Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame Giudicelli, mes chers collègues, je pense que nul ne m’en voudra de ne pas utiliser les quatorze minutes qui me sont allouées pour exprimer un avis tellement évident en faveur d’un texte qui ne peut que recueillir le consensus.
Pour autant, je parle avec beaucoup d’humilité, car nous savons bien que, hélas, ce n’est pas cette modification de la loi qui va changer tous les comportements. Néanmoins, en votant ce texte, nous pouvons y contribuer.
Je serai un peu plus nuancée que Mme la secrétaire d’État sur le caractère dramatique de la situation. Il est vrai que les violences intrafamiliales et la maltraitance des enfants sont des sujets importants. En même temps, mesurons le chemin parcouru : c’est parce que, aujourd’hui, des dénonciations sont faites, c’est parce que, au sein des cellules familiales, on peut en parler que, du coup, effectivement, ce phénomène apparaît davantage sur la place publique.
Notons aussi que la médecine a fait des progrès : voilà dix ans, le syndrome des bébés secoués n’était même pas identifié. Il n’en est plus de même aujourd’hui et les médecins peuvent dénoncer des comportements de cette nature.
Par ce texte, madame Giudicelli, vous proposez d’améliorer la situation des médecins. Votre proposition de loi initiale visait, certes, à les protéger de toute action en cas de violation du secret professionnel, mais aussi à leur imposer une obligation de dénonciation au procureur de la République, comme d’autres pays l’ont fait, sur les recommandations du Conseil de l’Europe.
Je pense que la commission des lois a eu raison d’être prudente, mais il ne faut pas exclure de devoir envisager un jour cette obligation, car elle peut être une façon de protéger le médecin dans sa relation à la famille : il peut expliquer qu’il est obligé de signaler, sauf à s’exposer à des poursuites. Il pourrait déjà le faire aujourd’hui, car, d’un point de vue tant civil que pénal, un médecin qui suspecterait des faits de maltraitance sans les dénoncer pourrait être poursuivi du chef de non-assistance à personne en danger.
Pour sensibiliser les médecins, il faut peut-être leur dire qu’ils doivent avoir le courage, même s’ils sont médecins de famille, de dénoncer des faits qu’ils constatent.
L’autre problème réside dans la difficulté de la constatation. Les violences faites aux enfants, la maltraitance ne se remarquent pas forcément de manière évidente, surtout lorsqu’elles sont d’ordre psychologique. De toute façon, l’enfant en âge de parler qui est victime de maltraitance se sent mal-aimé, et il n’aura pas envie de se confier au médecin. La relation intrafamiliale est extrêmement complexe, et on retombera sur le même problème au moment de la décision de placement de l’enfant ou de son maintien dans la cellule familiale. Telles sont les difficultés que l’on peut connaître lorsque l’on traite de ces sujets.
Cette proposition de loi est donc équilibrée et je pense que M. le rapporteur a eu raison de l’amender pour que les professionnels de santé s’adressent aux cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, les CRIP, car l’information y est partagée, au lieu de saisir directement le procureur de la République. En effet, dans la pensée des professionnels concernés, cette saisine s’apparente trop à une dénonciation susceptible d’être communiquée à la police voire à un juge d’instruction. Or, au stade du signalement, il n’existe pas encore de certitude, il convient donc rester extrêmement prudent.
L’équilibre trouvé par la commission fait que je ne vois pas comment on pourrait envisager de ne pas soutenir cette proposition de loi.