À ce moment de l’examen du texte, nos débats portent sur la question du racolage passif, mais ils commencent aussi, c’est bien naturel, à faire le lien avec celle, que nous savons complexe, de la pénalisation des clients.
Nous voulions que cette proposition de loi revête une dimension éducative très forte, et ce afin de travailler à une prise de conscience dans la société. Il s’agissait de faire reconnaître que la prostitution est une violence qui s’inscrit dans un continuum beaucoup plus large de violences faites aux femmes. En cela, cette question a bien à voir avec l’égalité entre les hommes et les femmes.
L’une des grandes forces du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale était de faire reposer cette prise de conscience dans la société sur quatre piliers fondamentaux. La disparition d’un seul de ces piliers remettrait en cause tout l’exercice pédagogique que nous voulons conduire.
Le premier pilier, c’est la suppression du délit de racolage passif. Nous voulons faire reconnaître que ces femmes qui exercent la prostitution sont d’abord des victimes. Ce statut doit leur être reconnu, si l’on veut lutter contre leur fragilisation.
Le deuxième pilier est révolutionnaire : il s’agit, pour la première fois, de poser le principe d’un parcours de sortie de la prostitution, axé naturellement sur la formation, qui sera absolument nécessaire, sur la professionnalisation et l’accès à l’emploi, mais, plus largement, aussi sur un parcours de santé, afin que ces femmes puissent retrouver l’équilibre dont elles sont aujourd’hui privées.
Combien de femmes prostituées, y compris parmi celles qui affirment le faire « par choix », nous ont avoué qu’elles avaient perdu l’estime d’elles-mêmes ?
Troisième pilier, le parcours de sortie, dont nous savons qu’il s’agira nécessairement d’un processus long, aura besoin de financements.
Quatrième pilier, sans lequel l’ensemble n’aurait aucun sens, il faut pénaliser l’achat de services ou d’actes sexuels ! Il serait absurde de rétablir le racolage passif, ce qui revient à considérer la prostituée comme une délinquante, sans reconnaître que, s’il y a prostitution, c’est bien qu’il y a des acheteurs !
C’est sur ces quatre volets qu’il faut agir. À défaut, nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs : faire reconnaître que la prostitution est une violence aussi vieille que le monde !