Intervention de Roland Courteau

Réunion du 30 mars 2015 à 21h30
Prostitution — Article 16

Photo de Roland CourteauRoland Courteau :

Je considère pour ma part que la suppression de l’article 16 a vidé en partie de sa substance la proposition de loi. Il sera proposé de rétablir cet article qui instaure une pénalisation du client en prévoyant une contravention pour sanctionner le recours à la prostitution d’une personne majeure.

Cela a été déjà dit, cet article est indispensable à l’équilibre et à la cohérence du texte. Il s’agit de réaffirmer clairement la position abolitionniste de la France et d’affirmer concrètement que nul n’est en droit d’exploiter la précarité et la vulnérabilité d’une personne pour lui imposer un acte sexuel contre rémunération, ni de disposer du corps d’autrui.

Qui peut accepter cette domination du corps de l’autre par l’argent ? Qui peut accepter cette aliénation du corps humain ? En proposant de rétablir l’article 16, nous entendons enfin inverser les responsabilités. Nous estimons en effet que les personnes prostituées sont, pour la plupart, des victimes. Les responsables sont, bien sûr, les proxénètes, mais aussi les clients, que nous voulons dès lors sanctionner. Oserai-je les qualifier de « clients prostitueurs » ? Oui, sans hésitation, car ils participent à l’exploitation du corps humain, ce qu’il faut leur faire comprendre par la pénalisation.

Nous ne voulons plus continuer à accepter que, sous prétexte qu’un client a payé pour cela, il puisse disposer à sa guise du corps de la personne prostituée. Selon moi, ce sont les proxénètes et les clients qui mettent en péril la santé des personnes prostituées. Ce sont les clients qui prétendent pouvoir acheter un corps. Qui oserait accepter cette marchandisation des corps ? À partir du moment où l’on maintient le délit de racolage, il faut responsabiliser le client en le sanctionnant. Il s’agit d’établir un rapport de force en faveur des prostituées, qui sont en fait des victimes.

Il faut donc aller dans le sens de la responsabilisation du client, ce qui passe par sa pénalisation. Ce sera un signal fort adressé aux réseaux de proxénétisme, et je fais le pari que, en s’attaquant à la demande, on dissuadera efficacement les réseaux proxénètes d’investir sur un territoire où la législation nationale est moins favorable à la réalisation de profits criminels.

C’est pourquoi je voterai les amendements tendant à rétablir l’article 16, dont le dispositif s’inscrit tout à fait dans la logique du système abolitionniste français, qui vise à décourager la prostitution.

Rappelons que le protocole de Palerme et la convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, dite convention de Varsovie, demandent aux États de « décourager la demande », qui est à l’origine de la traite des êtres humains.

Comment se satisfaire de la situation actuelle, où les prostituées sont considérées comme des délinquantes et les clients comme des innocents ? Comment lutter contre les violences à l’égard des femmes ou œuvrer pour l’égalité entre les filles et les garçons si l’on maintient le droit pour les clients de la prostitution d’exploiter le corps de l’autre, moyennant quelque argent ? Certains nous disent qu’il faut lutter contre les archaïsmes : en voilà un, particulièrement indigne, que je veux combattre, par la responsabilisation du client et sa pénalisation ! C'est aussi comme cela que l’on reconnaîtra que la femme a une place égale à celle de l’homme !

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