Cet amendement vise à supprimer l’article 13 et donc à réintroduire la pénalisation des prostituées.
Tout ça pour ça ? C’est la première phrase qui me vient à l’esprit !
Pourtant, je pense avant tout au devoir de responsabilité des législateurs : en décembre 2011, l’Assemblée nationale adoptait à l’unanimité la proposition de résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France.
Le 28 mars 2013, c’était au tour de la proposition de loi de Mme Benbassa d’être adoptée par le Sénat. Ce texte d’abrogation du délit de racolage se fondait sur le double constat de l’absence de contribution significative de ce délit à la lutte contre les réseaux de proxénétisme et de la stigmatisation et de la précarisation des personnes prostituées que sa création avait entraînées.
En décembre 2013, l’Assemblée nationale, en adoptant le texte que nous examinons aujourd’hui, renouvelait cette position abolitionniste.
Cet amendement représente donc un coup d’arrêt à la possible amélioration des conditions de vie des personnes qui se prostituent. C’est bien cette mesure qui les met en danger, les condamnant à la clandestinité et à l’isolement, en les éloignant, cela a été dit, des structures de prévention et de soins.
Comment à la fois reconnaître que la prostitution est une violence et traiter les personnes prostituées comme des délinquantes, et non comme des victimes que la société doit protéger et accompagner, ce qui permettrait d’instaurer un lien de confiance avec elles ?
Comment laisser perdurer cette mesure inique en dépit de la quasi-unanimité recueillie par l’annonce de la suppression du délit de racolage passif ? Je pense, par exemple, aux personnes qui se prostituent, aux associations qui travaillent à leur côté, aux élus et à nombre d’institutions sociales et sanitaires, mais aussi aux rapports de l’Inspection générale des affaires sociales, de 2011, du Conseil national du sida, et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme.
Comment poursuivre dans cette voie, alors que cette disposition a démontré son inefficacité en un peu plus de dix années d’application ? La proportion de prostituées étrangères a explosé, les réseaux sont donc de plus en plus puissants et nombreux. Christiane Taubira l’a encore souligné lors de son audition par la commission spéciale, la pertinence du délit de racolage comme outil de détection et de remontée des réseaux n’est pas avérée.
De surcroît, vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, deux moyens non spécifiques à la prostitution sont utilisés depuis longtemps pour limiter les troubles à l’ordre public et garantir la sécurité publique : la sanction de l’exhibition sexuelle et la possibilité pour les maires, au titre de leur pouvoir de police générale, de prendre des arrêtés municipaux interdisant ou restreignant la présence, la circulation, le stationnement de personnes prostituées sur la voie publique, là où cette présence est susceptible de créer des troubles à l’ordre public.
Au regard de tous ces éléments, le groupe socialiste votera contre le présent amendement. Je vous invite d’ailleurs, mes chers collègues, à faire de même.