La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
La séance est reprise.
(Texte de la commission)
Au nom de mon groupe, je demande solennellement le retrait de l’ordre du jour de ce projet de loi illégitime, élaboré au mépris de la démocratie locale et de l’article 1er de la Constitution aux termes duquel notre République est décentralisée, au mépris de la place et du rôle que la Haute Assemblée, chambre représentative des collectivités locales, occupe dans l’élaboration de la loi quand il s’agit de l’organisation territoriale, au mépris enfin de la volonté exprimée lors des dernières élections régionales par le peuple souverain lequel, rejetant la liste qui portait ce texte, a confirmé l’équipe de M. Huchon, qui s’y opposait avec la plus grande fermeté.
En effet, la création du secrétariat d’État chargé du développement de la région-capitale et la mise en chantier par celui-ci, sans aucune concertation, du projet de loi relatif au Grand Paris, viennent remettre en cause le principe posé à l’article 1er de la Constitution et les instruments d’action qui permettent de le faire vivre.
Le schéma directeur de la région d’Île-de-France, ou SDRIF, issu d’une très large concertation menée avec l’ensemble des collectivités et définitivement adopté par l’assemblée régionale le 25 septembre 2008, n’a toujours pas été transmis au Conseil d’État. Malgré des assurances publiques, le projet de métro automatique, dit « Grand huit », apparaît comme concurrent, ne serait-ce qu’au titre des financements de l’État, du plan de mobilisation régional, qui a été élaboré par la région avec Paris et les conseils généraux.
Approuvé par le conseil régional le 18 juin 2009, le protocole d’intention passé avec la Ville de Paris, l’ensemble des conseils généraux d’Île-de-France et le STIF, le syndicat des transports d’Île-de-France, représente un investissement de 18 milliards d’euros destiné à répondre aux principales urgences.
Monsieur le président, mes chers collègues, vous êtes tous attachés à la place spécifique de la Haute Assemblée. Or, comme vous le savez, M. Jean-Pierre Bel, au nom des membres de mon groupe, vous a adressé une lettre pour vous alerter et pour souligner qu’il n’était pas admissible, en vertu de l’article 39 de la Constitution – « Les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat » –, que le présent texte soit examiné d’abord par l’Assemblée nationale.
En outre, le Gouvernement a décidé l’urgence, nous privant ainsi d’un débat parlementaire digne de ce nom.
On parle de procédure accélérée depuis la dernière révision constitutionnelle !
Le recours à la procédure d’urgence pour délibérer d’un projet devant se concrétiser « dans vingt ans » prêterait à rire si ce n’était de l’avenir des Franciliens qu’il s’agissait ! Est-ce là votre conception de la revalorisation – je sais que vous y êtes attachés – du Parlement en général et du Sénat en particulier ?
Monsieur le secrétaire d'État, vous n’ignorez pas le vote exprimé par les Franciliens voilà deux semaines à peine. Certains dans notre pays se sont interrogés sur la part prise respectivement dans ce scrutin par la volonté nationale et les intentions locales. S’il y a un endroit où tout fut entremêlé, fusionné même, c’est bien l’Île-de-France ! Mme Pécresse a tout de suite placé sa campagne sous le signe de votre projet de loi. Ministre elle-même, d’autres membres du Gouvernement figuraient également sur sa liste. C’est elle qui a demandé aux Franciliens de soutenir le projet du Président de la République.
Le chef de l’État qui, rappelons-le, n’avait pas défendu ce projet devant les électeurs lors des élections présidentielles en 2007, a reçu Mme Pécresse à l’Élysée, en pleine campagne pour les élections régionales, afin de l’assurer de son soutien !
Le résultat est sans appel : 43 % pour le Grand Paris, qui d'ailleurs n’a de grand que le nom, 57 % pour M. Huchon, dont le projet régional, ainsi validé par les électeurs, s’oppose à celui du Gouvernement !
Le vote d’une nette majorité de Franciliens, vous ne l’écoutez pas non plus !
Voilà pourquoi, au nom de mon groupe, je me permets de vous redire, en pesant mes mots, que votre projet de loi est illégitime, et je vous demande de le retirer. Si vous ne le faites pas, au moins levez l’urgence et donnez le temps au débat, surtout avec les collectivités locales.
En effet, ce « Grand huit » ressemble plutôt à un manège infernal ou à un train fantôme, avec en prime un saut à l’élastique dans le vide. Et encore, permettez-nous de douter qu’il y a bien un élastique !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le sénateur, je répondrai d’un mot à la partie de votre questionnement qui m’était adressée.
Tout d’abord, après avoir été saisi, notamment par les membres du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, j’ai interrogé le Premier ministre sur l’objet visé par ce texte. Cette question a été examinée en conférence des présidents. Aujourd'hui, ce point est clair.
Ensuite, on laisserait croire que nous n’avons pas travaillé. La commission spéciale, qui a été créée pour l’occasion – je le dis devant son président et son rapporteur –, a procédé à plus de cinquante auditions, consacré sept heures à l’examen des amendements, réalisé des déplacements sur le terrain, notamment en se rendant sur le plateau de Saclay puisque celui-ci suscitait un certain nombre d’interrogations. Elle a également tenu plusieurs tables rondes. Quant à la conférence des présidents, dans le cadre de la prévisibilité qu’elle s’efforce d’apporter à nos débats, elle a réservé près de vingt-huit heures de séance publique à ce texte. Vous voyez combien nous attachons d’importance aux travaux du Parlement !
Je crois savoir que deux motions et deux cent quatre-vingt-neuf amendements ont été déposés sur ce texte, dont le Sénat pourra donc débattre largement.
Enfin, il ne m’a pas échappé que les dispositions d’une quinzaine d’amendements qui avaient été déposés à l’Assemblée nationale par des groupes d’opposition ont été reprises telles quelles par la commission spéciale et figurent donc dans ce texte, dans son état actuel.
Telle est la réponse que je pouvais vous apporter en ce qui concerne la valorisation du Parlement et de son travail.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite d'abord remercier tous les membres de votre commission spéciale, qui, tout au long de nos discussions et des nombreuses auditions, ont contribué de manière très constructive à l’amélioration de ce projet de loi.
Mes remerciements s’adressent tout particulièrement au président de la commission spéciale, M. Jean-Paul Emorine, et au rapporteur de cette dernière, M. Jean-Pierre Fourcade, pour leur exigence et leur engagement au service de ce texte relatif au Grand Paris.
Notre débat intervient deux semaines après les élections régionales.
Vous me permettrez de rappeler brièvement ce que j’ai déclaré devant la commission spéciale, à savoir que le projet de loi qui vous est présenté était en tous points respectueux des compétences de la région et ne contestait en rien la légitimité de l’exécutif régional.
Permettez-moi également de rappeler que l’État, sur la totalité du territoire, peut et doit exercer ses compétences relatives à l’intérêt national chaque fois qu’il l’estime nécessaire. Je constate d’ailleurs que, dans la région d’Île-de-France comme partout ailleurs, nul ne conteste cette légitimité à agir. C’est dans le cadre de cette compétence d’intérêt national que le Gouvernement a saisi le Parlement de ce projet de loi sur le Grand Paris.
Ce sera donc en visant à rendre complémentaires leurs efforts dans le cadre de leurs compétences respectives et avec leurs moyens propres que, sans confondre leurs missions, l’État et la région, ensemble, pourront réaliser le plus rapidement possible le projet du Grand Paris, au service d’une ambition nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le monde dans lequel nous vivons change très vite. Ces transformations suscitent des inquiétudes chez nos concitoyens, qui en mesurent précisément les risques, sans en saisir les éventuelles promesses. Ils ont l’impression que la France n’a plus de prise sur les évolutions du monde. Comme si nous étions collectivement incapables de répondre aux grandes questions qui se posent à nous : comment être compétitifs sans abdiquer notre modèle social ? Comment développer notre industrie sans sacrifier notre environnement ? Comment placer la culture et la qualité de vie qui caractérisent l’identité française au cœur de notre société ? Avons-nous les potentiels et les modes d’organisation qui nous permettent, collectivement, d’entrer dans le nouveau monde du XXIe siècle ?
Hier, le monde, tel que l’a décrit Fernand Braudel, s’appelait la mer Méditerranée. Ensuite, il fut européen, s’étirant de Venise à Bruges, et c’est dans cet espace, au contact des foires de Champagne, que Paris se mit à rayonner. Puis, ce furent les deux rivages de l’Atlantique, entre l’ancien et le nouveau monde, entre Londres, Paris et Amsterdam, d'une part, et New York, d'autre part.
Notre peuple a rayonné dans chacune de ces histoires du monde. Aujourd’hui, ce dernier se déplace entre les deux rives du Pacifique, entre les États-Unis et la Chine, entre San Francisco-Los Angeles et Shanghai-Tokyo. Et dans ce monde-là, nous nous interrogeons sur le rôle et la place de la France et de l’Europe.
Notre chance – nous ne l’avons pas encore suffisamment compris –, c’est que nous disposons des potentiels du XXIe siècle dominé par l’économie de la connaissance et de l’innovation. Les villes-monde sont les plates-formes où s’opèrent les échanges de cette économie.
Les villes-monde sont les lieux de convergence du savoir, de l’innovation et de la création. Elles sont les centres névralgiques des activités économiques, financières, mais aussi scientifiques, technologiques et culturelles. Paris se trouve encore dans le peloton des quatre premières villes-monde, avec New York, Londres et Tokyo, mais dans la ligne de mire de Shanghai et de Bombay.
Aujourd’hui, les flux d’échanges sont multipliés. Ils s’étirent aux dimensions de la planète. Les villes-monde autour desquelles ces échanges s’organisent ont atteint une intensité inédite. Parmi elles, Paris figure encore au premier rang. Mais pour combien de temps ?
Deux mille ans d’histoire nous ont légué une ville superbe, mais une métropole mal adaptée aux défis du XXIe siècle. Si nous ne prenons pas les bonnes décisions ou si nous ne nous donnons pas les moyens d’agir, Paris sera rapidement distancée dans la compétition.
Si le Grand Paris est une ville-monde rayonnante et dynamique, il attirera sur le pays les échanges de biens, d’investissements et d’intelligence. Fonctionnant en réseau avec toutes les villes de France, c’est un système d’enrichissement mutuel permanent. Toutes les villes de France seront renforcées par la puissance du Grand Paris.
À l’inverse, si nous laissons la métropole parisienne perdre doucement des points chaque année, si nous nous résignons à ce que, à travers sa capitale, la France ne soit plus présente parmi les lieux qui déterminent l’avenir, alors c’est tout le pays qui en paiera le prix. La croissance que nous n’impulserons pas ici ne se reportera pas ailleurs ; elle sera perdue avant même d’exister.
La matière grise et les investissements que nous n’aurons pas su attirer se porteront sur Shanghai, Sidney ou San Francisco. Plus grave, les circuits des échanges, matériels et immatériels, traceront leurs sillons en dehors de notre pays.
C’est donc un enjeu stratégique majeur. Paris est un grand potentiel pour notre pays dans l’économie-monde d’aujourd’hui. L’enjeu est d’intérêt national.
« La sagesse suprême », écrivait Faulkner, « est d’avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre du regard tandis qu’on les poursuit ». Cette phrase s’applique bien à l’ambition que nous voulons donner au Grand Paris. Mais celle-ci n’est pas seulement un rêve ; c’est un projet concret, réaliste, cohérent, solide. C’est un changement auquel nous pouvons croire.
Nous devons bâtir un projet global de développement, qui plonge ses racines et puise sa force dans le territoire, dans le génie des hommes et des lieux. Nous devrons bâtir en une génération une capitale internationale des échanges, une ville-monde du savoir et de la création, une métropole de l’art de vivre.
Le Grand Paris sera une capitale internationale, parce qu’elle sera ouverte sur le monde.
La dynamique des villes-monde repose sur leur capacité à concentrer et à valoriser des flux immatériels, mais aussi à générer une capacité exceptionnelle dans les flux matériels. Le Grand Paris sera une ville-monde, parce qu’il en a la taille, l’importance et la diversité, et parce qu’il sera ouvert au monde entier.
Avec Le Havre, Rouen et Caen, articulations de Paris sur l’océan, avec le projet du territoire de la Confluence, là où la Seine, l’Oise et le canal Seine-Nord se rejoignent, la région-capitale s’ouvre sur le grand large et acquiert enfin sa façade maritime.
Avec les aéroports de Roissy, d’Orly, mais aussi du Bourget, le Grand Paris est relié au monde. Avec le nouveau réseau de transport automatique, c’est tout le territoire de la métropole, et pas seulement le cœur de la capitale, qui sera relié aux aéroports.
Le Grand Paris sera aussi connecté avec les gares nationales et européennes et avec la voie de chemin de fer à grande vitesse vers l’Ouest.
Le Grand Paris sera un pôle magnétique des routes du monde. Par sa position de carrefour des routes et des voies, il pourra être au cœur des échanges, des flux de marchandises et de toutes les formes d’activités commerciales, mais aussi d’idées, de cultures et des événements qui façonnent le monde moderne.
Capitale internationale d’échanges, le Grand Paris deviendra également une ville-monde du savoir, de la création et de l’innovation.
Les territoires du Grand Paris sont riches de multiples talents. Mais tous ces talents, cette intelligence et cette énergie se trouvent souvent isolés et ne bénéficient pas de l’environnement adéquat qui leur permettrait d’être efficaces.
Cet environnement qu’il faut créer, c’est la rencontre entre les petites et les grandes entreprises, entre le monde académique et les start-up, entre les recherches fondamentale et appliquée, entre un marché et un territoire.
Cet environnement, c’est un écosystème qui permet à la richesse commune de croître. Pour permettre la croissance, il n’y a pas de vérités absolues, pas de recettes toutes faites qu’il suffirait d’appliquer pour entraîner la croissance. Mais il existe quelques repères, qu’il n’est pas inutile de garder en mémoire.
Prenons le cas du cluster de la fleur coupée près de Rotterdam.
Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG.
Autre exemple plus récent, deux étudiants de Stanford cherchaient une mise de fonds pour développer un moteur de recherche Internet à partir d’un projet qu’ils avaient monté en classe. Quelques anciens élèves de l’université, dont le fondateur de Sun Microsystems, leur ont fait confiance, parce qu’ils connaissaient ces jeunes pour les avoir croisés dans des ateliers, des séminaires et des conférences. Les investisseurs ont fait ce pari, car l’innovation, l’enseignement, la création d’entreprises et la finance fonctionnaient ensemble, au même endroit, ce qui permettait les rapports humains.
Sans cette capacité d’investissement territorialisée, la mise de départ pour lancer la commercialisation et les développements de seconde génération d’Internet aurait-elle été réunie ? Peut-être... Sans les interactions entre l’université et les entreprises, ces deux étudiants auraient-ils vu les applications possibles de leur procédé ? Peut-être… Sans la culture de l’innovation de ce territoire, auraient-ils choisi comme sujet, pour leur dossier scolaire, le nombre de liens entrants comme mesure de la pertinence d’une page sur Internet ? Peut-être… Oui, peut-être que Google, puisqu’il s’agit de cette société, dont le chiffre d’affaires s’élevait à 24 milliards de dollars en 2009, aurait existé sans Stanford !
Mme Dominique Voynet et M. Jean-Pierre Caffet protestent.
Mais, plus sûrement, il faut reconnaître que c’est à partir des échanges entre ces acteurs réunis sur un même territoire que procèdent l’innovation et la croissance. Dans ce monde de la connaissance, permettez-moi d’affirmer que le territoire est non pas le cadre de l’économie, mais son moteur !
Les nouveaux modes de production du XXIe siècle sont là.
Certes, comme le disait Alphonse Allais
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.
Dans le projet du Grand Paris, les territoires sont les piliers du développement. Ils sont les cœurs battants d’une métropole multipolaire. Le nécessaire rééquilibrage entre Paris et ses banlieues passe, certes, par le développement de grandes polarités urbaines.
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Notre région-capitale est riche d’un héritage historique, d’un patrimoine écologique et de traditions industrielles. Elle est riche de talents, du génie de sa population, des savoir-faire et des compétences de ses habitants, de leur jeunesse.
C’est sur ces territoires, grâce à leur population et leur histoire, que se bâtira le Grand Paris. C’est sur leur caractère propre que reposent les projets qui sont autant de centres de gravité de cette métropole de dix millions d’habitants.
Ces territoires de projet se construiront autour d’histoires partagées et de potentiels réalisés. Ce sont ces histoires qui confèrent à chaque territoire de projet son esprit, sa marque et, demain, sa lisibilité mondiale.
À ce stade du projet du Grand Paris, nous avons identifié neuf territoires de projet, qui seront les grands axes du développement de la région-capitale.
Il existe, au Nord, sur un grand secteur autour de Pleyel, le territoire de la création. Tous les arts et artisanats, mais aussi toutes les formes de création, notamment numérique, y trouveront leur capitale. Ce territoire de la création devra être un lieu foisonnant, qui communiquera sa vitalité à tout le Grand Paris.
À l’Est, autour de la Cité Descartes, le Grand Paris va se doter d’un pôle d’excellence sur la ville en mouvement.
Ce sera le lieu de conception et d’expérimentation des villes durables. Les nouveaux usages, les nouveaux matériaux et les nouvelles technologies des villes du monde seront inventés et appliqués sur ce territoire. Il sera sa propre vitrine et son premier champ d’application avec le territoire voisin de Clichy-Montfermeil.
Quant au plateau de Saclay, il dispose de tous les potentiels pour devenir une référence mondiale de l’ampleur de la Silicon Valley. Mis en réseau avec les grands pôles de la région-capitale, dont Paris au premier rang, la puissance technologique et scientifique de ce territoire peut être considérable.
Outre ces trois territoires de projet que nous pouvons citer en exemple et qui sont situés au Nord, à l’Est, au Sud-Ouest, le Grand Paris comprend aussi Le Bourget, la future ville-cœur du nord de la métropole.
Il englobe également un grand territoire de 250 000 habitants, oublié depuis vingt ans, regroupant les communes d’Aulnay-sous-Bois, Sevran, Livry-Gargan, Clichy-sous-Bois et Montfermeil. On va faire de la ville là où elle manque cruellement.
C’est aussi la vallée des biotechnologies au Sud, ainsi que Roissy-Villepinte, territoire des échanges, porte du Grand Paris sur le monde et vitrine de ses talents.
C’est encore La Défense, qui peut devenir la cité financière de l’Europe en même temps qu’elle s’intégrera à son environnement urbain, pour constituer avec les communes alentour un ensemble, vivant et agréable à toute heure de la journée.
Dans chacun de ces territoires, le travail est engagé depuis de nombreux mois avec les maires concernés, autour de groupes de projets, pour définir l’identité et la stratégie de développement.
Ainsi, une population d’environ trois millions d’habitants est déjà inscrite, par l’intermédiaire de ses élus, dans la définition stratégique du Grand Paris.
C’est un bel objectif !
Ces territoires constituent la première vague des projets du Grand Paris, et non leur fin. Cette entreprise est un corps vivant appelé à s’enrichir et à évoluer en permanence.
Mme Éliane Assassi s’exclame.
Sur l’initiative des maires et en coordination avec l’État, d’autres lieux s’organisent déjà pour s’inscrire dans cette démarche, tels que la vallée de l’automobile au nord des Yvelines, …
… ou le territoire de Sarcelles, Gonesse, Villiers, au nord du Val-d’Oise. Chaque territoire a son histoire, sa personnalité, son génie propres. Ensemble, ils forment une cohérence dans laquelle chacun est plus fort de la force de l’autre. C’est un ensemble systémique…
… dans lequel le tout est bien plus que la somme des parties.
Cette cohérence d’ensemble sera progressivement précisée en liaison avec le syndicat mixte de Paris-Métropole, qui peut avoir vocation à la favoriser.
Le Grand Paris doit être aussi une métropole de l’art de vivre. Sa richesse n’est pas dissociable de la qualité de vie de tous ses habitants.
Sortir les ghettos et les territoires enclavés de leur isolement, c’est agir pour le dynamisme et la croissance du Grand Paris.
Traiter la question du logement à l’échelle de la métropole avec une ambition et des moyens nouveaux, …
… c’est agir pour le dynamisme et la croissance du Grand Paris.
Équilibrer la région-capitale entre l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud, entre un centre unique et des périphéries mal connectées, c’est encore agir pour le dynamisme et la croissance du Grand Paris.
Structurer la métropole par un nouveau réseau rapide de transport
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
…qui change la vie au quotidien, qui arrime entre elles les parties du territoire et se conjugue avec les réseaux de proximité assurant une desserte fine, c’est toujours agir pour le dynamisme et la croissance du Grand Paris.
Réaliser tout cela, avec les maires et les élus des territoires, partageant une même stratégie de développement économique et social, c’est encore faire une ville-monde dynamique.
Le Grand Paris puisera les racines de son énergie dans son art de vivre, qui devra être avant tout un art de vivre ensemble.
Tel est le projet que nous avons élaboré depuis deux ans, en collaboration avec un grand nombre d’élus de terrain.
Telle est l’ambition à laquelle le projet de loi qui vous est présenté veut donner les moyens d’exister, et ce grâce à deux objectifs majeurs : un objectif d’efficacité et de rapidité par la mise en œuvre par l’État des dispositifs contenus dans ce projet de loi et un objectif de partenariat clair, dans le respect des compétences respectives de la région d’Île-de-France et de l’État.
Compte tenu de la situation de nos finances publiques, je comprends parfaitement que la crédibilité liée à la rapidité de réalisation du projet de la double boucle de métro automatique dépende de son financement.
J’ai eu l’occasion de présenter le schéma de financement du réseau de métro automatique devant votre commission spéciale. Comme je m’y étais engagé, je vous présente aujourd’hui, au nom du Gouvernement, le financement tel qu’il est prévu.
Le projet de développement du Grand Paris, dont la double boucle de métro automatique n’est qu’une composante, vise, notamment, à favoriser la croissance économique de la région-capitale et, par effet d’entraînement, de la France entière.
Pour fixer les ordres de grandeur, je précise que, après quinze ans, un point de croissance annuel supplémentaire du PIB régional équivaudra à 100 milliards d'euros de richesses nouvelles créées chaque année.
C’est une partie de la richesse créée en région-capitale qui permettra d’assumer cet investissement.
Ce projet représente un investissement de 21 milliards d'euros. La structure de son financement est à la fois classique – au début du xxe siècle, nos ancêtres n’ont pas fait autre chose avec le métropolitain – ...
... et profondément moderne, puisqu’il s’agit de mieux partager la richesse créée.
L’État dotera la Société du Grand Paris d’un capital de 4 milliards d'euros. Cela est acquis, comme je le soulignais déjà lors de mon audition par la commission spéciale le 18 mars dernier.
Quelle sera l’origine de ce capital ? Vous savez tous que, à la suite des états généraux de l’industrie automobile
M. David Assouline s’exclame.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, le Gouvernement vous proposera donc de céder à la Société du Grand Paris une partie de ces créances, soit un montant total de 4 milliards d'euros. Il s’agit là d’une garantie forte de l’engagement de l’État dans le projet du Grand Paris. Cela signifie concrètement que, en mars 2014, la Société du Grand Paris encaissera 4 milliards d'euros de remboursement.
D’ici là, dès mars 2011, la Société du Grand Paris bénéficiera du produit de ces créances, soit 260 millions d'euros par an. Ces sommes, couplées aux recettes inscrites dans le présent projet de loi, permettront de lancer très tôt les appels d’offres indispensables pour la réalisation des études, puis des travaux du réseau du Grand Paris.
Le reste de l’investissement sera couvert par des emprunts d’une durée totale de quarante ans.
Pour permettre l’amortissement des annuités de ces emprunts, il s’agit d’assurer des recettes pérennes. Elles proviennent de trois éléments.
Premièrement, il s’agit de la valorisation foncière, qui prend trois formes.
D’abord, seront pris en compte les excédents réalisés sur les opérations d’aménagement ou de construction qui seront conduites autour des gares. Les contrats de développement territorial organiseront le partage de ces excédents.
Ensuite, la dynamique économique qui sera créée en région-capitale permettra de dégager des recettes fiscales supplémentaires, qu’il est légitime d’affecter, en tout ou partie, au financement du métro automatique.
Enfin, il ne faut pas s’interdire de recourir à des mécanismes dérivés du droit fiscal afin d’affecter une part de la valorisation ne relevant d’aucun des points précédents. La Haute Assemblée a introduit un tel mécanisme hors de la région d’Île-de-France au sein du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dit « Grenelle II ». Votre rapporteur l’a étendu dans le cadre du présent projet de loi. Je proposerai moi-même de l’étendre encore, en en faisant bénéficier le STIF.
Deuxièmement, il s’agit des recettes commerciales dégagées par les gares de la nouvelle infrastructure, gares qui doivent être pensées dès le départ, à la lumière des recommandations du rapport de votre collègue, Mme Fabienne Keller.
Troisièmement, il s’agit de la redevance domaniale qui sera payée par le futur exploitant du réseau de transport, comme c’est le cas aujourd’hui pour le réseau ferroviaire ou le réseau autoroutier.
L’ensemble des dispositions qui nécessitent une adoption législative feront l’objet d’une inscription dans le projet de loi de finances pour 2011.
Je souhaite à présent dissiper quelques malentendus.
Aucune recette fiscale de la région, du STIF ou, plus généralement, des collectivités territoriales ne sera ponctionnée pour financer cet investissement.
Il est en effet essentiel que le STIF puisse continuer à jouer son rôle dans le cadre qui est aujourd’hui le sien.
La réalisation par l’État du réseau du Grand Paris permet à la région d’Île-de-France de réduire de 6 milliards d'euros le montant de son plan de mobilisation, puisque les deux tronçons d’Arc Express aujourd’hui prévus seront fondus et intégrés dans le réseau du Grand Paris, qui reprend à plus de 80 % leur tracé.
L’État continuera d’honorer ses engagements pris au titre du contrat de projets État-région ou du plan « Espoir banlieues », le Président de la République l’a affirmé dès le 29 avril 2009, je l’ai répété à l'Assemblée nationale et je le redis dans cette enceinte. Vous voyez bien que nous n’opposons pas les projets de la région à ceux du Gouvernement.
J’en viens au partenariat avec la région et les départements. Nous rechercherons les convergences permettant la réalisation de ce projet d’intérêt national du Grand Paris sur un territoire qui s’inscrit, pour l’essentiel, sur celui de la région d’Île-de-France.
En particulier, une complémentarité devra être trouvée avec le plan de mobilisation des transports, notamment par une définition optimale du fonctionnement des gares d’interconnexion, afin de permettre la fluidité maximale du réseau global des transports d’Île-de-France.
Nous veillerons à ce que le projet Arc Express, qui s’inscrit dans un projet de rocade de cinquante kilomètres, puisse être intégré dans la double boucle de cent trente kilomètres. Chacun sait que c’est dans cette perspective qu’ont été effectuées les études conduisant au tracé indicatif, rendu public dès le 29 avril 2009.
Ensuite, dès la fin de sa réalisation, l’infrastructure de la double boucle du métro automatique sera transférée pour exploitation à l’autorité organisatrice des transports, pour permettre l’unicité du système de tarification en région parisienne.
M. David Assouline s’exclame.
Ce réseau de métro, qui sera le plus performant au monde, ...
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. ... n’aura rien coûté au STIF, qui ne sera en rien concerné par le remboursement des emprunts effectués pour le compte de la seule Société du Grand Paris.
Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.
Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
C’est la réalité ! C’est un engagement ! Je réaffirme encore ce qu’a annoncé le Président de la République le 29 avril 2009 : les engagements de l’État pris dans le cadre du contrat de plan État-région seront respectés.
Un accord permettra la transmission par l’État au Conseil d’État du projet de SDRIF approuvé par l’exécutif régional. La validation par le Conseil d’État entraînera la mise en révision immédiate du nouveau SDRIF par la région pour intégrer le projet du Grand Paris.
En conclusion, permettez-moi de dresser un constat et de souligner le dispositif qui est au cœur de ce projet de loi.
Tout d’abord, le cœur du Grand Paris, c’est une aire métropolitaine de plus de neuf millions d’habitants, soit l’équivalent de la population des quatorze plus grandes villes françaises.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
En additionnant les populations respectives de Bordeaux, Lyon, Marseille, Lille, Strasbourg, nous parvenons à un nombre d’habitants identique à celui de la banlieue de Paris.
Cette transposition virtuelle souligne la terrible inadaptation de l’organisation de cette aire métropolitaine face à une telle concentration de population.
Ensuite, le dispositif au cœur du projet de loi permet aux communes ou EPCI de conduire les projets de développement contractuellement avec l’État. Tel est l’objet des contrats de développement territorial.
Ces derniers sont la garantie que la lisibilité économique des territoires et le développement des se fera dans le même temps que l’urbanisme, le logement, les équipements de proximité, les lieux de vie.
En proposant de partager pour moitié le produit des valorisations foncières, la commission spéciale du Sénat a introduit une précision essentielle pour la réalisation de ces projets.
Avec les contrats de développement territorial, ce projet de loi affirme le principe d’un partenariat nouveau entre, d’une part, l’État qui porte la vision stratégique à long terme et accompagne et, d’autre part, les communes ou EPCI qui sont les meilleurs artisans des territoires au contact des populations et des entrepreneurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme je vous l’indiquais précédemment, la centaine de communes préfigurant aujourd’hui les territoires stratégiques sont déjà au travail pour élaborer ces contrats de développement territorial, lesquels ne pourront être signés qu’après le débat public et les décisions qui suivront fixant le tracé de la double boucle de métro automatique et l’emplacement des gares.
