Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai écouté avec beaucoup d’attention les différents orateurs, que je remercie de leur contribution au débat.
Peut-on quantifier précisément les emplois non pourvus et, grâce à cela, avancer dans le traitement du chômage ? Parvenir à des données statistiques incontestables est excessivement difficile, car les méthodes d’analyse diffèrent et les choses évoluent très vite.
Je voudrais souligner que vous raisonnez comme si toutes les offres d’emploi étaient déposées à Pôle emploi, alors que 40 % seulement le sont aujourd’hui : rien n’oblige un employeur désirant recruter à s’adresser à Pôle emploi. Il existe, en effet, d’autres voies de recrutement : un chef d’entreprise peut, par exemple, solliciter son réseau relationnel. Cette situation ne remet d’ailleurs nullement en cause la qualité du travail accompli par le personnel de Pôle emploi.
C’est pour cette raison que nous allons mettre en place un « emploi store » afin de regrouper à Pôle emploi, grâce aux nouveaux outils numériques, un maximum d’offres d’emploi.
Par ailleurs, il est vrai que des processus de recrutement sont abandonnés. Cela concerne un tiers des PME.
J’ai le sentiment que, pour vous, les problèmes tiennent principalement à une insuffisance de la formation. Nous voulons agir au plus près du terrain, en mettant en place des formations en lien avec les régions et les branches professionnelles, ainsi que Pôle emploi lorsque c’est possible, afin de répondre au mieux aux demandes des entreprises. Comme l’a indiqué notamment M. Requier, 30 000 formations prioritaires ont été mises en place, puis encore 100 000 l’an dernier, pour répondre aux besoins de bassins d’emploi. Ce sont là des actions très concrètes, dans lesquelles Pôle emploi joue son rôle et qui donnent des résultats.
J’ajoute, à l’adresse de M. Watrin, que 4 000 emplois ont été créés en deux ans au sein de Pôle emploi : 2 000 en 2012 et autant en 2013. On ne peut donc pas affirmer qu’aucun effort n’a été fourni, puisque les effectifs sont passés de 45 000 à 49 000 agents. Pôle emploi, issu de la fusion des ASSEDIC et de l’ANPE, bénéficie d’une double culture, ce qui permet à ses personnels d’apporter des réponses au plus près de la réalité des situations, ce qui n’est pas forcément évident.
Cela a été souligné, les méthodes de calcul employées, en termes de mesure du chômage, ne sont pas toujours les mêmes. Ainsi, selon l’Union européenne et le Bureau international du travail, il y aurait 2, 9 millions de chômeurs en France, tandis que Pôle emploi recense 3, 5 millions de personnes inscrites en catégorie A. Pourquoi un tel écart, d’autant plus étonnant qu’il n’existait pas voilà quatre ans ? Cette question pourrait peut-être faire l’objet d’une prochaine proposition de résolution…
J’ai effectivement reçu M. Desessard au ministère, après qu’il eut oublié un premier rendez-vous ! §Cela témoigne de l’importance que j’accorde à cette question des emplois non pourvus, qui revient souvent dans l’actualité politique, à juste titre. En effet, il n’est pas acceptable qu’un nombre important d’emplois ne trouvent pas preneur dans le contexte économique difficile que nous connaissons.
Cela étant, l’existence d’emplois non pourvus est un phénomène normal sur le marché du travail, qui est animé par un flux permanent de créations et de destructions d’emplois. Pourvoir un poste prend nécessairement un certain temps.
En fait, la notion d’emploi non pourvu recouvre des réalités différentes : des vacances de poste sont liées au délai incompressible de recrutement, des offres d’emploi sont finalement retirées en raison de la disparition du besoin qui avait motivé leur dépôt, des recrutements sont annulés faute de candidats. À cet égard, l’enquête sur les besoins de main-d’œuvre du CREDOC fait apparaître les raisons qui peuvent entraîner le retrait d’une offre d’emploi.
Ce sont ces offres d’emploi retirées faute de candidats qui sont révélatrices des difficultés de recrutement des entreprises. Nous disposons tout de même d’outils statistiques fiables. Ainsi, selon la DARES, qui produit des enquêtes de grande qualité, monsieur Desessard, environ 300 000 recrutements échouent chaque année. Cela représente 1, 5 % des recrutements annuels, hors intérim.
Comment expliquer ces échecs ? Les employeurs avancent plusieurs raisons, en particulier le manque de candidats, le décalage entre les compétences attendues et les compétences disponibles.
Ces échecs se rencontrent surtout dans les PME et les TPE, qui ont souvent une faible expérience en matière de recrutement. Moins on recrute, plus on a de difficulté à recruter, plus on veut s’entourer de précautions… À l’inverse, plus l’entreprise est habituée à recruter, plus le risque d’échec est faible.
Deuxième question : comment identifier et répondre aux difficultés de recrutement ?
Les causes de ces dernières sont essentiellement de trois ordres : la difficulté de la mise en place des projets de recrutement et de l’identification des candidats disponibles ; l’inexpérience des recruteurs ; l’appariement assez complexe entre offre et demande pour des raisons de formation ou d’attractivité des métiers, point qui a tout particulièrement retenu votre attention, monsieur Desessard.
Pour proposer une réponse aussi adéquate que possible, il faut agir sur ces trois axes et donc éviter, comme vous avez tous pris soin de le faire, les postures qui réduisent le sujet à une simple inadéquation entre offres et demandes d’emplois ou à un manque de volonté des demandeurs d’emploi.
Ce projet de résolution tend à mettre en place, en matière d’emploi, un guide de pilotage statistique – autrement dit un GPS, ce qui témoigne d’un beau sens de la communication !