Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objet principal de la présente proposition de loi est, selon ses auteurs, de « faire prendre conscience que la prostitution est […] une violence à l’égard de personnes démunies et une exploitation des plus faibles par des proxénètes, qu’ils agissent de manière individuelle ou dans des réseaux réalisant des profits très élevés, la traite se cumulant souvent avec d’autres trafics. »
Ce texte apporte un certain nombre d’avancées sensibles en améliorant la situation des personnes prostituées et en sensibilisant le public aux réalités de la prostitution. Il comporte des dispositions protectrices à l’égard des « victimes » de la prostitution. Nous nous félicitons à cet égard de l’introduction d’un parcours de sortie de la prostitution.
Ces « victimes », ainsi qualifiées par le texte, sont en effet avant tout victimes du chômage et de la misère sociale en France ou ailleurs. Sortir de la prostitution nécessite de véritables perspectives d’avenir. Aider ces hommes et ces femmes à construire un projet d’insertion sociale et professionnelle, les accompagner dans leur parcours : là me semble la seule solution réaliste et efficace.
Le soutien à ce public très fragilisé se traduira notamment par l’institution, dans chaque département, d’une instance spécifique nouvellement créée pour coordonner et organiser l’action en faveur des victimes.
D’autres mesures sont à l’étude, comme le bénéfice possible d’autorisations provisoires de séjour ou la mise en place d’un fonds particulier à destination de la prévention de la prostitution et de l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées.
La sensibilisation des plus jeunes aux réalités de la prostitution est également un enjeu sociétal.
Au-delà des batailles de chiffres que ses proportions suscitent, force est de reconnaître que la prostitution estudiantine est en constante évolution. Le développement croissant des sites spécialisés témoigne de la réalité de cette nouvelle prostitution, qu’elle soit occasionnelle ou régulière.
Renseigner, informer nos jeunes sur tous les sujets et problématiques qu’impliquent les pratiques prostitutionnelles – je songe aux violences sexuelles, aux viols, au rapport au corps et à ses représentations, aux relations entre hommes et femmes – et les prévenir sont autant d’enjeux pour leur construction et leur éducation.
En outre, deux dispositions du présent texte ont cristallisé un certain nombre de tensions. Je reviens maintenant sur l’une et l’autre.
Premièrement, l’article 13 de cette proposition de loi, inchangé par la commission spéciale, abroge l’article 225-10-1 du code pénal. Introduite dans notre législation en 2003, cette disposition institue un délit de racolage passif.
Sur quels motifs se fonderait une telle suppression ?
Selon ses partisans, ce délit équivaudrait à une double peine. Dirigé à l’encontre des personnes prostituées, il pénaliserait des individus déjà très fragilisés, eux-mêmes victimes de la prostitution. Cette affirmation n’est pas totalement fausse.
Toutefois, abroger cette disposition, c’est oublier qu’elle est l’une des rares armes dont disposent les élus sur leur territoire. En effet, elle permet de justifier l’arrêt de toute sollicitation ou incitation à des relations sexuelles sur la voie publique qui – vous l’admettrez, je l’espère, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues – peuvent rapidement constituer un trouble à l’ordre public.