Je fais donc appel à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, sur toutes les travées de la Haute Assemblée, pour que ce texte, que nous avons amélioré ensemble, permette à notre projet, réel et ambitieux pour notre pays, de s’inscrire durablement dans notre histoire.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous commençons aujourd’hui l’examen d’un texte marqué par un fort volontarisme. Il s’inscrit dans une dynamique de développement économique et urbain porteuse d’une grande ambition : conforter la place éminente de l’Île-de-France, la région-capitale, dans la compétition internationale des villes-monde.
Comme l’a très bien souligné l’architecte Christian de Portzamparc, l’enjeu consiste à passer de « l’époque des villes » à « l’époque des villes-monde », qui deviennent des têtes de réseau.
Bien sûr, il s’agit non pas de décréter sur un mode incantatoire que la croissance doit s’accélérer dans la région d’Île-de-France, mais de mettre à la disposition de tous les acteurs politiques et économiques la boîte à outils nécessaire pour que la croissance progresse de façon durable.
Mais nous n’avons pas beaucoup de choix, mes chers collègues !
À ne rien faire, à refuser d’intervenir, nous serons en concurrence demain non plus seulement avec Londres, New York, Tokyo ou Shanghai, mais aussi avec Berlin, Rome et Madrid. C’est une part du rayonnement de la France dans le monde qui se joue ici.
Comme l’a précisé M. le secrétaire d’État, cette ambition pour notre région-capitale s’appuie sur trois projets de grande envergure : la construction d’une nouvelle ligne de métro automatique de grande capacité, sur cent trente kilomètres, en rocade, projet dit de la « double boucle » ; le développement des territoires situés autour des quarante à cinquante futures gares de ce nouveau réseau, au moyen d’un outil juridique partenarial inédit, dénommé « contrat de développement territorial » ; la valorisation du pôle scientifique et technologique établi sur le plateau de Saclay et dans les vallées environnantes.
S’agissant de la méthode, si je paraphrasais le propos visionnaire de Robert Schuman au sujet de la construction européenne, je dirais que le Grand Paris « ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble » ; il « se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait ».
Le présent projet de loi a le mérite de poser les fondations et de créer des synergies de nature à faire naître le Grand Paris dans tous les esprits.
Mes chers collègues, vous m’aurez compris, ce projet ne se résume pas à un texte sur les transports ; il s’appuie sur cette dimension qui est essentielle en termes tant d’aménagement du territoire que de dynamique économique.
Saisi de ce texte adopté par l’Assemblée nationale le 1er décembre 2009, eu égard à la diversité des sujets traités, le Sénat a décidé, au cours de sa séance publique du 9 décembre dernier, d’en confier l’examen à une commission spéciale. La composition de cette dernière a assuré une représentation proportionnelle des groupes politiques de notre assemblée et permis d’associer largement les sénateurs des huit départements d’Île-de-France.
Les membres de la commission spéciale et son rapporteur ont conduit un important travail d’écoute de toutes les parties prenantes du projet du Grand Paris en procédant, entre janvier et mars 2010, à quelque cinquante auditions des collectivités territoriales – elles ont commencé bien évidemment par l’exécutif du conseil régional –, des institutions, organismes, associations et personnalités, tous particulièrement concernés par le projet de loi.
Par ailleurs, une délégation de la commission spéciale s’est rendue à Orsay, le 25 février dernier, pour y tenir plusieurs tables rondes avec l’ensemble des acteurs du pôle scientifique et technologique du plateau de Saclay. De même, une autre délégation s’est déplacée à Londres, le 2 mars dernier, afin d’examiner les modalités de financement des infrastructures de transport public du Grand Londres, ce dernier étant notre principal compétiteur en Europe.
L’ensemble de ces travaux préparatoires, auxquels ont participé de nombreux membres de la commission spéciale, a permis à cette dernière de cerner les enjeux du présent projet de loi, de former son jugement et d’élaborer ses propositions.
Comme vous l’avez vous-même reconnu, monsieur le secrétaire d’État, nos collègues députés ont très sensiblement amélioré le projet de loi initial. Ils ont ainsi, à l’article 1er, introduit la notion d’« offre de logements géographiquement et socialement adaptée » et inscrit les objectifs de réduction des déséquilibres sociaux et territoriaux et de maîtrise de l’étalement urbain.
À l’article 3, ils ont garanti un débat public plus efficace et plus ouvert que ne le prévoyait le projet de loi initial.
À l’article 7, ils ont bien précisé et encadré la compétence d’aménagement de la « Société du Grand Paris ».
Enfin, aux articles 14 et 15, ils ont adopté des modifications pertinentes du droit de la commande publique, conformément à l’ordonnance de 2005 et dans le respect des règlements européens concernant les dérogations aux règles de la concurrence.
Lors de sa réunion du 25 mars dernier, la commission spéciale a adopté quatre-vingt-dix-sept amendements relatifs au texte voté par l’Assemblée nationale, dont un certain nombre sont évidemment des amendements purement rédactionnels.
Le texte résultant du travail de la commission s’articule autour de deux objectifs, déclinés en quatre thèmes.
Le premier objectif est de construire un projet partenarial et cohérent pour le Grand Paris du XXIe siècle.
Premier thème, il convient d’associer le public et les collectivités territoriales à sa conception et à sa réalisation.
La mise en œuvre du Grand Paris implique une concertation loyale avec toutes les collectivités territoriales et une forte association de la population, principes que la commission a consacrés dès l’article 1er du projet de loi.
La commission spéciale a également prévu la consultation de « Paris-Métropole » sur le dossier du Grand Paris. Ce syndicat mixte, qui rassemble aujourd’hui une centaine de collectivités de toutes sensibilités, pourrait être le précurseur de la future assemblée territoriale du Grand Paris, comme l’a récemment déclaré le Président de la République.
Deuxième thème, il importe d’articuler, dans le même texte, l’emploi, le logement et les transports dans le respect du développement durable. Ce projet de loi représente, en effet, un schéma d’ensemble du développement de la région-capitale.
La commission spéciale appelle de ses vœux la réalisation d’un Grand Paris ambitieux. C’est pourquoi, dans ses amendements de fond, elle a d’abord prévu l’interconnexion du nouveau réseau de transport avec les réseaux existants. Sur l’initiative de notre collègue Charles Revet, elle a indiqué que le nouveau réseau devrait prendre en compte les interconnexions avec les réseaux ferroviaires et routiers, notamment les réseaux ferroviaires à grande vitesse.
En outre, sur la proposition de notre collègue Christian Cambon, la commission a confié à l’établissement public Société du Grand Paris la compétence de veiller au développement, autour des futures gares du métro automatique, d’un réseau de transport de surface s’appuyant essentiellement sur les lignes d’autobus pour mettre en place un maillage fin de l’ensemble du territoire, sachant qu’il y aura désormais à la fois des radiales et des rocades.
Le texte fixe aussi des objectifs ambitieux en matière de production de logements. La commission a inscrit à l’article 1er l’objectif de construction annuelle en Île-de-France de 70 000 logements, objectif que nous atteindrons progressivement – nous partons de 35 000 logements aujourd’hui – et auquel participent les contrats de développement territorial. Elle a également prévu, sur l’initiative de notre collègue Dominique Braye, que le préfet de région devrait « territorialiser » cet objectif.
La commission a, par ailleurs, conforté le contrat de développement territorial. Elle a prévu la consultation de la région et du département concerné et la soumission systématique du projet de contrat à enquête publique, ainsi que des précisions sur son financement, qui inclura, comme l’a rappelé tout à l’heure M. le secrétaire d’État, la moitié des excédents dégagés par les opérations d’aménagement sur le terrain.
Enfin, la commission a garanti la préservation des terres agricoles. Elle a adopté un amendement de M. Laurent Béteille et un amendement de même nature présenté par M. Jean-Pierre Caffet, tendant à préciser que la zone de protection devra comporter au moins 2 300 hectares de terres consacrées aux activités agricoles situées sur la petite région agricole du plateau de Saclay.
Le second grand apport de la commission spéciale est de faciliter la mise en œuvre du projet du Grand Paris.
Il s’agit – c’est le troisième thème décliné par le texte – de prévoir un financement clair.
Sur ce point, je tiens à vous remercier, monsieur le secrétaire d'État, d’avoir précisé dans le détail les méthodes de financement du projet. Nous attendions avec intérêt votre communication sur l’origine de la dotation en capital, le mécanisme de calcul des intérêts et la perspective des emprunts à long terme.
Il convient de poser les premiers « jalons législatifs » d’un financement viable du Grand Paris.
D’abord, l’État assurera le financement de l’infrastructure du nouveau réseau de transport.
Ensuite, le financement de l’État sera indépendant de sa contribution aux contrats de projets conclus avec la région d’Île-de-France pour permettre la création, l’amélioration et la modernisation des réseaux de transport public, mesures consacrées comme prioritaires, sur l’initiative de notre collègue Christian Cambon.
En outre, les modes de financements envisagés pour la réalisation des infrastructures seront inclus dans le dossier du Grand Paris soumis au débat public, sur proposition de notre collègue Jean-Pierre Caffet.
Enfin, le produit des baux commerciaux conclus dans les gares du futur réseau du Grand Paris bénéficiera à la « Société du Grand Paris ».
Par ailleurs, la commission spéciale a voulu aller plus loin que ces premiers éléments de financement en introduisant deux dispositifs fiscaux affectés au budget de cet établissement.
Le premier concerne l’adaptation à l’Île-de-France de la taxe sur les plus-values immobilières liées à la réalisation d’une infrastructure de transport collectif, adoptée par le Sénat, sur l’initiative de notre collègue M. Nègre, dans le cadre du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, dit « Grenelle II », qui est en instance à l’Assemblée nationale.
Le second dispositif fiscal vise l’assujettissement à l’imposition forfaitaire des entreprises de réseau du matériel roulant utilisé sur les lignes exploitées par la RATP.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Quatrième et dernier thème, il s’agit de mettre en place une gouvernance plus efficace.
La commission spéciale a renforcé la légitimité et l’efficacité de la future « Société du Grand Paris » par trois mesures : l’audition par les commissions parlementaires compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat du candidat au poste de président du directoire de la « Société du Grand Paris » ;…
… le choix d’une structure à trois niveaux, avec un directoire composé de trois personnes, un conseil de surveillance resserré et un comité stratégique ouvert beaucoup plus largement à toutes les catégories de personnes intéressées ;…
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. … enfin, sur proposition de M. Laurent Béteille, nous avons accepté d’inclure dans le texte la désignation d’un préfigurateur avant la mise en place du directoire et du conseil de surveillance.
Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Mon cher collègue, je vais être bref, mais ne m’interrompez pas !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je vais parler plus fort afin de ne pas être interrompu !
Oui ! et applaudissementssur les travées de l’UMP.
Dans le même souci, la commission a proposé d’améliorer la gouvernance de l’établissement public de Paris-Saclay, avec un conseil d’administration resserré comprenant un membre de la « Société du Grand Paris » et un comité consultatif dont la composition est élargie et les prérogatives, renforcées.
Elle a également précisé les compétences de cet établissement, d’une part, pour la couverture en très haut débit – elle nous paraît aussi essentielle que le réseau de transport ou de ligne à grande vitesse –, d’autre part, sur proposition de M. Yves Pozzo di Borgo, pour la préservation du patrimoine hydraulique du plateau de Saclay, qui a été longuement évoquée lorsque nous nous sommes rendus sur les lieux.
Au final, mes chers collègues, le projet de loi, qui devrait être utilement complété par l’adoption de plusieurs amendements au cours de nos prochaines séances publiques, met en œuvre des principes simples : un financement clair, des outils de pilotage efficaces, …
... l’association des citoyens à l’élaboration des projets, des transports collectifs modernes, rapides et interconnectés, …
… le développement de l’emploi, la création de logements diversifiés et en nombre suffisant, le soutien à la recherche et à l’innovation, ainsi qu’à leur valorisation industrielle et, enfin, le souci du développement durable.
Seul le respect de ces impératifs permettra à Paris et à sa région de demeurer, au XXIe siècle non seulement une ville-monde attractive, mais encore une capitale mondiale soucieuse de la cohérence des territoires qui la composent et prenant en compte les conditions de vie de ses habitants. J’ai particulièrement apprécié vos propos sur ce dernier point, monsieur le secrétaire d’État.
Comme l’a dit le directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, en parlant de l’Europe, Paris est aujourd’hui à la croisée des chemins : soit rester en première division avec Londres et, demain, Berlin, soit se laisser glisser en deuxième division avec Rome et Madrid.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial. Le présent projet de loi marque le début d’un choix positif et volontariste. La commission spéciale dans sa majorité vous demande donc de l’adopter.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Mme Françoise Laborde et M. Jacques Mézard applaudissent.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, garantir sur le plan international la place économique, politique, scientifique et culturelle de Paris est un objectif auquel chacun d’entre nous peut souscrire. C’est un élu du Sud-Ouest qui vous le dit et qui comprend parfaitement qu’un objectif particulier soit assigné à la capitale. « Sauver Paris, c’est plus que sauver la France, c’est sauver le monde », écrivait Victor Hugo.
Sans aller aussi loin, on peut au moins s’accorder à reconnaître qu’un développement économique plus poussé de la région parisienne aurait un effet d’entraînement bénéfique pour le reste de l’Hexagone.
L’Île-de-France concentre 30 % du PIB national et est naturellement porteuse du plus gros potentiel économique, ce qui implique que celui-ci soit stimulé en permanence.
Or, aujourd’hui, il faut bien le reconnaître, si Paris fait partie des quatre premières villes-monde, aux côtés de New York, Londres et Tokyo, elle accumule un retard de croissance qui risque de la déclasser au profit d’autres capitales européennes ou de villes émergentes, comme Shanghai, Singapour, ou même Bombay.
En effet, la région parisienne enregistre une croissance de 2 %, quand les autres grandes capitales sont à 4 %. Dans un monde de plus en plus ouvert, où la concurrence est vive, il est urgent de donner à Paris les moyens de conserver une attractivité qui la maintienne au rang des premières villes-monde.
Dans cette perspective, le Gouvernement a fait le choix, dans ce projet de loi, de proposer la création d’un établissement public à caractère industriel et commercial, dénommé « Société du Grand Paris » ; ce dernier sera chargé de développer un réseau de transport d’intérêt national et de favoriser le développement économique et urbain autour des gares de ce réseau.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de m’arrêter sur quelques-unes des réserves qu’appelle la création d’un supermétro automatique de cent trente kilomètres censée répondre aux ambitions que l’on souhaite pour Paris, je souhaite revenir sur la méthode retenue pour mener le projet à terme.
Cela a été dit tout à l’heure, compte tenu de la durée de ce chantier pharaonique – il serait étalé sur vingt ou trente ans –, il est surprenant de nous demander de légiférer dans l’urgence.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Les parlementaires auraient aimé, me semble-t-il, disposer du délai nécessaire à une réflexion approfondie sur les enjeux portés par ce texte d’intérêt national.
Quant aux consultations des principaux acteurs concernés, qui auraient dû présider à l’élaboration d’un tel texte, elles ont été réduites au service minimum.
Monsieur le secrétaire d’État, les élus franciliens n’ont pas cessé de vous le répéter, ils ne comprennent pas pourquoi les collectivités locales n’ont eu que quelques semaines pour donner leur avis sur un texte qui engage leur territoire pour plusieurs décennies.
Pensez-vous sincèrement avoir créé les conditions du dialogue ?
Et quelle ne fut pas leur surprise de découvrir qu’une telle mise à l’écart se poursuivait dans le texte !
La place prépondérante accordée à l’État au sein du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris tient à distance les élus franciliens. Alors que des pans entiers de leur territoire vont être réaménagés, ils seront dépossédés d’un grand nombre de leurs prérogatives en matière d’urbanisme et de transports.
Dans la mesure où le présent projet de loi consiste avant tout à créer une ligne de métro à grande échelle, il serait souhaitable que le Syndicat des transports d’Île-de-France, compétent et légitime pour piloter et organiser le système des transports sur le plan local, ne soit pas relégué au second plan.
Pourtant, quand il faudra payer, il risque bien d’être sollicité pour honorer des décisions prises par l’État !
Rien, ni dans les textes ni ailleurs, n’interdisait d’associer étroitement le STIF à ce grand projet, si ce n’est, une nouvelle fois, la volonté à peine affirmée d’écarter les élus locaux de la région.
Le schéma de gouvernance, s’il reste en l’état, aboutira à une incroyable entreprise de recentralisation.
Mes chers collègues, depuis plusieurs mois, nous débattons de textes réformant les collectivités locales. Dans l’exposé des motifs de chacun d’entre eux, on retrouve souvent les concepts de simplification institutionnelle et d’approfondissement des libertés locales. Or le projet de loi relatif au Grand Paris instaurera un régime d’exception où ces beaux mots n’auront plus de réalité.
Monsieur le secrétaire d’État, en créant un EPIC cumulant de façon autoritaire…
… les compétences de maître d’ouvrage, d’aménageur et d’opérateur foncier, vous ajoutez manifestement une strate au dispositif.
Où est donc la simplification dans ce projet qui crée plutôt de la complexité par un enchevêtrement de compétences et une multiplication des intervenants ?
Il existait pourtant des outils appropriés : ils sont, pour la plupart, ignorés.
Par ailleurs, où est l’esprit démocratique dans le texte ? Les Franciliens viennent de reconduire une majorité politique en laquelle ils avaient visiblement confiance.
Comment leur expliquer aujourd’hui qu’un projet aussi structurant, qui les concerne directement, sera en grande partie dirigé par l’État ?
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, se pose également la question du financement.
L’histoire de l’aménagement de l’Île-de-France est marquée par un désengagement progressif de l’État.
Pourtant, des priorités ont été clairement identifiées par les responsables locaux, fondées sur les attentes des usagers : la rénovation des lignes du RER, le désengorgement de la ligne 13, le prolongement de la ligne Éole, la création de la rocade Arc Express, et je pourrais en citer d’autres.
Malgré ces besoins urgents pour lesquels la région et les départements franciliens ont programmé 12 milliards d’euros au travers du plan de mobilisation pour les transports, le Gouvernement souhaite subitement la mise en œuvre d’un projet dont le coût est estimé à 35 milliards d’euros.
Compte tenu des contraintes pesant sur l’ensemble des finances publiques, comment allez-vous, monsieur le secrétaire d’État, garantir un financement clair, sûr et non concurrent des sources de financement prévues dans le cadre du plan précité ?
Nous attendons des réponses sur ce sujet délicat, mais fondamental. Le Gouvernement n’a pas souhaité reprendre les pistes de la mission Carrez. Depuis, l’incertitude règne ; une seule chose est sûre, nos concitoyens se retrouveront endettés à hauteur de 21 milliards d’euros.
Quant aux recettes liées à la valorisation foncière et immobilière qu’est censé apporter votre projet, elles sont tout de même conditionnées à une certaine réussite économique.
Or, sur ce point, un optimiste déraisonnable semble avoir emporté les auteurs du projet de loi. Tout repose sur un postulat : la création de la nouvelle rocade et la valorisation du plateau de Saclay entraîneront une croissance dégageant 60 000 emplois annuels, …
… presque deux fois plus que le nombre actuel de création de postes. Chacun, dans cette enceinte, souhaiterait évidemment partager cette vision quelque peu optimiste.
Mais ce serait oublier les aléas économiques, qui invitent pourtant à la prudence : souvenons-nous du « travailler plus pour gagner plus » !
Malheureusement, la crise est passée par là et cette ambition présidentielle s’est révélée particulièrement décalée, avec une réalité offrant finalement peu d’opportunités.
S’agissant du Grand Paris, je ne dis pas qu’il serait préférable de ne rien faire. Je l’ai dit en commençant mon propos, une ville-monde a un effet d’entraînement qu’il convient d’encourager.
Mais ce qu’il faut faire, il faut le faire bien, et avec ceux qui connaissent leur cité, c’est-à-dire avec ceux qui y vivent et y travaillent, …
… avec tous ceux qui y exercent des responsabilités publiques.
Il serait également important d’intégrer d’autres dimensions de l’action publique pour donner davantage de cohérence au Grand Paris. Même en imaginant que la question de la gouvernance soit résolue, est-on en effet certain que ce texte permettra de répondre à la question la plus fondamentale : ce projet est-il en mesure de répondre au défi de la fracture sociale au sein de ce territoire ?
Comment prétendre donner de l’attractivité à une région sans anticiper davantage les questions de logement et d’environnement ? Tout cela, me semble-t-il, fait cruellement défaut.
C’est pourquoi, mes chers collègues, la majorité du RDSE ne devrait pas voter, en l’état, ce projet de loi. La plupart des radicaux de gauche y sont en particulier fermement opposés.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.
Rires.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, deux semaines après les élections régionales, nous abordons ici la question fondamentale de l’avenir de la métropole parisienne.
Dois-je le rappeler, les Franciliens ont donné leur avis sur le Grand Paris en votant majoritairement à gauche aux élections régionales. Or, à l’évidence, le Gouvernement a fait le choix de passer outre ce vote, mais aussi d’ignorer les voix qui se sont élevées ensuite, notamment celle de la présidente de mon groupe, pour demander au Premier ministre le retrait de ce texte.
Ainsi, envers et contre tout, le projet de loi remet directement en cause ce vote, ainsi que la majorité de gauche au conseil régional et, en particulier, le schéma directeur de la région Île-de-France, ou SDRIF, qu’elle a conçu avec la création d’un mode de gouvernance totalement inédit.
Puisque c’est de cela que nous devons débattre en urgence, je m’attacherai à démontrer les enjeux portés par ce texte : enjeux de pouvoir, bien évidemment, mais également enjeux politiques, par la définition d’un modèle de développement urbain pour le XXIe siècle.
Tout d’abord, soyons clairs, les questions liées aux relations entre la ville capitale et sa banlieue datent de la création même de Paris. Elles ont toujours fait l’objet d’une attention soutenue du pouvoir central, à l’époque d’Haussmann comme à celle de Delouvrier.
Plus récemment, la création de « Paris-Métropole » illustre la continuité d’une réflexion des élus locaux sur ce thème.
Depuis le début, le Président de la République a souhaité placer ce projet dans le cadre d’une réflexion globale sur le renforcement de la position de Paris comme ville-monde de l’après-Kyoto. Les scénarii pour le Grand Paris proposés par les dix équipes pluridisciplinaires ont, certes, suscité l’enthousiasme chez les élus de tous bords, …
… mais également dans la population.
Pourtant, il est très vite apparu que ce projet de loi était loin de répondre aux besoins immédiats des 11 millions de Franciliens ou de poser les bases d’un développement équilibré, durable et solidaire de la région d’Île-de-France.
Monsieur le secrétaire d’État, je l’ai dit, ce texte pose des enjeux majeurs de pouvoir, et nous l’avons su dès l’instant où vous avez été désigné.
En effet, pour légitimer son opposition au schéma directeur, il fallait au Président un projet alternatif. C’est chose faite, avec le concours d’architecture, dont les équipes déplorent qu’il ne soit qu’un subterfuge pour proposer une reprise en main par l’État du développement de la région-capitale, à rebours du mouvement continu de décentralisation.
La création d’une Société du Grand Paris, calquée sur le modèle d’une société anonyme et pilotée par un directoire de trois personnes nommées par décret, nous donne quelques indications sur cette volonté de reprise en main par le pouvoir central. Le conseil de surveillance sera ainsi majoritairement composé de représentants de l’État.
En outre, et c’est tout aussi grave, cette société pourra constituer des filiales et même déléguer les compétences de ces dernières à des personnes publiques ou privées. En revanche, les décisions qu’elle prendra s’imposeront aux collectivités, notamment à la région.
Ce déni de démocratie s’inscrit pleinement dans l’objectif de la réforme des collectivités locales : dévitaliser tout espace démocratique de proximité.
Mme Éliane Assassi. Contester le mille-feuille territorial, son inefficacité et son obsolescence pour, au final, créer une nouvelle superstructure, confirme notre analyse : la seule chose qui intéresse la majorité dans ce débat, c’est la recentralisation des pouvoirs.
M. David Assouline acquiesce.
Pourtant, comment nous faire croire que le dessaisissement des collectivités permettra un quelconque progrès, alors même que, depuis de si nombreuses années, l’État n’assume plus ses responsabilités en termes de services publics dans les domaines du logement, des transports et de la politique de la ville ?
C’est donc bien le retour de l’État sans les services publics que vous portez par ce texte !
Ensuite, le manque de consultations sur ce projet est flagrant. À ce titre, il faut noter les réticences, non seulement de l’Association des maires de l’Île-de-France, de « Paris-Métropole », de la majorité régionale, mais également de la FNAUT, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports, des chercheurs, de l’ordre des architectes. Une telle levée de boucliers devrait vous faire réfléchir sur le contenu même du débat public qui sera organisé !
Le réduire à la question du tracé ne nous semble pas suffisant : c’est un débat sur l’opportunité même de la création d’un tel EPIC qui est nécessaire.
Penser de manière durable la gouvernance de la métropole ne peut se faire de manière autoritaire et centralisée. C’est une impasse idéologique. La seule voie envisageable est celle de l’imbrication des structures, de la conjugaison des volontés, du respect des différents acteurs, de la participation à chaque étape des Franciliens eux-mêmes, au plus près des attentes, mais aussi des réalités. Ce projet doit être mouvant et non figé.
Pourtant, rien n’est prévu dans votre texte pour que cette participation des citoyens et des collectivités se poursuive une fois le débat public entériné.
On le voit bien, si vous avez des problèmes avec le débat public, vous en avez également avec les procédures qui vont le précéder et le suivre. Nous y reviendrons lors de la présentation de nos amendements.
J’en viens au contenu même du projet de loi relatif au Grand Paris.
À la lecture de ce texte, on se rend assez vite compte que loin des effets d’annonce de l’article 1er évoquant pêle-mêle les questions de logement, de lutte contre les déséquilibres sociaux et territoriaux, de développement économique durable, solidaire et équilibré, la réalité des propositions formulées par le Gouvernement est assez faible.
Il s’agit simplement de construire un métro souterrain en rocade de cent trente kilomètres desservant des clusters jugés attractifs, comme La Défense ou Saclay, en organisant une dérogation systématique aux règles d’urbanisme de droit commun et en mettant fin, de façon autoritaire, à des projets comme Arc Express.
À défaut d’être complet, innovant et porteur d’un projet visible et cohérent, au moins le SDRIF ne se réduit-il pas à un métro automatique ! Nous regrettons, à ce titre, une absence profonde de réflexion sur la pertinence de ce tracé et la faisabilité du Grand huit, élaboré dans le secret des cabinets ministériels. Nous regrettons la même absence de réflexion sur le recours à une option souterraine. Il fallait laisser, si j’ai bien compris, la Société du Grand Paris décider de tout cela !
Les syndicats ne s’y sont pas trompés. Ce projet est non pas celui des salariés franciliens, mais celui des hommes d’affaires qui ont besoin de passer des aéroports à des clusters dédiés à la finance et à la recherche. Le texte n’appréhende donc pas les déplacements travail-domicile, qui constituent pourtant la première préoccupation des Franciliens. Pour ces derniers, cette question est liée à celles de la tarification des transports et du maillage qui fait cruellement défaut et rend leurs déplacements difficiles. D’ailleurs, j’aimerais beaucoup vous entendre sur ces sujets, monsieur le secrétaire d’État.
C’est de tout cela dont les Franciliens ont besoin ! Et le Grand huit ne peut ni les ignorer ni les oublier ! Ils ont besoin que l’État, dans le cadre de ses compétences traditionnelles, empêche le marché d’imposer sa loi et réinvestisse dans les outils de puissance publique que sont la SNCF, RFF et la RATP. Or, aujourd’hui, les réseaux sont vétustes et saturés.
Vous ne pouvez pas en rendre seule responsable la région : elle ne gère le STIF que depuis 2006. Cette situation résulte d’un désengagement progressif et massif de l’État en matière de transports collectifs publics.
À ce titre, comment penser la métropole de demain, celle de l’après-Kyoto, en envisageant la question du fret ferroviaire uniquement en termes d’accès aux ports ?
En outre, le projet de Grand huit induit, de fait, une chenille d’expropriation et d’urbanisation couvrant une surface de quatre fois la taille de Paris, aménagement dont la Société du Grand Paris sera seule responsable. Cette privatisation de l’intérêt commun est insupportable ! La région d’Île-de-France ne peut pas devenir un terrain de jeu pour des bétonneurs !
En effet, pour financer ce projet de rocade, la valorisation des terrains attenants aux gares constituera une voie prioritaire portant en germe le risque important de nouvelles ségrégations sociales autour du Grand huit. Or ce risque est adossé à une réelle injustice fiscale, puisque toutes les taxes créées par ce texte permettront le financement de la Société du Grand Paris, indépendamment de toute exigence de péréquation régionale.
À ce titre, sous couvert de « coconstruction », reprenant en fin de compte une tendance de fond soulignée par le Conseil d’État, le nouvel outil des contrats de développement territorial enfermera dans un tête-à-tête les collectivités locales et l’État, ce qui peut, par ailleurs, favoriser le localisme. Il apparaît particulièrement hypocrite de laisser entendre qu’il pourrait exister de la coopération là où, en réalité, il ne s’agira que d’appliquer une seule volonté.
