Intervention de Catherine Génisson

Réunion du 30 mars 2015 à 21h30
Prostitution — Article 16

Photo de Catherine GénissonCatherine Génisson :

Je veux remercier chaleureusement l’actuel président de la commission spéciale et son prédécesseur, Jean-Pierre Godefroy, ainsi que la rapporteur, Michelle Meunier, qui ont su conduire les débats en nous incitant à toujours approfondir notre réflexion sans jamais chercher à nous influencer.

Bien que des positions divergentes s’expriment, tous les membres de la commission spéciale sont animés par la même exigence : lutter contre les réseaux et contre la prostitution, qui est un mal social dramatique, une forme d’esclavage moderne.

On le sait, les personnes prostituées sont à 97 % des femmes étrangères, « importées » dans différents pays pour satisfaire les besoins d’une traite des corps qui représente sans doute ce qu’il y a de moins honorable dans notre société.

Cela étant, nous avons auditionné des représentants de la minorité constituée de celles et ceux qui se revendiquent comme des travailleurs du sexe. Il faut les respecter, car ils sont respectables. Pour autant, je ne retiens pas l’argument du respect de la liberté, invoqué dans son propos liminaire par Mme Jouanno.

Je suis résolument engagée dans la lutte contre les dégâts causés aux femmes par la prostitution, qu’ils soient physiques, psychologiques ou sociaux. Je rappelle que cela peut aller jusqu’à la mort. Au cours de nos travaux, j’ai entendu les témoignages de tous les acteurs de ce combat, dans les domaines de la sécurité, de la justice, de la santé. J’ai été très marquée, en particulier, par celui des membres de la cellule de l’hôpital Ambroise-Paré qui, depuis vingt-cinq ans, lutte contre les dégâts de la prostitution. Tous ces professionnels nous ont déconseillé d’adopter une mesure de pénalisation des clients, parce qu’elle rendra encore plus clandestines, invisibles et solitaires les femmes qui pratiquent la prostitution dans les conditions les plus précaires.

De plus, le client, qui aura le sentiment de prendre des risques, aura des exigences encore plus inacceptables.

Certes, de grandes personnalités du monde médical comme les professeurs Axel Kahn et Israël Nisand se prononcent en faveur de la pénalisation du client. Leur avis est tout à fait respectable, mais je ne suis pas sûre qu’ils aient une profonde connaissance de la réalité du terrain. À cet égard, je suis plus sensible à la position de Xavier Emmanuelli, dont on sait l’engagement total dans le combat qui nous réunit aujourd'hui.

Quoi qu’il en soit, je ne suis pas convaincue que la pénalisation du client soit une mesure efficace. Je pense au contraire qu’elle peut être contre-productive, or ma position se fonde sur la recherche de l’efficacité.

Je n’ai pas non plus voté la réintroduction du délit de racolage. On me dira qu’il faut tout de même trouver des solutions. Nous nous accordons tous sur la nécessité d’assurer l’accompagnement social et la réinsertion des femmes prostituées, mais la question des moyens est essentielle : la lutte contre les réseaux de la prostitution suppose un engagement budgétaire et humain plus fort encore que celui qui est déjà consenti par le Gouvernement. J’ajoute que cette lutte doit être conduite à l’échelon européen.

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