je souhaite répondre à M. Béchu sur les différents points qu’il vient d’évoquer en fin de discussion générale et qui dépassent un peu la seule maltraitance.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d'État

Tout à fait, monsieur le sénateur, et je vais y venir.

Il faut veiller à ne pas trop associer protection de l’enfance et maltraitance. Selon les chiffres dont nous disposons – mais il faudrait sans doute les pondérer, compte tenu du nombre, précédemment évoqué, de non-signalements –, seuls 30 % des enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance le sont pour des faits de maltraitance et 70 % pour d’autres raisons, carences, défaillances familiales ou difficultés momentanées.

Je vous le concède, néanmoins, ces deux sujets sont connexes.

Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, une « grande loi sur la protection de l’enfance ». En tant que membre – pragmatique – du Gouvernement, je sais combien il est difficile de « pousser » des véhicules législatifs, voire de les faire sortir de la gare de triage lorsqu’il ne s’agit pas de « TGV »...

Sourires.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d'État

Si j’ai choisi comme véhicule législatif la proposition de loi relative à la protection de l’enfant de Michelle Meunier et Muguette Dini, c’est parce qu’elle était déjà sur les rails ! La grande loi que vous appelez de vos vœux se construira donc sur la base de ce texte et du travail mené au Sénat, à l’Assemblée nationale, puis de nouveau au Sénat.

Je l’ai dit dans mon intervention liminaire, je mène parallèlement une très grande concertation avec tous les acteurs de la protection de l’enfance, en particulier – je le dis aux présidents, actuels et anciens, de conseil général – avec les départements.

J’ai en effet le sentiment que les départements, après avoir fait valoir dans un premier temps que la politique de protection de l’enfance était l’une de leurs prérogatives au titre de la libre administration des collectivités locales, sont désormais quelque peu demandeurs d’un pilotage national. En effet, sans vouloir renoncer à ce domaine d’intervention, ils sont d’accord pour que nous évoquions ensemble un tel pilotage.

Je travaille donc avec les départements et tous les acteurs concernés. Afin d’assurer une bonne coordination, nous ferons des allers et retours entre la concertation – je ferai des propositions au mois de mai – et la procédure législative. Ce pragmatisme législatif, je souhaite le partager avec vous.

S’agissant des allocations familiales, question dont je sais qu’elle fait l’objet de débats, ici comme à l’Assemblée nationale, je veux rappeler que 55 % seulement des allocations familiales sont versées aux familles. Les sommes restantes sont d’ores et déjà versées, sur décision du juge, à l’ASE.

Le juge est en effet en capacité, aujourd’hui, de choisir de verser les allocations familiales à la famille ou à l’ASE. Et, comme le prouve le pourcentage que je viens de citer, il use de cette faculté.

En outre, je ne crois pas judicieux de verser systématiquement les allocations familiales à l’ASE. Il se peut, en effet, que les placements soient temporaires et destinés à faire face à une situation familiale particulière, comme l’hospitalisation de l’un des parents ou une défaillance momentanée. Ensuite, ces allocations servent parfois à payer le logement, et les parents peuvent continuer d’accueillir leurs enfants lors de la période durant laquelle ceux-ci sont placés.

Verser systématiquement les allocations familiales à l’ASE, ce serait, d’un certain point de vue, rendre encore plus difficile le retour des enfants dans leur famille. Or faciliter ce retour est l’une des vocations de l’aide sociale à l’enfance.

Le droit en vigueur, qui permet au juge de décider en fonction de la spécificité de chaque cas et de chaque famille, me paraît offrir la solution la mieux adaptée à la diversité des situations humaines auxquelles nous avons à faire face.

Mais je ne doute pas, monsieur Béchu, que cette discussion se poursuivra ; il y a encore des niches dans le débat qui va suivre...

Vous avez évoqué, enfin, les modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers. La circulaire, vous le savez, a été annulée par le Conseil d’État pour défaut de base légale, mais nullement en considération de son contenu ou de son esprit. Une fois qu’elle aura retrouvé sa base légale, cette circulaire sera appliquée.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

L’article 226-14 du code pénal est ainsi modifié :

1° À la première phrase du 2°:

a) Le mot : « médecin » est remplacé par les mots : « membre d’une profession médicale ou à un auxiliaire médical » ;

b) Après les mots : « procureur de la République » sont insérés les mots : « ou de la cellule mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles » ;

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi. »

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L'amendement n° 1, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

cellule

insérer les mots :

de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être,

et après le mot :

familles

insérer le signe :

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Je me félicite de l’excellente collaboration entre la commission des lois et Mme la secrétaire d’État et ses services, collaboration dont cet amendement de précision rédactionnelle est le fruit. Il aurait très bien pu être défendu par le Gouvernement et, si tel avait été le cas, j’aurais émis un avis favorable.