En effet, en l’état du texte, on voit bien que les collectivités seront, de toutes les manières, contraintes d’accepter les desiderata de la Société du Grand Paris et de l’État afin de laisser la maîtrise urbaine autour des gares.
Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d’État, que la nature de ces contrats soit plus transparente et que vous nous indiquiez précisément votre objectif politique.
J’en viens aux sommes consacrées au financement de ces contrats dont nous savons aujourd’hui qu’elles rentreront partiellement dans le cadre des contrats de projets État-régions, les CPER. Nous contestons le fait que la région et le département concernés sur le projet de contrat soient, non pas associés, mais seulement consultés sur la conclusion de ces contrats.
Sur le fond, nous nous inscrivons en faux contre cette conception de clusters qui traverse ce texte. Comme le souligne l’Ordre des architectes d’Île-de-France, ce projet ouvre la voie à la balkanisation des aires métropolitaines. En effet, une telle conception laisse inévitablement de côté toute une partie du territoire. Alors qu’il manque aux citoyens un maillage fin par des services publics, cette question ne figure nulle part dans votre texte !
Quant à la spécialisation des territoires, c’est une voie sans issue. En effet, nous ne pouvons que constater, à l’échelon mondial, l’obsolescence de ce système qui ne permet pas, entre autres, de respecter les prescriptions écologiques. Ce que vous nous proposez, c’est donc, non la modernité, mais des schémas de développement d’ores et déjà obsolètes.
Il nous semble également qu’il ne faut pas laisser de côté la grande couronne : à terme, le développement de la métropole parisienne couvrant globalement la petite couronne, captant l’ensemble des financements, mettra en péril l’existence même de l’échelon régional.
M. Gilles Carrez, dans son rapport, ne juge la pertinence de ce nouveau réseau qu’à l’aune d’un financement du réseau déjà existant. De manière plus pragmatique, comment ne pas voir que la gestion du Grand huit, qui reviendra au STIF, va obérer ses capacités financières pour de nombreuses années et demander un effort supplémentaire aux collectivités locales qui le financent aujourd’hui ?
Le STIF est actuellement un outil de péréquation territoriale et sociale par des tarifications spécifiques. Qu’en sera-t-il demain, lorsque ces financements seront obérés ? Qu’en sera-t-il du financement du plan de modernisation des transports proposé par la région ? De tout cela, nous ne savons rien, ce qui nous fait craindre le pire !
Comment croire également au développement du Grand Paris si vous sacrifiez la production matérielle de richesses et des projets de développement économique au profit – c’est le cas de le dire ! – de la création de bulles financières ? En l’état, votre texte va accentuer un peu plus encore la désindustrialisation de la région-capitale. C’est un vrai problème !
Maintenir Paris au rang de ville-monde représente une belle ambition, pour peu qu’elle n’oublie pas de s’attaquer à la résorption des inégalités subies par les populations qui y vivent et y travaillent !
Mme Nicole Bricq s’exclame.
Cela suppose non pas de calquer son mode de développement sur un modèle londonien ou new-yorkais, mais, au contraire, de cultiver la formidable singularité de ce territoire. Paris est déjà une ville-monde, et ce n’est pas en libéralisant son développement que sa place dans le monde se trouvera confirmée, bien au contraire !
Pour conclure, nous considérons que si nous devions proposer un projet pour le Grand Paris, la responsabilité et la légitimité en reviendraient aux Franciliens et à leurs représentants.
Cependant, puisque nous ne pouvons nous dédouaner d’une réflexion sur ces questions, je vais tout de même vous dresser quelques pistes d’actions qui me semblent prioritaires. Elles sont au nombre de trois : le logement, les transports de proximité et les équipements collectifs de service public, ce qui inclut, bien évidemment, tout ce qui touche à l’environnement et à l’écologie.
Dans un souci de concision, je me bornerai à dire que, pour les sénateurs du groupe CRC-SPG, si l’urgence réside bien dans la mobilisation de toutes les intelligences pour créer la ville de demain, celle-ci doit se faire au profit du bien commun et non pour le contourner comme le fait ce texte en confisquant l’intérêt général par le biais d’un coup de force étatique sur les collectivités locales !
S’inspirer du développement du capitalisme mondialisé et en faire un modèle pour construire votre projet de Grand Paris n’est peut-être pas la meilleure des idées, alors même que la crise qu’il a engendrée n’a pas épargné les métropoles que vous vous plaisez à prendre pour exemples ! §
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la globalisation mondiale se caractérise, selon le rapport de Christian Saint-Etienne remis au Président de la République le 25 juin 2009, par deux traits spécifiques.
Le premier de ces traits accentue la transformation de l’économie vers une économie entrepreneuriale de la connaissance, une sorte de système qui favorise, par l’action d’intermédiaires spécialisés, les interactions entre entrepreneurs, capitaux-risqueurs et investisseurs, chercheurs développeurs, ingénieurs de production.
M. Yves Pozzo di Borgo. Le second trait qui caractérise cette mondialisation, c’est qu’elle intègre la puissance de l’urbanisation dans le développement économique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.
Les grandes villes sont devenues la colonne vertébrale du développement économique. Pour ne prendre qu’un exemple, c’est non pas la Chine qui se développe, mais d’abord Shanghai, Canton, Pékin, Hong Kong, ou d’autres grandes villes chinoises.
Sur cette urbanisation, s’est greffé le concept des villes-monde. La caractéristique de ces dernières tient au fait que la croissance économique est beaucoup plus importante chez elles que sur le reste du territoire national.
Il existe actuellement quatre villes-monde : Tokyo, Londres, New York, Paris.
De nombreuses villes d’Asie, notamment en Chine et en Inde, et d’Amérique latine vont accéder à ce statut et devenir nos concurrentes.
Paris-Île-de-France est cette ville-monde, sorte de géant économique aux échelons national et européen, qui représente 5, 3 millions d’emplois, soit 25 % de l’emploi français. Plus de la moitié des brevets français déposés, soit 55 %, font intervenir au moins un partenaire résidant dans le Bassin parisien, lequel compte 70 000 chercheurs et 25 % des étudiants français.
En termes de PIB, l’Île-de-France est, et de loin, la première région européenne, classée largement devant la Lombardie et Londres. Elle représente 29 % du PIB français, dont – je le dis à l’intention de nos collègues de province –22 % seulement sont consommés par les Franciliens, le reste étant distribué dans les autres régions françaises.
Mais si l’Île-de-France apparaît comme un géant économique aux échelons national et européen, elle souffre d’un manque de dynamisme de son PIB et de ses emplois. Elle est, en quelque sorte, un énorme pétrolier qui avance lentement ! En effet, ces derniers temps, l’emploi n’y a crû que de 9, 7 %, alors qu’il augmentait en France métropolitaine de 14, 2 %.
Durant cette même période, la croissance en Île-de-France s’est élevée à 2 %, alors que celle du Grand Londres était de 8 %.
Murmures sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
À terme, la région d’Île-de-France pourrait donc perdre son statut.
Les chiffres relatifs à l’Île-de-France sont d’autant plus inquiétants qu’un groupe d’économistes fait état d’une baisse attendue de 25 % à 12, 5 % du PIB européen dans le PIB mondial d’ici à 2050.
C’est pourquoi il est nécessaire de construire un projet de nature à favoriser le dynamisme de cette région, utile à la France et à l’Europe : c’est le projet de Grand Paris.
M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.
Cependant, cet ensemble souffre d’un empilage des structures. La multiplicité des acteurs – État, région, départements, communes et intercommunalités – augmente les charges publiques, nuit à la cohérence et à l’efficacité de la décision publique, en particulier s’agissant de transports et de déplacements, mais aussi en matière de logement, d’urbanisme, de développement économique et d’équipements structurants.
Le cœur d’agglomération pâtit de l’absence de politiques communes.
Malgré cet empilage des structures, le taux des couvertures intercommunales par région en France atteint 89, 1 %, contre 56 % seulement pour l’Île-de-France.
Pour affronter la concurrence mondiale avec une masse critique suffisante, la plupart des grandes villes européennes, notamment Berlin, Londres ou Rome, ont regroupé les collectivités locales comprises dans leur aire urbaine afin d’organiser leur développement et leur aménagement.
Je ne prendrai que l’exemple de Lyon. L’agglomération lyonnaise bénéficie d’une gestion urbaine placée, depuis plus de quarante ans, sous une autorité administrative unique remontant au texte de 1966. Depuis vingt ans, Lyon figure parmi les vingt villes européennes, toutes catégories confondues, jugées les plus attractives.
L’absence de structure de gouvernance explique que, malgré sa puissance économique, l’Île-de-France enregistre des chiffres de croissance inférieurs à ceux que connaissent le reste de la France ou les autres grandes villes européennes.
Cette absence de gouvernance explique aussi que des pépites d’emplois énormes ne sont pas exploitées. Prenons l’exemple de Saclay, qui accueille, outre deux universités et de nombreuses écoles, quantité d’entreprises.
Ce campus, d’envergure mondiale, en termes d’effectifs et de domaines scientifiques concernés, supporte la comparaison avec les plus prestigieux campus étrangers. C’est ainsi que le nombre de publications de recherches, retenu comme critère d’efficacité dans le secteur de la recherche, y est égal à celui qu’enregistrent le Massachusetts Institute of Technology, ou MIT, de Boston et l’université américaine de Stanford. Et il devrait rattraper très vite le niveau de Cambridge.
Si les méthodes américaines d’aménagement, d’échanges de connaissances, d’accompagnement de toutes sortes étaient appliquées à Saclay, nous pourrions, madame Assassi, augmenter le nombre d’emplois non pas de 100 %, mais de 1 000 % !
Or, à l’heure actuelle, la région à Saclay, c’est quelques bus et un RER poussif, sans aucune vision d’ensemble !
C’est la raison pour laquelle il a fallu que ce soit l’État stratège, sur l’initiative du Président de la République et du secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale, Christian Blanc, qui prenne la situation en main et propose un texte sur le Grand Paris.
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Il s’agit de mettre en valeur neuf pôles, sur le modèle de Saclay, et d’aménager les infrastructures de transports afin d’accompagner ce dynamisme. Nous espérons que ces neuf pôles deviendront à terme, si nous avons bien compris l’esprit de ce texte, des villes modernes de 400 000 à 500 000 habitants.
Ainsi, ce projet de loi, très pragmatique, tend à apporter deux réponses principales pour relancer la croissance de l’Île-de-France et son attractivité dans le système « monde ».
La première réponse consiste en un réseau de transports s’appuyant sur la ligne 14 et desservant les territoires autour de Paris, selon un trajet en double boucle qui desservira les pôles stratégiques ; nous y reviendrons ultérieurement au cours du débat.
La seconde réponse a trait à l’implantation d’un des premiers de l’innovation, s’appuyant sur une concentration d’universités de rang mondial et de chercheurs publics et privés installés sur le plateau de Saclay, ...
... mais dont l’État stratège souhaite soutenir le développement.
Ces deux premières initiatives sont essentielles au développement économique de l’Île-de-France et à la croissance française.
Ce projet de loi, je l’espère, n’est que le premier de nombreux autres textes qui devraient suivre et accompagner la réflexion sur le Grand Paris.
M. Yves Pozzo di Borgo. D’ailleurs, le Sénat devrait pérenniser cette commission spéciale sur le Grand Paris !
M. le rapporteur fait un signe de dénégation.
Il faut, certes, défendre les zones rurales, mais il me semble que le Sénat ne se préoccupe pas suffisamment des zones urbaines, sachant que 72 % des Européens et 49 % de la population mondiale vivent en ville, et que ces proportions ne font qu’augmenter.
Cette réflexion sur l’urbanité...
... nous éviterait de copier les modèles des métropoles mondiales, comme Delhi, Shanghai, Séoul, Tokyo, qui, tout en « fonctionnant » économiquement, sont une véritable insulte faite à l’homme tant elles sont denses, bruyantes, polluées.
M. Jean-Pierre Caffet. Tokyo ? Vous allez créer un incident diplomatique !
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
La qualité de vie dans une métropole à taille humaine est, au contraire, un facteur d’attractivité. C’est la raison pour laquelle le Sénat doit réellement se pencher sur ce sujet.
Voilà où en est ma réflexion sous-jacente sur ce projet de loi. Le débat en séance publique nous permettra d’avancer ; je souhaite apporter ma contribution à cette évolution.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi de vous citer deux phrases : « [L’] organisation [de la République] est décentralisée » ; « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ». Chacun aura reconnu ces lignes, extraites des articles 1er et 72 de la Constitution, qui est notre guide à tous.
Mme Nicole Bricq. En effet, pour le groupe socialiste, le projet de loi relatif au Grand Paris prend rang dans le cycle recentralisateur ouvert par la loi de finances pour 2010, supprimant l’impôt économique local
Mme Dominique Voynet applaudit.
Ce serait déjà là une raison substantielle justifiant que nous combattions ce texte, mais elle ne serait pas suffisante.
Nous allons vous démontrer que votre projet repose sur un diagnostic erroné concernant la région-capitale, sur une stratégie et une méthode datées nous ramenant vingt-cinq ans en arrière et sur des outils inadéquats.
Ce diagnostic, le Gouvernement et la commission spéciale le partagent. Pour M. le secrétaire d’État, les potentiels de la région n’ont « pas de visibilité mondiale » et sont donc « insuffisamment attractifs ». M. le rapporteur, quant à lui, veut « remettre la région dans la croissance mondiale environnante ». La région-capitale souffrirait donc d’un défaut de « compétitivité ».
Votre stratégie et les outils que vous proposez de mettre en place se réduisent donc, finalement, à une infrastructure de transport censée y remédier.
Ce raisonnement conduit à substituer une priorité, celle du Gouvernement centrée sur le réseau de métro automatique, à une autre priorité, celle qui résulte de la concertation territoriale, c’est-à-dire du vote du conseil régional de juin 2008, approuvé par les Franciliens lors de la consultation du 21 mars dernier, autrement dit à notre vision, qui fait écho à l’attente des élus et aux besoins des populations.
Même s’il est malaisé de définir la notion de compétitivité du point de vue strictement économique, je rappellerai quelques données.
Tout d’abord, comme vient de le dire M. Pozzo di Borgo, la région d’Île-de-France représentait 19 % du produit intérieur brut français en 2008. Cette production de richesse est évaluée en euros constants à 488 milliards d’euros, ce qui fait d’elle la première région d’Europe.
Lorsque l’on ramène ces chiffres à l’habitant, l’Île-de-France n’est plus que sixième de ce classement, car la richesse globale y est très mal répartie et les inégalités y sont beaucoup plus marquées qu’ailleurs.
Selon nous, s’il existe une entrave profonde à la compétitivité, c’est bien dans les inégalités territoriales et sociales qu’elle réside.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Pour ce qui est du secteur des services à forte intensité de connaissance, les SFIC, l’Île-de-France est, selon Eurostat, la première région d’Europe devant la Lombardie-Milan, le Danemark et le Grand Londres.
Enfin, en termes d’attractivité des investissements étrangers, la région se place au deuxième rang, derrière Londres, mais avec un nombre supérieur de créations d’emplois, et en quatrième position à l’échelon mondial, derrière Shanghai, Hong Kong et Londres.
En termes d’accueil des centres de décisions, Paris-Île-de-France se classe devant New York et Londres, juste après Tokyo, et occupe la première place en matière d’emplois stratégiques.
Ne soyez pas impatient, mon cher collègue !
Ce florilège de performances doit-il nous conduire à ne rien faire ? Certainement pas, car dans un monde incertain et changeant, rien n’est acquis. Nous savons bien que notre territoire national, de même que celui de la région d’Île-de-France, ne sont pas assez performants en termes de croissance potentielle, qui est productrice d’emplois.
Ce n’est donc pas une spécificité francilienne. Nous savons aussi que l’appareil productif et l’innovation connaissent un certain retard. Ce n’est pas pour rien que le Président de la République a lancé un grand emprunt !
M. Jean Desessard opine.
Il faut donc se battre. Encore faut-il opérer les bons choix d’aménagement, environnementaux et sociaux, tout autant qu’économiques. C’est là que votre projection dans l’avenir relève d’un parti pris.
Les pôles économiques reliés par un transport rapide constituent pour vous l’unique solution. Au moment où toutes les métropoles européennes, dans le contexte de l’après-Kyoto, font le choix d’un aménagement urbain compact, comme le fait le SDRIF, vous choisissez l’étalement, sans pour autant répondre à l’attente des élus qui, depuis les grandes vagues de la décentralisation, s’organisent. Ils ne le font peut-être pas assez vite ou assez bien, comme nous le rappelle souvent notre collègue Philippe Dallier, qui nous presse d’améliorer la gouvernance, et il n’a pas tort...
Applaudissements sur quelques travées de l ’ UMP. – M. Jean-Jacques Jégou applaudit également.
Néanmoins, doit-on rappeler que c’est Bertrand Delanoë et son équipe qui ont, dès 2001, ouvert Paris à la petite couronne en faisant un premier pas décisif en créant le syndicat Paris-Métropole ?
Doit-on rappeler que Jean-Paul Huchon a conduit pendant plus de quatre années une concertation et une négociation, qui ont abouti à un nouveau schéma d’urbanisme, bloqué depuis lors par l’État, et à un plan de mobilisation pour les transports, que nul ne conteste ? Je n’ai entendu personne au Sénat remettre en cause ce plan, ni lors des auditions, ni lors des réunions de la commission spéciale, ni sur ces travées.
Doit-on rappeler que, localement, des projets territoriaux se développent au travers de l’intercommunalité ?
Doit-on rappeler que la région, qui a récupéré, cinq ans après les autres régions, la compétence pleine et entière dans le domaine des transports, a plus que doublé son effort financier en trois ans, avec l’appui des départements ? À ce rythme, au cours de la décennie 2010, elle résorbera les problèmes structurels dus aux trente ans de retard accumulés par l’État. C’est bien pour cela qu’elle a donné la priorité à l’amélioration de l’existant.
Tout le travail du rapporteur et de la majorité de la commission spéciale a consisté, à partir d’un diagnostic erroné, d’une vision partiale, à crédibiliser le projet du Gouvernement, à la fois en lui apposant un vernis de territorialisation, sans pour autant associer les élus aux décisions – elles seront concentrées dans les mains de l’État grâce au mode de gouvernance choisi ! –, et en inscrivant un semblant de financement, au demeurant incantatoire et aléatoire, pour un projet d’infrastructure de transports dont le coût l’est tout autant.
Nous aurons une discussion serrée sur le financement, monsieur le secrétaire d’État, lors de l’examen des articles 9 et suivants.
Alors que vous aviez refusé de définir les modalités de ce financement lorsque nous vous avions interrogé sur ce sujet le 18 mars dernier, vous nous avez annoncé tout à l’heure qu’il reposerait sur l’utilisation des remboursements des prêts consentis à la filière automobile.
M. le rapporteur, quant à lui, avait précisé auparavant, lors de la conférence de presse, que ce financement proviendrait des 13 milliards d’euros remboursés par les banques. Il sait pourtant que c’est impossible. En effet, la loi de finances rectificative pour 2010 qui porte le grand emprunt, avec les 13 milliards d’euros précités et les 22 milliards d’euros empruntés sur les marchés financiers, en a fléché les affectations, au nombre desquelles ne figurent pas les infrastructures de transport.
Si, pour votre part, monsieur le secrétaire d'État, vous envisagez d’utiliser les remboursements des prêts consentis à la filière automobile, permettez-moi de souligner que ces remboursements ne peuvent pas être considérés comme des engagements financiers de l’État. Que se passerait-il si les créances n’étaient pas remboursées ? Ce financement est tout à fait aléatoire ! C’est bien la preuve que l’État est financièrement à bout de souffle !
C’est la preuve aussi qu’une lecture globale et crédible de l’ensemble des financements est nécessaire, comme nous le demanderons dans un amendement, ce qui ne peut se faire que dans le cadre d’une loi de finances. Nous aurions aimé disposer d’un tel outil au sein de la loi de finances pour 2010, conformément à ce que souhaitait le Premier ministre en confiant une mission à M. Carrez.
Du reste, si l’on avait voulu qu’une négociation loyale ait lieu entre l’État, la région et les collectivités territoriales, on aurait pris en compte le travail de M. Carrez, qui connaît d’autant mieux son sujet qu’il est président du comité des finances locales. Or le projet de loi que vous nous présentez ne retient aucune de ses propositions.
Au contraire, en effet, vous préférez retenir le principe des valorisations foncières, qui avaient été jugées trop aléatoires et insuffisantes par notre collègue M. Carrez, et vous ne fixez aucun calendrier pour votre projet.
Tout se passe comme si la majorité sénatoriale, ainsi que le Gouvernement, avaient fermé les yeux et les oreilles sur le vote des Franciliens du 21 mars.
Pour eux, il ne s’est rien passé ce jour-là.
Pis, la majorité sénatoriale dénie le vote populaire en aggravant la version de l’Assemblée nationale, et ce à trois reprises.
À l’article 3, tout d’abord : elle fait sauter le débat public imminent que le conseil régional lance sur Arc Express, conformément aux priorités de son plan de mobilisation.
À l’article 9 ter, ensuite : la majorité sénatoriale assujettit au nouvel impôt, au nom barbare d’IFER, imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, le matériel roulant, dont le Gouvernement a transféré la propriété au STIF, par le biais d’un amendement scélérat déposé sur un texte précédent.
Le STIF sera donc le contributeur de cette nouvelle taxe, qui a été instaurée à la suite de la suppression de la taxe professionnelle...
...et qui sera affectée à la Société du Grand Paris, alors même que ni la région ni les départements regroupés au sein du STIF ne sont associés aux décisions, lesquelles sont prises unilatéralement. Curieuse conception du dialogue !
À l’article 29, enfin : s’agissant de l’organisation des transports nécessaires au plateau de Saclay, le Gouvernement ne respecte pas son engagement pris devant l’Assemblée nationale de retirer cet article si le STIF s’engageait à accepter à une délégation de compétences, ce qu’il a fait lors de son conseil d’administration du 17 février, décision qui sera formalisée au début du mois de juin.
Nous avions cru que le Sénat tirait une grande partie de sa légitimité des collectivités locales, dont il se devait d’être le premier défenseur. Or s’il votait ce texte, il participerait au sabotage du projet de la région et des départements.
Faut-il voir dans ces trois articles de simples provocations ? Je ne le crois pas, car nous faisons la loi, qui plus est dans le cadre d’une procédure accélérée ; seule la commission mixte paritaire pourrait y revenir.
S’agit-il de gagner du temps ? M. le rapporteur se félicite que la dérogation au droit commun de la procédure du débat public permette de gagner un an : ainsi les travaux pourront-ils commencer, selon lui, début 2012. Or M. le secrétaire d’État a évoqué la fin 2013.
Étonnante obsession du temps pour un projet qui n’est ni financé ni daté ! Curieuse posture, qui renvoie à l’avant-décentralisation ! Troublante attitude face à l’émergence, permise par la décentralisation, des associations et des citoyens qui veulent légitimement donner leur avis ! La démocratie est ainsi prise en otage par ce texte.
S’agit-il de prises de guerre, comme nous en sommes convaincus, afin de créer un rapport de force favorable à l’État face à la région ? Si tel est le cas, c’est une instrumentalisation de la loi et du Parlement très contestable.
Comme vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les membres du groupe socialiste entendent non pas porter des appréciations divergentes sur telle ou telle modalité, mais défendre une vision et des priorités fondamentalement contradictoires à celles que comporte le présent projet de loi.
Notre contribution au débat, les amendements que nous avons déposés, notre opposition au texte nous placent résolument du côté de la démocratie, de la décentralisation, de la confiance entre les uns et les autres, sans lesquels aucun projet d’avenir n’est viable.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui est particulièrement important non seulement pour l’agglomération parisienne, mais aussi pour tout notre pays.
Il représente une chance pour la région parisienne de s’adapter aux impératifs de la concurrence internationale – cela a déjà été indiqué –, pour Paris de rester l’une des quatre ou cinq villes-monde et pour les Franciliens de bénéficier d’une meilleure offre, particulièrement en matière de transports et d’emploi.
Mais au-delà de Paris, ce texte est également une grande chance pour la France entière.
Il est évident que l’amélioration de l’attractivité de la région-capitale aura un effet d’entraînement, d’abord, sur le grand Bassin parisien, avec lequel Paris se trouve en interaction permanente. Je le rappelle, cette zone couvre vingt départements, six régions et regroupe plus de 30 % de la population française.
Cet effet d’entraînement se fera également sentir, quoique de façon plus indirecte, sur l’ensemble du territoire national.
Nous devons surtout comprendre, mes chers collègues, que le présent projet de loi n’est pas celui d’une région, qui s’opposerait à toutes les autres. En permettant de dynamiser la région-capitale, il bénéficiera à tout le pays. Il répond donc à l’ambition formulée par le Président de la République quand il a voulu et lancé ce dossier stratégique.
Ce texte a fait l’objet d’un très important travail d’analyse et d’amélioration par la commission spéciale présidée avec grande compétence par notre collègue Jean-Paul Emorine. Le remarquable document établi par le rapporteur, Jean-Pierre Fourcade, avec la rigueur et le talent que nous lui connaissons
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je dois dire, monsieur le secrétaire d'État, que, pour l’essentiel, vous avez répondu à ces interrogations, car votre texte marque à la fois une réelle ambition, mais aussi un solide pragmatisme, nécessaire pour mener une telle entreprise.
Ainsi, pour la première fois depuis cinquante ans et les travaux menés par Paul Delouvrier, une vision globale du développement de la région-capitale, alliant ambition économique, planification raisonnée des transports et création d’instruments juridiques de coordination de l’action publique, est proposée.
Quatre innovations figurant dans le projet de loi doivent être retenues. Il s’agit de la Société du Grand Paris, aux compétences importantes tant dans le domaine foncier que dans celui des transports, de l’établissement public de Paris Saclay, destiné à impulser le développement du pôle scientifique et technologique du plateau de Saclay, de la création d’un réseau de métro automatique de cent trente kilomètres en double boucle et, enfin, de la création de contrats de développement territorial, gage de respect mutuel et de concertation loyale entre l’État et les collectivités locales, afin, notamment, de participer à l’objectif de la construction de 70 000 nouveaux logements.
Ce texte, en raison de la création d’une quarantaine de gares qu’il sous-tend, constituera un support inestimable pour le développement de nos pôles de compétitivité.
S’agissant du pragmatisme, je constate, monsieur le secrétaire d'État, que vous n’avez cédé ni à la tentation du meccano législatif ni au vertige de la table rase. Allant dans votre sens, la commission spéciale a proposé des améliorations. Je n’en citerai que deux : les amendements présentés par M. le rapporteur visant à améliorer la gouvernance de la Société du Grand Paris ou ceux qu’a déposés notre collègue Christian Cambon, tendant à améliorer le réseau de transports publics.
Je souhaite également évoquer la nécessaire interconnexion qui doit être mise en place avec l’ensemble du réseau ferroviaire et routier national. Le défi de l’insertion du réseau en double boucle dans le réseau des lignes à grande vitesse est évidemment particulièrement sensible : Paris se doit d’avoir des échanges constants et de qualité avec les autres métropoles européennes.
Je veux maintenant souligner l’importance que revêtent pour les Parisiens et pour les Franciliens certains projets d’amélioration de lignes de métro, ainsi que l’urgence des investissements relatifs au RER, particulièrement pour la ligne A, au bord de la saturation et dont les usagers doivent supporter des conditions de transport très dégradées.
Mais au-delà de ces investissements nécessaires dans le centre de l’agglomération, un chiffre m’a impressionné : 70 % des déplacements franciliens quotidiens se font de banlieue à banlieue. En ma qualité d’élu du Paris historique, du Paris central, je pense que l’effort porté sur ce type de déplacements est une priorité que nul ne devrait contester, s’il a le sens de l’intérêt général.
Pour conclure mon propos, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'État, de formuler deux suggestions.
Tout d’abord, il ne faut pas sous-estimer l’enjeu vital que représente le bassin de la Seine pour le développement économique de la région-capitale.
Le rapport au Parlement, demandé par la commission spéciale sur l’initiative de notre collègue Charles Revet et relatif à la mise en place d’un réseau affecté au fret ferroviaire à partir des ports du Havre et de Rouen, devra intégrer une analyse sur les possibilités de construire de nouvelles installations portuaires le long de la Seine pour assurer une meilleure desserte du Grand Paris.
Monsieur le secrétaire d'État, nous vivons sous l’empire, si j’ose dire, du port autonome de Paris. J’étais tenté de déposer un amendement tendant à supprimer l’adjectif « autonome »… En effet, personne, à Paris ou ailleurs, n’a jamais pu conseiller, demander, encore moins imposer, un quelconque projet à ce port. Charles Revet m’a indiqué, en fin de matinée, qu’il en était de même pour les autres ports autonomes.
Je ne m’étonne donc plus qu’Anvers soit le premier port de France !
Certes, il faut construire de nouvelles installations portuaires sur la Seine, mais il en existe déjà un certain nombre et je ne suis pas sûr qu’elles soient utilisées.
Par ailleurs, la préservation des particularités et de la force de l’agriculture dans notre région sont indispensables. La protection de ces espaces, nullement contradictoire avec les objectifs du projet de loi, me paraît essentielle aussi bien sur le plan économique que dans une perspective de développement durable, notion adossée à la Constitution depuis la réforme de 2005.
