L’article 21 de la loi de modernisation de l’économie, la LME, de 2008 avait modifié l’article L. 441-6 du code de commerce relatif aux délais de paiement, avec pour objectif de réduire les délais de paiement interentreprises et de mieux sanctionner les abus.
Le rapport d’information fait par le Sénat en 2009 sur l’application de la LME montrait plutôt une incidence positive de cette nouvelle disposition. Aussi la commission spéciale pense-t-elle que revenir à la situation antérieure à 2008 constituerait une régression. C’est la raison pour laquelle elle émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1052.
Monsieur le ministre, votre amendement n° 1646, sans surprise, ne tend qu’à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, en limitant à neuf ans la durée des contrats conclus au sein des réseaux de distribution commerciale. Il vise également à prévoir que la résiliation du contrat d’affiliation entraîne la résiliation de l’ensemble des autres contrats qui y sont liés, afin d’améliorer la concurrence en matière d’affiliation des magasins indépendants à des grandes enseignes.
La commission spéciale, après de longs débats, a voté la suppression de l’article 10 A, car elle a identifié plusieurs problèmes qu’il était susceptible de poser. Pourtant, l’idée de renforcer la concurrence entre enseignes pour obtenir l’affiliation des commerçants indépendants est sans doute bonne.
Quels sont ces problèmes ?
Tout d’abord, le dispositif limite à neuf ans la durée d’affiliation pour l’ensemble des magasins, et pas seulement pour le commerce alimentaire, alors que, s’agissant du dispositif Lefebvre, l'Autorité de la concurrence ciblait plus spécifiquement son application aux commerces de grande distribution alimentaire. En l’occurrence, il y a une extension du champ concerné, puisque tout le commerce de détail serait concerné, alors que c’est dans le commerce alimentaire que se concentrent les difficultés. Or, à l’évidence, nous n’avons pas suffisamment de retour, ni d’étude d’impact pour pouvoir véritablement évaluer les effets de ce mécanisme sur les autres types de commerce.
Ensuite, je ne suis pas sûre que le dispositif change véritablement la donne. En effet, il ne me semble pas que le fait de remplacer une enseigne par une autre soit de nature à modifier vraiment les conditions de la concurrence. Je vous rappelle que l’Autorité de la concurrence a la possibilité, si une enseigne est en situation de position dominante, de la contraindre à céder certains points de vente.
Par ailleurs, les dispositions figurant dans l’amendement n° 1646 n’auront aucune conséquence sur les grands groupes de commerce intégrés, vous l’avez souligné. À l’inverse, elles perturberont le fonctionnement des groupes coopératifs, créant une distorsion de concurrence entre ces deux ensembles.
En outre, la durée d’affiliation est connue à l’avance par les acteurs. Si elle ne correspond pas aux investissements collectifs du groupe, les pénalités de sortie anticipée pourront être réduites, voire annulées, par le juge, qui, en cas de litige, veillera à l’équilibre des obligations des parties.
J’en viens au dernier point que la commission spéciale a voulu soulever concernant la concordance des durées des différents contrats : elle a observé que le cadre juridique actuel permettait déjà de la prévoir.
Je me permets de vous rappeler, monsieur le ministre, que la commission spéciale, lorsqu’elle a décidé de supprimer l’article 10 A, avait souhaité que les échanges puissent se poursuivre avec toutes les parties prenantes, afin d’aboutir à la présentation, en séance publique, d’un texte comportant des dispositions plus ciblées et moins perturbatrices pour le commerce franchisé, le commerce associatif et le commerce coopératif. Visiblement, en déposant un amendement tendant à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale, vous manifestez votre refus de tout dialogue sur ce sujet. Vous comprendrez donc que la commission spéciale émette un avis défavorable sur cet amendement.
Pour ce qui concerne enfin le sous-amendement n° 1700, je reconnais qu’il pourrait paradoxalement recueillir un avis favorable de la commission spéciale. Malheureusement, celle-ci n’a pas pu l’examiner, vous le savez bien, puisque vous en êtes membre, monsieur Vaugrenard.
Ce sous-amendement tend à exclure les coopératives et les associations du champ de l’article L. 341-1 qu’il est proposé d’introduire dans le code de commerce et qui impose un terme commun à tous les contrats liant un commerçant à son réseau d’affiliation. Un traitement spécifique doit en effet être réservé aux coopératives et aux associations de commerçants dont la forme juridique particulière n’est pas prise en compte par la rédaction proposée pour l’article précité. Ce sous-amendement vise donc à répondre à l’une des critiques formulées par la commission spéciale à l’encontre du dispositif adopté par l’Assemblée nationale que M. le ministre souhaiterait rétablir.
Ce type de réseau de distribution recourt parfois à des contrats à durée indéterminée ou à des contrats à durée déterminée tacitement reconductibles, accessoires à la qualité de sociétaire. Or cette forme de contrat est rendue impossible par la rédaction proposée pour l’article L. 341-1, raison pour laquelle elle n’est pas satisfaisante. Néanmoins, ce sous-amendement pose certaines difficultés, car il tend à exonérer purement et simplement les associations et les coopératives de l’interdiction de proposer à leurs membres une pluralité de contrats dont les termes ne coïncideraient pas. C’est pourquoi la commission spéciale, qui s’est opposée à l’adoption d’amendements visant à instaurer un dispositif analogue, s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.