Vous mettez à mal le maillage territorial actuel de l’accès au droit, dont je rappelle qu’il a été patiemment construit au fil des décennies, voire des siècles.
Le groupe UMP, grâce au travail scrupuleux et bien inspiré de notre collègue François Pillet, qui a été salué de toutes parts, a adopté une position équilibrée, en réécrivant le texte. La rédaction que nous proposons apporte des réponses pragmatiques tout en confortant le rôle des professions réglementées et en précisant les dispositions relatives à la réforme des juridictions.
Plusieurs dispositions risquaient de nuire à la sécurité des actes juridiques. Comme l’a rappelé M. le corapporteur, nous avons souhaité les corriger sur trois points majeurs.
D’abord, la compétence relative à la tarification des actes – cela a été l’un des points les plus discutés à l’Assemblée nationale – doit revenir au ministère de la justice, et non relever du code du commerce. En effet, les prestations juridiques ne peuvent pas être considérées comme des prestations commerciales et figurer dans le code du commerce.
Le Gouvernement est bien revenu à l’Assemblée nationale sur les dispositions créant un corridor tarifaire, mais pour les remplacer par un système trop complexe de remises sur les tarifs. Le fait que ces remises portaient seulement sur les actes moyens mettait en péril l’équilibre des études intermédiaires. Nous avons donc fait évoluer le dispositif, afin d’autoriser ces dernières sur des tarifs supérieurs à un certain plancher, sans plafond et en supprimant la fixité des remises.
Ensuite, l’extension du périmètre d’activité des experts-comptables risquait de nuire à l’équilibre des professions du droit. Monsieur le ministre, vous aviez choisi de remettre en cause la « théorie de l’accessoire » et l’équilibre résultant de la jurisprudence. Le groupe UMP entend faire respecter la règle existante du double accessoire, en rendant plus claire l’exclusion des prestations juridiques des actes des experts-comptables. Cela réduira les contentieux et garantira la qualité de conseils apportés aux clients dans les deux disciplines : chiffre et droit.
Enfin, à propos de l’interprofessionnalité, il nous est apparu essentiel de trouver un équilibre entre les différents domaines d’activités, en ayant comme exigence la nécessité de garantir l’indépendance des professions et l’exercice de leurs droits.
J’évoquais tout à l’heure certaines dispositions qui risquaient de mettre en péril l’accès des Français au droit et le maillage territorial. À nos yeux, les quatre propositions ambitieuses soumises par la commission spéciale vont dans un sens tout à fait favorable.
Premièrement, notre crainte était que le dispositif relatif à la postulation des avocats ne remette en cause le maillage territorial résultant de la carte judiciaire en vigueur et ne crée de véritables déserts juridiques, en incitant à des regroupements d’avocats auprès des barreaux situés au siège des cours d’appel. C’est pourquoi il nous est apparu nécessaire de faire en sorte que la mesure soit expérimentée à l’échelle de deux cours d’appel, puis fasse l’objet d’une évaluation avant d’être généralisée, le cas échéant.
Deuxièmement, le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale revient sur le principe de liberté d’installation des notaires, principe inscrit dans la loi, l’installation devant répondre à des critères cartographiques établis par les ministères de l’économie et de la justice, sur proposition de l’Autorité de la concurrence.
En réalité, cette liberté d’installation serait contrôlée et non garantie. De ce fait, le rapporteur a eu raison de donner compétence au seul ministre de la justice pour établir la carte délimitant les zones où l’installation de nouveaux offices est libre, l’Autorité de la concurrence n’ayant plus qu’un pouvoir d’avis, ce qui est plus conforme à ses attributions.
Le dispositif proposé par l’Assemblée nationale pour la carte d’installation distinguait seulement deux types de zones. Or, comme l’a rappelé François Pillet, cette distinction laisse de côté un troisième type de zones : celles où l’on ne constate pas de défaut de proximité ou d’offre de services. C’est donc le ministre de la justice qui détiendrait seul le pouvoir d’appréciation à réguler ou non l’implantation d’un office dans ce type de zones.
Par ailleurs, l’obligation d’indemnisation des concurrents répondant à une obligation constitutionnelle, il est pertinent que l’ensemble de la profession participe à l’installation de nouveaux offices et que cette obligation d’indemnisation soit prise en charge par le fonds de péréquation professionnelle.
Troisièmement, ce fonds de péréquation doit rester interne à la profession des notaires. Nous entendons donc supprimer son caractère interprofessionnel. L’affectation du fonds de péréquation à l’aide juridictionnelle nous a semblé relativement incongrue : cette création de « taxe » masquée risquait de nuire gravement à l’activité des études et ne présentait aucune cohérence en termes d’affectation.
Quatrièmement, il nous est apparu important de préciser les compétences de ces tribunaux de commerce pour connaître des procédures collectives, à l’exclusion des dispositifs et procédures de prévention des difficultés des entreprises pour les procédures impliquant des entreprises de plus de 250 salariés. Afin d’assurer un maillage territorial de plus grande proximité, nous ne pouvions pas accepter qu’il y ait moins d’un tribunal dans le ressort de chaque cour d’appel.
Monsieur le ministre, les représentants des professions réglementées nous ont indiqué être satisfaits des propositions formulées par la commission spéciale.
Je terminerai donc par une exhortation et même par une supplique : de grâce, prenez en compte le travail constructif mené au sein de la Haute Assemblée ! Peut-être même sera-t-il profitable à votre image et à la volonté que vous affichez. Il s’agit d’un travail constructif, avec un même objectif : moderniser le service rendu à tous les Français et ce, sur l’ensemble du territoire.