Je me félicite que, sur l’initiative de notre collègue Laurent Béteille, la protection de 2 300 hectares de terres agricoles situés sur le plateau de Saclay ait été introduite dans le texte.
Monsieur le secrétaire d'État, pour terminer ce bref aperçu, je citerai une réflexion émise, voilà un siècle, par Léon Duguit, prestigieux juriste et grande figure de l’école de Bordeaux, ce qui n’étonnera personne : « Il faut adapter les catégories juridiques aux faits et non les faits aux catégories juridiques ».
M. Roger Romani. Tel est bien tout l’atout de votre démarche, monsieur le secrétaire d'État, et c’est pourquoi j’apporte mon soutien à ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’ambition de faire de Paris une ville-monde implique une motivation de tous. Le développement de la capitale est un enjeu qui dépasse de loin toutes les querelles intestines, apparues tant entre la province et Paris qu’entre les Franciliens.
Mes collègues du RDSE et moi-même ne sommes pas des élus d’Île-de-France et, pourtant, nous souhaitions participer à ce débat essentiel à nos yeux.
Je rappellerai en cet instant une citation de Blaise Pascal : « Il y a des lieux où il faut appeler Paris, Paris, et d’autres où il faut l’appeler capitale du royaume. »
Au-delà du Grand Paris, c’est bien de la région-capitale, par conséquent de la France, que nous allons débattre durant cette semaine. L’enjeu est national, et c’est en ma qualité de parlementaire de la nation que j’interviens en cet instant.
Au-delà du consensus dégagé au sein de Paris métropole, qui, je vous le rappelle, rassemble des élus de toutes tendances, le concours international confrontant des architectes de renom avait permis de porter cette ambition.
Voilà bientôt un an, le Président de la République a fait part de sa vision de Paris, lors du discours qu’il a prononcé au palais de Chaillot. Je déplore que le Gouvernement n’ait pas mis à profit ce laps de temps pour engager plus avant la consultation et qu’il ait laissé à peine un mois cet automne aux élus concernés pour se prononcer sur un édifice aussi important.
Le présent projet de loi s’articule autour de trois grands axes, le premier d’entre eux concernant le réseau des transports publics du Grand Paris, envisagé comme un facteur de modernisation du réseau de transport francilien. Monsieur le secrétaire d'État, si vous pouvez nous garantir que les moyens financiers suivront effectivement les engagements pris, nous pourrons difficilement nous opposer à ce texte.
Cependant, dans la forme, il présente plusieurs incohérences, qui mettent en péril sa pertinence et sa faisabilité. Pis, elles jettent le doute sur sa sincérité.
Tout d’abord, l’articulation entre le futur réseau de transports porté par le projet de loi, le fameux Grand huit, et les réseaux déjà existants est absente. Dans ces conditions, comment comptez-vous assurer une gestion coordonnée d’un même réseau avec des opérateurs différents, le nouvel établissement public de gestion des transports, d’un côté, et le STIF, donc la RATP, de l’autre ? Quelle peut être la cohérence d’un tel dispositif ?
Le nouveau métro ne peut être une solution alternative à tous les modes de transport en commun actuels. Surtout, il ne doit pas faire passer la modernisation et la réhabilitation du réseau existant au second plan. Pendant la récente campagne des élections régionales, tous les candidats n’ont cessé de répéter que certaines lignes sont vétustes et laissées en déshérence.
Il est indispensable que la zone des cent trente kilomètres en rocade constitue un lien, véritable ciment entre tous les Franciliens, et ne soit pas seulement une passerelle de plus destinée à une élite.
Il est certes indispensable de réduire le temps de trajet. Mais il ne faut pas pour autant oublier que les orientations qui seront données aux investissements détermineront si le nouveau mode de transport, à savoir la navette automatique, prendra ou non le relais d’un ascenseur social en panne.
Par ailleurs, au titre V du projet de loi est créé un établissement public national à caractère industriel et commercial pour le plateau de Saclay, dénommé « Établissement public de Paris Saclay ». Cette structure se voit assigner des missions très larges : au-delà du rôle qu’elle doit jouer dans le domaine de l’aménagement du territoire, elle doit aussi encourager l’innovation économique et valoriser le tissu industriel.
L’inscription du plateau de Saclay au titre d’opération d’intérêt national en 2009 confirmait déjà sa position parmi les neufs franciliens. Le Bassin parisien, enregistrant plus de 50 % des dépôts de brevets, est en effet un catalyseur de l’innovation et de la recherche.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont enrichi la compétence environnementale de l’établissement public de Paris-Saclay. Je les en remercie, au moment où le Grenelle et ses défenseurs ne semblent pas, ou plus, en odeur de sainteté.
Je tiens également à saluer le travail réalisé en commission spéciale, qui a permis d'intégrer certaines revendications.
Mais le s'arrête là. Plusieurs volets du projet de loi ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées et, surtout, des besoins réels.
Il en est ainsi de la problématique du logement, qui reste au cœur des préoccupations de tous les Franciliens, en particulier des plus modestes. Dans ce domaine, l'Île-de-France souffre plus que tout autre territoire. Des milliers de logements font défaut et la mise en œuvre du droit au logement opposable constitue, reconnaissons-le, un véritable échec.
Nous avions milité pour la construction d’un plus grand nombre de logements. L'inscription, dès l'article 1er, de l'objectif de bâtir 70 000 logements par an est un premier pas vers un « Paris à vivre », mais il est trop petit.
J’en viens au volet relatif au financement des réseaux existants. Un seuil minimum devait être garanti, compte tenu de la disparition des financements programmés au profit du Grand huit. C'est chose faite, mais cela va à l'encontre de l'esprit de la décentralisation et de la volonté des élus du territoire. Ce texte crée un nouvel échelon administratif, doté d’outils d'urbanisation recentralisateurs et d'une superstructure n'offrant aucune garantie d’efficacité supplémentaire. Dès lors, la Société du Grand Paris semble être un outil privatisé au service de l'État, et de lui seul, afin de palier l'insuffisance des moyens financiers consacrés au développement de la capitale.
Au-delà, l'articulation des processus de décision entre l'État, la région d’Île-de-France, le STIF, la RATP et la Ville de Paris n’est pas suffisamment clarifiée. Pourquoi ne pas avoir repris le schéma directeur de la région, validé en 2008 par le conseil régional à une large majorité ? Il était pourtant, je tiens à le rappeler en cet instant, le résultat d'une large consultation publique, associant les conseils généraux de la région.
Le texte balaie ainsi d'un revers de main tous les efforts mis en œuvre pour faire vivre la démocratie de proximité et la décentralisation.
De plus, le projet de loi instaure des dispositifs entièrement dérogatoires au droit commun, alors que des outils juridiques existent, en matière d'urbanisme, en cas d'expropriation, de création de zones d'aménagement, de construction de réseaux de transports ou de développement urbain.
Le projet de loi attribue à l'État, par l'intermédiaire de la Société du Grand Paris, un droit absolu de préemption et d'expropriation, prélevant par la même occasion les plus-values financières.
Enfin, je terminerai mon propos en évoquant l'aspect financier du projet. L’application de la taxe forfaitaire me paraît un maigre palliatif aux investissements nécessaires à l'essor mondial de notre capitale.
Les financements de l'État restent en suspens sur l'ensemble des grands projets d'infrastructures franciliens. C'est le cas, par exemple, au sujet de la rénovation des lignes du RER, tant attendue par les usagers, ou du désengorgement de la ligne 13 et du prolongement de la ligne Éole entre la gare Saint-Lazare et La Défense.
Mes collègues vous l'ont rappelé, la région d’Île-de-France et les départements la composant, de droite comme de gauche, ont élaboré en 2008 un plan d'urgence pour les transports, destiné à rattraper dix ans d'inertie d'un État pourtant enclin à financer les métros d’autres agglomérations.
La contribution de l'État n'est toujours pas connue, alors que la mise en œuvre a déjà été engagée par le STIF compte tenu de l'urgence à agir. Si le projet de loi reprend la maîtrise d'ouvrage au STIF, plusieurs interrogations demeurent sans réponse.
La question des engagements financiers reste encore floue.
Celle du respect de la démocratie locale et des instances représentatives des collectivités territoriales est volontairement réduite à sa plus simple expression, pour ne pas dire bafouée. En particulier, le processus décisionnel proposé est en contradiction avec les compétences d'aménagement et de transport de la région et des autres collectivités. La région n'est pas explicitement représentée dans les organes décisionnaires de la Société du Grand Paris ou de l’établissement public de Paris-Saclay.
Pour toutes ces raisons, et sans même évoquer des considérations strictement partisanes, l'État semble surtout, à nos yeux, vouloir prendre le pouvoir sans y mettre les moyens.
C'est pourquoi, comme l’a déjà dit le président de notre groupe, Yvon Collin, la majorité des membres du RDSE et les sénateurs radicaux de gauche ne pourront pas voter ce texte en l'état.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant qu’élue de Paris, je salue bien évidemment les efforts entrepris pour faire de notre agglomération francilienne une région au rayonnement international sur tous les plans.
Certes, nous n’avons nul besoin de publicité sur le patrimoine prestigieux de notre ville et de notre région. Mais la mise en valeur de notre territoire par la création d’un véritable réseau de transports et d’une politique de recherche renforçant la dynamique économique de l’Île-de-France était une nécessité et une chance pour notre territoire, sa région, notre pays, et nous en sommes persuadés depuis des années.
Aussi, nous sommes heureux de contribuer à ce que ce projet voit enfin le jour, sous votre autorité, monsieur le secrétaire d’État, et sous celle de l’État, puisque les responsables locaux n’ont pas su le faire.
Ce texte, très pragmatique, a pour objet de susciter un développement économique et urbain structuré autour de territoires et de projets stratégiques identifiés, définis et réalisés par l’État et les collectivités territoriales.
Je ferai trois observations.
En premier lieu, la création d’un réseau de transports publics de voyageurs, reliant quarante gares et unissant les zones les plus attractives de la capitale et de la région d’Île-de-France, en sera un pilier fondamental.
Pour autant, la phase I de ce projet et tous ses dispositifs techniques et architecturaux, aussi nobles et beaux soient-ils, ne doivent pas nous faire oublier les enjeux humains que nous aurons toujours à relever pour permettre un véritable développement de l’Île-de-France, en matière d’emploi, de logement ou de santé.
Dans l’exposé des axes qu’il a retenus pour améliorer le projet de loi, notre rapporteur, Jean-Pierre Fourcade, nous rappelait à juste titre l’importance d’assurer la cohérence globale entre logement, transports et emploi, et ce dans le respect des objectifs de développement durable.
En effet, la croissance de l’emploi est plus modérée dans notre région que partout ailleurs en France. De plus, comme vous le savez, la part de l’Île-de-France dans la construction nationale des logements a baissé de 7 % en quinze ans. Elle ne représente plus que 10%. Or le nombre de personnes mal logées augmente.
Le Grand Paris représente un défi humain. Prendre en compte cette dimension est donc une condition essentielle si nous ne voulons pas voir se développer une région à deux vitesses, l’une pour les gagnants du Grand Paris, l’autre pour les oubliés de la boucle et du Grand huit.
En deuxième lieu, j’aborderai la politique de recherche mise en œuvre sur le plateau de Saclay. Tout en protégeant un territoire agricole important, il s’agira de mettre à l’honneur, grâce à un campus prestigieux, les 78 000 chercheurs vivant actuellement sur les territoires franciliens. Cela représente 43 % des dépenses nationales en recherche et en développement déployées dans la région. Nous disposons là d’une grande richesse intellectuelle. Nous devons la mettre en valeur et l’encourager par la mise en place de pôles de compétitivité.
Ce sera, je l’espère monsieur le secrétaire d’État, une occasion d’envoyer un signal fort à la recherche biomédicale à visée thérapeutique en France, tant nous avons pris de retard dans ces domaines.
Je veillerai tout particulièrement à ce que les fonds alloués à l’établissement public de Paris-Saclay, pour son pôle de développement scientifique et technologique, réservent une part importante à la recherche à visée thérapeutique.
Il s’agira, par ailleurs, d’assurer la liaison avec le maillage sanitaire et hospitalier, qu’organise Claude Évin et devant être mis en place prochainement sur l’ensemble de notre territoire.
Il importe en effet d’éviter, comme nous l’avons évoqué à plusieurs reprises, monsieur le secrétaire d’État, qu’il ne se produise, demain, un décalage entre la réorganisation dans ce secteur et les pôles de développement scientifique.
En troisième lieu, je poserai une question. Des études démographiques prospectives ont-elles été menées par vos services ou par l’INSEE afin d’adapter le projet de Grand Paris à la population qui sera présente sur notre territoire dans une vingtaine d’années ?
Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez dit à l’instant, le Grand Paris est un ensemble systémique, où le tout est plus important que l’ensemble des parties. Je partage cette analyse, tant l’incapacité à penser ensemble les problèmes locaux et globaux constitue, à mes yeux, l’obstacle principal à une politique du développement durable.
Ainsi, j’ai osé espérer que l’écologie de l’homme, c'est-à-dire l’accueil de l’humain sur le territoire dans toute sa dimension, puisse être prise en considération plus fondamentalement que dans le passé, afin de ne pas se limiter à concevoir un Grand Paris qui ne perçoive qu’un fragment d’humanité.
Vous avez choisi de ne pas maximiser cette dimension. Je le regrette quelque peu, même si je comprends votre objectif d’efficacité, car, selon moi, on ne peut faire l’économie de cette intégration de l’homme dans sa totalité sur notre territoire. Cette idée recoupe la façon dont il est connecté aux différentes logiques, notamment urbaine et architecturale. En la négligeant, le rêve urbanistique s’anéantira.
Monsieur le secrétaire d’État, nous savons que votre ambition est de faire du Grand Paris un corps vivant.
C’est la phase II de votre projet. N’attendez pas trop pour nous la présenter afin que le Grand Paris soit une vraie chance pour tous les Franciliens.
Je vous remercie de votre investissement sur un tel sujet et, comme tous mes collègues du groupe UMP, je soutiendrai ce projet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention se limitera à la partie du texte consacrée au plateau de Saclay et à la création de l’établissement public de Paris-Saclay.
En premier lieu, le maintien du statu quo sur ce territoire ne me semble ni possible ni souhaitable. Une évolution est en effet indispensable, fondée sur un véritable « projet partagé » et sur les atouts accumulés par ce pôle scientifique tout au long de cinquante années d'histoire.
En second lieu, l'intervention de l'État est bien entendu bienvenue dans un contexte général marqué plutôt par son désengagement constant, particulièrement dans les domaines des transports, du logement, de la recherche et de l'emploi.
Mais cette implication doit s'opérer dans une démarche de co-élaboration avec les collectivités locales et les différents acteurs du territoire.
Il ne s’agit certainement pas d’ignorer les besoins des populations vivant sur le plateau et dans les vallées, en mettant en cause l'indépendance de la recherche, en menaçant la pérennité de l'activité agricole et en s'opposant à l'action et aux projets des élus locaux.
Monsieur le secrétaire d’État, je veux d'emblée vous faire part d'une opinion largement partagée par tous les acteurs locaux : l'intervention autoritaire de l'État ne peut que conduire à une impasse.
En effet, ce territoire n'a pas attendu la création d'un établissement public pour devenir un pôle scientifique et technologique de renommée mondiale. Il regroupe déjà la plus puissante concentration de personnels et de moyens de la recherche publique française.
La palette d’établissements prestigieux y est exceptionnelle. Je pense notamment à l’université Paris-Sud XI, à de grands organismes de recherche tels le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, le Commissariat à l’énergie atomique, le CEA, ou l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, à de grandes écoles comme Polytechnique, HEC ou Supélec, à des équipements majeurs comme le Synchrotron et, enfin, à de grandes entreprises comme Thalès, Renault, Alcatel-Lucent ou encore EADS.
Dès lors, on peut légitimement s’interroger sur les raisons qui poussent le Gouvernement à définir par la loi des dispositions relatives à la création d’un cluster scientifique et technologique, alors que celui-ci existe manifestement déjà.
La réponse à une telle interrogation se trouve sans doute dans l’une de vos déclarations, monsieur le secrétaire d’État : « L’excellence des équipes devra être utilisée pour nourrir des thématiques plus orientées vers le marché ».
Ainsi, le véritable objectif visé par le Gouvernement consiste en réalité à s’assurer la maîtrise et l’orientation de l’ensemble des activités d’un tel pôle scientifique, notamment les activités de recherche, avec la nécessité d’avoir la haute main sur l’aménagement du cluster.
Il s’agit pour vous de réorienter l’activité du dispositif de recherche fondamentale vers les secteurs susceptibles de rentabilité de court terme, tout en connectant plus directement l’élite de la recherche avec les grands groupes privés.
Avec ses atouts d’exception, le plateau de Saclay est, à vos yeux, le cadre idéal pour réaliser le prototype d’une conception libérale des relations entre la science, l’enseignement supérieur et les intérêts des secteurs privés. Cette réalisation aurait valeur de référence pour l’ensemble du territoire national et valeur démonstrative pour les pays étrangers.
Non seulement une telle soumission de la recherche fondamentale à des intérêts privés de court terme n’est pas admissible, mais, en plus, la valorisation de quelques formations d’élite, qui conduit en réalité à un véritable écrémage, reléguera au second plan les missions de formation de la grande masse des étudiants.
Alors que le Gouvernement désagrège la recherche publique et l’enseignement supérieur, les risques d’un pilotage des activités de recherche centré sur la valorisation économique sont grands. Les outils de recherche publique se trouveront ainsi à la disposition d’entreprises privées, qui, de leur côté, réduisent leurs propres coûts en n’hésitant pas à multiplier les restructurations et les plans de suppressions d’emploi, notamment dans les domaines de la recherche et du développement.
De plus, la pertinence du choix consistant à délocaliser de nouveaux centres de recherche public ou privés, de nouvelles grandes écoles, et de les concentrer sur un périmètre aussi restreint que celui du plateau de Saclay est loin d’être démontrée.
De telles délocalisations pénaliseront lourdement les territoires sur lesquels les structures concernées sont actuellement implantées, participant ainsi à une mise en concurrence des territoires, que nous condamnons, et à un accroissement des inégalités territoriales, que nous combattons. Et qu’allons-nous y gagner ?
Monsieur le secrétaire d’État, en réalité, votre conception d’un cluster fondé seulement sur la proximité géographique relève d’un modèle ancien, totalement inadapté au développement actuel des activités de recherche et des modes de communication modernes.
M. le secrétaire d’État s’exclame.
En revanche, ce qui est essentiel pour favoriser des mises en synergie, c’est que les différents établissements disposent d’un référentiel commun, d’un langage et d’un vocabulaire partagés et de pratiques de recherche similaires, capables de nourrir des projets communs. Or votre texte reste muet sur tout cela.
En outre, le projet de regroupement en campus thématiques risque de « casser » des lieux pluridisciplinaires, qui sont pourtant les plus générateurs de créativité et qui sont pourvus d’une communauté scientifique ayant mis des décennies à se constituer et à élaborer des codes.
C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques de ce projet, qui consiste à ne pas tenir compte des réalités et des volontés locales.
En termes économiques, je pense notamment au Parc d’activités de Courtabœuf, où des entreprises à vocation scientifique sont déjà implantées, zone qu’il est impératif de désenclaver.
Je pense également à la vocation agricole du plateau, que vous reconnaissez du bout des lèvres, n’hésitant pas à remettre en cause au cours du débat à l’Assemblée nationale la nécessité de préserver au moins 2 300 hectares de terres agricoles – ce qui fait pourtant l’objet d’un consensus entre tous les acteurs locaux –, afin d’assurer la pérennité de cette activité.
Sur ce point, je me réjouis que la commission spéciale ait réintroduit à l’unanimité cette exigence accompagnée d’une localisation précise du périmètre sanctuarisé.
Par ailleurs, votre projet ignore les dynamiques impulsées par les élus locaux. Par exemple, en termes d’urbanisation, les disponibilités foncières qui existent dans l’ensemble des plans locaux d’urbanisme, les PLU, des communes concernées sont suffisantes pour répondre aux besoins diversifiés de logements, notamment de logements sociaux, tout en réalisant l’équilibre habitat-emploi et en économisant les espaces agricoles du plateau.
Pour les transports, toutes les parties auditionnées sont unanimes : l’urgence est à la rénovation des réseaux existants, prioritairement les lignes du RER, et au déploiement d’infrastructures de proximité – il s’agit du tram-train, du tramway ou des lignes de bus en site propre – permettant des déplacements rapides, pour les populations qui y travaillent ou qui y habitent, et évitant d’aggraver l’engorgement du réseau routier.
De tels projets sont inscrits dans le plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France adopté par la région et les départements franciliens, et leur réalisation est prioritaire.
Le respect des volontés locales exprimées par les communes et leurs groupements, par les conseils généraux de l’Essonne et des Yvelines ainsi que par la région d’Île-de-France est une condition impérative pour permettre au pôle d’innovation qui s’étend de Paris à Évry en passant par le plateau de Saclay et au pôle d’Orly de se développer sans accroître les inégalités territoriales et en favorisant la coopération avec les territoires voisins.
La création d’un établissement public, où l’État aura une place prépondérante et dont les prérogatives s’exerceront au détriment des compétences des collectivités territoriales, est contraire à une telle exigence. De même, la création d’un syndicat mixte des transports se substituant au STIF ne peut que nuire à la cohérence des infrastructures de transports dont ce territoire a besoin.
Monsieur le secrétaire d’État, votre projet fait naître beaucoup d’inquiétudes.
Par exemple, la présence d’une gare d’un métro automatique à haut débit, particulièrement adapté à des zones urbaines denses, desservant des centaines d’hectares agricoles, nous fait craindre le pire pour l’urbanisation future du plateau. De même, la délocalisation très coûteuse de l’université de quelques kilomètres nous conduit à nous interroger sur les risques de spéculation immobilière que ce déplacement provoquera.
Une autre logique est pourtant possible. Une logique qui consiste à s’appuyer sur les politiques publiques locales, coordonnées à l’échelle de la région, et qui tend à répondre aux besoins des populations, en termes d’égalité d’accès à l’emploi, au logement, aux transports et aux services publics en général. Une logique qui vise à l’articulation entre l’indépendance de la recherche et la nécessité qu’elle féconde tous les secteurs sociaux, économiques, culturels et environnementaux. Une logique qui renforce l’équilibre existant sur ce territoire entre les activités scientifiques et les activités agricoles, dans une perspective de développement durable et solidaire.
Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, nous n’adhérons pas à votre projet concernant le plateau de Saclay et nous défendrons, par nos amendements, une autre vision de son avenir.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre débat est organisé en urgence.
Oui, il y a urgence ! Il y avait urgence hier, il y a urgence aujourd’hui, il y aura urgence demain. La compétition mondiale ne nous attend pas.
Les retards pris doivent être rattrapés, les problèmes du jour doivent être traités et il faut anticiper sur ceux de demain.
Pour autant, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Et puisqu’il y a retard sur ce débat, il fallait d’urgence l’ouvrir, et il faut le traiter complètement.
Heureusement, bâcler, ce n’est pas le genre de notre rapporteur, Jean-Pierre Fourcade.
Et ce ne fut évidemment pas le choix de notre commission spéciale, qui s’est mise au travail sous l’autorité éclairée de son président, Jean-Paul Emorine. Elle l’a fait dans le calendrier contraint imposé, mais avec toute l’ardeur possible. Le sujet en valait la peine. Les défis à relever ne pouvaient pas nous laisser attentistes.
Le travail accompli en deux mois et la passion qu’y a mis notre commission attestent, je le crois, de notre volonté unanime d’aller vite et loin.
M. Jean Desessard s’exclame.
Notre Haute Assemblée aura apporté une contribution majeure au texte. Nous commençons à être vraiment dans le sujet, à en mesurer la complexité et à en maîtriser nombre d’aspects. Et c’est là que, du fait de l’urgence, l’élan va être cassé. À l’issue de la commission mixte paritaire, ce sera terminé. C’est bien dommage ! Vus les retards accumulés, nous n’en étions plus à un quart d’heure près. Une navette aurait à coup sûr enrichi le texte.
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a fait ici un choix que je regrette. Il va vous falloir trouver une manière de poursuivre le débat…
La récente campagne électorale a donné le fâcheux sentiment que le débat pouvait se résumer à un règlement de compte politicien entre un État UMP et une région PS promoteurs de deux stratégies différentes.
M. Denis Badré. Aujourd'hui, il appartient à l’un et à l’autre de montrer que leur posture n’était pas de circonstance et qu’ils sont déterminés à sortir d’un face-à-face paralysant pour retrouver le chemin d’un partenariat actif. Peut-être auront-ils besoin du Centre pour cela...
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
C’est d’ailleurs beaucoup plus largement encore que notre débat doit être fédérateur. Il ne faut pas seulement amener l’État et la région à se parler. Nous aurons fait œuvre utile si Franciliens et provinciaux comprennent qu’il s’agit d’un débat national, et même européen, que les enjeux d’aménagement de notre territoire dont il s’agit ne peuvent laisser indifférents ni les uns ni les autres. D’ailleurs, ne sommes-nous pas tous des élus « nationaux » ?
Derrière nos collègues normands, qui sont directement intéressés, et le président Jean-Paul Emorine, dont l’engagement personnel est porteur de sens, il me paraît souhaitable que nous nous mobilisions tous sur ce sujet déterminant pour l’avenir du pays.
Vider la province au profit de Paris serait aussi absurde que de refuser au Grand Paris les moyens nécessaires pour s’imposer sur la scène mondiale, au bénéfice de ses habitants comme de l’ensemble de nos compatriotes.
Je le précise au passage, c’est dans cet esprit que l’Alto-séquanais que je suis est membre du groupe sur les zones enclavées qui vient d’être lancé par notre collègue Pierre Bernard-Reymond. Nous sommes tous peu ou prou à la fois « enclavés » et « franciliens ».
Dans la même perspective, il nous faut poser et traiter, sans les caricaturer et pour les dépasser, les problèmes qui peuvent opposer l’est et l’ouest de notre région – n’est-ce pas, Philippe Dallier ? –, Paris intra-muros, la petite et la grande couronne – n’est-ce pas, Nicolas About ? –, voire opposer telle ou telle de nos intercommunalités ou de nos communes entre elles.
Nous avons ici une occasion exceptionnelle de fédérer et de travailler ensemble. C’est un excellent exercice pour les Français, dont ce n’est pas le penchant naturel…
Pour progresser durablement, il faut également, me semble-t-il, éviter plusieurs écueils.
Éviter d’abord toute recentralisation, car c’est une tentation constante de la France jacobine.
Éviter ensuite de compliquer encore une organisation déjà lourde et peu lisible.
Il y a déjà RFF, la SNCF, la RATP, le STIF et maintenant la Société du Grand Paris rien que pour les transports !
Éviter enfin d’aller vers une spécialisation des territoires, qui concentrerait par exemple les entreprises à la Défense, la science à Saclay et les logements ailleurs. Pour que chaque territoire soit vivant, il faut pratiquer à toutes les échelles une mixité bien tempérée.
Je note ici que l’intercommunalité est un très bon instrument de cette mixité. Une communauté d’agglomération – n’est-ce pas, Jean-Pierre Fourcade ? – peut construire son projet en visant le meilleur équilibre logement-emploi-transport. Autant les très grands équipements structurants, comme l’Opéra, le grand stade ou, bien sûr, les aéroports, doivent se concevoir à l’échelle du Grand Paris, autant l’équilibre d’ensemble du Grand Paris ne peut être recherché qu’à travers celui de chacune de ses parties. Les intercommunalités seront donc des acteurs majeurs pour le Grand Paris. Cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant. Je le dis donc fermement.
Pour éviter ces écueils, c'est-à-dire la recentralisation, la complexification et la spécialisation, il faudra bien parler de « gouvernance », et pas trop tard ! C’est dès la conception du projet qu’il faut dire comment celui-ci sera mis en œuvre et comment il sera financé. Jean-Pierre Fourcade a fort justement insisté sur ce point.
Monsieur le secrétaire d’État, au-delà du texte que nous examinons aujourd'hui, « le projet » du Grand Paris, tel qu’il nous avait été présenté, a pu être perçu, très caricaturalement, par certains comme étendant la compétence du préfet de police à la petite couronne, comme créant un « Grand huit » pour répondre à l’attente en matière de transports et comme structurant le mouvement engagé sur le plateau de Saclay pour donner à l’ensemble une caution scientifique.
L’existence d’une telle caricature peut amener une réflexion. Le sujet étant vaste et complexe, il fallait entrer dans le débat. Vous l’avez fait ! Il faut également maintenant identifier votre projet et lui donner une âme, en proposant très vite quelques images concrètes.
J’ai cherché quels emblèmes pouvaient effacer la caricature. Reprenant les trois points de celle-ci, c'est-à-dire la question du préfet de police, celle des transports et celle de Saclay, je propose trois emblèmes.
Premier emblème : un Parisien peut traverser le périphérique, même, et peut-être surtout, s’il est préfet de police. Les truands le font bien. Sachons décloisonner et unir Paris, la petite et la grande couronne.
Le deuxième emblème est la priorité aux transports.
Entrer dans le triptyque « logement-emploi-transport », clé d’un aménagement durable du territoire, par le côté « transport » est une bonne manière de « plonger » dans le débat.
Encore faut-il, pour être alors crédible, être animé d’une véritable volonté de ne pas en rester là et chercher à relier assez rapidement le volet « transport » à l’emploi et au logement. La commission s’y est employée. Elle doit poursuivre dans cette voie, car elle est loin du but !
