Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 30 mars 2015 à 16h00
Prostitution — Article 3

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cet amendement vise à mettre en cohérence les articles 3 et 6 de cette proposition de loi, après l’adoption, en juillet dernier, par la commission spéciale de la rédaction de ce nouvel article L. 316-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA.

En effet, la commission spéciale avait introduit l’automaticité de la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour pour les étrangers victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme, et porté la durée de cette autorisation de séjour à un an, contre six mois, modifications que notre groupe avait soutenues.

En cohérence, nous proposons que cette automaticité soit introduite à l’alinéa 7 de l’article 3.

Il serait en effet tout à fait incompréhensible que subsistent dans la proposition de loi deux rédactions différentes, et donc deux interprétations différentes, pour la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour aux personnes étrangères victimes de traite ou de proxénétisme.

Ce point est tout à fait primordial, car nous connaissons très bien les difficultés extrêmes, pour ne pas dire plus, que rencontrent déjà ces victimes pour faire valoir leurs droits à bénéficier des dispositions prévues à l’article L. 361-1 du CESEDA.

Ces dispositions sont très strictement encadrées. Les titres ne sont en effet que très rarement délivrés par les préfectures aux victimes de la traite ou du proxénétisme qui portent plainte et dénoncent les auteurs de ces infractions.

Selon les chiffres du ministère de l’intérieur, pointés par la CIMADE, trente-huit titres de séjour temporaire « vie privée et familiale » ont été délivrés à des victimes de la traite en 2013. Ce chiffre passe à cinquante-cinq pour l’année dernière. Quant à la délivrance d’une carte de résident, seule une victime de la traite en 2011 et quatre en 2012 ont pu en bénéficier, selon les chiffres présentés lors du Comité interministériel de contrôle de l’immigration, en 2012.

Cette délivrance au compte-gouttes traduit la méfiance, pour ne pas dire la suspicion des autorités administratives vis-à-vis des personnes qui déposent une demande de carte de séjour parce qu’elles ont été victimes de traite.

Cette réalité administrative est pourtant en contradiction flagrante avec les engagements déclinés dans le quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, présenté par le Gouvernement pour la période 2014-2016, dont l’une des trois grandes priorités consiste à « organiser l’action publique autour d’un principe d’action simple : aucune violence déclarée ne doit rester sans réponse. »

Elle est en contradiction aussi avec les engagements internationaux pris par la France, qui a ratifié la convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

De la parole aux actes, le chemin est souvent long ; c’est pourquoi je vous propose d’adopter cet amendement.

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