Intervention de Claude Raynal

Réunion du 17 avril 2015 à 21h45
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 49

Photo de Claude RaynalClaude Raynal :

Monsieur le ministre, je vais être au regret de vous dire ce soir que, sur ce point, je ne partage pas votre position.

Je vous ai bien entendu, mais je n’ai trouvé aucun élément de réponse de nature à me rassurer. Comme vous le savez, j’ai bien suivi le dossier de Toulouse et j’ai beaucoup travaillé à cette question. Je vous le dis très clairement : je maintiendrai mon opposition et ma demande de suppression de cet article.

La question de l’Agence de participation de l’État, l’APE, ne me pose aucune difficulté. La gestion de ces participations doit se faire au mieux des intérêts de l’État. Ce dernier, c’est une évidence, a besoin d’argent pour investir dans le capital d’autres entreprises ; pourquoi, dès lors, ne pas trouver cet argent auprès de ces sociétés concessionnaires ? Moi, je n’ai pas d’états d’âme avec l’idée que vous autorisiez par décret la vente de ce dont vous n’avez pas besoin, à savoir 49, 9 % des actions.

De quoi parle-t-on en fait ? D’un gain d’environ 1, 5 milliard d’euros. Si l’on compte 300 millions d’euros pour Toulouse, je veux bien croire que c’est davantage pour les autres aéroports, qui sont plus importants. Partons de ce chiffre : entre le décret autorisant la vente de 49, 9 % des actions que vous pouvez prendre aujourd’hui et votre projet de céder 60 % du capital de ces sociétés, la différence est de 16 %, soit 200 millions d’euros.

Sur ce dossier – je parle bien des trois aéroports –, nos discussions portent sur 200 millions d’euros seulement. Que vous vendiez pour 1, 3 milliard d’euros de participations ne pose aucun problème. Vous pouvez d’ailleurs encore le faire en cet instant.

Si vous en passez par la loi, c’est que vous voulez céder plus de 50 % du capital de ces sociétés. Pourquoi faut-il que l’État vende 60 % de ces actions alors qu’avec ces 10 % en sus des CCI et des participations des départements, régions et métropoles nous pourrions conserver le contrôle public de la structure ? C’est d’ailleurs tout ce que je demande : que l’État garde ce contrôle à travers 50, 01 % des actions.

Un autre de vos arguments me convient encore moins. Vous avez salué la vente de l’aéroport de Toulouse pour 308 millions d’euros en soulignant qu’il rapportait 1, 5 million d’euros par an, soit 45 millions sur les trente ans de la concession.

Mais dans ces conditions, comment l’acheteur va-t-il rentabiliser son investissement ? Il va devoir modifier sensiblement l’exploitation de l’aéroport, notamment à travers l’ouverture de lignes supplémentaires. Pour un simple retour sur investissement, le concessionnaire va devoir faire passer la rentabilité de l’aéroport de 1, 5 million d’euros par an à quelque 10 millions d’euros par an – une paille ! –, et donc la multiplier par six ou sept, sans parler même des gains à réaliser.

Les aéroports vont donc ouvrir de nouvelles lignes. Nous savons que Etihad Airways et Emirates sont demandeuses depuis longtemps, et que des compagnies chinoises désireuses de se développer sur nos plateformes régionales sont également intéressées. Pourquoi pas ?

Toutefois, cela signifie qu’il va falloir arbitrer entre, d’une part, la défense du pavillon Air France que vous évoquiez à l’instant – c’est-à-dire continuer de privilégier le hub de Roissy – et, d’autre part, le développement de hubs régionaux pour ces compagnies-là.

Vous dites que l’arbitrage sera fait par la DGAC. Mais cette dernière sera-t-elle vraiment en mesure de trancher ? L’État, après avoir vendu si cher – 308 millions d’euros pour l’aéroport de Toulouse –, pourra difficilement s’opposer à l’ouverture de nouvelles lignes.

Pour conclure, monsieur le ministre, je vous redis que j’aurais préféré que l’État garde le contrôle global de l’opération, car il doit mener de front trois objectifs : la défense du pavillon français à travers Air France, la défense des industriels – et notamment d’Airbus – liée à l’exploitation de nouvelles routes en raison de la pression des compagnies aériennes, et le développement des aéroports.

En accueillant des partenaires nouveaux dans chacun de ces aéroports, vous risquez de gripper un mécanisme qui doit rester sous la maîtrise de l’État, seul à même de concilier ces trois intérêts différents.

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