Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention se limitera à la partie du texte consacrée au plateau de Saclay et à la création de l’établissement public de Paris-Saclay.
En premier lieu, le maintien du statu quo sur ce territoire ne me semble ni possible ni souhaitable. Une évolution est en effet indispensable, fondée sur un véritable « projet partagé » et sur les atouts accumulés par ce pôle scientifique tout au long de cinquante années d'histoire.
En second lieu, l'intervention de l'État est bien entendu bienvenue dans un contexte général marqué plutôt par son désengagement constant, particulièrement dans les domaines des transports, du logement, de la recherche et de l'emploi.
Mais cette implication doit s'opérer dans une démarche de co-élaboration avec les collectivités locales et les différents acteurs du territoire.
Il ne s’agit certainement pas d’ignorer les besoins des populations vivant sur le plateau et dans les vallées, en mettant en cause l'indépendance de la recherche, en menaçant la pérennité de l'activité agricole et en s'opposant à l'action et aux projets des élus locaux.
Monsieur le secrétaire d’État, je veux d'emblée vous faire part d'une opinion largement partagée par tous les acteurs locaux : l'intervention autoritaire de l'État ne peut que conduire à une impasse.
En effet, ce territoire n'a pas attendu la création d'un établissement public pour devenir un pôle scientifique et technologique de renommée mondiale. Il regroupe déjà la plus puissante concentration de personnels et de moyens de la recherche publique française.
La palette d’établissements prestigieux y est exceptionnelle. Je pense notamment à l’université Paris-Sud XI, à de grands organismes de recherche tels le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, le Commissariat à l’énergie atomique, le CEA, ou l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, à de grandes écoles comme Polytechnique, HEC ou Supélec, à des équipements majeurs comme le Synchrotron et, enfin, à de grandes entreprises comme Thalès, Renault, Alcatel-Lucent ou encore EADS.
Dès lors, on peut légitimement s’interroger sur les raisons qui poussent le Gouvernement à définir par la loi des dispositions relatives à la création d’un cluster scientifique et technologique, alors que celui-ci existe manifestement déjà.
La réponse à une telle interrogation se trouve sans doute dans l’une de vos déclarations, monsieur le secrétaire d’État : « L’excellence des équipes devra être utilisée pour nourrir des thématiques plus orientées vers le marché ».
Ainsi, le véritable objectif visé par le Gouvernement consiste en réalité à s’assurer la maîtrise et l’orientation de l’ensemble des activités d’un tel pôle scientifique, notamment les activités de recherche, avec la nécessité d’avoir la haute main sur l’aménagement du cluster.
Il s’agit pour vous de réorienter l’activité du dispositif de recherche fondamentale vers les secteurs susceptibles de rentabilité de court terme, tout en connectant plus directement l’élite de la recherche avec les grands groupes privés.
Avec ses atouts d’exception, le plateau de Saclay est, à vos yeux, le cadre idéal pour réaliser le prototype d’une conception libérale des relations entre la science, l’enseignement supérieur et les intérêts des secteurs privés. Cette réalisation aurait valeur de référence pour l’ensemble du territoire national et valeur démonstrative pour les pays étrangers.
Non seulement une telle soumission de la recherche fondamentale à des intérêts privés de court terme n’est pas admissible, mais, en plus, la valorisation de quelques formations d’élite, qui conduit en réalité à un véritable écrémage, reléguera au second plan les missions de formation de la grande masse des étudiants.
Alors que le Gouvernement désagrège la recherche publique et l’enseignement supérieur, les risques d’un pilotage des activités de recherche centré sur la valorisation économique sont grands. Les outils de recherche publique se trouveront ainsi à la disposition d’entreprises privées, qui, de leur côté, réduisent leurs propres coûts en n’hésitant pas à multiplier les restructurations et les plans de suppressions d’emploi, notamment dans les domaines de la recherche et du développement.
De plus, la pertinence du choix consistant à délocaliser de nouveaux centres de recherche public ou privés, de nouvelles grandes écoles, et de les concentrer sur un périmètre aussi restreint que celui du plateau de Saclay est loin d’être démontrée.
De telles délocalisations pénaliseront lourdement les territoires sur lesquels les structures concernées sont actuellement implantées, participant ainsi à une mise en concurrence des territoires, que nous condamnons, et à un accroissement des inégalités territoriales, que nous combattons. Et qu’allons-nous y gagner ?
Monsieur le secrétaire d’État, en réalité, votre conception d’un cluster fondé seulement sur la proximité géographique relève d’un modèle ancien, totalement inadapté au développement actuel des activités de recherche et des modes de communication modernes.