Pour être crédible, il faut également poser concrètement le problème crucial des transports, annoncer ce qui sera réalisé, à quelle échéance et avec quel financement.
L’usager du réseau actuel n’a pas besoin d’être sensibilisé au sujet. Il l’est déjà et, malheureusement, de façon très négative, notamment s’il fréquente le RER B, les lignes 13 ou 14 du métro ou la gare Saint-Lazare.
Il subit tous les jours le fait que les renforcements rendus nécessaires par une forte et régulière augmentation du trafic ne suivent pas. Le transfert amorcé du transport individuel vers le transport collectif est une bonne chose, à condition d’allouer les moyens nécessaires.
Si de très importants renforcements sont de première et d’absolue nécessité, il faut également combler les lacunes flagrantes : prolongation d’EOLE à l’Ouest, désenclavement de Roissy ou de Saclay, ouverture d’une gare TGV à Orly et à La Défense, pour ne citer que quelques exemples.
Si nous voulons éviter de nous retrouver demain face aux mêmes difficultés qu’aujourd'hui, mais amplifiées, il est indispensable d’anticiper sur les besoins du futur. C’est par là que vous avez choisi de commencer, monsieur le secrétaire d'État.
Notre grande préoccupation aujourd'hui concerne, vous l’avez compris, la coordination dans le temps et le financement de l’effort à réaliser en faveur de ces trois horizons : renforcement, couverture des lacunes, préparation de l’avenir.
Il est clair, en tout cas, que nous contenter de répondre à l’usager exaspéré d’aujourd’hui qu’il pourra disposer dans quinze ans d’un « Grand huit », fut-il rapide et automatique, relèverait de la provocation.
J’en viens à mon troisième emblème. Mettre le projet sous le signe de la recherche et de l’enseignement supérieur s’imposait dès lors qu’il était question de compétitivité. Alors, allons au bout de la démarche. Faisons un véritable emblème de cette priorité à la recherche en branchant d’emblée le plateau de Saclay sur le très haut débit.
Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes passionnés par notre débat, car il s’agit d’un vrai sujet, d’un immense sujet.
Nous ferons œuvre utile dès cette première étape, s’il s’agit bien d’une première étape, en ayant des idées claires sur la question générale du devenir du Grand Paris, de sa place et de son rôle dans le monde comme dans notre pays.
Je souhaite donc que ce débat soit le plus ouvert possible, car je suis certain que nous saurons en séance travailler tous ensemble, monsieur le secrétaire d'État, comme nous l’avons fait en commission. (Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et sur plusieurs travées de l ’ UMP.)
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’histoire de l’aménagement du territoire en Île-de-France est marquée par un désengagement progressif financier de l’État, dans le cadre des contrats de plan puis des contrats de projet, contribuant à l’accroissement des inégalités sociales et territoriales en matières d’emploi, de logement et de transports collectifs.
Les opérations d’intérêt national, les OIN, lancées sur le territoire francilien ont ensuite progressivement annoncé le retour de la volonté de l’État de s’impliquer dans l’aménagement du territoire de la région.
Dans le Val-de-Marne, avec l’OIN Orly-Rungis-Seine Amont, nous avions appréhendé positivement ce retour de l’État, considérant qu’il se traduirait par des investissements publics plus importants, indispensables à un nouvel élan pour notre territoire, dans le respect de la démocratie locale.
Malheureusement, le texte issu des travaux de la commission spéciale du Sénat sur le Grand Paris reste marqué par la philosophie générale de votre projet de loi, monsieur le secrétaire d’État. La dimension globalement unilatérale du projet de métro automatique en rocade confère, en effet, à l’État et à la Société du Grand Paris la quasi-totalité des moyens de définition et de réalisation de l’infrastructure et des noyaux urbains autour des gares.
Or tout porte à croire que la puissante logique opérationnelle mise en place, associée à la recherche de plus-values foncières et immobilières, risque d’accentuer les inégalités et les déséquilibres.
En périphérie des périmètres définis dans le cadre des contrats de développement territorial, vous prenez le risque de rejeter une nouvelle fois les populations modestes et les activités économiques les moins rentables.
Votre projet comporte un risque réel de ségrégation accrue et de développement à plusieurs vitesses alors même que le but d’une infrastructure nouvelle telle qu’un métro traversant le territoire francilien en rocade doit être de créer un effet d’entraînement bénéficiant à l’ensemble du territoire.
C’est précisément l’objet du projet de rocade de métro en proche couronne, Arc Express, porté par la région d’Île-de-France via le schéma directeur, étroitement lié au plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France.
Ce plan de mobilisation, doté de quelque 18 milliards d’euros pour les transports en commun sur les dix ans à venir, est le plus ambitieux depuis la création du réseau express régional dans les années soixante-dix. Le plus ambitieux, non seulement en termes de moyens, mais encore et surtout parce qu’il place au premier rang de ses priorités la modernisation et la rénovation des lignes existantes.
À la tête du STIF depuis 2006, M. Jean-Paul Huchon, nouvellement réélu président de la région d’Île-de-France a réussi à obtenir l’engagement des départements franciliens, de la ville de Paris et du STIF pour cofinancer ce plan.
À ce titre, il est invraisemblable que l’État refuse de s’engager financièrement dans la mise en œuvre de celui-ci.
Le texte résultant des travaux de la commission spéciale sur le Grand Paris tente de nous faire croire qu’il permettra une articulation des travaux de la Société du Grand Paris avec le plan de modernisation des transports en Île-de-France issu d’une concertation générale avec l’ensemble des représentants des collectivités territoriales.
Mais l’État, par l’intermédiaire de l’amendement de M. Pozzo di Borgo intégré au texte de la commission, supprime purement et simplement le débat public engagé sur le projet Arc Express !
Nous considérons que cette suppression constitue ni plus ni moins un rejet d’Arc Express !
Une fois de plus, la majorité sénatoriale nous fait part de sa bien curieuse conception de la démocratie locale, témoignant ainsi de l’irrespect qu’elle porte aux projets co-élaborés et votés par l’ensemble des collectivités territoriales franciliennes.
Vous nous proposez un projet de rocade automatique éloigné des lieux de vie qui, en reliant uniquement les principaux pôles économiques franciliens, fait totalement abstraction des besoins réels en matière de déplacements entre le domicile et le travail.
Votre Grand huit est déconnecté des besoins des Franciliens. Contrairement au projet Arc Express qui doit permettre une desserte fine des zones d’habitation et de travail autour de Paris, la rocade en double boucle desservira des gares éloignées les unes des autres.
Or un réseau de transport tel que celui-ci doit d’abord améliorer les déplacements entre le domicile et le travail. C’est précisément l’objet d’Arc Express qui, pour un moindre coût – 9, 6 milliards d’euros contre plus de 21 milliards d’euros pour la double boucle – prévoit davantage de gares dans des territoires fortement urbanisés et permet donc de desservir un maximum d’habitants et d’emplois.
Un consensus s’était d’ailleurs dégagé au sein de la commission spéciale présidée par notre collègue M. Gilles Carrez pour mettre en œuvre et financer prioritairement le plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France, qui inclut le projet Arc Express.
Nous ne sommes pas hostiles au principe d’une grande boucle autour de Paris, mais il est évident que ce n’est pas la priorité
Mme Nicole Bricq acquiesce.
Si je prends l’exemple de mon département, le Val-de-Marne, le projet de métro automatique Orbival, qui, après concertation, a été intégré au projet Arc Express de la région, doit permettre de faciliter les déplacements à l’intérieur du département en le traversant d’Est en Ouest.
En correspondance avec les lignes de RER et trois lignes de métro, Orbival vise à connecter le Val-de-Marne à l’ensemble du territoire régional. Voilà comment, concrètement, contribuer au rééquilibrage entre l’est et l’ouest du département, et ainsi le relier à Marne-la-Vallée.
En raccordant les principaux pôles d’activité et d’emploi, il s’agit, avec Orbival, de créer des synergies de développement au sein des différentes filières économiques du département. Les trajets entre le domicile et le travail seront raccourcis grâce au rapprochement des bassins de vie et des secteurs économiques.
Face à la création d’un établissement public sur le plateau de Saclay, observons le rapprochement de l’université Paris XII et de l’université de Marne-la-Vallée, récemment réunies sous la bannière Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne. Cet ensemble possède tous les atouts pour égaler des centres universitaires internationaux en termes de conditions de vie et de travail des chercheurs et des étudiants.
Mme Nicole Bricq opine.
Avec actuellement 45 000 étudiants dont 15 000 en master et 1 300 en doctorat, avec 1 300 enseignants, 1 600 chercheurs et enseignants-chercheurs, dont près des deux tiers en sciences exactes, l’Université Paris-Est doit être soutenue pour créer à l’Est un grand pôle industriel et scientifique consacré à la construction, à la maintenance et aux services de la ville durable, sans oublier le pôle médical international du CHU Henri-Mondor à Créteil.
Mme Nicole Bricq opine de nouveau.
Il faut penser la complémentarité entre le site de Saclay et celui de l’Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne.
Saclay fait partie de la métropole parisienne. Il est plus que jamais nécessaire de développer des coopérations internes à l’Île-de-France. Or le grand emprunt va continuer à privilégier le site de Saclay déjà fortement doté.
À Créteil comme à Marne-la-Vallée et à la Cité Descartes, le processus de développement peut être engagé tout de suite. Une nouvelle dynamique est manifestement en route. Il existe un fort consensus entre tous les acteurs : élus, universités, grandes écoles, aménageurs, chambres de commerce. Veillons néanmoins à éviter l’hyperspécialisation des sites académiques dans la logique des pôles d’excellence.
N’oublions pas d’assurer un enseignement supérieur de base de qualité permettant l’éclosion de nouveaux chercheurs.
La mise en relation de l’OlN Orly-Rungis-Seine Amont avec Marne-la-Vallée, les efforts du conseil régional d’Île-de-France, du conseil général du Val-de-Marne, de la communauté d’agglomération de la Plaine centrale du Val-de-Marne et de la Ville de Créteil ont permis le regroupement des principales composantes de l’Université Paris-Est sur des sites proches.
Sur les deux sites de Créteil et Marne-la-Vallée, 4 000 logements étudiants sont d’ores et déjà disponibles, mais les besoins n’en sont pas moins considérables.
Plus de 6 000 logements pourraient y être réalisés : 1 800 logements dans la Cité Descartes et autour d’elle, 2 500 logements au Val d’Europe, 1 500 logements autour de Créteil, 500 logements sur le domaine Chérioux à Vitry-sur-Seine.
Il faut développer d’urgence un plan de construction de logements étudiants, en concertation avec les municipalités et en y associant des bailleurs publics et privés.
Comment peut-on penser une ville-monde si elle n’est pas une ville à vivre ?
Une fois de plus, l’argent ira à l’argent : 850 millions d’euros seront versés au plateau de Saclay dans le cadre du plan « Campus ».
Dans le même temps, vous préparez une desserte sur mesure pour le quartier d’affaires de La Défense. Mais le texte ne prévoit rien, ou si peu, pour répondre à la demande de logement social.
En résumé, le projet de loi ne permettra d’améliorer ni la qualité de vie des Franciliens ni la solidarité entre les territoires.
Au mieux, le projet de métro automatique en double boucle permettra-t-il aux millions de salariés modestes résidant à l’est de Paris de rallier La Défense et ses futurs tours jumelles au sujet desquelles la presse évoque la construction de quelques logements de très grand standing à 12 000 euros le mètre carré, sans oublier le prix du mètre carré pour les entreprises, qui est dix fois plus cher à l’Ouest qu’à l’Est !
Il y a là une injustice qu’un projet global pour le Grand Paris ne peut éluder. Ce texte sera-t-il l’occasion manquée de traiter en priorité la question fondamentale du nécessaire rééquilibrage entre l’Est et l’Ouest, en termes de logement, d’emploi et de transport ?
Ce triptyque est indissociable pour faire du Grand Paris une métropole à vivre.
Nous ne sommes pas opposés par principe à un projet de métro automatique en double boucle. Mais les priorités sont ailleurs. C’est tout le sens des actions planifiées sur une période de vingt-cinq ans dans le cadre du SDRIF. Le Gouvernement doit cesser d’en bloquer la mise en œuvre et agir de concert avec l’ensemble des collectivités territoriales franciliennes. On ne transforme pas le présent et l’avenir d’une région sans ses élus, encore moins sans la prise en compte des besoins de ses habitants.
Monsieur le secrétaire d’État, que les pleins pouvoirs que va vous donner la loi ne vous fassent pas oublier de tenir compte des avis des élus, de la population et des architectes, même si cela fait perdre un peu de temps pour accomplir le projet du Grand Paris cher au Président de la République !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Mme Catherine Dumas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est d’une importance capitale
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.
Il ne concerne pas uniquement l’avenir des 11 millions de Franciliens, il concerne celui des 65 millions de Français.
Comme vous l’avez démontré, et comme cela a été fort justement complété par M. le rapporteur, Jean-Pierre Fourcade, dont je salue le formidable travail, ce texte répond à la volonté forte du Président de la République de définir un nouveau modèle de développement.
Il pose les bases pour permettre à notre pays et à la Ville lumière, Paris, de continuer à rayonner sur le XXIe siècle.
Il est de notre responsabilité d’élus de répondre aux attentes fortes et légitimes de nos concitoyens.
Nous devons, au-delà des plans d’architectes, des schémas administratifs et des mécanismes de gouvernance, rendre compréhensible pour chacun les avancées offertes par ce projet et par les réalisations concrètes qui auront une incidence sur leur vie quotidienne.
C’est pourquoi je souhaiterais aujourd’hui mettre plus particulièrement l’accent sur deux facettes du projet de loi, qui sont, à mes yeux, révélatrices de la façon dont le Grand Paris pourra transformer le quotidien de nos concitoyens.
Tout d’abord, ce projet de loi fournit, monsieur le secrétaire d'État, des outils techniques et juridiques qui devraient permettre d’avancer rapidement dans la réalisation des chantiers prioritaires, notamment pour concilier l’urgence des transports publics et les contraintes du développement urbain.
Je pense ici aux contrats de développement territorial signés entre les communes et l’État, qui définissent les objectifs d’intérêt général en matière de développement économique, d’aménagement urbain, de logement et de déplacements.
Je suis, en tant qu’élue parisienne, particulièrement attentive à ce que le projet de loi prenne en compte les réalités des flux de déplacements et permette d’améliorer les dessertes de la zone centrale, Paris, qui concentre à elle seule 90 % des trajets en Île-de-France.
Le prolongement de la ligne 14 au Nord, vers la mairie de Saint-Ouen, et les nouvelles possibilités d’interconnexions qu’il apporte, constitue dans ce cadre une réelle avancée.
La gare de la porte de Clichy doit être rénovée et agrandie pour accueillir la liaison METEOR, et pour organiser l’interconnexion avec le RER C.
Le futur tracé doit non seulement permettre d’améliorer la desserte de ce secteur très peuplé, mais également constituer le futur « poumon » du nouvel aménagement des terrains Clichy-Batignolles. Pas moins de 25 000 personnes viendront, à terme, vivre et travailler dans ce secteur. Ce projet constitue l’une des dernières opportunités d’aménagement foncier dans Paris intra-muros et va permettre de « recoudre » le territoire, en reliant la plaine Monceau aux Batignolles et aux Épinettes.
Sur cet emplacement, le plus grand « éco-quartier » de Paris doit voir le jour : un parc de dix hectares, 3 000 logements, des équipements scolaires, des commerces, des bureaux et, bien sûr, la future cité judiciaire annoncée par le Président de la République dans son discours sur le Grand Paris.
Les perspectives de développement autour de la future gare de la porte de Clichy sont donc très nombreuses. Ce secteur stratégique mérite assurément une volonté politique et une action forte des différents acteurs. Monsieur le secrétaire d’État, à plusieurs reprises, le maire du 17e arrondissement de Paris vous a fait part du souhait que ce territoire fasse l’objet d’une réflexion, menée notamment par les dix cabinets d’architectes, et soit pris en compte dans le cadre de la loi.
Dans la continuité de ce qui a déjà été engagé, je demande donc solennellement aujourd’hui qu’un contrat de développement territorial soit conclu entre l’État et la Ville de Paris, et ce dès l’entrée en vigueur de la présente loi, dans les conditions énoncées à l’article 18. Je souhaite également attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur la nécessité d’associer pleinement la municipalité et la mairie d’arrondissement à la réalisation de ce projet de grande ampleur, qui transformera en profondeur le visage du 17e arrondissement.
Le second point que je souhaite mettre en valeur concerne les métiers de l’artisanat d’art et de la création.
En effet, au sein des huit grands pôles d’activité définis dans le projet, figure, sur le secteur de la Plaine Saint-Denis, l’implantation et le développement d’un « territoire de la création ».
Ce pôle, qui s’appuiera sur le très riche « tissu » existant d’entreprises, d’artistes et de créateurs, ambitionne de devenir une référence mondiale de l’innovation, sur des secteurs porteurs de croissance et d’attractivité, comme les nouvelles technologies ou les industries du divertissement.
Parallèlement à ce cluster de la création high-tech, les travaux engagés par la mission territoriale ont également permis d’identifier les nombreux savoir-faire traditionnels qui existent sur ce territoire et qu’il convient de fédérer.
Ainsi, il nous faut encourager la création d’un centre de l’artisanat d’art sur « l’îlot du cygne » au cœur de la ville de Saint-Denis. La réhabilitation de cet espace de 6 000 mètres carrés, situé en plein centre historique, permettra de développer la vocation économique et touristique de ce territoire. Ce centre favorisera également l’emploi et l’insertion professionnelle des jeunes avec, par exemple, la transmission de métiers rares comme ceux du bronze.
Je soutiens également le projet de modernisation des puces de Saint-Ouen autour des métiers de la restauration et de la création contemporaine. La rénovation de ce lieu emblématique, autour d’une « résidence d’artistes » et d’un centre de la création, où pourront collaborer les designers et les étudiants de l’école des Beaux-arts de Saint-Ouen, est tout à fait souhaitable.
Ces projets très concrets démontrent assurément l’utilité du Grand Paris et sa valeur ajoutée en tant que catalyseur d’énergies autour de réalités bien tangibles sur nos territoires, en faveur de l’emploi, de la formation de nos jeunes ou encore de la culture. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous présenter de façon plus approfondie les perspectives de développement de ce pôle de la création et le calendrier prévisionnel de leur mise en œuvre ?
Pour conclure, ce texte ambitieux exploite parfaitement les atouts existants du territoire francilien et les place dans une perspective de développement équilibré, rationnel et durable. Il répond efficacement à la vision dynamique exprimée par le Président de la République, pour notre capitale, pour la région d’Île-de-France et pour notre pays. Je lui apporterai donc tout mon soutien.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.
M. Hervé Maurey applaudit.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’analyse de ce texte primordial, largement amélioré par les travaux de la commission spéciale et par ceux de notre collègue rapporteur Jean-Pierre Fourcade, m’inspire une appréciation positive.
Ce projet de loi est la première pierre d’un édifice ambitieux sur le long terme, non seulement parce qu’il tente de projeter Paris au rang des grandes métropoles mondiales, mais aussi parce que le futur Grand Paris transcende les frontières de l’actuelle « agglomération parisienne » ou de la région d’Île-de-France.
Si la finalité de ce texte est ambitieuse, les dispositions sur lesquelles nous allons débattre sont en revanche plus pragmatiques : elles prévoient la création d’un réseau de transports reliant les espaces périphériques entre eux et le développement d’un pôle scientifique d’ampleur inégalée à Saclay. Ces deux projets structurants forment l’armature sur laquelle reposeront les autres projets économiques, politiques et humains ; en découlent les autres dispositions largement commentées par mes collègues Yves Pozzo di Borgo et Denis Badré, je ne m’y attarderai donc pas : la création de la Société du Grand Paris, de l’établissement de Paris-Saclay et les contrats de développement territorial. Je les vois essentiellement comme autant d’outils juridiques et de gouvernance, servant l’efficacité de la mise en œuvre des deux projets.
Si je trouve la structure du projet de loi satisfaisante, je souhaiterais cependant attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur l’une de ses faiblesses actuelles.
En termes géographiques, avec mes collègues du groupe de l’Union centriste Jean-Léonce Dupont et Hervé Maurey, je suis vigilante à la manière dont le Grand Paris est amené à s’ouvrir sur la Normandie, afin de bénéficier d’une « façade maritime » voulue par le Président de la République.
Mme Dominique Voynet s’exclame.
« À son désavantage, la capitale française est continentale », remarquait Fernand Braudel dans L’identité de la France. Il est certain que, si la métropole parisienne veut rester demain dans le peloton restreint des métropoles de rang mondial, elle doit se donner les moyens de maîtriser la puissance des flux commerciaux : cette volonté lui commande de se connecter à sa façade maritime.
Voilà pourquoi, en tant que Normande, j’ai été surprise, ainsi que plusieurs de mes collègues, de l’absence de référence à cette façade maritime dans le projet de loi initial. Le travail réalisé par la commission spéciale, et notamment l’apport de mon collègue de Seine-Maritime Charles Revet, a heureusement permis de soulever certaines questions, dont celle de la liaison entre Paris et la Normandie, tant pour le transport à grande vitesse de voyageurs…
… que pour le transport multimodal de marchandises à partir du Havre. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen de l’article 2.
La réflexion sur le Grand Paris, monsieur le secrétaire d’État, doit absolument rejoindre la réflexion menée aujourd’hui par les deux Normandies. Je rappelle d’ailleurs que l’autre ambition lancée par le Président de la République lui-même était bien la réunification de ces deux mini-régions, arbitrairement séparées au début des années 1950. En effet, si la Seine est bien une artère stratégique de ce projet, n’oublions pas qu’elle se jette dans la mer en Haute-Normandie et en Basse-Normandie.
Le projet Seine Métropole, fort intéressant, ne saurait ainsi se résumer à envisager le fleuve comme un simple couloir de transit des marchandises et des savoirs vers le Havre, ni à faire de la Seine-Maritime, et, du coup, l’ensemble de notre région, la banlieue périphérique de la capitale.
Le « grand pari », sans « s », pour reprendre la formule d’Antoine Grumbach, doit reposer sur la mobilisation de tous les acteurs. Celle-ci permettra non seulement de développer l’axe de la Seine autour d’un projet éco-responsable qui concernera les deux ports maritimes de Rouen et du Havre, mais aussi de valoriser les atouts d’une Normandie réunifiée autour du réseau Rouen-Caen-Le Havre. Ainsi, des projets d’envergure, comme la ligne ferroviaire pour le TGV normand, pourront être réalisés. Avec le Grand Paris, c’est tout autant le développement stratégique de ce territoire, dans toutes ses dimensions – transports, économie, universités, culture... – qu’il faudra prendre en compte.
Sur ces questions, les Normands sont déterminés à ne pas laisser passer cette opportunité, de même qu’ils sont résolus à ce que tous les atouts de nos ports soient exploités : après la crise, lorsque la mondialisation sera relancée, ceux-ci sont amenés constituer une porte d’entrée majeure de l’Europe, concurrente des ports hanséatiques.
Pour nous, le Grand Paris, vous l’aurez compris, appelle la grande Normandie et réciproquement ! Celle-ci, croyez-le bien, a beaucoup à apporter, elle aussi, au développement du territoire francilien en termes d’opportunités.
Pour être une bonne locomotive de l’économie française et européenne, monsieur le secrétaire d’État, le Grand Paris doit accrocher le plus grand nombre de wagons. Nous ne doutons pas que vous y serez particulièrement vigilant !
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
M. Bernard Angels. Monsieur le secrétaire d’État, votre projet de loi est démocratiquement inquiétant.
M. Nicolas About s’exclame.
Pour vous, « l’organisation de la République est décentralisée », sauf en Île-de-France !
Votre projet est financièrement hasardeux : en dépit de vos efforts, vous n’arrivez toujours pas à nous présenter des pistes de financement crédibles.
Certes, vous annoncez, comme à votre habitude, la création de nouvelles taxes, mais nous ne savons toujours pas comment vous parviendrez à rembourser les 21 ou 25 milliards d’euros dont vous avez besoin.
Je voudrais surtout vous convaincre que votre projet est aussi, et c’est là le plus préoccupant, socialement et territorialement injuste.
Vous prétendez promouvoir le développement et le rayonnement de la région-capitale, mais vous ignorez les outils de cohésion sociale et territoriale que des élus légitimes ont patiemment élaborés : je veux parler, bien évidemment du schéma directeur de la région Île-de-France, le SDRIF, et du plan de mobilisation des transports. Ces documents sont le fruit d’un travail de longue haleine et d’une réelle concertation entre la région, les autres collectivités locales et les Franciliens. Ils ont été largement approuvés par les électeurs, voilà quelques semaines !
Le SDRIF, que le Gouvernement n’a toujours pas transmis au Conseil d’État, veut promouvoir un aménagement du territoire francilien plus harmonieux et plus cohérent. Il veut contribuer à résorber les inégalités sociales et territoriales et mettre notre région à l’heure du développement durable. Plutôt que d’attendre d’hypothétiques retombées résultant de la mise en place d’un réseau de transports à l’horizon des années 2020, le SDRIF fixe des objectifs concrets : la construction de 60 000 logements par an pendant 25 ans et, à terme, un taux de 30 % de logement locatif social.
Quant au plan de mobilisation des transports, il a l’ambition de rattraper le retard accumulé ces trente dernières années, alors que l’État avait la responsabilité des transports en Île-de-France. Pour y parvenir, la région et l’ensemble des départements franciliens ont su s’accorder sur le financement de ce plan, mais vous n’en tenez pas compte. Pis encore, vous dépouillez le Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, auquel vous aviez pourtant transféré la gestion des transports franciliens il y a six ans !
En ignorant les orientations définies par le conseil régional, le Gouvernement bloque un processus de développement mûrement réfléchi et méprise, par la même occasion, la voix des Franciliens, qui ont été consultés pour son élaboration.
Vous prétendez faire du réseau de transports en Île-de-France un levier pour le développement de la région, mais vous négligez le quotidien et l’urgent : l’amélioration des infrastructures existantes et le renforcement des premiers pôles d’attractivité.
Il est indispensable de commencer par améliorer les conditions actuelles de mobilité des personnes et vous savez que les attentes sont fortes dans ce domaine. L’amélioration du réseau de la grande couronne et celle des liaisons de banlieue à banlieue, voilà une priorité absolue ! Vous faites semblant de l’ignorer.
Dans le département du Val-d’Oise, l’ensemble des élus souhaitent vivement la réalisation du barreau ferroviaire de Gonesse, qui permettrait de relier les lignes D et B du RER. Nous voulons également une liaison structurante entre Cergy et le pôle aéroportuaire de Roissy, car il s’agit là d’un axe stratégique joignant le nord-ouest et le nord-est de l’Île-de-France. Que faites-vous pour cela ?
Nous préconisons la création d’une liaison entre une gare parisienne et la gare TGV Roissy-Charles-de-Gaulle, porte d’ouverture sur le monde. Nous voulons développer le fret fluvial, entre la confluence Seine-Oise et le futur canal à grand gabarit Seine-Europe. Que prévoyez-vous pour faire émerger ces projets d’avenir ?
Votre projet de loi se veut prospectif et stratégique, mais il délaisse l’urgent et le quotidien. Pis encore, il passe sous silence plusieurs millions d’habitants de la région d’Île-de-France. Je ne prendrai qu’un exemple, celui de mon département, le Val-d’Oise, qui est foncièrement ignoré.
Mme Françoise Laborde opine.
Votre projet se veut englobant et cohérent. Or le projet de métro automatique ne concerne qu’une partie restreinte de la population active censée rejoindre rapidement des pôles de développement économique, dont certains n’existent pas encore. Que faites-vous de l’autre partie ? Et que faites-vous du Val-d’Oise, qui est le grand oublié du projet de loi ?
D’une part, le projet de création d’une ligne de métro automatique en double boucle ne prévoit pas l’irrigation par ce réseau du Val-d’Oise. Excepté au départ de Roissy-en-France, aucune gare n’est située dans le département. Or vous prétendez que ce projet a vocation à remédier aux inégalités territoriales et, donc, à l’enclavement de nombreuses zones franciliennes telles que la Seine-Saint-Denis et le sud du Val-d’Oise.
D’autre part, le Val-d’Oise risque de se voir scindé en deux : une partie serait valorisée car rattachée au Grand Paris au niveau d’Argenteuil-Bezons et profitant de l’aire d’influence de La Défense, ainsi que de la proximité de la zone de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, et une partie serait laissée à l’écart. Comment expliquez-vous que des gens qui habitent à Sarcelles, Villiers-le-Bel, Garges-lès-Gonesse soient obligés de passer par la gare du Nord pour aller travailler à Roissy ?
Pourquoi condamnez-vous les habitants de l’est du Val-d’Oise à subir les nuisances de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle sans jamais leur faire bénéficier des avantages ?
Je ne crois pas, en effet, que le Grand Paris puisse se passer d’un département qui compte 1, 2 million d’habitants et dont la population, qui est la plus jeune de France, connaît une croissance démographique continue, supérieure à la moyenne de l’Île-de-France.
Je ne crois pas que le Grand Paris puisse se passer d’un département compétitif et dynamique, qui dispose d’un aéroport international.
