Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 17 mars 2015 à 14h30
Adaptation de la société au vieillissement — Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, alors que, depuis des années, la problématique de la perte d’autonomie est présentée comme un défi, les gouvernements successifs se sont engagés sur ce chantier sans jamais aboutir.

Le passage, d’ici à 2060, de 15 millions à 24 millions de personnes de plus de soixante ans et la multiplication par quatre, d’ici à 2050, du nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans sont pourtant de réels enjeux pour notre société.

Durant la campagne présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy avait annoncé l’adoption d’une loi sur la dépendance. Elle n’a finalement jamais vu le jour.

Pendant la campagne de 2012, François Hollande avait annoncé l’adoption d’une grande loi sur la perte d’autonomie, mais il aura fallu attendre encore trois ans pour discuter dans cet hémicycle de ce projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement.

La large concertation engagée par le Gouvernement avec l’ensemble des acteurs concernés durant la phase initiale a permis d’écarter les mauvaises pistes défendues par la droite, comme les incitations forcées à prendre des assurances privées, la suppression du groupe iso-ressources de stade 4, ou GIR 4, ou le recours sur succession.

Mais le « recentrage » du texte sur le grand âge traduit un renoncement de ce gouvernement à appréhender la perte d’autonomie de manière globale et non ségrégative.

Ainsi, ce texte évacue presque complètement la problématique des EHPAD, alors même que le manque de personnel et le reste à charge pour les usagers et leur famille appellent des solutions urgentes.

En résumé, ce projet de loi manque singulièrement d’ambition. Il est même en décalage préoccupant avec les objectifs initiaux et les besoins exprimés par les différents acteurs.

Quelles améliorations effectives attendre de l’affectation du produit de la CASA, soit 650 millions d’euros, à la perte d’autonomie ? En effet, la dépense actuelle, hors sécurité sociale, est de 24 milliards d’euros, dont tout de même 10 milliards d’euros pèsent sur les usagers ou leur famille. Les réponses aux défis du vieillissement nécessiteraient pas moins de 10 milliards d’euros pour la seule réduction du reste à charge en EHPAD !

Madame la secrétaire d'État, si la perte d’autonomie est véritablement une question de société, comme l’indique le titre de votre projet de loi, comment expliquer que vous fassiez reposer la montée en charge de son financement sur les seuls retraités, via la CASA collectée depuis avril 2013, contre l’avis et le vote des seuls parlementaires communistes ?

Vous n’êtes pas sans savoir, du moins je l’espère, ce que subissent les retraités depuis plusieurs années : décrochage du niveau de leurs pensions par rapport aux salaires, et même aux prix, avec 30 mois de gel de leurs revenus ; mesures fiscales négatives comme la suppression de la demi-part pour les veuves, fiscalisation des allocations familiales et des majorations familiales ou gel des barèmes ; augmentation continue de leurs dépenses contraintes, dont le chauffage, qui représente 10 % du budget du quart des plus de soixante ans.

Le risque, madame la secrétaire d'État – car vous savez bien que ces 645 millions d’euros ne seront pas suffisants –, c’est que, demain, au nom des nécessités, votre gouvernement ou les suivants décident, pourquoi pas, d’une autre journée de solidarité, d’une nouvelle augmentation de la contribution sociale généralisée, la CSG, ou d’un alourdissement des taux de la CASA !

En réalité, tant qu’on ne prendra pas l’argent là où il est, on ne fera que bricoler face à des enjeux de société pourtant considérables, en tapant chaque année un peu plus sur les salariés et les retraités.

Pour notre part, nous continuons à penser que le risque de perte d’autonomie doit être intégré dans la branche maladie de la sécurité sociale.

Nous proposons de financer la solidarité intergénérationnelle par la mise à contribution des revenus financiers des entreprises, ce qui rapporterait 40 milliards d’euros pour la seule branche maladie.

Aussi, comme première étape, nous vous proposerons un amendement visant à la création, dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, d’une contribution solidarité pesant sur les actionnaires.

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