Lors des travaux de la commission, on m’a fait remarquer que la CRIP, la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, n’intervenait qu’en cas de maltraitance sur mineur. Il est donc apparu nécessaire et opportun de mentionner explicitement cette structure dans le texte, ce qui évite de renvoyer à un autre texte et rend la proposition de loi encore plus lisible.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d'État

Avis favorable !

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

L'article 1 er est adopté.

À la fin de l’article 21 de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, les mots : « ainsi que sur les mécanismes d’emprise psychologique » sont remplacés par les mots : «, sur les mécanismes d’emprise psychologique, ainsi que sur les modalités de leurs signalements aux autorités administratives et judiciaires ».

L'article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L'amendement n° 2, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L’article 1er de la présente loi est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.

II. - Après l’article 713-3 du code pénal, il est inséré un article 713-3-1 ainsi rédigé :

« Art. 713-3-1. - Pour l’application de l’article 226-14 :

« - au 2°, les mots : « ou de la cellule mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles » sont supprimés ;

« - au dernier alinéa, les mots : « civile, » et les mots : « ou disciplinaire » sont supprimés. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Cet amendement vise à permettre l’application de la proposition de loi dans les collectivités territoriales d'outre-mer.

Je propose toutefois de le rectifier pour tenir compte de l’adoption de l’amendement n° 1, en précisant l’intitulé exact de la CRIP, à savoir « cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être ».

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je suis donc saisie d’un amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L’article 1er de la présente loi est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.

II. - Après l’article 713-3 du code pénal, il est inséré un article 713-3-1 ainsi rédigé :

« Art. 713-3-1. - Pour l’application de l’article 226-14 :

« 1° Au 2°, les mots : « ou de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être, mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, » sont supprimés ;

« 2° Au dernier alinéa, les mots : « civile, » et les mots : « ou disciplinaire » sont supprimés. »

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d'État

Il s’agit d’un excellent amendement de précision sur lequel le Gouvernement émet un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Cette précision est tout à fait excellente et nous aurions pu déposer d’autres amendements, notamment sur un sujet que nous avons évoqué un peu plus tôt.

Madame la secrétaire d'État, sur les allocations familiales, je vous renvoie à notre proposition de loi telle qu’elle a été votée.

Je formulerai trois remarques.

Premièrement, rien n’est prévu en ce qui concerne l’allocation de rentrée scolaire. Elle continue d’être versée intégralement aux familles, alors que les frais de scolarité sont entièrement pris en charge par le département.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Deuxièmement, en l’état actuel du texte, c’est tout ou rien : le juge ne peut pas moduler l’affectation des allocations familiales. Aujourd’hui, le système prévoit soit de tout verser aux familles, soit de tout verser aux institutions. Or le compromis auquel nous étions parvenus, notamment avec Yves Daudigny et le groupe socialiste, consistait à permettre un partage de ces allocations afin d’éviter un gain de pouvoir d’achat pour les parents maltraitants et d’assurer la continuité du lien. Il ne s’agit en aucun cas de tout prendre, y compris dans les cas les plus graves, compte tenu des charges résiduelles.

Troisièmement, il faut faire très attention aux chiffres que l’on avance sur les victimes de violences, notamment au moment de leur entrée dans le placement. Le chiffre de 30 % ne vaut que pour le jour de l’entrée. Quand un enfant est retiré d’un milieu maltraitant, dans la moitié des cas, il révèle les violences subies plusieurs semaines, voire plusieurs mois après le début du placement.

Ainsi, lorsque nous tentons une photographie de la maltraitance sur mineurs et que nous participons à des débats sur la protection de l’enfance, nous nous fondons sur des données qui nous paraissent exactes, mais qui, à cause de la loi du silence contre laquelle nous nous battons, ne correspondent pas à la réalité, car elles ne tiennent pas compte de la difficulté pour les victimes à dire les violences subies.

Grâce à cet amendement de précision dont l’adoption améliorera la qualité de ce texte, nous pourrons avec finesse, sans tabou, sans préjugé, sans a priori idéologique, travailler collectivement à améliorer la situation.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mme la présidente. Mes chers collègues, je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à vingt-et-une heures.