Intervention de Christian Blanc

Réunion du 6 avril 2010 à 15h00
Grand paris — Discussion générale

Christian Blanc, secrétaire d'État :

Permettez-moi également de rappeler que l’État, sur la totalité du territoire, peut et doit exercer ses compétences relatives à l’intérêt national chaque fois qu’il l’estime nécessaire. Je constate d’ailleurs que, dans la région d’Île-de-France comme partout ailleurs, nul ne conteste cette légitimité à agir. C’est dans le cadre de cette compétence d’intérêt national que le Gouvernement a saisi le Parlement de ce projet de loi sur le Grand Paris.

Ce sera donc en visant à rendre complémentaires leurs efforts dans le cadre de leurs compétences respectives et avec leurs moyens propres que, sans confondre leurs missions, l’État et la région, ensemble, pourront réaliser le plus rapidement possible le projet du Grand Paris, au service d’une ambition nationale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le monde dans lequel nous vivons change très vite. Ces transformations suscitent des inquiétudes chez nos concitoyens, qui en mesurent précisément les risques, sans en saisir les éventuelles promesses. Ils ont l’impression que la France n’a plus de prise sur les évolutions du monde. Comme si nous étions collectivement incapables de répondre aux grandes questions qui se posent à nous : comment être compétitifs sans abdiquer notre modèle social ? Comment développer notre industrie sans sacrifier notre environnement ? Comment placer la culture et la qualité de vie qui caractérisent l’identité française au cœur de notre société ? Avons-nous les potentiels et les modes d’organisation qui nous permettent, collectivement, d’entrer dans le nouveau monde du XXIe siècle ?

Hier, le monde, tel que l’a décrit Fernand Braudel, s’appelait la mer Méditerranée. Ensuite, il fut européen, s’étirant de Venise à Bruges, et c’est dans cet espace, au contact des foires de Champagne, que Paris se mit à rayonner. Puis, ce furent les deux rivages de l’Atlantique, entre l’ancien et le nouveau monde, entre Londres, Paris et Amsterdam, d'une part, et New York, d'autre part.

Notre peuple a rayonné dans chacune de ces histoires du monde. Aujourd’hui, ce dernier se déplace entre les deux rives du Pacifique, entre les États-Unis et la Chine, entre San Francisco-Los Angeles et Shanghai-Tokyo. Et dans ce monde-là, nous nous interrogeons sur le rôle et la place de la France et de l’Europe.

Notre chance – nous ne l’avons pas encore suffisamment compris –, c’est que nous disposons des potentiels du XXIe siècle dominé par l’économie de la connaissance et de l’innovation. Les villes-monde sont les plates-formes où s’opèrent les échanges de cette économie.

Les villes-monde sont les lieux de convergence du savoir, de l’innovation et de la création. Elles sont les centres névralgiques des activités économiques, financières, mais aussi scientifiques, technologiques et culturelles. Paris se trouve encore dans le peloton des quatre premières villes-monde, avec New York, Londres et Tokyo, mais dans la ligne de mire de Shanghai et de Bombay.

Aujourd’hui, les flux d’échanges sont multipliés. Ils s’étirent aux dimensions de la planète. Les villes-monde autour desquelles ces échanges s’organisent ont atteint une intensité inédite. Parmi elles, Paris figure encore au premier rang. Mais pour combien de temps ?

Deux mille ans d’histoire nous ont légué une ville superbe, mais une métropole mal adaptée aux défis du XXIe siècle. Si nous ne prenons pas les bonnes décisions ou si nous ne nous donnons pas les moyens d’agir, Paris sera rapidement distancée dans la compétition.

Si le Grand Paris est une ville-monde rayonnante et dynamique, il attirera sur le pays les échanges de biens, d’investissements et d’intelligence. Fonctionnant en réseau avec toutes les villes de France, c’est un système d’enrichissement mutuel permanent. Toutes les villes de France seront renforcées par la puissance du Grand Paris.

À l’inverse, si nous laissons la métropole parisienne perdre doucement des points chaque année, si nous nous résignons à ce que, à travers sa capitale, la France ne soit plus présente parmi les lieux qui déterminent l’avenir, alors c’est tout le pays qui en paiera le prix. La croissance que nous n’impulserons pas ici ne se reportera pas ailleurs ; elle sera perdue avant même d’exister.

La matière grise et les investissements que nous n’aurons pas su attirer se porteront sur Shanghai, Sidney ou San Francisco. Plus grave, les circuits des échanges, matériels et immatériels, traceront leurs sillons en dehors de notre pays.

C’est donc un enjeu stratégique majeur. Paris est un grand potentiel pour notre pays dans l’économie-monde d’aujourd’hui. L’enjeu est d’intérêt national.

« La sagesse suprême », écrivait Faulkner, « est d’avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre du regard tandis qu’on les poursuit ». Cette phrase s’applique bien à l’ambition que nous voulons donner au Grand Paris. Mais celle-ci n’est pas seulement un rêve ; c’est un projet concret, réaliste, cohérent, solide. C’est un changement auquel nous pouvons croire.

Nous devons bâtir un projet global de développement, qui plonge ses racines et puise sa force dans le territoire, dans le génie des hommes et des lieux. Nous devrons bâtir en une génération une capitale internationale des échanges, une ville-monde du savoir et de la création, une métropole de l’art de vivre.

Le Grand Paris sera une capitale internationale, parce qu’elle sera ouverte sur le monde.

La dynamique des villes-monde repose sur leur capacité à concentrer et à valoriser des flux immatériels, mais aussi à générer une capacité exceptionnelle dans les flux matériels. Le Grand Paris sera une ville-monde, parce qu’il en a la taille, l’importance et la diversité, et parce qu’il sera ouvert au monde entier.

Avec Le Havre, Rouen et Caen, articulations de Paris sur l’océan, avec le projet du territoire de la Confluence, là où la Seine, l’Oise et le canal Seine-Nord se rejoignent, la région-capitale s’ouvre sur le grand large et acquiert enfin sa façade maritime.

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