Je ne crois pas que le Grand Paris puisse faire l’impasse sur un département qui est aussi un pôle touristique unique, avec l’abbaye de Royaumont, le château de la Roche-Guyon, le musée Van Gogh, le musée national de la Renaissance à Écouen, etc.
Le Val-d’Oise a largement contribué au dynamisme de la région : il est pourtant le parent pauvre de votre projet.
Je me résume en deux phrases. Faire un Grand Paris sans écouter la région, c’est absurde ! Faire un Grand Paris sans intégrer le Val-d’Oise, c’est impensable !
Monsieur le secrétaire d’État, ce projet est une grande déception pour les élus de mon département. Il est grand temps de les associer étroitement à votre démarche.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tous les présidents de la Ve République se sont impliqués dans le développement de la capitale, mais c’est le Président Giscard d’Estaing qui a réconcilié Paris avec la France en modifiant le statut de la ville afin de permettre, pour la première fois depuis des siècles, l’élection d’un maire. Il faut aussi noter que, sous sa présidence, nous avons procédé aux premières élections des conseils régionaux au suffrage universel.
Le Président Mitterrand, dans un premier temps, a manifesté sa méfiance en voulant morceler la ville en vingt communes autonomes.
Puis, devant l’indignation des Parisiens et la fronde du Sénat, il a modifié son projet pour associer le statut de la capitale avec celui de Lyon et de Marseille.
Sourires.
Le Président Chirac, par son accession à la magistrature suprême, alors qu’il était maire de Paris et député de la Corrèze, a démontré que la France n’avait plus rien à craindre de la ville de Paris et que celle-ci était essentielle à la croissance et à la prospérité de notre pays.
Aussi, quand le Président Nicolas Sarkozy, dès le début de son mandat, s’est engagé à développer son projet du Grand Paris, il a répondu à l’ambition de modernité et de dynamisme qui est nécessaire pour une métropole mondiale ayant perdu un peu de son éclat et il avait l’assurance de devoir convaincre pour vaincre les réticences de ses adversaires et de ses amis.
Son projet suscite beaucoup d’espérances et il semble logique que l’on cherche tout d’abord à en établir les fondations en définissant le périmètre du territoire des populations concernées, la gouvernance qui mettra fin au morcellement provoqué par la multitude des collectivités territoriales, mais qui tiendra de la légitimité électorale, et enfin les caractéristiques du budget alloué à cette collectivité.
Je vous rappelle que le Gouvernement défend cette ambition pour l’ensemble du territoire national avec la réforme des collectivités territoriales, que je soutiens sans réserve, mais qui, malheureusement, ne s’applique pas à Paris dans le texte voté par le Sénat, au prétexte que ces dispositions seront abordées dans le projet de loi relatif au Grand Paris.
Or, malgré l’engagement du Gouvernement, ce projet de loi ne traite aucun des sujets qui sont pourtant incontournables pour donner du crédit et une légitimité à une telle ambition. Le texte proposé ne répond pas à l’exigence politique. Il s’agit d’un texte technique tendant à organiser l’engagement de l’État essentiellement dans deux domaines : les transports collectifs et la recherche scientifique, plus particulièrement sur le plateau de Saclay.
Faute de temps, je consacrerai l’essentiel de mon intervention aux articles concernant les transports collectifs.
J’observe tout d’abord qu’une très forte majorité, dont je ne fais pas partie, associant le Gouvernement, de nombreux membres de la majorité et la totalité de l’opposition
M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.
Pourtant, le président de la SNCF, que nous avons récemment reçu à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, nous a fait part de la réussite incontestable de la réforme des transports régionaux. Dans toutes les régions, même celles où des difficultés de gestion demeurent, tous les acteurs se sont appropriés cette réforme et sont satisfaits. Toutes les régions… sauf une, celle où l’État veut assumer un rôle par le monopole de ses sociétés publiques ! Cela a valu au Parisien que je suis de voir évoqués dans la presse locale des incidents pendant 142 jours durant l’année 2009.
Le Gouvernement a même demandé à Bruxelles une dérogation pour prolonger la durée du monopole public et vous nous proposez aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, la création d’un quatrième établissement public pour résoudre les problèmes que les trois premiers n’arrivent plus à régler.
C’est le choix du Gouvernement et, puisque celui-ci veut agir, il convient tout d’abord d’apprécier s’il s’en donne les moyens.
Avec une dotation initiale de 4 milliards d’euros, vous souhaitez dans un premier temps emprunter plus d’une vingtaine de milliards d’euros d’ici à 2025 pour réaliser le projet du Grand Paris.
Je voudrais vous faire part d’une observation générale, compte tenu de l’état de nos finances publiques. La multiplication des montages de ce type peut permettre à l’État de masquer sa dépendance à l’endettement, qui est de plus en plus mal acceptée par nos concitoyens.
M. Jacques Mahéas opine.
Ce schéma est classique. Les pouvoirs publics agissent ainsi depuis trente ans : un capital initial faible, un endettement fort, des ressources induites aléatoires et des frais de fonctionnement générés. Pour le projet qui nous intéresse, ces derniers seront de l’ordre de 7 milliards d’euros.
Il pourrait être utile de rappeler que les engagements de l’État en matière de transports publics en Île-de-France sont rarement tenus, car les estimations financières sont systématiquement dépassées. Cette situation n’est pas anormale tant il est difficile de réaliser des infrastructures en milieu urbain.
En 1992, pour le projet EOLE, les prévisions furent de 950 millions d’euros et il a fallu abandonner la seconde partie du tracé, qui est aujourd’hui reprise, car le montant final atteignait 1, 2 milliard d’euros. En 1989, pour le projet METEOR, les prévisions furent établies à 670 millions d’euros, pour des coûts qui dépassèrent finalement 1 milliard d’euros. Lors des auditions de la commission spéciale, le représentant d’une société nous a indiqué que, pour un projet du même type à Hong Kong, les coûts avaient atteint 500 millions d’euros par kilomètre.
Nous percevons donc bien les incertitudes et la complexité que suscitent les transports publics en Île-de-France et il semble souhaitable qu’une vision d’ensemble, inspirée du rapport de M. Gilles Carrez, puisse au préalable en définir les modalités.
En outre, je note que les Franciliens et les entreprises qui les emploient seront à terme sollicités, d’autant que la victoire du candidat socialiste aux dernières élections régionales, avec la redéfinition des zones et les dérogations diverses, se traduira par une augmentation de leur participation.
Monsieur le secrétaire d’État, tout cela m’amène, comme un grand nombre de mes collègues, à vous demander de préciser les engagements de l’État concernant la modernisation et la mise à niveau du réseau existant.
Le président de la SNCF, pour sa part, estime à 4 milliards d’euros les seuls frais de fonctionnement pour les dix prochaines années. Or la SNCF n’assure qu’un quart du trafic francilien…
Il faudra aussi que nous comprenions l’articulation et la coordination avec le projet Arc Express pour l’est de l’agglomération.
Par ailleurs, si l’État a réussi, avec Roissy-Charles-de-Gaulle, la construction et le développement du plus grand aéroport continental en Europe, il faut combler l’oubli de n’avoir relié cet aéroport international qu’avec le centre de l’agglomération. Après des années d’études, la liaison entre l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle et Paris Est a été initiée et il apparaît clairement qu’elle est incompatible avec le projet de double boucle. Il va falloir renoncer. Le Gouvernement doit faire preuve de clarté sur ce point. C’est son devoir !
Enfin, je constate que rien n’est prévu pour renforcer les infrastructures du cœur de Paris, alors que toutes les études nous conduisent à conclure que, si le nouveau réseau connaît le succès que nous lui souhaitons tous, il entraînera inéluctablement un accroissement très fort sur le barreau central. Or cet accroissement ne peut être absorbé par les infrastructures existantes.
En projetant sa vision d’un Grand Paris, le Président de la République a suscité beaucoup d’espoir, un espoir partagé par les Parisiens, les Franciliens et les habitants du bassin parisien.
Pour votre part, monsieur le secrétaire d’État, vous avez eu la mission d’animer les débats et parfois, faute de débats, la réflexion. Votre projet concerne la prospective ; c’est le projet d’un visionnaire et il est difficilement compatible avec les exigences du quotidien.
Vous l’avez compris, j’aurais préféré que ce premier projet de loi soit un élément fondateur et déterminant du Grand Paris, mais, s’il nous faut commencer par la technicité administrative qui consiste à créer deux établissements publics, alors avançons… Ces établissements seront les outils du Gouvernement et nul ne doute, compte tenu de la durée des projets entrepris, qu’ils évolueront.
Bien que perplexe par rapport à la méthode employée, je préfère l’action à l’immobilisme et, tout au long de ce débat, j’essaierai de vous convaincre, ainsi que mes collègues, des corrections qui me semblent nécessaires pour une évolution moderne et contemporaine de notre ville-monde.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Payet et M. Yves Pozzo di Borgo applaudissent également.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les sénateurs, le Vrai, le Beau, le Grand... et même le Juste ! Le Président de la République n’était pas à court de superlatifs pour son discours du 29 avril 2009 sur le Grand Paris, …
… allant jusqu’à convoquer Victor Hugo.
On allait mélanger, unir et recréer du lien social. On allait refaire de la ville, de la citoyenneté et de la solidarité. On allait inventer la ville durable, celle de l’après-Kyoto, une ville qui ne rognerait plus sur la nature. On annonçait la fin des zones urbaines sensibles et de la discrimination sociale. Et puis – promis, craché – la réflexion des architectes et des urbanistes serait le point de départ du projet.
Avec un tel programme, il était certain, à l’approche des élections régionales de mars 2010, que les candidats UMP au conseil régional d’Île-de-France n’auraient qu’à prononcer ces quelques mots – le Grand Paris ! – pour emporter l’adhésion des Franciliens et la majorité dans les urnes.
Pourtant, cette fois encore, il semble que le geste soit fort éloigné de la parole, sinon en contradiction avec elle.
Lors de votre prise de fonction en mai 2008, monsieur le secrétaire d’État, vous vous étiez engagé à présenter, à la fin de l’année 2009, un projet global pour l’avenir de la région-capitale. Nous y voilà ! Vous nous avez infligé un roboratif exposé, truffé de citations érudites, de Braudel à Allais, dont je retiens que votre conception de l’aménagement et du développement des territoires reste marquée par l’âge d’or de la DATAR, et les concepts que celle-ci défendait dans les années quatre-vingt.
Ah ! les clusters, les grappes d’entreprises, les systèmes productifs locaux.
Mais, dans la pratique et malgré vos dénégations, ce n’est finalement qu’un projet de métro automatique que vous nous soumettez. Il doit relier les aéroports franciliens à de futurs grands pôles économiques et permettre à la France de tenir son rang dans le monde. Finies les grandes envolées du Président de la République sur la cohésion sociale en Île-de-France : plus vite, plus haut, plus fort, soyons prêts pour affronter les autres grandes métropoles !
Nicolas Sarkozy indiquait dans votre lettre de mission que la vision devait précéder le projet. Intéressons-nous donc un instant à votre vision de la ville de demain.
Nous y trouverons des explications au fait qu’il ait été curieusement si peu question de ce projet de loi lors de la récente campagne électorale, si l’on met de côté le cours particulier dont bénéficia, quelques jours avant le premier tour, Valérie Pécresse à l’Élysée.
Nous y trouverons des explications au fait que l’examen de ce texte au Sénat, pour lequel vous aviez pourtant imposé la procédure accélérée et élaboré une batterie de dérogations à la concertation et au débat public, ait été courageusement reporté à une date ultérieure au scrutin régional.
Alors, que disent les dix équipes d’architectes qui ont rendu ce travail considérable dont le projet de loi devait s’inspirer ? Monsieur le secrétaire d’État, elles n’ont de cesse de répéter, y compris ici devant la commission du Sénat, ce qu’elles disent partout et dans la presse : leur production n’a été ni étudiée ni prise en compte pour la rédaction de ce texte. Elles ajoutent que ce métro ne correspond pas au projet du Grand Paris tel qu’envisagé au départ et que, en l’état, il comporte un trop grand nombre d’incohérences : vous imaginez un métro en sous-sol, en contre-pied des canons de la ville du XXIe siècle, qui éviterait scrupuleusement de relier les lieux d’habitation aux lieux de travail.
M. Jean Desessard s’exclame.
En vérité, les choix urbanistiques et leurs implications sociales vous importent peu. Votre objectif est ailleurs, et c’est en lisant les pages des journaux consacrées aux résultats du CAC 40 et à la position des universités françaises dans le classement de Shanghai que vous estimerez l’avoir atteint ou pas.
Vous devez par conséquent faire du chiffre et, pour cela, « moucheter de la puissance » sur une carte. Gilles Carrez, chargé par le Président de la République d’explorer des solutions de financement, ne s’est pas contenté de pointer le manque de moyens pour la réalisation de ce projet, qui, par ailleurs, n’est pas « phasé » dans le temps, comme l’a souligné Nicole Bricq. Il explique ainsi que les recettes que vous escomptez de la valorisation foncière autour des gares resteront insuffisantes.
Sur ce point, vous avez répondu devant la commission que vous entendiez lui donner tort. Faible argumentation, qui préfigure pourtant une concentration massive de capital sur quelques opérations lourdes, autour de gares choisies de façon discrétionnaire, qui assécheront les autres projets urbains. La spéculation foncière que vous appelez de vos vœux autour de ces gares est peu propice à la construction des logements dont les Franciliens ont pourtant besoin.
Les belles intentions inscrites au premier article de ce texte ne survivront pas à sa promulgation. En favorisant la constitution de nouvelles poches de richesse, vous perpétuez la ségrégation qui pénalise déjà certains de nos territoires. Vous savez, monsieur le secrétaire d’État, ces territoires dont vous avez déclaré – c’était devant le conseil général de la Seine-Saint-Denis – qu’ils étaient si arides qu’il était inutile de les arroser, ces territoires qui souffrent en réalité cruellement d’une carence de services publics, ces territoires auxquels vous garantissez, par ce texte, de conserver le terrible privilège de faire plus souvent qu’à leur tour l’ouverture des journaux télévisés !
Et puis il faut s’attarder sur le faux-pas écologique qui sous-tend ce projet en termes d’étalement urbain. Non mais c’est vrai, l’environnement, ça commence à bien faire ! Le respect des milieux naturels et la sauvegarde des terres agricoles particulièrement riches du plateau de Saclay sont peu de chose dans la compétition mondiale dans laquelle vous nous proposez de nous fourvoyer.
Pour conclure mon propos, je souhaite alerter l’ensemble des membres de cette assemblée, au-delà des seuls élus d’Île-de-France. Le dessein recentralisateur de ce texte nous concerne tous, mes chers collègues, car c’est un cas d’école susceptible de se reproduire ailleurs.
Mme Catherine Tasca opine.
Vous bâillonnez le STIF, déjà dépouillé de son patrimoine, avec en point de mire une privatisation de la RATP que l’on peut lire sur certaines lèvres.
Vous confiez à la Société du Grand Paris, selon une pratique assimilable à de la vente forcée, la gestion de votre super-réseau, sans mener une évaluation sérieuse des coûts de fonctionnement d’une infrastructure desservant, au profit des seuls déplacements travail-travail qui représentent à peine quelques pourcents du total des déplacements, des zones urbaines aussi peu denses.
Vous refusez de prendre en compte le travail considérable abattu par la région et l’État pour élaborer ensemble un schéma directeur de la région Île-de-France respectueux des principes du développement durable, conciliant efficacité économique et innovation territoriale, construction de logements et protection des zones agricoles, remise à niveau des infrastructures existantes saturées et insuffisantes et investissement pour l’avenir, notamment dans le domaine du fret dont votre texte ne dit pas un traître mot.
Vous décidez, au mépris de l’autonomie des collectivités territoriales, de mettre un terme à la consultation publique sur Arc Express.
Voilà des propositions que l’État et la région, je le répète, avaient élaborées ensemble !
Il s’agit bien d’une reprise en main de politiques qui échappent aujourd'hui à l’État. Il apparaît clairement que celui-ci aura la haute main sur la Société du Grand Paris. Quand aux contrats de développement territorial, ils permettront non seulement de confisquer le pouvoir des communes en matière d’aménagement et d’urbanisme, mais aussi de contourner la région, partenaire des contrats de projet.
Bien sûr, vous nous promettez que le financement par l’État de la double boucle de votre super-métro n’amputera pas les crédits des contrats de projet. Mais, dans cette période de crise économique et de vaches maigres budgétaires, qui sur ces travées vous suivra quand vous prétendez dépenser plusieurs fois chacun des euros consacrés aux transports publics ?
Au moment de conclure, j’en reviens à Victor Hugo, lui qui, devant les drames humains qui frappaient alors Paris, scandait que la société devait « dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté » pour détruire la misère. C’était il y a deux siècles.
Comment y parvenir aujourd'hui si l’on ne comprend pas que la véritable puissance des villes du XXIe siècle réside dans la qualité de vie de leurs habitants, dans le haut niveau de valeur ajoutée produite par tous les territoires, et non par quelques-uns seulement, dans la relation harmonieuse des parties au tout et des parties entre elles, en bref dans la diversité des activités, la mixité des fonctions et le brassage des populations ?
Maire de la commune la plus peuplée de la Seine-Saint-Denis, je dois tristement faire le constat : rien dans votre projet ne peut nous laisser penser que nous avancerions en ce sens ou convaincre les habitants de Montreuil que vous avez, d’une façon ou d’une autre, pris conscience des difficultés du quotidien auxquelles ils sont confrontés chaque jour et des prouesses que constitue le simple fait d’arriver à l’heure à leur travail chaque jour. Monsieur le secrétaire d'État, ma question est simple : avez-vous un jour l’intention de leur répondre ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Jean-François Voguet applaudissent également.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet du Grand Paris, s’il intéresse, bien sûr, en premier lieu, les Franciliens et Franciliennes, concerne également tout autant l’ensemble de nos concitoyens.
Tout d’abord, parce qu’il s’agit de l’aménagement de la région-capitale – vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État – et que, en raison de son statut, les uns et les autres doivent s’y rendre plus ou moins régulièrement, mais aussi parce qu’il suffit de regarder une carte routière ou ferroviaire pour constater que l’aménagement de notre pays s’est effectué au fil du temps en faisant converger les axes principaux de déplacement, d’où que l’on vienne, vers Paris.
J’ajoute, et c’est l’un des aspects du projet sur lequel le Président de la République a mis l’accent en lançant le Grand Paris, qu’une capitale doit avoir une ouverture sur le grand large – vous l’avez également rappelé tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État.
C’est à ces deux points que je vais consacrer mon intervention dans le laps de temps qui m’est imparti.
Premier point, chacun en convient, une réorganisation de la circulation et des moyens de transport dans la région parisienne est indispensable. Mais elle ne peut se concevoir sans prendre en compte l’organisation actuelle de l’ensemble de l’Hexagone.
De plus en plus, des déplacements se font, qu’ils soient ferroviaires ou routiers, de région à région. Presque toujours, il faut transiter par Paris, ce qui implique, pour le ferroviaire, des changements de gare ou, pour le routier, l’utilisation du périphérique. Ce fonctionnement aboutit à des engorgements qui freinent la circulation dans la région parisienne et allongent la durée de déplacement des personnes qui ne font que transiter.
La réflexion engagée et le projet d’aménagement de la région francilienne doivent prendre en compte cet aspect des choses et, à travers une organisation périphérique circulaire, routière et ferroviaire, faciliter les déplacements de région à région. C’est le sens du premier amendement que j’ai déposé et que la commission a bien voulu retenir.
Le second point sur lequel je voudrais m’arrêter quelques instants concerne l’ouverture de la capitale vers le grand large. Tout naturellement, c’est, comme le soulignait Catherine Morin-Desailly, l’axe Seine-Paris-Rouen-Le Havre qui permet cette ouverture.
Aujourd’hui, 85 % du commerce mondial se fait par voie maritime et l’Europe du Nord est la première destination commerciale. L’axe de la Seine abrite le premier complexe portuaire de l’Europe du Nord et nous donne un positionnement stratégique exceptionnel. Cela est d’autant plus important que si, dans beaucoup de domaines industriels, les pays émergents sont des concurrents, dans le domaine maritime, ils sont, au contraire, des partenaires.
Nos concurrents sont, tant au nord qu’au sud, les autres grands ports maritimes européens. À cet égard, nous avons des défis importants à relever. Il suffit de voir les statistiques en matière de trafic pour mesurer le potentiel qui est le nôtre et, en même temps, le retard immense que nous avons pris. Est-il normal qu’aujourd’hui le premier port français soit Anvers ? Est-il normal qu’il y ait plus de conteneurs à destination ou en provenance de Paris ou de Lyon qui transitent par Anvers que par Le Havre, Rouen ou Marseille ?
Deux causes peuvent expliquer ce phénomène. Comme le soulignait tout à l’heure Roger Romani, nos ports ont pris un large retard dans leur développement et les moyens d’acheminement des conteneurs reposent, aujourd’hui encore, essentiellement sur le routier. Faut-il rappeler que lorsque ce magnifique équipement qu’est Port 2000 au Havre a été inauguré, les trains et les barges ne pouvaient que très difficilement accéder à l’emprise portuaire ? Quelques améliorations ont été observées, mais elles sont nettement insuffisantes pour nous permettre de relever le défi par rapport aux autres grands ports européens.
C’est à cela que nous devons travailler de toute urgence, notamment pour le fret ferroviaire avec la réalisation d’une ligne à grande vitesse partant de la Normandie vers la région parisienne, raccordée à l’ensemble du réseau ferroviaire français et européen. La même démarche doit être envisagée dans le domaine du transport fluvial, surtout avec la perspective de la réalisation du canal Seine-Nord.
Personnellement, je considère qu’en raison de son positionnement, à l’ouverture de l’estuaire, sur une seule rive, Port 2000, s’il constitue un magnifique équipement pour le transbordement et l’éclatement vers d’autres ports, aura du mal à rivaliser avec les autres grands ports de l’Europe du Nord en raison des difficultés d’accès par le fer et le fleuve.
Je m’interroge sur la possibilité et l’intérêt, à l’image de ce que fait Hambourg sur l’Elbe, de remonter la Seine jusqu’en aval et en amont du pont de Tancarville, ce qui, outre les espaces immenses qu’il y aurait pour faire des bassins et terre-pleins de part et d’autre des rives de la Seine, permettrait une utilisation optimale du réseau ferré et du fleuve sans d’énormes investissements. C’est le sens de l’étude qui est proposée par notre rapporteur, et à laquelle je souscris pleinement : elle permettra de vérifier les options les plus satisfaisantes à prendre en compte.
Je reste convaincu que nous avons les meilleurs atouts pour rivaliser avec les plus grands ports européens, avec à la clé des dizaines de milliers d’emplois qui pourraient en découler.
Je terminerai mon propos en félicitant le rapporteur Jean-Pierre Fourcade pour le travail considérable qu’il a fourni sur ce projet important non seulement pour la région parisienne, mais également pour toute la France. Je le remercie, ainsi que le président Jean-Paul Emorine, de m’avoir associé à l’ensemble des auditions qui ont été organisées.
Monsieur le secrétaire d'État, nous vous apporterons bien sûr notre soutien dans la démarche que vous nous proposez.
M. Jean-Louis Carrère s’esclaffe.
Je souhaite et je suis convaincu que, par ce grand chantier, nous pouvons contribuer à redonner un second souffle à l’économie de notre pays.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le secrétaire d'État, j’avais prévu de vous faire le reproche d’avoir choisi la procédure accélérée pour ce texte et de n’avoir pas saisi le Sénat en premier lieu. Comme ce point a déjà été largement abordé par mes collègues, je préfère ne pas m’y attarder pour entrer directement dans le vif du sujet.
Le débat qui s’ouvre aujourd’hui est majeur. Il ne peut en conséquence être une simple redite de celui qui a été conduit à l’Assemblée nationale. Je ne peux en effet imaginer que les scrutins des 14 et 21 mars dernier puissent être sans effet sur nos débats. Les projets du Grand Paris n’ont pas convaincu les Franciliens. Leur expression démocratique doit être entendue.
Déjà, les élus locaux n’avaient pas été convaincus. Pourtant, l’attente était réelle de voir l’État prendre sa juste part dans le processus de modernisation de la métropole francilienne.
Après des années de désengagement financier de l’État, de désintérêt ou de blocage, à l’image de l’attitude qui est la sienne s’agissant du SDRIF, l’intérêt soudain manifesté par le Président de la République avait été salué. Rapidement, les espoirs auront été déçus.
Le regain d’intérêt de l’État pour le développement de la métropole se sera traduit par le non-respect des décisions et des compétences des collectivités et de leurs élus. En Île-de-France, la décentralisation est de fait mise entre parenthèses par ce projet de loi.
S’agissant du titre V relatif au plateau de Saclay, auquel je consacrerai mon propos, je rappelle que vous n’êtes pas le premier, monsieur le secrétaire d’État, à poser le problème de l’aménagement de ce plateau. Un groupement d’intérêt public avait en effet été créé par les quarante-neuf communes concernées, mais sa mise en œuvre effective a été bloquée par l’État.
En outre, les quatre communautés d’agglomération concernées ont toutes fait connaître leur désaccord avec ce projet de loi. Ce qui est contesté, ce n’est pas seulement le fait de les laisser à distance, c’est également le fait que leur expérience de terrain soit si peu valorisée et, surtout, que les projets rapidement opérationnels qu’elles portent sur leurs territoires ne tirent en définitive aucun profit du projet de loi. Il en va ainsi du projet de transport en commun en site propre reliant Orly à Saint-Quentin-en-Yvelines, pour ne citer que cet exemple.
La question des transports est symptomatique des carences du projet de loi. Celui-ci ne répond pas à l’enjeu majeur du Grand Paris d’articuler de façon cohérente les besoins à court terme et l’ambition d’un projet à long terme. Le constat de carence est identique s’agissant du logement, à l’exception de l’objectif très global de 70 000 logements par an, mais sans qu’aucun engagement soit pris sur leur répartition et la part du logement social.
Dès lors, c’est la vision même du développement du plateau de Saclay portée par ce projet de loi qui inquiète. Le schéma de développement multipolaire n’est pas en cause. La perspective d’un territoire uniforme n’est, je crois, défendue par personne. En revanche, ce qui interpelle, c’est à la fois l’hyperspécialisation des pôles et l’absence de projet global, compte tenu des carences en matière de logement, de transport, d’équipements publics, en définitive tout ce qui touche à la vie quotidienne des Franciliens. M. le rapporteur en a fait largement état durant nos travaux en commission.
Ce sont autant d’impasses qui traduisent une vision erronée et pour tout dire dépassée du cluster. Celui-ci impose pour réussir de créer un vrai lieu de vie, de « faire ville », car aussi spécialisé soit-il le développement d’un territoire ne peut faire l’économie d’une conception globale et transversale de la cité, et de traiter en conséquence les enjeux de la mixité sociale et des déplacements. L’article 21 traduit, en passant ces enjeux sous silence, une vision tronquée du développement de ce territoire. Je reviendrai plus tard dans le débat sur l’avenir de la zone agricole protégée, dont il faudra bien imaginer l’évolution des cultures sans rien retrancher à sa superficie.
Au-delà du schéma de développement, c’est l’architecture même du projet que nous récusons.
Première objection : vous pensez parvenir à répondre aux besoins du plateau de Saclay par la création d’un établissement public aux compétences le plus souvent exorbitantes du droit commun.
Tout d’abord, la superficie du territoire choisie me fait douter de la capacité de créer les dynamiques et coopérations nécessaires à la réussite du projet.
Ensuite, les possibilités offertes à l’établissement d’intervenir au-delà de son périmètre, notamment pour réaliser des acquisitions d’immeubles et des opérations d’aménagement et d’équipement urbains, posent des problèmes supplémentaires. Le premier est que les acquisitions d’immeubles peuvent se réaliser sans l’accord des communes intéressées. Le second est le risque d’un simple transfert vers le plateau de Saclay d’établissements ou d’organismes actuellement situés à Paris ou dans les Hauts-de-Seine.
S’agissant de la gouvernance de l’établissement public, elle appelle une double critique.
La première a trait au déséquilibre causé par l’introduction d’un comité consultatif. Force est de constater que sa création aura permis à la majorité d’y transférer des institutions initialement représentées au conseil d’administration, et je pense bien sûr au représentant du conseil régional.
La seconde touche au peu de cas qui est fait du conseil d’administration. Non seulement le collège des élus y est placé dans une position minoritaire, mais, surtout, le Gouvernement n’a pas jugé opportun que le président soit issu du collège des élus. Surtout, le choix s’est porté sur un cumul des fonctions de président et de directeur général, le P-DG sera nommé par décret avec pour conséquence qu’il aura moins à rendre compte de son action devant le conseil d’administration et qu’il sera en réalité redevable à l’État.
Le conseil d’administration se voit ainsi largement dépossédé de son rôle de contrôle. Ce glissement traduit la volonté recentralisatrice de votre projet de loi.
Seconde objection : la création d’une autorité organisatrice de transport traduit une nouvelle fois votre défiance à l’égard des collectivités territoriales et l’incapacité de l’État à imaginer un partenariat équilibré entre celles-ci et lui-même. La logique sous-tendue par la création du syndicat mixte de transports est que les élus paient, mais que l’État décide. Ainsi, plutôt que de contribuer et de coordonner, l’État impose et ordonne.
