Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la Haute Assemblée peut enfin examiner la présente proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale au mois de décembre 2013. Les membres de mon groupe et moi-même faisons partie de celles et de ceux qui ont à plusieurs reprises interpellé les présidents successifs du Sénat et le ministre chargé des relations avec le Parlement pour que ce texte soit mis à l’ordre du jour. Je me réjouis donc qu’il en soit ainsi aujourd’hui.
Je souhaite que nos débats en séance plénière permettent de ne pas suivre le vote majoritaire de la commission spéciale renouvelée qui vide totalement la proposition de loi de son sens en réintroduisant le délit de racolage et en rejetant la pénalisation de l’acte sexuel tarifé.
Il y avait urgence à débattre de cette proposition de loi, et surtout urgence à se donner les moyens de lutter efficacement contre le système prostitutionnel. La France, pays abolitionniste, se doit d’avoir une politique cohérente avec cette position.
Pour les abolitionnistes, la prostitution est une forme d’exploitation et une atteinte à la dignité humaine qui doit être abolie. Les prostituées sont des victimes non punissables, les proxénètes des criminels, et les clients peuvent être sanctionnés comme acteurs du système.
Comment prétendre instaurer une société de pleine égalité entre les femmes et les hommes quand on accepte que des hommes achètent le corps des femmes ? Où est le choix de ces dernières ?
Même si je considère que le débat premier ne se limite pas à une question de chiffres, il me semble à mon tour nécessaire d’illustrer la réalité de la prostitution par quelques données statistiques.
En France, les personnes prostituées seraient au nombre de 30 000, et 85 % sont des femmes. À l’inverse, 99 % des clients sont des hommes. La prostitution est donc bien un phénomène sexué.
De surcroît, comme vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, plus de 90 % des personnes prostituées exerçant sur le territoire français sont de nationalité étrangère. Les pays d’origine sont bien connus : il s’agit principalement de la Roumanie, du Nigeria et de la Chine. Alors que 80 % des personnes prostituées étaient françaises au début des années quatre-vingt-dix, cette proportion s’est aujourd’hui très largement inversée. Cela ne peut que nous conduire à nous interroger et à admettre que cette tendance n’est pas sans lien avec les réseaux de proxénétisme, de traite d’êtres humains.
Quant aux hommes qui ont recours à des prostituées, ils ne sont pas particulièrement confrontés à la misère affective et sexuelle : plus des deux tiers d’entre eux vivent ou ont vécu en couple et plus de 50 % sont pères de famille. Je dirai qu’il s’agit de M. Tout-le-Monde.