Intervention de Claudine Lepage

Réunion du 30 mars 2015 à 21h30
Prostitution — Article 16

Photo de Claudine LepageClaudine Lepage :

L’article 16 ayant été supprimé par la commission spéciale, nous proposons de le rétablir tel qu’adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Il s’agit donc de restaurer le quatrième pilier de la proposition de loi, à savoir la création d’une infraction de recours à la prostitution d’une personne majeure punie de la peine d’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe. L’amendement tend également à punir la récidive contraventionnelle de ces faits, passible d’une amende de 3 750 euros. La progressivité de ce dispositif pénal vise à accompagner un changement sociétal en interdisant l’achat d’un acte sexuel, considéré comme une violence.

Cet article est indispensable à l’équilibre et à la cohérence du texte de loi. Il réaffirme clairement la position abolitionniste de la France et permet d’établir concrètement que nul n'est en droit d'exploiter la précarité et la vulnérabilité d’autrui ni de disposer de son corps pour lui imposer un acte sexuel contre rémunération.

La prostitution est un phénomène sexué qui contrevient au principe d’égalité entre les hommes et les femmes. En effet, si 85 % des 20 000 à 40 000 personnes prostituées en France sont des femmes, 99 % des clients sont des hommes. Dans les années 2000, les personnes prostituées étaient à 90 % de nationalité étrangère, alors que cette proportion n’était que de 20 % en 1990. Principalement originaires de Roumanie, de Bulgarie, du Nigeria, du Brésil et de Chine, ces personnes sont le plus souvent maintenues sous la coupe de réseaux de traite et de proxénétisme organisés et violents.

Les personnes prostituées sont victimes de violences particulièrement graves qui portent atteinte à leur intégrité physique et psychique, comme le démontrent les études réalisées sur ce sujet.

Ce constat heurte plusieurs principes fondamentaux de notre droit. En premier lieu, aux termes du préambule de la convention des Nations unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui du 2 décembre 1949, ratifiée par la France le 19 novembre 1960, « la prostitution et le mal qui l’accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine et mettent en danger le bien-être de l’individu, de la famille et de la communauté ».

En Suède, où, en application de la loi du 4 juin 1998, modifiée par la loi du 12 mai 2011, l’achat d’actes sexuels est puni d’une amende et d’une peine d’emprisonnement, la prostitution de rue a été divisée par deux en dix ans.

Par ailleurs, rien n’indique que la prostitution dans des lieux fermés ait augmenté dans ce pays du fait de l’interdiction, ni que des personnes qui se prostituaient autrefois dans la rue se soient repliées dans des lieux fermés pour exercer cette activité. Il n’existe pas non plus de preuves de l’existence d’un lien entre la pénalisation de l’achat d’actes sexuels et la hausse des violences subies par les personnes prostituées, contrairement à ce qu’avancent certains opposants à la présente réforme.

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