C’est surtout la question du respect des engagements pris qui est posée. Vous aviez pris l’engagement de retirer l’article 29 si le STIF répondait à votre demande d’envisager la création d’une autorité organisatrice de transport sur le plateau de Saclay et aux alentours. L’engagement clair pris par le STIF, le 17 février dernier, justifiait le retrait de l’article 29. Son maintien traduit les intentions dilatoires du Gouvernement, manifestement déterminé à imposer au STIF un syndicat mixte de transport sur le plateau de Saclay.
Monsieur le secrétaire d’État, si j’ai centré mon propos sur le titre V relatif au plateau de Saclay, c’est évidemment parce que ce projet de loi a de fortes répercussions sur les collectivités du département des Yvelines. C’est également parce que le montage que vous avez imaginé me paraît éclairant sur la philosophie du projet, sa volonté de mise à l’écart d’un dialogue avec les collectivités territoriales, donc de la représentation démocratique, et sa conception autoritaire de la gouvernance.
Vous avez une vision à rebours de la décentralisation qui a été impulsée il y a trente ans par la gauche, vision à laquelle nous ne pouvons en aucun cas adhérer. C’est pourquoi, en l’état, nous voterons contre ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question des transports, qui est au cœur de la compétition entre les grandes métropoles européennes, est devenue la préoccupation majeure des Franciliens au fil des années. Pourtant, aucune réponse à la hauteur des enjeux n’a été apportée depuis près de quarante ans.
Certes, des projets importants ont vu le jour sous différentes majorités. Je pense à METEOR, à EOLE…
… ou au développement des tramways, par exemple. Cela prouve que l’on pouvait malgré tout agir en ce domaine sans compétence générale. Toutefois, aucun de ces projets n’a été en mesure de répondre véritablement aux problèmes actuels et aux défis de l’avenir, ce qui a été de nature à nourrir une nouvelle fois le scepticisme de nos concitoyens confrontés à des difficultés quotidiennes de tous ordres.
Au lendemain d’élections régionales marquées par une aussi forte abstention, ne serait-il pas temps de dépasser nos clivages sur ce sujet essentiel et de redonner du sens à l’action publique ? Plutôt que d’émettre un déluge de critiques sans proposition, comme vient de le faire notre collègue de Seine-Saint-Denis, ne pourrait-on pas, pour une fois, travailler tous ensemble – État, conseil régional, conseils généraux et communes – sur un projet initié par le Président de la République et par le Gouvernement, qui ouvre enfin de véritables perspectives ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Le Sénat, représentant des territoires, n’est-il pas particulièrement fondé à se faire l’écho des attentes des Franciliens ? C’est bien le sens du travail effectué par le rapporteur Jean-Pierre Fourcade, qui, une fois de plus, a fait la preuve de son immense compétence, de son esprit de synthèse et de ses nombreuses qualités, que j’ai eu l’occasion d’apprécier pendant les douze années durant lesquelles j’ai servi sous ses ordres, si je puis dire, au conseil régional.
Ce projet de loi, monsieur le secrétaire d’État, porte une véritable ambition, sans précédent par son ampleur, par les moyens que le Gouvernement veut y consacrer, …
M. Christian Cambon. … et par les objectifs que celui-ci se fixe : faire de Paris et de sa région la ville-monde rayonnante et dynamique, pour reprendre vos adjectifs. Nous les approuvons !
Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.
Nous vous soutenons dans ce projet, sans pour autant oublier le quotidien que vivent nos concitoyens : des transports en commun et des axes routiers saturés depuis des années en Île-de-France ; des lignes A et D du RER, notamment, particulièrement dégradées avec des rames hors d’âge, des pannes régulières, des wagons surchargés au-delà du raisonnable aux heures de pointe, sans parler des mouvements de grève.
Tout conduit les Franciliens à privilégier l’usage de leur véhicule individuel, ce qu’ils font très majoritairement, hélas ! Au sein de ma seule commune, dans le département du Val-de-Marne, 260 000 véhicules transitent chaque jour sur l’autoroute A4. Et ce ne sont ni les autoroutes surchargées, ni le périphérique asphyxié, ni les ouvrages tels que le pont de Nogent paralysés du matin au soir, ni même le renchérissement du prix du carburant qui découragent les automobilistes ! Il est donc urgent d’entendre l’exaspération de nos concitoyens et d’agir tous ensemble.
Les investissements prévus par le projet de loi doivent se conjuguer avec ceux qui permettront de rénover le plus rapidement possible le réseau existant et le matériel roulant.
Nouveaux applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.
M. Christian Cambon. Nous sommes nombreux ici à souhaiter, comme le Président de la République s’y était engagé, que le Gouvernement puisse apporter son soutien à cet effort et que la région s’engage enfin dans cette action de rénovation.
Mme Nicole Bricq s’exclame.
Tel est le sens d’un amendement que de nombreux sénateurs de l’Île-de-France ont déposé et que la commission a bien voulu prendre en compte à l’article 2.
Pour atteindre les objectifs fixés, les outils juridiques traditionnels ne sont pas suffisants. L’expression d’intentions louables, mais aussi parfois très contestables, contenues dans le projet de schéma directeur de la région Île-de-France ne suffit pas non plus. Rien ne remplace en effet une volonté politique – vous l’avez, monsieur le secrétaire d’État –, une méthode fondée sur le dialogue – vous l’avez initié
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
… et des financements pérennes, qui, comme M. le rapporteur l’a précisé, permettront à l’État de tenir ses engagements.
Si nous approuvons la création de la Société du Grand Paris, je vous engage néanmoins à poursuivre la concertation avec les maires, qu’ils soient ou non directement concernés par le tracé envisagé du futur réseau automatique.
Chacun de nous connaît les conséquences lourdes de l’urbanisation incontrôlée que l’État a imposée aux communes dans les années soixante-dix. Personne ne veut reproduire les erreurs du passé, dont certains quartiers de notre région ne se sont toujours pas relevés.
Les contrats de développement territorial que vous avez imaginés doivent être considérés par les élus locaux comme l’opportunité d’une vraie collaboration entre l’État et les collectivités. Il est donc important que vous apportiez aux maires, et pas simplement à ceux qui sont concernés par les gares, les apaisements qu’ils attendent. Les élus locaux doivent être associés de près à ce projet, dans sa conception comme dans sa réalisation.
Enfin, cela ne vous étonnera pas de la part d’un élu de l’est parisien, nous devons profiter de ce projet pour agir concrètement dans le sens d’un véritable rééquilibrage entre l’ouest et l’est de l’Île-de-France.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Car tant que les emplois demeureront concentrés à Paris et dans des départements sympathiques de l’ouest de Paris, pour nous, le problème des transports restera entier.
L’équation actuelle est simple : des emplois essentiellement situés au centre où le foncier, de plus en plus rare, devient hors de prix. Conséquence : les logements accessibles aux familles les plus modestes s’éloignent de plus en plus des principaux bassins d’emploi. Cette situation structurelle induit bien évidemment les flux que nous connaissons. Un Francilien sur deux quitte son département de résidence pour aller travailler. Il est donc essentiel que les projets de développement des réseaux privilégient les liaisons de banlieue à banlieue, ainsi que la grande couronne, …
… que nous n’oublions pas. Pourtant, si le Grand huit prévoit une double boucle à l’ouest de Paris, il n’en programme qu’une seule à l’est. Le tracé qui, je l’entends bien, n’est pas inscrit dans le marbre, ni même dans le texte du projet de loi, n’est pas totalement satisfaisant, monsieur le secrétaire d’État – nous nous en sommes entretenus à de nombreuses reprises en commission spéciale –, notamment en ce qu’il ne dessert pas suffisamment les pôles d’excellence du Val-de-Marne.
Monsieur le secrétaire d’État, je sais pouvoir compter sur votre appui afin que l’État apporte son soutien à d’autres projets de développement des transports en commun sans lesquels ce Grand huit perdrait de son impact.
Je pense au prolongement de la ligne 1 du métro et du T1 jusqu’à Val-de-Fontenay. Je pense à la réalisation de la rocade ferrée en moyenne couronne, dans la suite de la tangentielle nord, sur laquelle la SNCF a déjà beaucoup travaillé et qui pourrait ainsi relier le Val de Fontenay au Grand huit. Elle constituerait cette boucle qui manque au parcours du futur réseau à l’Est en irriguant un territoire à fort potentiel d’emplois, qui dispose d’atouts certains, par exemple dans le domaine de la ville durable dont la Cité Descartes à Champs-sur-Marne est l’épicentre.
Enfin, plus le Grand huit aura de points d’ancrage et d’interconnexions au réseau de surface avec le réseau existant, plus il répondra aux objectifs que vous lui fixez. Le maillage est essentiel : il est vital que les réseaux de surface, chargés de rabattre les usagers vers les gares de la future grande boucle, soient réétudiés et développés. Il serait inconcevable que le Grand huit soit toujours plus facilement accessible pour un val-de-marnais en voiture plutôt que par les transports en commun. À cet égard, je remercie la commission et son rapporteur d’avoir adopté, à l’article 7, un amendement que j’avais déposé en ce sens.
Monsieur le secrétaire d’État, votre texte est l’occasion inespérée de doter notre région d’un projet novateur, structurant et porteur d’un développement économique dont nous avons tant besoin en cette période de crise.
En prenant en compte la complémentarité avec le réseau actuel de transports en commun, en travaillant de concert avec les maires et en veillant à un maillage cohérent qui n’oublie pas l’est parisien, vous apporterez enfin de nouvelles chances pour l’Île-de-France. Sa place de métropole d’importance mondiale s’en trouvera confortée et renforcée. Nous vous soutiendrons pour ce grand projet !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Jean-Pierre Caffet applaudit.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sous un intitulé qui autorisait tous les espoirs, ce projet de loi déçoit. En effet, pour l’essentiel, il repose sur la création d’un métro automatique en rocade et l’installation d’un pôle de compétences sur le plateau de Saclay. Le projet est donc bien mal nommé, car, tel qu’il nous est présenté, il est facile d’ironiser : à Grand Paris, petite ambition !
De manière évidente, il n’y a pas de liens suffisants entre les transports, l’emploi, les services publics et le logement d’abord, entre le projet de Grand Paris et les projets des collectivités territoriales ensuite, entre l’établissement public « Société du Grand Paris » et les communes franciliennes enfin.
Nous pouvons aisément nous accorder sur un diagnostic : la région d’Île-de-France, pourtant la plus riche de notre pays, souffre de déséquilibres sociaux et territoriaux qui constituent de réels freins à sa croissance.
Le triste chiffre du chômage pourrait seul l’illustrer : alors que le taux de chômage francilien atteint 7, 9 % au troisième trimestre 2009, celui de la Seine-Saint-Denis, le département le plus durement touché, culmine à 10, 6 %. Seulement, je ne vois pas ce qui, dans le texte proposé, permet de penser que ces inégalités seront résorbées.
Sans doute est-ce parce que vous souffrez d’un problème de boussole ! Tout pour l’ouest ! Si des efforts sont faits en direction du nord, à l’est rien de nouveau… ou presque !
Certes, le métro automatique devrait désenclaver l’emblématique Clichy-sous-Bois-Montfermeil et même Neuilly-sur-Marne, ce dont je me félicite, mais ce « Grand huit », comme l’ont vite baptisé ses futurs riverains, doit absolument s’articuler avec les infrastructures existantes et les projets d’ores et déjà votés par les collectivités.
Il ne faudrait pas que sa construction, en absorbant toutes les ressources, condamne d’autres projets et conduise à la relégation de nouveaux territoires, qui, malgré leurs centaines de milliers d’habitants, pourraient se voir privés des moyens de transport auxquels ils pouvaient aspirer.
L’est parisien est ainsi riche de projets pour améliorer les déplacements urbains quotidiens, qu’il s’agisse des prolongements des lignes de métro 1, 9 et 11, de la tangentielle nord ou de la liaison Arc Express, préoccupation du conseil régional.
Or, de façon scandaleuse, cette liaison est supprimée de fait par un amendement adopté en commission et mettant fin à toutes les projections de débat public engagées. Vous ne vous êtes d’ailleurs pas privé d’affirmer en audition, monsieur le secrétaire d’État, que l’abandon de ce projet ferait gagner 6 milliards d’euros au STIF. Tout en faisant perdre aux Franciliens une rocade ferroviaire qui privilégiait des déplacements de banlieue à banlieue qui leur auraient été très utiles…
C’est pourquoi, sur les autres projets évoqués, j’aimerais être sûr que l’État tiendra ses engagements, car le métro du Grand Paris ignore purement et simplement des communes comme Montreuil, Fontenay-sous-Bois, Saint-Mandé, Vincennes, Rosny-sous-Bois, Champigny-sur-Marne, Noisy-le-Sec, Le Perreux-sur-Marne, Romainville, Bondy ou Bry-sur-Marne.
Il est pourtant indispensable que se mette en place ce « maillage cohérent du territoire » revendiqué à l’article 7 et le Grand huit ne saurait y suffire. Il s’agit à la fois de desservir les zones encore enclavées et d’opérer un maillage fin, seul susceptible d’améliorer les déplacements quotidiens, notamment entre le domicile et le lieu de travail.
Par ailleurs, ce texte aurait dû être l’occasion de lutter contre les mécanismes d’exclusion, contre ces ghettos nés de décennies d’aménagement hasardeux. Il est plus que temps d’instaurer enfin une véritable mixité sociale.
Or, quand j’ai suggéré en commission spéciale de prévoir que la notion de mixité sociale soit retenue comme un des objectifs justifiant la construction de logements en Île-de-France, notre rapporteur m’a répondu qu’il sera possible pour certaines communes, selon leur niveau de ressources, d’exonérer du dispositif de taxation des plus-values immobilières certaines cessions d’immeubles ou certaines zones pour des motifs d’ordre social. Autrement dit, certains maires pourront continuer en toute impunité à se dérober aux 20 % de logements sociaux prévus par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains et à préférer l’amende à la solidarité !
Si ce texte manque de souffle, il manque aussi gravement de crédibilité, parce que son financement reste des plus nébuleux. Ne nous faites pas croire, monsieur le secrétaire d’État, que vous espérez financer 21 milliards d’euros – qui seront d’ailleurs peut-être 30 milliards d’euros – essentiellement grâce à la valorisation foncière des terrains proches du tracé de votre nouveau métro automatique ! Vous n’ignorez pas que ces ressources sont aléatoires, ce qui avait d’ailleurs conduit le rapport Carrez à écarter cette solution.
Disette budgétaire oblige, il serait indécent que la charge du projet pèse essentiellement sur les ménages, contribuables et/ou usagers, alors que beaucoup ont déjà bien du mal à boucler leurs fins de mois.
Les collectivités locales sont, elles aussi, inquiètes à bon droit. En effet, la Société du Grand Paris, SGP, pourra conduire des opérations d’aménagement et de construction après avis des communes concernées. Avis, et non accord ! Donc, si l’on retient les 1 500 mètres de périmètre aux alentours d’une gare, ce sont des surfaces de plus de 700 hectares qui seront à la disposition de la SGP, soit au total 28 260 hectares pour les quarante gares. Où est le partenariat loyal ?
Nous ne sommes pas dans un jeu de Monopoly géant ! Il est fort à craindre que les prix autour des gares n’augmentent, ce qui pourrait poser de gros problèmes en matière de logement social.
M. Jean Desessard s’exclame.
À quoi bon instituer des pôles de croissance s’ils créent des richesses sans suffisamment les redistribuer ? Ce serait alors installer à leurs marges de nouvelles poches de pauvreté, des zones délaissées qui regarderaient passer le Grand huit et la croissance sans en bénéficier.
Ce projet ne reflète pas la vision que nous avons du Grand Paris.
M. Jean Desessard s’exclame de nouveau.
Votre Grand Paris est un grand pari particulièrement risqué, laissant de côté l’aménagement démocratique, technique et financier… bref, un projet mal ficelé pour la région-capitale.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avec le Grand Paris, le Président de la République a pour ambition de replacer la région-capitale dans la compétition mondiale.
C’est un objectif que partagent la plupart d’entre nous – sauf M. Desessard, naturellement –, qui constatent qu’aujourd’hui l’administration de cette entité est partagée en de multiples décideurs et ne permet nullement de dégager des perspectives et encore moins des ambitions.
Je comprends que certains d’entre nous aient souhaité que l’on s’attache d’abord à la gouvernance du Grand Paris ; il faudra y venir, et Philippe Dallier ne manquera certainement pas de l’évoquer dans son intervention tout à l’heure.
Quoi qu’il en soit, le Gouvernement a choisi de faire face à l’urgence.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Il est vrai que l’état des transports en Île-de-France, vous le découvrez peut-être, chers collègues, est catastrophique.
Je suis l’élu d’une banlieue de la région parisienne desservie par le RER D et nous constatons, jour après jour, la dégradation insupportable de ce moyen de transport.
M. Laurent Béteille. Sur les trente dernières années, vous avez été quinze ans aux affaires, les responsabilités sont donc largement partagées.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
De même, l’absence de lisibilité et d’attractivité de la recherche sur le plateau de Saclay méritait d’être traitée en urgence.
Aussi, le présent projet de loi, examiné en procédure accélérée, a pour objet de susciter, par la création d’un réseau de transport public de voyageurs unissant les zones les plus attractives de la capitale et de la région d’Île-de-France, un développement économique et urbain structuré autour de territoires et de projets stratégiques identifiés, définis et réalisés conjointement par l’État et les collectivités territoriales. Il crée l’établissement public « Société du Grand Paris » chargé de réaliser des opérations d’aménagement ou de construction liées au réseau de transport. Il prévoit également les outils permettant l’élaboration de projets de territoires destinés à faire face aux problèmes d’urbanisme et d’infrastructures de transport. Enfin, il permet la mise en œuvre du projet de pôle de développement scientifique et technologique sur le plateau de Saclay, dans le département de l’Essonne.
Le Sénat a choisi, pour étudier ce texte, de faire appel à une commission spéciale, dont je tiens à saluer le président et le rapporteur, lequel a effectué un travail considérable, qui nous sera incontestablement très utile.
Je remercie M. le rapporteur d’avoir accepté un certain nombre de mes amendements. J’ai ainsi déposé un amendement visant à permettre à la Société du Grand Paris de conclure des conventions avec d’autres établissements publics et un amendement tendant à permettre la désignation d’un préfigurateur.
Surtout, je le remercie d’avoir accepté l’amendement que j’ai déposé à l’article 28 et qui vise à sanctuariser au moins 2 300 hectares de terres agricoles sur la zone de protection naturelle, agricole et forestière du plateau de Saclay. Sur l’initiative de notre collègue Pierre Lasbordes, l’Assemblée nationale avait prévu de protéger « environ 2 300 hectares ». Le mot « environ » a fait couler beaucoup d’encre et a suscité bien des paroles. Il fallait donc le retirer. J’ai proposé de le remplacer par les mots « au moins », ce que la commission spéciale du Sénat a accepté.
Nous attendons avec impatience la publication du décret prévoyant la création de cette zone. À cet égard, je déposerai un amendement visant à prévoir un délai afin que ce décret soit publié le plus rapidement possible, monsieur le secrétaire d’État, en tout cas avant la signature des contrats de développement territorial dans cette zone. Il s’agit autant d’un amendement d’appel que d’un amendement destiné à être adopté. Il vise à résoudre un problème de cohérence. Je le répète : j’espère que ce décret sera publié le plus rapidement possible.
Comme le Président de la République l’a souligné dans le discours qu’il a prononcé à la Cité de l’architecture et du patrimoine le 29 avril 2009, « c’est sur le transport que va se jouer la partie la plus décisive ».
À cet égard, je suis bien conscient que la situation que je décrivais tout à l’heure doit être fortement améliorée. Si je considère que le projet de double boucle constitue une avancée considérable, je pense également qu’il ne doit pas remettre en cause la nécessaire amélioration des réseaux de transport existants. Telle est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai cosigné un amendement avec notre collègue Christian Cambon, qui en était le premier signataire, lequel a également été adopté. Je tiens particulièrement à l’articulation entre les réseaux présents et futurs afin que le maillage final permette toutes les connexions possibles avec les actuelles lignes de métro et de RER, ainsi qu’avec celles de la SNCF.
Je pense aussi à la future ligne rapide qui doit relier Roissy et Orly. Cette ligne me paraît être un élément indispensable. Il faudra la prévoir dans un prochain texte. Je remercie M. le rapporteur d’avoir déjà pris en compte ce projet en y faisant allusion.
Le Grand Paris ne sera un succès que si le logement, l’emploi, les transports, la recherche, le développement durable et l’internet à très haut débit sont pris en compte, et ce en concertation avec les élus locaux. Tel est l’enjeu de ce projet.
Je suis persuadé, monsieur le secrétaire d’État, que, avec vous, nous parviendrons à faire avancer ce projet dans le bon sens.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis relève d’un curieux paradoxe : il prétend bâtir l’avenir tout en usant des moyens du passé ! L’avenir, c’est celui de la région d’Île-de-France, l’une des plus puissantes du monde, avec en son cœur Paris, ville globale au même titre que New York, Tokyo ou Londres.
Ce territoire est une zone stratégique, il est le moteur de la croissance de notre pays. Aussi, il est normal que l’État s’en préoccupe. Il est même légitime qu’il veuille intervenir sur ce territoire, qu’il a pourtant si longtemps délaissé. Reste à savoir si cette intervention peut prendre la forme d’un projet hors sol, reposant sur une démarche autiste, sans concertation avec les acteurs locaux.
En d’autres termes, nous nous demandons si, pour préparer l’Île-de-France du XXIe siècle, il faut se référer aux méthodes et au mode de pensée de Paul Delouvrier, grand préfet s’il en fut, dont les projets étaient adaptés à son temps et en phase avec son époque – c’était il y a quarante ans –, période, comme nous l’a rappelé Nicole Bricq, où l’État avait des moyens financiers, ou s’il faut privilégier la méthode plus actuelle de Bertrand Delanoë au travers du syndicat mixte « Paris-Métropole ». Il s’agit en effet d’établir un véritable dialogue entre les collectivités territoriales de tous bords, sans volonté d’hégémonie, sans pression d’aucune sorte, autour de thèmes communs et fédérateurs, dans le respect de l’intérêt général.
Monsieur le secrétaire d’État, vous présentez ce projet comme étant visionnaire, j’ai tendance à le trouver rétrograde. On nous affirme que l’État revient dans le jeu institutionnel avec une vision en matière d’aménagement. Je trouve plutôt qu’il s’y incruste avec violence, sans réelle vision globale. Il s’agit, cela a déjà été dit, d’un projet autoritaire, « recentralisateur » et inadapté aux attentes des Franciliens et de leurs élus.
Qu’on en juge plutôt : ce projet se borne à créer deux EPIC : le premier, la Société du Grand Paris, chargé de diriger la construction d’un métro automatique sous la forme d’une double boucle ceinturant Paris ; le second, l’établissement public de Paris-Saclay, pour gérer l’aménagement d’un cluster. Dans les deux cas, l’État sera seul maître à bord, les collectivités seront peu représentées. Nous voilà donc revenus au temps des villes nouvelles ! La gouvernance du Grand Paris fait donc l’impasse sur plus de vingt ans d’évolution des institutions au travers de la décentralisation, sur plus de vingt ans d’évolution des projets urbains. Seule une prise en compte a minima des citoyens, des habitants et des usagers est prévue.
Au fil des décennies, aménager un territoire est devenu plus complexe, plus exigeant, plus délicat, mais c’est là un impératif démocratique. La société n’accepte plus les projets technocratiques vantant des lendemains qui chantent, établis dans le secret d’un cabinet, aussi compétent fût-il, et, surtout, sans discussion.
M. le rapporteur a rappelé quelques-uns des impératifs d’aménagement modernes dans son préambule : un financement clair, des outils de pilotage efficaces, une concertation loyale avec les collectivités territoriales, une association des citoyens à l’élaboration des projets. Votre projet, monsieur le secrétaire d’État, ne répond à aucun de ces objectifs.
Commençons par le financement clair. Le coût du projet est inconnu. La somme de 21, 4 milliards d’euros est avancée dans le rapport. Même s’il est exact, ce montant, considérable, n’inclut pas le coût de construction des gares. On nous demande donc de signer un chèque en blanc. Pis, non seulement le coût final de l’opération n’est pas connu, mais son financement n’est pas assuré, comme l’a rappelé notre collègue Nicole Bricq. Parmi les modes de financement proposés, il en est un dont les résultats sont incertains : la taxe sur la valorisation foncière, comme le souligne lui-même le rapporteur. En d’autres termes, le financement n’est pas clair, il est au contraire pour le moins opaque.
Continuons avec un autre impératif : la concertation loyale avec les collectivités territoriales et l’association des citoyens. Les instances de décision de la Société du Grand Paris sont majoritairement composées de représentants de l’État. En cas de désaccord, c’est donc la voix de l’État qui primera. Aussi, un passage en force n’est pas exclu.
L’impératif d’associer les citoyens au projet n’est pas non plus respecté. L’article 3 du présent projet de loi permet la mise en œuvre d’une procédure simplifiée, dérogatoire à la procédure de droit commun en matière de débat public. Elle vise, selon les termes mêmes du rapport, à économiser un an. D’une part, on se demande s’il est pertinent de précipiter les aménagements de long terme. D’autre part, si on souhaite économiser le temps de la réflexion, cela montre bien que l’association des citoyens au projet est purement factice.
Autre exemple : l’impératif du développement durable. Le tracé prévu du métro souterrain passe en certains lieux des Yvelines et de la Seine-et-Marne par des espaces peu densément peuplés. Des gares y sont cependant prévues. Pour que de tels investissements soient rentables, pour que ces gares soient viables, il va falloir densifier les territoires environnants et augmenter du même coup l’étalement urbain. Le projet actuel n’est pas compatible avec les exigences d’une ville durable, qui doit être une zone moins dévoreuse d’espace, plus compacte et moins cloisonnée. Le projet laisse aussi de côté la question du fret.
Par ailleurs, l’aménagement du plateau de Saclay laisse également perplexe : sur le papier, on nous vante une vision innovante d’un futur cluster scientifique et technique. Pourtant, le projet semble méconnaître la réalité des clusters. Ainsi, le périmètre envisagé, qui couvre plus d’une quarantaine de communes et quelque 240 kilomètres carrés, soit deux fois et demie la taille de Paris, n’est pas compatible avec la définition du cluster, lequel repose sur la concentration des hommes et des activités.
M. le secrétaire d’État cite volontiers l’exemple de la Silicon Valley et de l’université Stanford pour justifier son aménagement. Je connais bien Palo Alto, dont j’ai été témoin de l’évolution au fil du temps : on y rencontre une entreprise high tech à chaque coin de rue. Le périmètre important de ce territoire est donc le résultat de la concentration exceptionnelle d’entreprises, non sa cause.
De plus, l’État occupe une place prépondérante dans ce projet, limitant le rôle et l’action des collectivités territoriales, alors qu’un cluster est avant tout le résultat d’une dynamique locale. La gouvernance proposée est donc en inadéquation avec le but visé et s’inscrit plutôt dans une perspective d’aménagement d’un autre temps. C’est là un double déni : déni démocratique d’une part, déni de modernité d’autre part. Le texte qui nous est présenté s’appuie sur un concept biaisé et insuffisamment maîtrisé. Nous le constatons, ce projet ne répond pas à la définition d’un véritable cluster, et il n’est donc pas viable.
En outre, le projet de loi est fondé sur une vision très contestable des métropoles, qui se résumeraient à une mosaïque de pôles spécialisés. Cette vision multipolaire ne résiste pas à l’analyse. L’activité économique est souvent plus diffuse. C’est davantage vers des quartiers mixtes groupant logements et activités qu’il faut aller.
Nous sommes bel et bien en désaccord sur la forme et sur le fond. Nous privilégions des liaisons domicile-travail, des liaisons de banlieue à banlieue, le désenclavement de certaines villes et le rééquilibrage à l’est, ce qui permettrait de répondre aux attentes des Franciliens.
Nous privilégions des projets de proximité couvrant des besoins réels, notamment en matière de logement, au travers du schéma directeur de la région Île-de-France. Nous apportons des solutions aux trois défis de la métropole moderne : le défi démocratique, le défi écologique et le défi de la solidarité, trois défis dont le rapporteur s’est fait l’écho mais qui brillent par leur absence dans le projet de loi.
La récente sanction électorale infligée à la majorité devrait vous inciter à retravailler ce texte, mes chers collègues, et à prendre en compte nos observations. Un tel désaveu ne peut être sans conséquences.
Enfin, nous ne sommes pas contre un retour de l’État dans notre région, mais à condition que celui-ci soit un État réellement stratège, et non un État autiste, prisonnier de conceptions surannées et faussement innovantes.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avec ce projet de loi nous est proposé une nouvelle organisation des territoires et des transports de l’Île-de-France qui constitue un enjeu pour la vie quotidienne des Franciliens, certes, mais aussi pour le pays tout entier.
Je veux saluer le travail approfondi de la commission spéciale, présidée par Jean-Paul Emorine et animée par notre dynamique rapporteur Jean-Pierre Fourcade.
Ce texte marque la volonté forte de l’État d’accélérer l’indispensable structuration de la région-capitale. Le transport est conçu ici comme une colonne vertébrale, comme le maillage de base du développement économique, social et urbain.
Il est clair que cet effort de l’État devra s’ajouter à celui des collectivités locales – régions, départements, communes et intercommunalités –, car trois décennies de retard en matière d’investissements dans le réseau ferré et les gares aboutissent aujourd'hui à un réseau saturé, fatigué et offrant aux voyageurs franciliens de mauvaises conditions de transport.
