Intervention de Jean-Noël Cardoux

Réunion du 17 mars 2015 à 14h30
Adaptation de la société au vieillissement — Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Noël CardouxJean-Noël Cardoux :

Madame la secrétaire d’État, vous ne serez pas surprise, je modifierai volontiers, pour ma part, l’appellation donnée par le Gouvernement à ce projet de loi et le nommerai, de façon plus prosaïque, « projet de loi d’utilisation des 650 millions d’euros de la CASA ». En effet, les précédents orateurs l’ont souligné, l’exercice se borne à cela !

Lors de votre audition par la commission, madame la secrétaire d’État, vous avez présenté comme vertueux le fait que le texte ne prévoie aucune dépense qui ne serait pas financée par la CASA.

Toutefois, même si ce projet de loi, dont la logique est certes vertueuse, vise à apporter de l’aide aux personnes vulnérables, âgées et dépendantes, il manque de souffle et d’ambition en raison d’un financement très limité.

M. Milon l’a souligné, il aurait été nécessaire d’aller encore plus loin et de faire preuve de beaucoup plus d’ambition. Nous serons contraints de revenir un jour ou l’autre sur ce sujet, et sans doute même assez rapidement.

Je ne reviendrai pas sur les deux chiffres rappelés par notre collègue Élisabeth Doineau sur le coût de la dépendance dans notre pays, qui s’élève à 21 milliards d’euros en 2015, soit 1, 05 % du PIB, et atteindra 33 milliards d’euros en 2060, soit 1, 17 % du PIB.

Les 650 millions d’euros de la CASA représentent donc 2, 5 % du coût actuel de la dépendance, ce qui peut sembler peu élevé, vous l’avez souligné, mes chers collègues.

Nous travaillons pour « augmenter » de 2, 5 % – c’est très peu – le coût de la dépendance, au travers d’une approche purement comptable. Je rappelle en outre que le financement est assuré à concurrence de 65 % par des fonds publics et de 35 % par les bénéficiaires.

Madame la secrétaire d’État, je vous donne quitus de ce que vous avez dit tout à l’heure. Il est encourageant pour les présidents de conseils généraux, qui mènent leur campagne électorale et ne sont donc pas présents aujourd'hui, que les charges supplémentaires prévues soient compensées au niveau départemental. Cela n’a pas toujours, voire jamais, été le cas. Nous en prenons solennellement acte, et nos collègues des conseils généraux passeront le message à leurs collègues absents.

Je voudrais aussi remercier les rapporteurs, qui se sont livrés à un exercice difficile nécessitant beaucoup de travail. Dans le cadre d’un financement très limité, ils ont apporté des améliorations considérables à ce texte, qui va dans le bon sens.

Je citerai les principaux aménagements : la sanctuarisation des produits de la CASA au sein de la CNSA, en pourcentage et non en volume ; l’amélioration de la gouvernance tant départementale que nationale, avec l’affirmation du département comme chef de file de la prise en charge des personnes âgées et le rétablissement du Haut Conseil de l’âge ; la composition du conseil de la CNSA, où les présidents des conseils généraux entrent d’une manière solennelle ; la proposition de mettre en place sur deux ans un système d’expérimentation pour les services d’aide à domicile, les SAD. Permettez-moi en effet de rappeler l’effet pervers de la loi Borloo, qui visait à concilier l’objectif social d’aide de l’aide départementale aux personnes dépendantes avec un objectif de création d’emplois dans le domaine concurrentiel. Or on sait très bien que le télescopage de ces deux notions n’était pas possible. Nous sommes aujourd'hui au pied de la montagne que nous avons créée à cette époque.

Toutefois, le texte ne prévoit aucune réforme de fond. En effet, il ne vise qu’une réorganisation a minima de l’APA, malgré un fléchage visant à une diminution sensible du reste à charge. Il aurait été préférable de mieux répartir cette allocation, de la réformer, et surtout d’en fixer l’échelle pour qu’elle soit attribuée en fonction des revenus et non des GIR.

Comme l’a souligné notre collègue à l’instant, le texte ne prévoit pas non plus de réforme de la tarification des EPHAD, qui aurait permis de différencier les attributaires de l’aide sociale et les non-attributaires. Or les départements demandent justement une tarification différenciée.

Nous savons, madame la secrétaire d’État, que deux groupes de travail ont été mis en place. Cependant, nous savons aussi qu’il n’y avait aucune marge financière pour cette réforme de la tarification. C’est pourquoi je crains qu’elle ne soit repoussée aux calendes grecques.

Le projet de loi prévoit la création d’un forfait autonomie à la charge des départements pour les résidents des foyers-logements, mais aucune indication n’est donnée sur son financement. L’aide aux aidants, abordée par notre collègue Desessard, est méritoire. Cependant, nous n’avons pas la même approche : 500 euros par an pour les aidants, c’est quelque chose ; toutefois, par rapport aux enjeux, c’est extrêmement faible.

Les services d’aide à domicile sont réformés a minima, alors que ce secteur est au bord de l’éclatement, nous en avons beaucoup parlé.

Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle montre bien le manque d’ambition de ce texte, qui aurait dû aller plus loin, en s’appuyant sur de nouvelles sources de financement.

Nous avons évoqué tout à l’heure la démarche adoptée par le précédent gouvernement, qui prévoyait des pistes de financement s’agissant du fameux cinquième risque. C’est sur ce point que réside la principale critique que l’on peut faire à ce projet de loi. En effet, il ne comporte aucun effort original de recherche de financement. Notre groupe souhaiterait se consacrer à cette question, afin de permettre une évolution.

Bien entendu, on ne peut pas, en quelques minutes, aborder tous les financements possibles. Néanmoins, nous pouvons en retenir trois particulièrement importants.

Il s’agit d’abord d’une réforme des services de l’aide à domicile, instaurée par les rapporteurs dans le cadre du fameux article 32. Toutefois, pour apporter une bouffée d’oxygène à ces services, il faudrait une réflexion approfondie sur l’approche fiscale de leur tarification, en particulier en utilisant la TVA comme un levier. Car les prestations ne sont pas soumises à la TVA, ce qui engendre l’assujettissement à la taxe sur les salaires, laquelle n’est pas négligeable, des associations ou des entrepreneurs privés.

À l’inverse, un assujettissement à la TVA permettrait non seulement une exonération de la taxe sur les salaires, mais aussi la récupération en amont de la TVA sur les investissements et les frais. Peut-être faudrait-il également réfléchir à une TVA différenciée : elle serait extrêmement réduite pour les prestations à caractère social, destinées aux GIR concernés et aux personnes à très faibles revenus.

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