Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 30 mars 2015 à 21h30
Prostitution — Article 16

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Allons-nous légiférer sur une situation générale ou sur quelques cas isolés ?

L’exemple de la politique menée depuis plus de quinze ans en Suède est invoqué tant par les partisans de la pénalisation du client que par ses adversaires. Toujours est-il que le commissaire de la brigade anti-prostitution de Stockholm que nous avons auditionné affirme que cette politique est efficace, notamment sur les mentalités. Aujourd’hui, il est socialement inacceptable en Suède d’acheter des prestations sexuelles. Dans ce pays, 70 % de la population est favorable à la pénalisation du client, et ce soutien est particulièrement fort parmi les jeunes. C'est bien la preuve que la loi peut faire évoluer les mentalités.

Il est à mon sens impossible de s’attaquer réellement au système prostitutionnel et à toutes les violences qu’il engendre sans pénaliser l’achat d’actes sexuels, c'est-à-dire sans affirmer une bonne fois pour toutes que les clients font partie de ce système.

Jean-François Corty, directeur des missions « France » de Médecins du monde, tient les propos suivants dans l’Humanité de ce jour : « Ce n’est pas parce qu’on aura pénalisé les clients que les prostituées auront à manger dans leur assiette. » Certes, mais qu’attend-on de cette loi ? Aujourd’hui, un certain nombre d’experts nous déconseillent de pénaliser l’acte sexuel tarifé, au motif que cette mesure ne répondrait pas à toutes les problématiques de la prostitution. Or il ne faut pas faire dire à ce texte plus qu’il ne veut dire : il doit permettre de marquer des jalons en vue de l’abolition du système prostitutionnel, en considérant tous les protagonistes comme des acteurs à part entière de la prostitution.

Refuser d’inclure les clients dans le système prostitutionnel, c'est nier la réalité de la prostitution. Quand j’entends dire que nous devrions prendre plus de temps pour travailler le texte, je me demande ce que nous avons bien pu faire depuis plus d’un an au Sénat, où deux commissions spéciales ont été constituées !

Sur cette question, il faut le dire, il y a un véritable désaccord entre nous : avons-nous, oui ou non, la volonté politique de faire quelque chose ? Pour ma part, j’estime qu’il est très important de rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale. Nous devons vraiment réfléchir aux conséquences de nos votes, car, après avoir réintroduit, à une voix près, le délit de racolage, le Sénat risque de vider cette proposition de loi de sa substantifique moelle s’il ne rétablit pas l’article 16.

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