Comme je l’ai moi-même écrit dans un rapport consacré aux gares, les provinciaux n’accepteraient pas, me semble-t-il, d’être traités comme les Franciliens le sont aujourd'hui dans leurs transports au quotidien !
Et je suis obligée de vous dire, mes chers collègues, que la dernière décennie n’a guère amélioré la situation, ni permis de rattraper ce retard.
Pour mieux desservir l’Île-de-France, il faut donc accélérer les projets ; tel est l’objectif de ce texte de loi. Les ralentir ne servirait à rien. Tout au contraire, il s’agit de mobiliser toutes les énergies, comme vient de le proposer à l’instant notre collègue Christian Cambon.
Je voudrais aborder ici deux thèmes qui concernent plus particulièrement le transport.
Premièrement, j’évoquerai les dessertes TGV.
S’il existe un sujet stratégique pour l’organisation de l’Île-de-France, c’est bien la desserte en trains à grande vitesse des première et deuxième couronnes. Et sur ce point, – je vais peut-être vous surprendre, mes chers collègues – la région parisienne est entièrement solidaire du reste de la France, …
… car le problème est le même que pour les liaisons de province à province. En effet, le réseau des grandes lignes ferroviaires dans son ensemble est organisé en fonction des « gares de tête », celles qu’il n’est pas possible de traverser, c'est-à-dire les gares parisiennes.
Des gares traversantes ne peuvent être créées qu’à la périphérie, en première et deuxième couronnes. Ce fut le cas à Marne-la-Vallée, à Massy et à Roissy, où les gares existantes pourront encore être développées ; ce sera le cas, demain, à Orly, à La Défense et à Pleyel. Ces six grandes gares TGV seront toutes interconnectées par le Grand huit que vise à créer ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Permettez-moi d’évoquer la nécessité d’infrastructures complémentaires, ces tronçons de ligne destinés à mieux organiser la liaison entre ces gares. Il s’agirait, notamment, de Valenton-Orly-Massy ou de La Défense-Pleyel-Roissy ; d'ailleurs, pour ce dernier axe, une partie de la ligne de TGV pourrait être commune avec un élément du Grand huit.
Je citerai un exemple très concret : la réalisation de l’interconnexion sud, c’est-à-dire Valenton-Orly-Massy, qui d'ailleurs est prévue dans le cadre du Grenelle de l’environnement, soulagera un tronçon utilisé aujourd’hui à la fois par les TGV, le transport de marchandises et le RER C.
Créer une véritable interconnexion des TGV et la double boucle de métro, c’est permettre une meilleure desserte de Massy, qui gagnerait aussi en centralité. Il en irait de même pour Orly, qui bénéficierait en outre de l’intermodalité avec l’avion. Enfin, et surtout, les dessertes du RER C seraient plus fiables – j’ai entendu de nombreuses interventions relatives au fonctionnement des transports urbains franciliens –, grâce au déchargement de la voie ferrée que ce réseau utilise aujourd’hui.
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Mme Fabienne Keller. Le second thème que je souhaite aborder ici, et qui m’est cher, est celui des gares.
M. Yannick Bodin s’exclame.
À cet égard, je voudrais souligner l’amélioration que la commission a apportée à ce texte en proposant d’associer les collectivités à l’élaboration des contrats de développement territorial. Ce point est stratégique : la gare est naturellement le lieu de l’intermodalité ; elle constitue un élément central de la chaîne des transports et permet leur articulation efficace.
En outre, c’est autour de la gare, dans une zone plus large, que s’organisent l’habitat, les commerces, les services, que ceux-ci soient publics, privés ou médicaux, ainsi que les activités sociales et culturelles, afin de les rendre accessibles en transports collectifs, dans une logique de structuration efficace des territoires.
Les gares concernées par le projet qui nous est présenté sont essentielles. Elles sont au nombre de quarante, mais elles ne sont pas les seules qui doivent retenir notre attention.
Mes chers collègues, les gares franciliennes sont en très mauvais état. D’ici à 2030, elles connaîtront une hausse de leur fréquentation, qui pourrait doubler selon certaines estimations. Soixante gares complémentaires doivent être modernisées et faire l’objet d’investissements importants.
Comme vous le constatez, il y a de la place pour une action volontariste de la région dans ce domaine ! Une politique ambitieuse, nouvelle et complémentaire devra être engagée. Il s'agit d’améliorer l’accès aux gares et les conditions d’attente sur les quais, qui sont très inconfortables, ce qui aggrave le stress et – j’ose utiliser l’expression – le mauvais traitement infligé aux voyageurs, lesquels, hélas ! attendent longtemps leurs trains, en raison des dysfonctionnements des lignes.
Telles sont, mes chers collègues, les quelques réflexions que je me suis permis de vous présenter, bien que, comme certains l’ont souligné sur ces travées
L’orateur montre les travées du groupe socialiste.
Monsieur le secrétaire d'État, nous devons relever ce défi, dans une logique de respect des provinces, mais aussi de complémentarité entre celles-ci et Paris.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme j’interviens après vingt-deux autres orateurs, il m’est forcément difficile de ne pas être redondante… Je m’efforcerai donc d’être rapide et n’aborderai que quatre thèmes.
Tout d’abord, j’évoquerai l’intitulé de ce projet de loi relatif au Grand Paris. Celui-ci est clair pour nous, parlementaires et élus, qui nous sommes impliqués dans ce dossier, mais il ne l’est pas pour tous. Je suis étonnée du nombre de Franciliens qui ne savent pas quel est le contenu du texte, et qui sont donc inquiets.
Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Vous avez raté la campagne électorale ! Valérie Pécresse n’a pas été convaincante !
Ils craignent que leur commune ne soit annexée par la capitale, surtout s’ils se trouvent en grande banlieue.
Toutefois, lorsqu’ils comprennent qu’il s’agit, notamment, d’un nouveau tracé de transports de cent trente kilomètres, qui reliera entre elles et de façon automatique plusieurs villes des petite et grande couronnes et qui structurera le développement de l’Île-de-France, ils sont rassurés. Je pense donc que, à défaut de modifier l’intitulé de ce texte, il est indispensable de faire un effort pour le rendre plus compréhensible, …
… afin que la population puisse nous suivre sur ce projet.
Deuxièmement, comme nos collègues l’ont rappelé, si notre réseau de transport est l’un des plus denses au monde, il n’est aujourd’hui plus efficace.
Voilà cinquante ans que j’utilise les transports en commun, et j’ai habité dans quatre départements de la région parisienne. Il y a trente-cinq ans, l’arrivée du RER a véritablement amélioré nos temps de trajets, qui rétrospectivement nous semblent idylliques. Toutefois, depuis lors, ceux-ci ont été multipliés par trois : alors que je mettais dix minutes voilà trente ans pour aller de Vincennes à Auber ou de Vincennes à Noisy-le-Grand, il me fallait le double de temps il y a dix ans ; aujourd'hui, si je veux être sûre d’arriver à l’heure, eu égard aux arrêts et incidents quotidiens, je prévois entre trente et trente-cinq minutes.
Le stress des salariés dû aux transports collectifs parisiens est une réalité. Il redouble le soir quand il faut être à l’heure pour récupérer les enfants à la crèche ou à l’école.
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je veux réaffirmer, après mon collègue et ami Christian Cambon, que l’avenir de ce projet ne peut être déconnecté de l’amélioration rapide de nos transports au quotidien.
Le projet que vous nous présentez vise un futur qui, pour nous élus, peut paraître proche, mais qui ne l’est pas pour ceux qui, chaque jour, « galèrent », car tel est le mot qui convient, dans les transports. Ceux-là ne peuvent supporter d’attendre dix à quinze ans ! Tel est le sens de l’amendement que Christian Cambon et moi-même avons déposé et qui, heureusement, a été repris par la commission.
Si tel n’avait pas été le cas, mon vote sur ce projet de loi aurait été compromis. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
Le troisième sujet que j’aborderai est celui du logement. Je voudrais réaffirmer ici les inquiétudes que j’ai exprimées en commission. Si des transports qui étaient naguère efficaces ne le sont plus, c’est parce que les entreprises se sont implantées non pas à l’est ou au sud, près des logements, mais à l’ouest.
Si les logements supplémentaires prévus dans le texte de la commission ne sont pas accompagnés de la création d’emplois de proximité, le nouveau système de transport sera saturé à peine les rails posés. Il est donc indispensable que les futures gares soient aussi accompagnées d’implantations d’entreprises.
Enfin, je terminerai mon propos en évoquant ce que je connais le mieux : la ligne 1 du métro à l’est de Paris. Sur le tronçon qui débute à Vincennes et se dirige vers Paris convergent les deux branches du RER A, dont l’une vient de Boissy-Saint-Léger et l’autre de Marne-la-Vallée. En outre, au métro Château de Vincennes arrivent des milliers de banlieusards, dont les véhicules stationnent désormais sur plusieurs kilomètres dans le bois de Vincennes. Le prolongement de la ligne 1 jusqu’à Val-de-Fontenay est donc une impérieuse nécessité ; selon moi, il doit faire partie intégrante du Grand Paris.
Monsieur le secrétaire d'État, que comptez-vous faire pour favoriser ce prolongement indispensable à l’efficacité de la grande boucle projetée ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Applaudissements sur les mêmes travées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au moment où commence l’examen de ce texte, déjà amendé par l’Assemblée nationale et par notre commission spéciale, chacun aura compris, en écoutant les différents orateurs qui se sont exprimés, que les esprits n’étaient pas encore tout à fait disposés, semble-t-il, à rechercher le consensus. Or c’est bien celui-ci qu’il nous faudra trouver si nous voulons faire avancer la cause de la métropole du Grand Paris, qui constitue un véritable enjeu national.
Néanmoins, tout d’abord, de quel Grand Paris parlons-nous ?
Du Grand Paris de la compétition économique avec les autres villes-monde, Londres, New York, Tokyo, et bientôt avec les grandes métropoles qui émergent en Asie et en Amérique du Sud et qui tentent également – c’est bien normal – d’attirer les grandes entreprises, les universitaires, les chercheurs, …
… les emplois et la richesse économique ?
Parlons-nous du Grand Paris de la galère quotidienne des transports due, depuis bientôt trente ans, il faut le dire, à un manque chronique d’investissements ?
Parlons-nous du Grand Paris de la ségrégation territoriale, de l’iniquité fiscale et d’une péréquation financière tellement insuffisante…
… que c’est paradoxalement dans les villes les plus pauvres de nos banlieues que les impôts locaux sont les plus lourds, alors que les services à la population sont les plus faibles ?
Parlons-nous du Grand Paris du manque de logements, du manque de mixité sociale, du manque de structures d’hébergement qui laissent chaque nuit des centaines de personnes sur les bouches de métro de la capitale ?
Parlons-nous en somme d’un véritable projet métropolitain bâti à partir d’un constat partagé, dessinant les politiques à mener pour corriger cette situation ?
Parlons-nous enfin d’un véritable outil de gouvernance politique pour porter ce projet métropolitain ?
Malheureusement, monsieur le secrétaire d'État, comme vous le reconnaissez d’ailleurs, votre texte, s’il s’intitule « projet de loi relatif au Grand Paris », n’a pas l’ambition de traiter tous ces problèmes.
M. Yannick Bodin s’exclame.
Même amendé, sous l’impulsion de notre collègue Dominique Braye, par notre rapporteur, qui a souhaité, en ce qui concerne le logement, fixer une orientation en matière de gouvernance pour tenter d’atteindre l’objectif annuel de construction de 70 000 habitations, ce texte ne traite que des voies et moyens qui permettront à la future Société du Grand Paris de construire le métro automatique et d’assurer le développement du plateau de Saclay.
C’est déjà beaucoup, me direz-vous. Je pourrais partager cet avis, mais pour moi, c’est encore trop peu.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, si je souscris entièrement à votre projet de métro en rocade, qui me paraît effectivement porteur d’un important potentiel de développement économique, je considère qu’il ne suffira pas à construire ce Grand Paris où la cohésion urbaine et sociale serait assurée, une métropole dont le développement économique ne reposerait pas sur le schéma des années 1960, quand l’État a investi massivement sur des territoires qui ont ensuite capté la richesse fiscale.
Il y a deux ans, monsieur le secrétaire d’État, lorsque nous nous sommes entretenus pour la première fois de l’avenir du Grand Paris, j’ai défendu devant vous la thèse qui est la mienne depuis longtemps, celle de la création d’une collectivité locale en capacité de porter efficacement les grandes politiques publiques, garante de la cohésion urbaine et sociale par le partage de la richesse fiscale.
Cette collectivité locale serait, avec la région, qui a la charge des transports, l’interlocuteur dont l’État a besoin pour faire avancer ses propres projets.
Vous m’aviez alors répondu vouloir d’abord faire rêver les Franciliens et les élus locaux pour entraîner l’adhésion, avant de vous attaquer au problème de la gouvernance qui, selon vous, nous mènerait forcément à des querelles sans fin.
Où en sommes-nous aujourd’hui, après deux années ?
Nous avons effectivement un beau projet de transport que les maires concernés plébiscitent, alléchés qu’ils sont par l’idée d’obtenir une gare du futur métro sur le territoire de leur commune. Vous travaillez d’ailleurs directement avec eux, comme vous nous l’avez dit encore tout à l’heure.
Nous disposons également du travail réalisé par les dix équipes d’architectes maintenant réunies au sein de l’Atelier international du Grand Paris, mais nous n’avons toujours pas su entraîner l’adhésion de nos concitoyens, pas plus que nous n’avons su, entre élus locaux, construire les outils nécessaires.
À cet égard, mes chers collègues, balayons aussi devant notre porte : il ne suffit pas de reprocher à l’État de vouloir prendre la main ; encore faudrait-il que, collectivement, nous proposions un outil de gouvernance de cette métropole !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Philippe Dallier. Nous n’avons pas su construire cet outil, mais peut-être cela viendra-t-il.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
C’est bien cette structure qui devrait nous permettre d’aborder ensemble l’avenir de notre métropole.
Et que dire aujourd’hui des relations entre l’État et la région, si ce n’est que, depuis le soir du second tour des élections régionales, les couteaux sont tirés…
D’un côté le président de la région, largement réélu et pleinement légitime, voudrait nous faire croire – alors que, pendant toute la campagne électorale, le Grand Paris a été un non-sujet – que ce résultat vaut référendum contre le projet gouvernemental.
De l’autre côté, l’adoption par notre commission spéciale de l’amendement mettant fin, par la loi, au débat public engagé sur le projet « Arc Express » est vécue par la région comme une provocation, …
… et ce à juste titre.
Ce n’est donc pas, monsieur le secrétaire d’État, le rêve annoncé, mais plutôt le scénario de l’enlisement redouté que nous risquons aujourd’hui.
M. Philippe Dallier. Quelle déception je dois dire pour tous ceux qui, de droite, de gauche ou d’ailleurs, sont, comme moi, sincèrement convaincus de l’urgence qu’il y a à inventer une nouvelle organisation politique de notre métropole pour enfin porter un véritable projet métropolitain !
M. Jean Desessard s’exclame.
Alors, que faire aujourd’hui pour renouer les fils du dialogue et sortir de cette situation de blocage ?
Il faut d’abord que l’État reconnaisse, dans la logique de notre République aujourd’hui décentralisée, qu’il a besoin des collectivités locales, et pas seulement pour payer les factures en investissement ou en fonctionnement, mais dès l’élaboration des projets.
M. Jean-Louis Carrère applaudit.
Il faut ensuite que, dans cette région-capitale, les collectivités locales reconnaissent que l’État, garant de l’intérêt national, est légitime à y intervenir fortement.
Il faut également que les uns et les autres reviennent à la table des négociations et discutent enfin.
Pourrons-nous y parvenir uniquement en amendant ce texte ? Je ne le crois pas, mais nous pouvons en tous les cas donner des signes forts aux collectivités locales, notamment dans la constitution du conseil de surveillance de la future Société du Grand Paris.
Dans un récent entretien accordé à la revue L’Architecture d’Aujourd’hui, le Président de la République a, plus clairement encore que dans son discours du 29 avril dernier prononcé à la Cité de l’architecture, émis le souhait que le syndicat mixte Paris Métropole joue un rôle prépondérant dans ce Grand Paris. Je vous proposerai donc des amendements visant à le positionner comme tel.
Nous pouvons également, monsieur le secrétaire d’État, en revenant sur l’amendement de notre collège Yves Pozzo di Borgo, qui, certes, avait une logique vertueuse, mais qui est manifestement brutal, …
… inviter l’État et la région à discuter des projets de transport, à les retenir ou à les modifier, en fonction de la nouvelle donne que constitue votre métro automatique.
Mes chers collègues, à deux ans de la prochaine échéance présidentielle, chacun le comprend, le risque est grand d’un blocage complet jusqu’à cette échéance. C’est à l’évidence la tentation de certains.
Nous aurions alors perdu quatre années depuis 2008 !
Nous ne pouvons pas nous payer ce luxe-là. Voilà pourquoi je forme des vœux pour qu’au-delà de nos divergences politiques, qui peuvent bien sûr avoir du sens, nous tentions, de bonne foi, les uns et les autres, de faire bouger les choses.
Sur un sujet aussi important, nos concitoyens ne nous pardonneraient pas nos petites querelles, car c’est assurément, au bout du compte, le Grand Paris et la France entière qui y perdraient.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les accents des dernières interventions m’ont fait penser que nous avions échappé de peu à une guerre civile…
Revenons à la raison !
Je crois l’avoir indiqué dans mon propos introductif – mais peut-être certaines interventions avaient-elles été rédigées auparavant, c’est du moins le sentiment que j’en ai retiré –, il s’agit ici de faire le Grand Paris avec des outils présentés dans ce projet de loi, et de le faire ensemble, c'est-à-dire que l’État prend la responsabilité d’engager cette action et les collectivités territoriales concernées …
… ne paient pas l’infrastructure de transport.
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. … et je le répéterai chaque jour si nécessaire.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
J’y viens.
Nous avons la volonté de réaliser ensemble un projet stratégique d’intérêt national, chacun étant dans sa compétence.
J’ai apporté des précisions sur ce point tout à l’heure : les compétences de la région ne sont en rien affectées par ce projet de loi.
Je l’affirme depuis trois ou quatre mois et personne, à ce jour, ne m’a prouvé que mon analyse était erronée.
Je vous entendrai avec beaucoup d’intérêt. Mais ce n’est pas l’objet du débat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit ici de réaffirmer que chacun, dans ses compétences, doit aider à la réalisation de ce projet d’intérêt national.
Nous aurons l’occasion, dans les jours qui viennent, d’approfondir ces différentes questions au travers des amendements, mais je voudrais relever rapidement un certain nombre de points.
D’abord, je n’ai entendu aucune sénatrice ni aucun sénateur – ni d’ailleurs aucun député – remettre en cause la volonté de placer la ville-monde au niveau des grandes villes-monde actuellement en compétition.
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Ce point est fondamental car, si le schéma directeur d’aménagement de l’Île-de-France avait été ce qu’il aurait pu être, le Président de la République, lors de sa prise de fonctions, n’aurait pas été amené à demander, par l’intermédiaire du Premier ministre, à deux reprises, au président de la région de mettre en place un projet de développement régional ambitieux.
Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Non, pas du tout !
Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
Je suis prêt au dialogue, pas à un échange d’interjections !
Crédible ? Je vais vous dire en quoi ce qui vous est proposé est crédible, monsieur le sénateur.
Quand on propose un projet d’aménagement de la région parisienne par lequel on entend, même si cela n’a pas été dit à l’époque, faire de la capitale une ville-monde, c’est-à-dire une ville internationale, mais sans prévoir que le réseau de transport soit relié aux aéroports, que ce soit Roissy-Charles de Gaulle, Orly ou le Bourget, cela pose déjà un petit problème de stratégie !
Et puisque, par ailleurs, vous avez été nombreux à parler aujourd’hui de cohésion sociale, j’attire votre attention sur le fait que l’enclavement des territoires les plus sensibles - Montfermeil, Aulnay-sous-Bois, Clichy, Sevran, mais également Villiers - n’était en rien traité par le schéma directeur.
Donc, qu’il s’agisse du développement économique international ou de la cohésion sociale, il existait effectivement de profondes lacunes.
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. C’est la raison pour laquelle une ambition nouvelle était nécessaire.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
C’est ainsi qu’est né le projet du Grand Paris, mesdames, messieurs les sénateurs.
Messieurs Romani et Pozzo di Borgo, madame Dumas, vous avez rappelé très fortement l’enjeu du Grand Paris pour peser dans la compétition internationale, au bénéfice de toute la France, et pour favoriser la croissance du pays tout entier. Je vous en remercie. Tel est effectivement l’élément premier qui fonde ce projet.
Cela a d’ailleurs de nombreuses conséquences, notamment l’articulation de la région capitale avec sa façade maritime, que vous avez soulignée justement et avec beaucoup de talent, madame Morin-Desailly, monsieur Revet. Je vous rejoins parfaitement sur ce point.
En revanche, je dois écarter une interprétation du projet de loi que j’ai entendue mais que je récuse. Le projet de loi crée une Société du Grand Paris, c’est un fait, mais cela ne peut en rien préfigurer une forme de gouvernance du Grand Paris : ce n’est qu’un établissement.
D’aucuns ont estimé que le syndicat mixte Paris Métropole – j’ai d’ailleurs moi-même évoqué cette question dans mon propos introductif – pourrait être un élément préfigurant la gouvernance.
Ce n’est pas l’objet du présent projet de loi, mais nous pourrons en parler, et sérieusement, mesdames, messieurs les sénateurs.
MM. Dallier et Dominati, qui sont des spécialistes de la gouvernance, seront d’accord avec moi : ce n’est pas ainsi que l’on préfigurera la gouvernance du Grand Paris. Plus tard, la question de cette gouvernance devra être posée ; elle l’est déjà, mais en pointillé. Tout le monde doit pouvoir y travailler et trouver des formes consensuelles pour la résoudre.
Cette question m’amène, madame Bricq, à vous répondre sur les compétences. Vous avez rappelé que les collectivités territoriales « ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ».
Vous avez en effet cité les termes de l’article 72 de la Constitution, légitimant par là même ce projet de loi, qui met en œuvre des décisions correspondant à des compétences qui ne peuvent être mises en place que par l’État.
Vous savez d’ailleurs suffisamment ce qui se passe au-delà de nos frontières pour ne pas ignorer que, dans toutes les grandes capitales, y compris à Londres, qui n’est pas si loin, les grands projets d’intérêt national s’élaborent avec l’État.
La présence de l’État britannique au sein des autorités du Grand Londres est supérieure à celle de l’État français dans la gouvernance de Paris aujourd’hui et du Grand Paris de demain. Et je pourrais continuer la liste des exemples.
Non !
Madame Bricq, vous avez fait reproche au projet de loi relatif au Grand Paris de ne pas avoir repris le SDRIF.
Je ne développerai pas davantage les lacunes du schéma directeur, j’ai déjà parlé des aéroports, sinon pour citer rapidement le plateau de Saclay ou un certain nombre d’autres atouts qui n’ont pas été pris en compte, alors que tous contribueraient au rayonnement international et national de Paris.
Plus graves me semblent les propos que vous avez tenus sur les créances de l’industrie automobile, laissant entendre qu’elles pourraient ne pas être honorées.
Mme Nicole Bricq s’exclame.
Je suis très embarrassé de savoir que ces affirmations figureront au Journal officiel. Comment un élu de la nation peut-il prétendre avoir des doutes sur les créances des constructeurs automobiles français ?
Si, à l’échelon national, de telles réserves sont déjà gênantes, elles le sont plus encore à l’échelon international.
Depuis des mois, j’entends dire que le financement du réseau automatique de transport, dit « double boucle », ne sera pas assuré ...
... et que l’État ne parviendra pas à trouver un dispositif en ce sens.
Or, à peine l’examen de ce projet de loi par le Sénat a-t-il débuté que le Gouvernement explique, par ma voix, que cette infrastructure sera financée.
Ce ne sont que des paroles ! Nous verrons à l’automne ce qu’il en est, au moment de l’examen du projet de loi de finances !
Ce n’est pas vrai. Il n’est qu’à se reporter à mes propos : j’ai affirmé que ce serait le Président de la République, le Premier ministre ou moi-même !
… qu’ont évoqué Mme Voynet ainsi que MM. Lagauche et Mahéas. Notre ambition est-elle de voir la région réaliser les deux axes d’Arc Express – le nord et le sud –, soit seulement 50 kilomètres de voies, ...
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
... tandis que l’État se chargera des 130 kilomètres de la double boucle, qui reprend à 80 % le tracé d’Arc Express ?
Il faudra expliquer une telle position à la fois devant la Haute Assemblée et devant l’opinion publique.
Jusqu’à présent, je ne me suis pas prononcé sur ces questions, mais je le ferai maintenant que le débat est ouvert.
Il faudra également expliquer à Clichy-Montfermeil, Sevran, Gonesse et même Sarcelles qu’elles ne seront plus desservies… Sauf à repenser totalement Arc Express, et à revoir le dossier qui a été transmis à la Commission nationale du débat public, on voit mal comment ces communes pourront l’accepter, à juste titre, d’ailleurs, car elles ont commencé à comprendre le développement qu’elles peuvent attendre de cette desserte.
Ce qui m’importe, mesdames, messieurs les sénateurs, ce sont les projets eux-mêmes, non leurs auteurs ! J’aurais aimé applaudir à d’autres projets, pour peu que ceux-ci puissent se concrétiser intégralement et rapidement, parce qu’ils revêtent une importance stratégique pour les populations et pour l’économie.
Mmes Assassi, Tasca et Khiari ainsi que MM. Collin et Vera ont évoqué la nécessaire confiance qui devait régir les relations entre les collectivités territoriales et l’État. Dès l’instant que les compétences sont bien définies – c’est le cas – et que les engagements réciproques sont tenus à chaque fois qu’une variable d’ajustement doit être mise en place – je pense au contrat de plan État-région –, la confiance est possible. Je ne vois donc pas en quoi nous pourrions a priori nourrir des inquiétudes particulières à ce sujet.
Certes, nous aurons l’occasion d’approfondir la question des transports lors de la discussion des articles, mais je précise d’emblée à Mme Procaccia et à M. Cambon que le fait de favoriser, à l’est de l’aire urbaine, le développement du Val-de-Marne et d’intégrer dans le contrat de plan État-région ne serait-ce que le prolongement de la Tangentielle Nord jusqu’à Champigny-sur-Marne constitue une priorité pour le Gouvernement.
Certes, cela dépendra de la région et de l’État. Toutefois, il s’agira d’un point essentiel du contrat qui sera proposé par la région ou que nous amenderons. J’en ai pris l’engagement ; nous le tiendrons.
Madame Assassi, évitons les clichés. Si je comprends bien votre raisonnement, avec la double boucle, l’État se chargerait des trajets « boulot-boulot », alors qu’Arc Express assurerait les trajets « boulot-domicile ».
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Une telle position est difficilement soutenable, puisque, comme je le disais, le tracé d’Arc Express est intégré à 80 % dans la double boucle.
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous pouvons être en désaccord sur un certain nombre de sujets, mais au moins discutons de manière objective et raisonnable et posons les problèmes clairement. Nous aurons toujours le temps pour les effets de manche…
M. Collin a beaucoup insisté sur le désenclavement des territoires en désespérance. C’est tout à fait dans cette optique que le réseau de la double boucle a été conçu. Je me suis suffisamment battu sur ce tracé pour pouvoir affirmer devant vous qu’il est aujourd'hui arrêté. Il a même été arbitré directement par le Président de la République. Quel curieux pays que le nôtre, où une telle décision doive remonter aussi haut !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
C’est la vérité, qu’elle vous plaise ou non. Je n’ai pas pour habitude de dire autre chose !
Monsieur Badré, nous aurons l’occasion de revenir sur les propos forts pertinents que vous avez tenus, notamment sur l’articulation logement-emploi-transport et la constitution de polarités de vie qui ne soient pas seulement des polarités de techniciens ou d’ingénieurs. Mme Tasca a également beaucoup insisté sur ce point. Nous sommes d’accord. Rien dans le projet de loi qui vous est soumis ne va à l’encontre d’une telle ambition, bien au contraire.
Mme Hermange a évoqué l’écologie humaine. Je suis prêt à approfondir avec la Haute Assemblée cette notion, qui est essentielle. Mme Laborde a insisté sur la question du logement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’attends de ce débat au sein de la Haute Assemblée qu’il nous permette de parvenir à un accord le plus large possible, car j’ai constaté que, sur les travées de la majorité présidentielle comme sur celles de l’opposition, des convergences très fortes se dégageaient.
J’espère que nous parviendrons, avec l’aide du Gouvernement, à un accord sur un texte qui nous convienne.
Enfin, Mme Tasca a évoqué Saclay et je partage sinon toutes du moins certaines de ses positions. De nombreux articles du projet de loi y sont consacrés et leur examen nous donnera l’occasion d’y revenir de manière approfondie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère avoir répondu pour l’heure à l’ensemble des questions qui m’ont été posées par les différents intervenants.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport analysant les avantages et les inconvénients du maintien des dispositions prévues par l’instruction codificatrice n° 05-029-A8 de la direction générale de la comptabilité publique, prévu par l’article 197 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.
Ce rapport a été transmis à la commission des finances. Il est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Monique Papon.