Monsieur le président, monsieur le ministre de la défense, mes chers collègues, l’UMP a souhaité ouvrir ce débat pour deux raisons.
En premier lieu, l’article 6 de la loi de programmation militaire – LPM – prévoit que celle-ci sera actualisée avant la fin de l’année 2015 afin de « vérifier, avec la représentation nationale, la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la (…) loi et les réalisations ».
En second lieu, à la suite des attentats terroristes que nous avons connus sur notre sol, le Président de la République a annoncé un certain nombre de mesures qui doivent trouver leurs traductions concrètes dans le budget dès cette année et qui sont susceptibles de modifier les objectifs de la LPM.
Le groupe UMP a toujours soutenu la politique de défense, quel que soit le gouvernement. Il n’y a donc pas de débat sur le fond entre nous, monsieur le ministre. Toutefois, une chose est de partager des objectifs et une autre est de se donner les moyens de les atteindre.
C’est sur ce point que portera mon propos, et je m’attacherai à poser des questions concrètes sur cinq sujets.
Le premier est l’engagement de nos forces.
Lorsque la LPM a été votée, notre retrait d’Afghanistan était acté, notre engagement au Mali aussi, mais notre engagement en Centrafrique ou en Irak n’était pas à l’ordre du jour. L’opération Barkhane, dans la bande sahélo-saharienne, se déroule désormais sur trois théâtres d’opérations : Mali, Tchad et Niger. En outre, la mobilisation d’effectifs sur le territoire national n’avait pas été décidée. Cela me conduit, monsieur le ministre, à vous poser plusieurs questions.
Compte tenu de cette modification du périmètre de nos engagements et alors qu’aucune perspective de retrait, hélas ! ne se dessine, envisagez-vous de revoir le contrat opérationnel de la LPM ?
Dès lors, pensez-vous que la trajectoire budgétaire de 31, 4 milliards d’euros pour la période 2014 à 2016, tant en fonctionnement qu’en investissement, est toujours réaliste au regard des besoins ? Et y a-t-il lieu de considérer que la légère augmentation du budget, qui est passé de 31, 7 milliards d’euros en 2017 à 32, 5 milliards d’euros en 2019, sera suffisante ?
Le deuxième sujet est le dispositif de sécurité mis en place à la suite des événements du début de l’année.
Le Président de la République a annoncé, en janvier, la mise en œuvre de l’opération Sentinelle sur le territoire national et, concomitamment, une révision à la baisse de la déflation des effectifs, mais sans préciser si cette dernière était liée à une mobilisation sur notre territoire ou constituait une réponse au prolongement de notre présence sur les théâtres extérieurs. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
Nous avons été saisis d’un décret d’avance pour le financement de l’opération Sentinelle, afin de doter les ministères de l’intérieur et de la justice de moyens renforcés. Très curieusement, bien que votre ministère – avec 10 000 personnes et les moyens dont elles disposent – soit fortement mobilisé, il n’est pas concerné par ce décret. Pouvez-vous nous dire pourquoi ?
Qu’en est-il exactement de la diminution des effectifs ? Initialement, la déflation devait être de 24 000 postes sur la période 2014-2019, en sus de ceux qui avaient été supprimés par la précédente LPM. Elle ne serait plus maintenant que de 16 500 postes, voire de 13 000 postes. Quelle est la traduction budgétaire de cette évolution ? La question se pose d’autant plus que, lors du vote de la LPM, il avait été indiqué que la baisse des effectifs permettrait de financer des équipements. Qu’en est-il au juste, car plus d’hommes c’est aussi plus d’équipements ?
On peut penser que ces moindres réductions vont toucher les sous-officiers et les hommes du rang, ce qui rend encore plus problématique le dépyramidage. Quelles armes vont être affectées par cette mesure ?
Enfin, devons-nous considérer ce nouveau format des effectifs comme un aménagement de la baisse des effectifs sans en remettre en cause le volume à l’horizon 2019, soit au terme de la LPM, ou bien s’agit-il d’une donnée nouvelle, qui s’inscrira au-delà de la LPM ?
Le troisième sujet concerne les OPEX, les opérations extérieures.
Tous les ans, nous avons le même débat. Une provision est inscrite, mais elle se révèle toujours insuffisante : 450 millions d’euros en 2013 pour 1, 1 milliard d’euros de dépenses, 450 millions d’euros en 2014 pour vraisemblablement 1, 2 milliard d’euros de dépenses, 450 millions d’euros en 2015 pour une somme qui, en fin de compte, avoisinera celle des années précédentes.
Ce n’est pas nouveau, mais peut-on continuer indéfiniment à sous-estimer la réalité financière et la réalité tout court ?
Je sais que la LPM prévoit que les surcoûts sont financés par la réserve interministérielle, présentée comme la garantie selon laquelle les autres ministères vont payer. Cela m’amène à trois considérations.
Au-delà des subtilités budgétaires et autres artifices de présentation, je ne vois pas l’intérêt de continuer, tant pour le budget des armées que pour celui de l’État dans son entier, à inscrire des crédits dont on sait qu’ils représentent le tiers seulement de la dépense réelle, qu’il faudra bien acquitter d’une façon ou d’une autre.
Je conteste la notion même de réserve interministérielle pour financer les OPEX, non seulement parce qu’il s’agit d’une dépense certaine, mais aussi parce qu’elle est constituée par le budget de chaque ministère au prorata de son importance dans le budget général. Chacun sait que, après l’éducation nationale et la charge de la dette, c’est le budget des armées qui pèse le plus lourd. Ainsi, on aboutit au paradoxe suivant : plus la défense est sollicitée, plus les moyens budgétaires qui lui sont alloués sont proportionnellement réduits.