Intervention de Claudine Lepage

Réunion du 30 mars 2015 à 16h00
Prostitution — Discussion générale

Photo de Claudine LepageClaudine Lepage :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, disposant de peu de temps et les orateurs précédents ayant déjà exposé de nombreux points, j’irai à l’essentiel.

Le sujet complexe que nous abordons aujourd’hui suscite bien des passions. Et pourtant, nous avons tous dans cet hémicycle la volonté d’œuvrer pour mettre fin au fléau de l’exploitation de femmes et d’hommes à des fins sexuelles. C’est bien l’un des objets de cette proposition de loi. La question est de déterminer les moyens les plus efficaces.

Tel qu’adopté par les députés, dans un large consensus transpartisan, le texte comporte une vraie cohérence, manifestée par quatre piliers : renforcement de la lutte contre le proxénétisme, création d’un parcours de sortie de la prostitution, prévention et éducation, responsabilisation du client. Il s’agit donc bien d’agir auprès des trois acteurs : les réseaux, les prostituées et les clients.

Cessons l’hypocrisie : le client est le premier rouage du système prostitutionnel ; c’est bien son argent qui enrichit les réseaux, lesquels, pour satisfaire sa demande, mettent sur le trottoir toujours plus de prostituées. Tout est dit, suis-je tentée d’indiquer ! Il est illusoire de vouloir mettre fin à ce marché sans ouvrir les yeux de celui qui en est à l’origine : le consommateur.

Le législateur s’est saisi de ce sujet depuis de nombreuses années. Arrêtons de prétendre, comme je l’ai une nouvelle fois entendu récemment, qu’il faudrait encore du temps !

Le statu quo serait le pire des choix et constituerait un aveu d’incapacité dont nous n’avons vraiment pas besoin. La société a évolué. Un récent procès a révélé qu’il n’y avait pas deux prostitutions, comme on avait voulu nous le faire croire, l’une liée à la traite, esclavagiste et violente, et une autre, rebaptisée « travail du sexe » pour aseptiser la réalité de la marchandisation des corps. Quoi qu’il en soit, les prostituées sont tout autant humiliées, maltraitées, dominées. Dans toute relation marchande, le client est roi !

Oui, la prostitution est toujours une violence physique et psychologique. Dans plusieurs tribunes, dont l’une signée hier encore par le fondateur du SAMU social et de Médecins sans frontières, Xavier Emmanuelli, le généticien Axel Kahn, le psychiatre Christophe André, le gynécologue Israël Nisand, des médecins ont dû rappeler que la prostitution représentait bien un nombre incalculable et quotidien de pénétrations vaginales, anales et buccales non désirées.

Oui, la prostitution est une exploitation des inégalités sociales et économiques – plus de 90 % des prostituées sont d’origine étrangère – et de genre – 10 % des personnes prostituées sont des hommes, mais ceux-ci représentent 99% des clients.

Oui, la prostitution est une atteinte à la dignité humaine que le consentement de quelques-uns ne saurait suffire à justifier.

J’évoquerai plus tard plus précisément la nécessité de renverser la responsabilité entre la prostituée et le client. Je puis toutefois affirmer dès maintenant qu’une grande partie du groupe socialiste est derrière moi pour rétablir le texte, avec ses quatre piliers.

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