L’article 6 de la proposition de loi introduit des modifications significatives en matière de droit au séjour des personnes étrangères victimes de la traite ou de la prostitution ayant déposé plainte contre les auteurs de ces infractions.
Les modifications entérinées par la commission spéciale en juillet dernier sont très importantes, tant il est vrai que, sur le terrain, l’accès effectif à ce droit est particulièrement compliqué et contraint pour les victimes.
Pour vous faire mesurer ces difficultés, mes chers collègues, je vous exposerai un cas très concret et, malheureusement, toujours d’actualité : celui de quatorze femmes et hommes victimes de traite dans un salon de coiffure du 57, boulevard de Strasbourg, dans le Xe arrondissement de Paris. Mes collègues Laurence Cohen et Pierre Laurent et moi-même vous avons déjà saisie de leur situation, madame la secrétaire d’État, après en avoir avisé le Premier ministre, le ministre de l’intérieur, la garde des sceaux et le ministre du travail.
Ces personnes, majoritairement des femmes sans papiers, mènent depuis le mois de juin dernier une lutte exemplaire et difficile contre un système mafieux d’exploitation. Recrutées dans la rue par ceux qui les ont exploitées, soumises à des conditions de travail contraires à la dignité humaine, exposées à des produits cancérigènes et en situation de vulnérabilité, car démunies de titre de séjour, ces quatorze personnes ont eu, malgré tout, le courage de dire « stop ! ».
Elles ont commencé par se mettre en grève pendant quinze jours, occupant leur salon, et ce malgré les intimidations verbales et physiques, sans parler des menaces d’être « mises sur le trottoir » ; elles ont ainsi obtenu des contrats de travail, ainsi que le paiement de leurs salaires.
Elles ont ensuite eu le courage de déposer plainte auprès du procureur de la République de Paris pour des faits de traite d’êtres humains. Au terme de contrôles dont les conclusions ont été transmises au parquet de Paris, l’inspection du travail a estimé que « les éléments de constats relevés dans le procès-verbal pourraient permettre de caractériser le délit de traite des êtres humains ».
Or la préfecture de police de Paris a, pour toute réponse, envisagé un examen au cas par cas des demandes de régularisation, au regard de la seule circulaire du 28 novembre 2012, et non pas de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dont elle subordonne l’application à l’engagement de poursuites sur ce fondement par le procureur de la République. Or l’article lui-même ne prévoit pas cette condition et mentionne seulement le dépôt de plainte ; deux arrêts, rendus respectivement par la cour administrative d’appel de Bordeaux le 22 mars 2011 et par la cour administrative d’appel de Paris le 11 octobre de la même année, ont confirmé que l’engagement de poursuites n’était pas nécessaire.
Actuellement, seules cinq personnes sur les quatorze dont je parle ont pu bénéficier d’un titre de séjour ; encore est-ce seulement à raison de leur temps de présence en France, et non parce qu’elles ont déposé plainte pour traite d’êtres humains.
Toutes doivent désormais bénéficier de la protection déjà prévue dans la loi et renforcée par le présent article. Si cette protection ne leur bénéficiait pas, mes chers collègues, songez au signal envoyé aux victimes et aux réseaux de traite !