Ces réflexions doivent aussi trouver leur traduction dans les pratiques. Nous le savons, un certain nombre de dispositions de la loi de 2007 ne sont pas appliquées sur le terrain, ou bien le sont de manière très différente selon les endroits. Le cloisonnement est encore trop présent entre les différentes professions qui interviennent dans le champ de la protection de l’enfance. J’en profite néanmoins pour souligner que chacune d’entre elles fournit un travail remarquable au quotidien pour servir une politique publique exigeante, car elle est très technique et en même temps pleine d’affect.
C’est dans cette perspective d’évolution des pratiques que j’ai mis en œuvre une grande concertation réunissant l’ensemble des acteurs de cette politique publique. À l’issue de ce processus, au mois de mai, j’en présenterai les conclusions, ainsi qu’un calendrier des travaux à conduire avec les acteurs de la protection de l’enfance, parmi lesquels j’identifie les professionnels de santé, que j’ai associés à cette réflexion collective. Nous élaborerons ensemble les outils et les références d’un travail en commun dont nous avons besoin et qui suscite auprès de chaque acteur des attentes fortes.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, contrairement à ce que j’imaginais spontanément, j’ai découvert que, encore, dans notre pays, parler de maltraitance des enfants pouvait être un sujet subversif.
Subversif, parce que, pour assurer la protection de l’enfant, il nous faut souvent pousser des portes bien verrouillées. Il s’agit de celles que passent les professionnels de l’aide sociale à l’enfance chaque matin, mais aussi des portes symboliques, qui sont celles de l’entrée de l’action publique au sein de la sphère privée.
Subversif, aussi, car le sujet fait ressortir un certain nombre de dogmes, de fausses alternatives, qui s’affrontent depuis de nombreuses années : celles qui opposent droits de l’enfant et droits de la famille ; celles qui opposent le maintien du lien parental au placement ; celles qui opposent le tout-judiciaire à la méfiance à l’égard de la justice, ou encore le secret professionnel au partage de l’information.
Subversif, enfin, car la lutte contre la maltraitance des enfants impose à chacun d’interroger ses propres pratiques. Si nous ne sommes pas, ou n’avons pas été des parents maltraitants, avons-nous pour autant toujours été des parents bientraitants ? Vous le savez, la bientraitance est, dans l’exercice des responsabilités de mon ministère, l’ambition ultime de la lutte contre la maltraitance. Alors, pour l’examen de textes relatifs à la protection de l’enfance, j’en appelle au Sénat, qui montrera, j’en suis sûre, qu’aujourd’hui comme demain il sait être la chambre de la sagesse et du consensus.